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LES ENSEIGNEMENTS DES MAITRES DE LA HIERARCHIE

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CHAPITRE IV — L'ÉMOTION 1 — NAISSANCE DE L'ÉMOTION

CHAPITRE IV

L'ÉMOTION

1

NAISSANCE DE L'ÉMOTION


L'émotion n'est pas un état primaire ou simple de la conscience ; c'est un composé formé par l'action mutuelle qu'exercent l'un sur l'autre deux aspects du Soi – le désir et l'intellect. L'action de l'intellect sur le désir donne naissance à l'émotion, enfant des deux, qui présente quelques-unes des caractéristiques de son père, l'intellect, et aussi de sa mère, le désir.
À un degré d'évolution avancé, l'émotion semble si différente du désir que leur identité fondamentale en est jusqu'à un certain point voilée ; mais nous pouvons nous convaincre de cette identité en suivant le travail de transformation d'un désir en une émotion ou en les étudiant tous deux simultanément ; nous verrons ainsi qu'ils ont les mêmes caractéristiques, les mêmes divisions, que l'un n'est par le fait d'une forme élaborée de l'autre, cette élaboration étant due, à la présence dans le dernier, d'éléments intellectuels qui font défaut ou tout [278] au moins ne sont pas aussi marqués dans le premier.
Suivons, par exemple, la transformation d'un désir en une émotion, dans l'une des relations les plus ordinaires des êtres humains entre eux, les relations des sexes, nous avons là le désir sous l'une de ses formes les plus simples ; le désir pour la nourriture et le désir pour l'union sexuelle sont les deux désirs fondamentaux de tous les êtres vivants – désir de la nourriture afin d'entretenir la vie du corps ; désir de l'union sexuelle afin de multiplier les vies. Dans les deux cas un sentiment d'augmentation se fait sentir ; autrement dit, le plaisir apparait. Le désir pour la nourriture reste, en tant que désir ; la nourriture est appropriée, assimilée, perd son identité séparée et devient une partie du Moi. Il n'y a pas, entre l'aliment et celui qui le consomme, de relation qui puisse offrir un champ à l'élaboration d'une émotion. Mais il en est tout autrement dans les relations des sexes, qui tendent à devenir de plus en plus permanentes avec l'évolution de l'individualité.
Deux sauvages sont attirés l'un vers l'autre par l'attraction des sexes ; chez chacun d'eux s'éveille le désir passionné de posséder l'autre, chacun désire l'autre. Ce désir est aussi simple que le désir pour la nourriture. Mais il ne peut pas être satisfait au même degré, car aucun des deux ne peut s'approprier et assimiler l'autre complètement ; chacun conserve dans une certaine mesure son être séparé et chacun ne devient qu'en partie le Moi de l'autre. Il y a certainement une extension du Moi, mais cette extension se fait par addition et non par identification, La présence de cet obstacle persistant est nécessaire [279] pour que le désir se transforme en émotion. C'est cette émotion qui rend l'anticipation possible, et qui fait que la mémoire s'attache à un objet unique au lieu de passer à un autre objet de même espèce – comme pour la nourriture. Le désir continu de s'unir avec un seul et même objet, devient une émotion, et des pensées se mêlent au désir initial de posséder. Cet obstacle qui oblige deux objets, mutuellement attirés l'un vers l'autre, à rester séparés au lieu de s'unir, qui les empêche de se fusionner l'un dans l'autre, immortalise en réalité, bien qu'il paraisse priver de quelque chose ; si cet obstacle disparaissait, le désir et l'émotion s'évanouiraient aussi, et il faudrait que les Deux-en-Un cherchent un autre objet extérieur pour permettre au plaisir de se renouveler.
Mais revenons à nos deux sauvages unis par le désir. La femme tombe malade et pour un certain temps cesse d'être un objet de gratification des désirs sexuels. Mais l'homme se souvient du passé et prévoit d'avance le plaisir futur, en même temps qu'il ressent de la sympathie et de la compassion pour la faiblesse et la souffrance de sa compagne. L'attraction persistante qu'il ressent pour elle, et qui est due au souvenir et à l'anticipation, transforme le désir en émotion, la passion en amour, dont la sympathie et la compassion sont les premières manifestations. Il sera amené, par-là, à se sacrifier pour elle, à veiller auprès d'elle pour la soigner lorsqu'il devrait dormir, à travailler à sa place lorsqu'il aimerait à prendre lui-même du repos. Ces états passagers d'émotion d'amour deviendront plus tard des vertus, c'est-à-dire qu'ils deviendront une disposition d'esprit permanente [280] qui rendra l'individu prêt à répondre aux besoins de toutes les personnes avec lesquelles il entre en contact, que ces personnes l'attirent ou non. Nous verrons plus loin que les vertus ne sont que des états permanents d'une noble émotion.
Pendant, avant de nous occuper des relations entre les émotions et les lois morales, il faut que nous réalisions parfaitement l'identité fondamentale du désir et de l'émotion en notant leurs caractéristiques et leurs divisions communes. Nous verrons que les émotions ne sont pas un labyrinthe impossible à démêler, mais qu'elles font toutes partie d'une souche commune, qu'elles se divisent en deux troncs principaux qui se subdivisent à leur tour en branches sur lesquelles poussent les feuilles des vertus et des vices.
Cette idée si précieuse, qui permet d'établir une science des émotions, et de constituer un code de morale intelligible et rationnel est due à un écrivain indou, Bhagavân Dâs ; c'est lui qui, le premier, a apporté la lumière dans cette région, jusque-là obscure, de la conscience. Les étudiants en psychologie trouveront dans son livre la Science des Émotions, avec l'exposé de cette doctrine, un traité très clair, qui fait du chaos des émotions un cosmos parfaitement ordonné. Les grandes lignes de notre théorie ont été empruntées à cet ouvrage auquel nous renvoyons les lecteurs pour de plus amples détails.
Nous avons vu que le désir se manifeste de deux façons principales : le désir d'attirer un objet afin de le posséder ou d'entrer en contact avec un objet ayant procuré du plaisir à une époque antérieure ; le désir de repousser un objet afin de l'écarter loin de soi ou d'éviter [281] d'entrer en contact avec un objet ayant déjà causé de la douleur. Nous avons vu que l'attraction et la répulsion sont les deux formes du désir qui viennent influencer le Soi.
L'émotion n'étant que le désir allié à l'intellect, présentera inévitablement cette double forme. Cette émotion qui tient de l'attraction, qui attire les objets les uns vers les autres par la force du plaisir, qui est l'énergie intégrante de l'univers, c'est l'amour. Cette émotion qui tient de la répulsion, qui sépare les objets les uns des autres par la douleur, qui est la force désintégrante, c'est la haine. Ce sont là les deux troncs principaux qui partent de la souche du désir, et toutes les branches des émotions prennent naissance sur l'un ou l'autre de ces deux troncs.
Nous voyons là l'identité des caractéristiques du désir et de l'émotion ; l'amour cherche à attirer ou à poursuivre l'objet de ses désirs, afin de s'unir à lui, de le posséder ou d'être possédé par lui. Par le plaisir, par la joie, il crée des liens comme le désir. Ces liens sont certainement plus durables, plus compliqués et formés de fils plus nombreux, plus délicats, plus finement tissés ; mais l'essence du désir-attraction – le lien qui rattache deux objets l'un à l'autre – est aussi l'essence de l'émotion-attraction, l'amour. La haine cherche, de la même façon, à rejeter loin d'elle l'objet de sa répulsion, afin d'en être séparé, de le repousser ou d'être repoussée par lui. Et l'essence du désir-répulsion est aussi l'essence de l'émotion-répulsion, la haine. L'amour et la haine ne sont que des formes élaborées, mêlées de pensées, du désir pur et simple de posséder ou de fuir un objet. [282]


