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LES ENSEIGNEMENTS DES MAITRES DE LA HIERARCHIE

LES BASES DU MONDE NOUVEAU Une compilation de textes d'Annie BESANT - 1944

LES BASES DU MONDE NOUVEAU 21 - L'ART

 

LES BASES DU MONDE NOUVEAU

 

21 - L'ART


21. L'art s'introduit de plus en plus dans la vie quotidienne des peuples, mais combien lentement ! Ne pouvons-nous hâter ce processus ?
Nombreux sont ceux qui ne remarquent pas, qui ne comprennent pas toute l'importance du rôle que l'art joue dans la vie d'une nation ni à quel point il est impossible à une nation d'accéder à une grandeur totale si l'art n'a pas joué son rôle dans la croissance de cette nation. L'art d'une nation est l'expression de sa conception de la Beauté, de l'amour qu'elle porte à l'harmonie, aux proportions et à l'ordre. La Beauté est l'élément qui raffine et qui polit une nation, qui lui donne de la dignité, de la grâce et de la retenue. Une nation qui ne possède pas d'art véritable, chez laquelle la passion n'est pas créatrice de poésie et chez laquelle l'amour ne se réjouit pas de la grâce des contours, de la splendeur des couleurs, cette nation devient inévitablement vulgaire ; chez elle, la passion devient brutalité, l'amour de la terre revêt le masque hideux de la cupidité. Si l'on étudie la Nature aussi bien dans les masses avec lesquelles elle construit un monde que dans les détails par quoi elle emplit les recoins les plus infimes de ses vastes domaines, l'on comprendra que l'un des piliers sur lesquels s'appuie le Grand Architecte de l'Univers est la Beauté (132). [225]
L'art nous est nécessaire pour nous donner quelque chose de cette Beauté éternelle qui se reflète dans les grandes et nobles émotions humaines. Ce qu'il donne à l'esprit n'est pas seulement le plaisir ressenti au spectacle de magnifiques tableaux, mais aussi ce que l'on emporte avec soi dans le monde extérieur… Nous apprenons à idéaliser d'après le grand idéal que le peintre nous a révélé et qui est, en une certaine mesure, plus beau que ce que nous aurions pu voir par nous-mêmes et nous entrons dans un monde où le Pouvoir divin qui réside dans toutes les grandes émotions et dans toutes les pensées nobles se manifeste dans une perfection que la plupart d'entre nous sommes incapables d'atteindre.
Je désire ardemment voir dans toute forme de l'art une tentative pour atteindre un monde plus grand, plus vaste, plus idéaliste. Je crois que la clé de l'art véritable réside dans cette faculté évolutrice de l'homme qui développe en lui des sens supérieurs et lui ouvre des mondes plus vastes, plus merveilleux et plus beaux.
Nous devrions implorer les artistes pour qu'ils considèrent leur oeuvre comme une tâche sacrée ; pour qu'ils ne l'abaissent pas au niveau de l'humanité la plus basse mais pour qu'ils l'élèvent jusqu'à la divinité de la Vérité parfaite et de la Beauté parfaite. Nous pourrons alors monter sur leurs ailes et nous élever par leur force ; ainsi nous évoluerons, nous aussi, plus rapidement et le monde deviendra une vision – j'allais dire plus parfaite – moins imparfaite du roi dans Sa Beauté (24).
La religion a partout donné naissance à l'art, au culte de la Beauté et la foi a été l'inspiratrice du pinceau et du ciseau. Si nos temps modernes n'ont pas de grand art, c'est parce qu'ils ne possèdent pas la puissance de la foi. Les artistes copient ; ils ne créent [226] pas. Et ce n'est que lorsque la grande impulsion spirituelle qui balaye la terre, ce que nous appelons la Sagesse divine, la Théosophie, aura donné naissance à un nouvel idéal et à une conception de la Beauté, que l'Art sera l'expression de la Beauté dans notre ère (132).
Beaucoup de gens, je le crains, ne comprennent pas que la Beauté est une nécessité de la vie quotidienne pour l'être humain et que quand celui-ci n'en jouit pas, il est moins homme, moins femme qu'il ne devrait l'être. Il n'est pas là question de posséder un bel objet de luxe ; c'est une nécessité qui devrait être le pain quotidien de la vie. Les nations qui connaissaient la valeur de la beauté ont construit des villes magnifiques ; leurs oeuvres d'art étaient propriété collective, leurs édifices étaient merveilleusement proportionnés, leur architecture splendide et de tout cela, offert constamment à la masse de la population, est née une beauté de formes et d'esprit qui ne peut trouver naissance dans une nation qui tolère que ses villes soient hideuses, où l'air est empoisonné et où tous les objets de la vie courante sont laids au lieu d'être beaux.


LA FORCE DE LA BEAUTÉ


Sans beauté, la vie est pauvre, elle devient commune et vulgaire là où la beauté n'est pas une force dominante. C'est là l'une des grandes révélations de Dieu Lui-même car la beauté réside dans la perfection de l'harmonie, dans le raffinement des contours, dans la splendeur des couleurs, toutes choses caractéristiques de l'Ouvrier divin dont la manifestation est toujours dans la beauté tandis que la sagesse et [227] la puissance la soulignent. Vous pouvez vous en rendre compte par vos propres oeuvres d'art. Elles ne créent pas, elles imitent et c'est là le signe que l'art a, dans cette voie, atteint son point mort et qu'il doit trouver une inspiration nouvelle.
C'est ce que fait un grand peintre, un grand poète, un grand musicien : il entend et il voit et il dit les pensées de Dieu plus complètement que vous et moi pouvons