2 — RÔLE DE L'ÉMOTION DANS LA FAMILLE


On a dit de l'homme qu'il est un "animal social" – une expression biologique par laquelle on veut nous faire comprendre qu'il se développe mieux lorsqu'il est en contact avec ses semblables que lorsqu'il est isolé. Ses facultés purement intellectuelles ont besoin pour évoluer d'un milieu social, et les plus grandes joies – et par conséquent aussi les plus grandes douleurs – que l'individu puisse ressentir, résultent de ses rapports avec ses semblables. Seuls ces rapports avec les autres pourront éveiller en lui les réponses dont dépend toute son évolution ultérieure. Toute l'évolution, toute la mise en valeur de ses pouvoirs latents dépend de sa réponse aux influences de l'extérieur, et lorsque le stade humain est atteint, le contact avec d'autres êtres humains peut seul donner naissance à des influences plus sensibles et plus effectives.
L'attraction des sexes constitue le premier lien social ; les enfants qui naissent de l'homme et de la femme forment avec leurs parents la première unité sociale : la famille. L'impuissance prolongée des jeunes enfants, leur dépendance vis-à-vis de leurs parents, permet à la passion physique de se transformer en amour maternel et paternel, et resserre les liens de la famille, tandis que celle-ci offre un champ libre à l'action des différentes émotions. Ainsi se trouvent établies des relations définies et permanentes entre êtres humains ; et c'est de l'harmonie de ces relations et des avantages qui en résultent pour chaque membre de la famille, que dépend le bonheur de chacun. [283]
Nous pourrons étudier avec profit l'oeuvre de l'Émotion dans la famille, car nous avons en elle une unité sociale relativement simple qui offre cependant une image en miniature de la société dans son ensemble. Nous y trouvons l'origine et l'évolution des vertus et des vices et nous voyons ainsi la signification et le but de la moralité.
Nous avons déjà vu comment évolue la passion sexuelle, comment, sous l'influence des circonstances elle se transforme en émotion d'amour, et comment cet amour devient de la tendresse et de la compassion lorsque la femme, au lieu d'être l'égale de l'homme, dépend de lui, lorsqu'une infériorité physique, comme la grossesse par exemple, la réduit pour un certain temps à l'impuissance. Par contre, qu'une maladie ou un accident quelconque s'abatte sur le mari et le condamne à une infériorité physique temporaire, toute la tendresse et la compassion de sa femme iront à lui. Mais le plus fort ne saurait témoigner de l'amour au plus faible sans éveiller en lui une réponse ; le plus faible répondra naturellement à ce témoignage de tendresse, par la confiance, la foi, la gratitude, toutes émotions d'amour montrant le sentiment de sa faiblesse, de son infériorité. Dans les rapports entre parents et enfants ou entre enfants et parents, la supériorité ou l'infériorité physique étant bien plus marquée et durable, ces émotions d'amour se manifesteront continuellement de part et d'autre. Les parents feront, à tout moment, preuve de tendresse, de compassion, de protection envers leurs enfants, et ceux-ci répondront à ces sentiments par une confiance, une foi, une gratitude constantes.
Sous l'influence de circonstances variées, ces manifestations de l'émotion-amour changeront [284] d'aspect ; ce sera du côté des parents, la générosité, le pardon, la patience, etc. ; du côté des enfants, l'obéissance, le respect, l'obligeance, etc. Si nous examinons ces deux sortes d'émotions d'amour, nous voyons que l'essence de l'une est la bienveillance, et l'essence de l'autre le respect ; la première est l'amour qui laisse tomber son regard sur ceux, qui sont plus faibles que lui, qui lui sont inférieurs ; l'autre est l'amour qui regarde en haut, vers ceux qui sont plus forts que lui, qui sont supérieurs à lui. On peut donc dire d'une façon générale que : l'amour qui se déverse vers le bas est la bienveillance, l'amour qui tend vers le haut est le respect ; ce sont là les différentes caractéristiques que l'on rencontre toujours dans l'amour de supérieur à inférieur ou d'inférieur à supérieur.
Les relations ordinaires entre mari et femme, entre frères et soeurs, offrent un champ à l'étude des manifestations de l'amour entre égaux. Nous voyons l'amour prendre la forme de tendresse, de confiance mutuelle, de respect, de perception des désirs de ceux qui, nous entourent, et des efforts que nous faisons pour les satisfaire, de magnanimité, de patience. Nous retrouvons ici les mêmes éléments que dans les émotions d'amour de supérieur à inférieur, mais empreints d'un sentiment de mutualité. Nous pouvons donc dire que la caractéristique de l'amour entre égaux est le désir d'aide mutuelle.
La bienveillance, le désir d'aide mutuelle et le respect sont donc les trois grandes divisions de l'émotion-amour et toutes les émotions de ce genre pourront y prendre place, car toutes les relations des êtres humains entre eux se trouvent résumées dans ces trois grandes divisions : [285] relations entre supérieurs et inférieurs, relations entre égaux, relations entre inférieurs et supérieurs.
Si nous étudions de la même façon l'émotion-haine, nous verrons que dans la famille les résultats sont les mêmes. S'il y a de la haine entre l'homme et la femme, celui des deux qui pour le moment est le supérieur fera preuve de dureté, de cruauté, de tyrannie envers son inférieur qui, lui, répondra à ces sentiments par des manifestations de haine caractéristiques de la faiblesse, comme l'hostilité, la crainte, la perfidie. Ces sentiments seront encore plus apparents entre parents et enfants, lorsque des deux côtés l'émotion-haine domine, car la différence est beaucoup plus marquée dans ce cas, et la tyrannie produit une véritable abondance d'émotions malsaines – fourberie, servilité, lâcheté, tant que l'enfant est impuissant, et qui tournent plus tard en révolte et en désir de vengeance. Là encore, en cherchant une caractéristique commune, nous trouvons que la haine dirigée de haut en bas devient le mépris, et de bas en haut la crainte.
De même la haine entre époux se montrera sous forme de colère, de désaccord, de manque de respect, de violence, d'hostilité, de jalousie, d'insolence, etc., émotions qui séparent les individus, et qui, lorsqu'ils sont en face l'un de l'autre, font naitre en eux une rivalité mutuelle qui les empêche de marcher la main dans la main. La caractéristique de la haine entre égaux est donc le préjugé mutuel ; et les trois caractéristiques de l'émotion-haine sont le mépris, le désir de préjudice mutuel et la crainte.
L'amour est caractérisé dans toutes ses manifestations par la sympathie, le sacrifice de [286] soi-même, le désir de donner ; ce sont là ses éléments essentiels, qu'il s'offre à nous sous forme de bienveillance, de désir d'aide mutuelle ou de respect. Car toutes ces différentes manifestations sont nécessaires à l'attraction ; elles favorisent l'union et sont la nature de l'amour même. L'amour tient donc de l'Esprit, car la sympathie consiste à "ressentir pour les autres comme pour nous-mêmes" ; le sacrifice est ce sentiment qui fait que nous considérons les prétentions des autres comme si elles étaient les nôtres ; et l'acte de donner est une des conditions de la vie spirituelle. Nous voyons ainsi que l'amour vient de l'Esprit, le côté Vie de l'univers.
La haine, par contre, est caractérisée dans toutes ses manifestations par l'antipathie, l'exaltation de soi-même, le désir de prendre ; ce sont là ses éléments essentiels, qu'elle se manifeste sous forme de mépris, de désir, de préjudice mutuel ou de crainte. Ces manifestations favorisent directement la répulsion, la séparation. La haine tient donc de la matière ; elle accentue la diversité, les différences ; elle est essentiellement séparative et appartient au côté forme de la Nature.
Nous avons jusqu'ici étudié l'oeuvre de l'émotion dans la famille, car la famille nous offre une image en miniature de la Société. La Société n'est que le groupement d'un grand nombre d'unités de familles : mais comme il n'existe pas de lien du sang entre toutes ces unités différentes, comme il n'y a pas entre elles d'intérêts ni de but communs, il devient nécessaire de trouver un lien quelconque qui prendra la place des liens de famille. Les unités de familles dans la Société semblent plutôt être des rivales que des [287] frères et des soeurs : c'est pourquoi l'émotion-haine a plus de chances d'y régner que l'émotion-amour ; il est donc nécessaire de trouver un moyen de maintenir l'harmonie entre les individus. Ce moyen, la transmutation des émotions d'amour en vertu nous le donnera.


3 — NAISSANCE DES VERTUS


Nous avons vu que lorsque des membres proches d'une famille viennent à sortir du cercle étroit des leurs, et se rencontrent avec des individus dont les intérêts sont différents des leurs ou opposés aux leurs, il n'y a aucun échange mutuel d'amour. C'est plutôt la haine qui se montre, allant de la simple attitude méfiante qu'engendre le soupçon jusqu'à la furie destructive de la guerre. Comment, dans ce cas, une société peut-elle être composée d'unités, de familles séparées ?
Ceci n'est possible que si les émotions qui naissent de l'amour deviennent chez les individus un état d'âme permanent, si les émotions engendrées par la haine sont absolument détruites. Une émotion d'amour envers un être vivant, devenue une disposition d'esprit continuelle, se transforme en une vertu et une émotion de haine incessante, devient un vice. Cette transformation est opérée par l'intellect qui donne à l'émotion un caractère permanent, et cherche à créer l'harmonie dans toutes les relations entre individus, afin de procurer le bonheur. Ce qui conduit à l'harmonie, et par conséquent au bonheur dans la famille, c'est la vertu, ce sentiment spontané qui nait de l'amour, lorsque cette vertu s'étend [288] à tous les êtres, dans toutes les circonstances de la vie. La vertu nait de l'amour et son résultat est le bonheur. Par contre, le vice qui nait spontanément de la haine conduit au désaccord et, par conséquent, à la misère dans la famille, lorsqu'il s'étend à tous les êtres, dans toutes les circonstances de la vie.
Cette théorie – qu'une émotion d'amour devient un état d'esprit permanent – a donné lieu à une objection. On dit que l'adultère, le vol, et d'autres vices peuvent naitre de l'émotion-amour. Il faut analyser les éléments qui composent l'attitude mentale dans ce cas. Cette attitude est tout à fait complexe. L'adultère a certainement l'amour pour motif, mais pas l'amour seul. Il y entre aussi un certain mépris pour l'honneur du prochain, de l'indifférence pour son bonheur, la recherche égoïste du plaisir personnel aux dépens de l'harmonie, de l'honneur, des convenances sociales. Tout cela résulte des émotions de haine. Le seul sentiment qui puisse atténuer la faute, c'est l'amour, unique vertu au milieu de tous ces vices méprisables. Nous voyons ainsi que lorsqu'une émotion d'amour prend une mauvaise direction, le tort est tout entier aux vices qui accompagnent la manifestation de cette émotion, et non à l'émotion d'amour elle-même.


4 — LE BIEN ET LE MAL


Considérons un instant la question du bien et du mal et voyons quels rapports il y a entre ces deux choses et la félicité et le malheur. On pense souvent que c'est faire preuve d'un matérialisme peu élevé que de considérer la vertu comme un moyen de parvenir au bonheur. [289] Beaucoup de gens se figurent que cette manière de voir rabaisse la vertu et la relègue au second rang, tandis que c'est la première place qu'elle devrait occuper, et disent qu'elle fait de la vertu un moyen et non un but. Voyons comment la vertu peut conduire au bonheur, et comment cette vertu est inhérente à la nature même des choses.
Lorsque l'intellect se porte sur le monde extérieur, qu'il voit les relations innombrables de toutes les choses entre elles, qu'il se rend compte que les relations harmonieuses apportent le bonheur, et que les relations discordantes engendrent la misère, il cherche le moyen d'établir une harmonie universelle afin d'arriver au bonheur universel. Il se rend compte que l'humanité suit un chemin qui lui est inévitablement tracé et découvre ainsi la loi de l'Évolution. Pour chaque entité séparée, pour chaque unité, travailler en harmonie avec la loi du grand Tout dont elle fait partie, signifie paix, harmonie et par conséquent bonheur. Tandis qu'agir à l'encontre de la loi, c'est engendrer les frottements, la discorde, la misère. Le bien est donc ce qui, par son harmonie avec la grande loi, apporte le bonheur ; le mal est ce qui engendre le malheur par son désaccord avec la loi. Lorsque l'intellect, illuminé par l'Esprit, verra dans la Nature une expression de la Pensée divine, dans la loi de l'Évolution une expression de la Volonté divine, dans le but de cette évolution, une expression de la félicité divine nous pourrons remplacer harmonie avec la loi de l'évolution par harmonie avec la volonté divine, et le bien sera ce qui est en harmonie avec la volonté de Dieu, et la morale deviendra une vraie religion. [290]


5 — LA VERTU ET LE BONHEUR


La perfection, l'harmonie avec la volonté divine est inséparable du bonheur. La vertu est le chemin qui conduit au bonheur, et tout ce qui ne mène pas au bonheur ne saurait être la vertu. La perfection de la Nature divine se manifeste par l'harmonie, et lorsque les fragments divins, éparpillés dans l'univers, atteignent à l'harmonie, ils goutent une félicité sans mélange. Cette idée se trouve souvent voilée par le fait que la pratique de la vertu conduit dans certains cas à la misère. Cela est vrai, mais cette misère n'est que temporaire et superficielle, et le contraste entre la misère extérieure et la félicité intérieure qui résulte d'une conduite vertueuse prêche plutôt en faveur de cette dernière ; de plus, cette misère n'est pas due à la vertu elle-même, mais bien aux circonstances qui s'opposent à sa pratique, au frottement qui se produit entre un organisme parfait et un entourage défectueux. Si vous faites vibrer un accord harmonieux au milieu d'un ensemble de fausses notes, la dissonance sera amplifiée pendant un instant. L'homme vertueux entre en lutte avec le mal ; mais ceci ne devrait pas nous faire perdre de vue que la félicité est toujours indissolublement liée au bien et la misère au mal. Même si l'homme de bien souffre parfois, il n'en est pas moins vrai que seule la justice peut nous conduire au bonheur. Et si nous examinons la conscience de l'homme juste, nous verrons qu'il est plus heureux en faisant le bien, même s'il en résulte pour lui une souffrance superficielle, qu'en faisant le mal, ce qui détruirait la paix intérieure. En commettant une mauvaise action, [291] il ressent une douleur intérieure qui dépasse de beaucoup le plaisir extérieur. Même lorsqu'en agissant selon la justice il a à souffrir extérieurement, cette douleur lui est moins sensible que celle qu'il ressentirait en agissant injustement. Mlle Helen Taylor a bien exprimé cette idée, lorsqu'elle nous dit que, pour l'homme qui meurt pour la vérité, la mort est plus douce qu'une vie de mensonges. Il est plus doux et plus facile à l'homme juste de mourir en martyr que de vivre en hypocrite.
Comme la nature du Soi est la félicité, et que la manifestation de cette félicité n'est empêchée que par des circonstances qui s'opposent à elle, ce qui fera disparaitre ce frottement et ouvrira le chemin à cette manifestation, amènera la réalisation du Divin en soi, par conséquent la réalisation de la félicité. Là où la nature intime des choses est paix et joie, l'harmonie qui permettra à cette nature de se manifester, apportera avec elle la paix et la joie, et l'oeuvre de la vertu est de donner naissance à cette harmonie.


6 — TRANSMUTATION DES ÉMOTIONS EN VERTUS ET EN VICES


Cherchons maintenant à approfondir la véracité de ce qui a été dit plus haut : que la vertu nait des émotions, et voyons jusqu'à quel point il est exact de dire qu'une vertu ou un vice n'est que l'état permanent d'une émotion. Dans notre définition, nous avons dit que la vertu est un état permanent de l'émotion-amour, et le vice un état permanent de l'émotion-haine. [292]
Les émotions d'amour forment des énergies constructives qui, en attirant les individus les uns vers les autres, donnent naissance à la famille, la tribu, la nation. L'amour est une manifestation de l'attraction, il unit les objets entre eux. Ce travail de construction commence par la famille, et les relations qui s'établissent entre ses différents membres dans la vie commune, impliquent des efforts de la part de chacun pour être doux et serviable envers les autres, s'ils aspirent tant soit peu au bonheur. Les obligations nécessaires au bonheur dans les relations entre individus, constituent le devoir, ce que chacun doit aux autres. Si chaque membre de famille ne s'acquitte pas de ses devoirs envers les autres, les relations familiales deviennent une source de souffrance, car ; dans le contact intime des membres entre eux, le bonheur de chacun dépend de la façon dont il est traité par les autres. Il ne peut exister entre êtres humains de relations qui ne créent une obligation, un devoir réciproque. Le mari aime sa femme, la femme aime son mari, et pour que chacun cherche à procurer le bon heur à l'autre, il suffit de ce désir spontané, intense, de rendre heureuse la personne aimée. C'est ce désir qui pousse celui qui est capable de donner, à procurer à l'autre ce qui lui manque. Dans son sens le plus large : "l'amour est l'accomplissement de la loi" 77 ; le sentiment d'une obligation est inutile, car l'amour cherche toujours à aider, à donner le bonheur et il n'est pas nécessaire de lui dire "tu feras ceci" ou "tu ne feras pas cela".

77 Ép. aux Romains, XIII, 10.

Mais si une personne, poussée par son amour [293] à s'acquitter de tous les devoirs qui lui incombent dans ses rapports avec tous ceux qui l'entourent, entre en contact avec des personnes qu'elle n'aime pas, comment des relations harmonieuses pourront-elles s'établir entre elle et ces personnes ? Simplement en reconnaissant les obligations qu'impliquent les relations qu'elle vient de créer, et en s'acquittant de ces devoirs. Ce que, dans le cas précédent, elle accomplissait par amour devient l'obligation, le devoir, maintenant que l'amour est absent. La raison fait des actes spontanés d'amour des obligations durables, des devoirs, et l'émotion-amour, devenant un élément permanent dans la conduite, prend le nom de vertu. Voilà donc justifiée notre théorie que la vertu est un état permanent de l'émotion-amour. L'émotion devient un état d'esprit permanent, et se manifestera dans tous les rapports entre individus ; l'homme qui s'acquitte des obligations que lui créent ces rapports, est un homme vertueux. Il est guidé dans ses actions par des émotions que son intelligence a rendues permanentes, cette intelligence ayant reconnu que le bonheur dépend de l'harmonie dans toutes les relations. L'amour, rendu raisonnable et stable par l'intelligence, devient la vertu.
Nous pourrions ainsi créer une science de morale, une science dont les lois s'enchaineraient les unes les autres, aussi surement que celles sur lesquelles repose n'importe quelle autre science.
Il y a une relation du même genre entre l'émotion-haine et les vices. L'état permanent de l'émotion-haine constitue le vice. Une personne cause un préjudice quelconque à une autre personne ; celle-ci le lui rend ; la relation qui s'établit entre elles est discordante et engendre la souffrance. [294]
Et comme chacune s'attend à un préjudice quelconque de la part de l'autre, chacune cherche à enlever à son adversaire une partie de son pouvoir de nuire ; cela constitue un acte spontané de haine. Lorsque cet état d'esprit devient permanent et que l'individu le manifeste chaque fois que dans ses relations avec les autres l'occasion se présente de le faire, cet état d'esprit devient un vice. Un homme aux passions indomptables, d'une nature peu développée, frappe un de ses semblables – expression spontanée de haine – il répète cet acte fréquemment, de telle sorte que cela devient chez lui une habitude, lorsqu'il est en colère. Il cause de la douleur à celui qu'il frappe, et prend plaisir à le faire. Il développe ainsi en lui le vice de la cruauté, et s'il rencontre un enfant ou une personne plus faible que lui, il manifestera cette cruauté, simplement parce qu'il se trouve entrer en relations avec eux. Tout comme l'émotion-amour, guidée et rendue permanente par une raison éclairée devient la vertu, de même l'émotion-haine, guidée et rendue permanente par une raison aveugle et déséquilibrée, devient le vice.


7 — APPLICATION DE CETTE THÉORIE À LA CONDUITE


Lorsqu'on se rend compte ainsi de la nature du vice et de la vertu, il est facile de comprendre que le moyen le plus efficace de cultiver les vertus et d'éliminer les vices est d'agir directement sur le côté émotionnel du caractère. Nous pouvons faire tous nos efforts pour développer en [295] nous l'émotion-amour et fournir ainsi à la raison le matériel dont elle fera, en l'élaborant, des vertus caractéristiques. Ce développement de l'émotion-amour est le moyen le plus efficace pour améliorer notre caractère moral, car les vertus ne sont que les fleurs et les fruits de l'arbre de l'amour.
Nous nous rendrons compte combien il est nécessaire de comprendre cette transmutation des émotions en vertus et en vices, lorsque nous saurons que, par là, nous aurons une théorie qui pourra servir de base à nos actions ; c'est comme si nous voulions trouver une contrée éloignée et qu'on nous mette une carte sous les yeux, nous suivrions sur cette carte le chemin qui nous conduirait du point que nous occupons actuellement à l'endroit cherché. Il y a tant de personnes réellement bonnes et pleines d'ardeur qui perdent des années à aspirer vaguement à la bonté et qui cependant font peu de progrès ; elles sont pleines de bonne volonté, mais trop faibles pour atteindre le but. Cela tient surtout à ce qu'elles ne comprennent pas leur propre nature et les méthodes qui conviennent le mieux à son développement. Elles ressemblent à un jeune enfant au milieu d'un jardin, brulant du désir de voir ce jardin rempli de belles fleurs, mais n'ayant aucune idée de la façon de planter et de cultiver ces fleurs, et de détruire les mauvaises herbes qui envahissent tout. Comme l'enfant, elles aspirent aux doux parfums des fleurs de la vertu, et voient leur jardin envahi par les mauvaises herbes et les ronces du vice. [296]


8 — UTILITÉ DES ÉMOTIONS


L'utilité de l'émotion-amour est si évidente qu'il semble à peine nécessaire de s'y arrêter ; et cependant on ne saurait trop souvent répéter que l'amour est la force édificatrice dans l'univers. Après avoir rassemblé les unités de famille, il les réunit en unités de tribus, de nations, et c'est d'elles que naitra plus tard la grande Fraternité des hommes. Il ne faut pas oublier non plus que les unités plus petites font apparaitre le pouvoir de l'amour et favorisent sa manifestation plus complète. Leur but est d'appeler à la manifestation le pouvoir divin de l'amour caché au sein de l'Esprit, en lui procurant les objets qui se trouvent à sa portée et vers lesquels il est attiré.
L'amour ne saurait rester enfermé dans ces limites étroites ; à mesure qu'il devient plus fort par la pratique, il s'étend, s'élargit jusqu'à embrasser dans son étreinte tous les êtres vivants. La loi de l'amour pourrait se formuler ainsi : "Considère chaque personne âgée comme ton père et ta mère ; regarde toute personne de ton âge comme ton frère ou ta soeur, et, toute personne plus jeune que toi comme ton enfant."
Toutes les relations entre les êtres humains sont résumées dans ce commandement. Si tous voulaient obéir à cette loi dans son intégrité, notre terre deviendrait un paradis, et c'est dans ce but que la famille a été constituée.
Que l'homme qui aspire à élargir ses relations d'amour considère le bienêtre de la communauté à laquelle il appartient comme s'il s'agissait de sa propre famille. Qu'il cherche à travailler pour le bien général de cette communauté avec la même énergie, le même [297] intérêt que s'il s'agissait de sa propre famille. Par la suite il étendra son intérêt, son affection, son travail, à la nation entière. C'est là qu'apparaitra alors cette grande vertu, l'esprit public, sûr précurseur de la prospérité de la nation. Plus tard son amour s'étendra à l'humanité toute entière, et il travaillera pour elle, et finalement il embrassera dans son amour tous les êtres vivants et il deviendra l'ami de toutes les créatures.
Rares sont ceux qui, au stade actuel de l'évolution, se sentent réellement capables d'aimer l'humanité tout entière. Beaucoup parlent d'aimer tous les hommes et ne sont même pas prêts à faire le moindre sacrifice pour aider un de leurs frères, une de leurs soeurs dans le besoin. Celui qui veut aimer l'humanité entière ne doit pas se désintéresser des êtres qui sont à sa porte ou bien, en imagination, arroser de sa sentimentale sympathie un jardin de fleurs plus ou moins lointain, tandis que les fleurs qui sont au seuil de sa maison meurent de soif.
L'utilité de la haine n'est peut-être pas aussi évidente à première vue ; mais elle n'en est pas moins très importante. Au premier abord, lorsque nous examinons la haine et que nous voyons que sa nature intime est désintégration, destruction, nous sommes portés à la croire essentiellement mauvaise. "Celui qui hait son frère est un meurtrier", a dit un grand Instructeur 78, car le meurtre n'est qu'une manifestation de la haine, et même si cette haine ne va pas jusqu'au meurtre, elle n'en est pas moins une force destructive ; elle désorganise la famille, ruine la nation et [298] partout où elle passe sépare les êtres les uns des autres. Quelle peut donc être l'utilité de la haine ?

78 Saint Jean, I, II, 13.

D'abord elle éloigne les uns des autres des éléments anormaux, qui ne peuvent se combiner, et empêche ainsi tout frottement. S'il s'agit d'individus peu développés qui ne peuvent s'accorder, il vaut mieux pour eux qu'ils restent séparés et que chacun suive son chemin dans l'évolution, plutôt que de rester en contact avec l'autre et de favoriser ainsi la naissance d'émotions malsaines. De plus, la répulsion qu'une personne ordinaire ressent pour un être malfaisant, est utile, tant que cet être a le pouvoir de faire perdre à cette personne le bon chemin, car elle la préserve d'une influence dont elle pourrait devenir la victime. Le mépris vis-à-vis du menteur, de l'hypocrite, de l'homme cruel pour les êtres faibles, est une émotion utile à celui qui la ressent et en même temps à celui qui en est l'objet ; elle tend à empêcher le premier de succomber à ces défauts et provoque chez la personne, objet de ce mépris, un sentiment de honte qui pourra l'arracher au vice dont elle est la proie. Tant qu'une personne a en elle une tendance à commettre une faute quelconque, la haine envers ceux qui la commettent lui sera utile et la protègera.
Par la suite, avec le progrès de l'évolution, elle apprendra à faire une distinction entre le mal et celui qui en est l'auteur ; elle ressentira de la pitié pour celui qui le fait et toute sa haine se tournera contre le mal seul. Plus tard encore, forte de sa vertu, elle ne haïra plus ni le mal ni celui qui le fait ; calme et sereine, elle ne verra là [299] qu'un stade d'évolution inférieur et cherchera par des moyens appropriés à en faire sortir son frère plus jeune. "Noble indignation", "souverain mépris", "juste colère", sont des expressions qui montrent toute l'utilité de ces émotions, tout en cachant au profane qu'elles sont essentiellement des formes de la haine – la haine étant considérée comme une chose mauvaise en soi. Elles n'en sont pas moins des formes de la haine, quel que soit le nom qu'on leur donne ; mais elles jouent un rôle important dans l'évolution et les tempêtes qu'elles provoquent purifient l'atmosphère sociale. L'intolérance à l'égard du mal vaut beaucoup mieux que l'indifférence. Tant qu'un homme n'est pas complètement à l'abri d'une tentation mauvaise quelconque, l'intolérance qu'il professe à l'égard de ceux qui en sont victimes sera pour lui une sauvegarde nécessaire.
Prenons comme exemple le cas d'un homme peu évolué ; il cherche à éviter de commettre des fautes grossières, et cependant il cède à la tentation. Le désir d'éviter ces fautes se montre en lui sous forme de haine envers ceux
qui en sont victimes ; supprimer cette haine n'aurait pour résultat que de le faire succomber à des tentations auxquelles ses forces ne lui permettraient pas de résister. À mesure qu'il évolue et qu'il se met de plus en plus hors de portée de ces tentations, il hait le péché, mais ressent une sympathie mêlée de pitié pour ceux qui y succombent. Mais ce n'est que lorsqu'il sera devenu un saint, qu'il sera capable de ne plus haïr le mal.
Lorsque nous ressentons de la répulsion pour une personne, nous pouvons être certains [300] qu'il reste en nous quelques traces de ce qui nous déplait en elle. L'Égo, sentant le danger, retire ses véhicules. Un homme sobre ressent moins de répulsion pour l'ivrogne que l'homme qui, tout en étant sobre, se livre parfois à des excès. La femme absolument pure ne ressent aucune répulsion pour sa soeur tombée dans le péché, tandis qu'une femme moins pure s'écarte d'elle avec dégout. Lorsque nous aurons atteint à la perfection, nous aimerons le pécheur autant que le saint, et même nous montrerons peut-être plus d'amour pour lui, car le saint est capable de se soutenir par ses propres forces, tandis que le pécheur succombera s'il n'a pas l'amour des autres pour lui venir en aide.
Lorsque l'homme a atteint un point où il ne hait plus ni le péché, ni le pécheur, la force destructive – la haine parmi les hommes – devient simplement une énergie qui servira à détruire les obstacles barrant le sentier de l'évolution. Ce n'est que lorsque la sagesse parfaite guide les énergies constructives et destructives et que l'amour parfait en est le moteur que l'homme peut se servir de la force destructive sans courir le risque de tomber dans le péché originel du sentiment de la séparativité. Nous sentir nous-mêmes différents de ceux qui nous entourent, voilà la grande hérésie ; car lorsque la totalité des êtres évolue vers l'unité, l'esprit de séparation devient un obstacle à la Loi. Ce sentiment est essentiellement erroné, qu'il nous pousse à nous considérer nous-mêmes comme meilleurs que les autres ou comme plus mauvais qu'eux. Le saint s'identifie aussi bien avec le criminel qu'avec le saint, car saint et criminel sont divins [301] tous deux, bien qu'à des degrés d'évolution différents. Lorsque l'homme atteint à cette conscience, il est bien près de vivre le Christ en lui. Il ne se considère pas comme un être séparé des autres, mais comme ne faisant qu'un avec tous les êtres. Pour lui sa sainteté est la sainteté de l'humanité tout entière, et le péché de n'importe qui est son péché à lui aussi. Il ne met aucune barrière entre lui et le pécheur ; au contraire il renverse tous les obstacles que celui-ci a pu bâtir ; il prend part à la souffrance du pécheur et partage avec lui tout ce qu'il possède.
Ceux qui sentent toute la vérité contenue dans cette incitation à la perfection devraient chercher à la mettre en pratique dans la vie de tous les jours. Lorsqu'ils ont affaire à des êtres moins avancés qu'eux, qu'ils cherchent à aplanir tous les obstacles qui s'élèvent entre eux et lui. Car le sentiment de la séparation est subtil, et persiste en nous jusqu'au moment où nous sommes devenus des Christ. Mais, par nos efforts, nous pouvons le faire disparaitre. Chercher à nous identifier nous-mêmes avec ce qui nous est inférieur, c'est manifester cette énergie édificatrice qui unit les mondes entre eux, c'est faire de nous-mêmes des canaux par lesquels pourra se déverser l'amour divin.

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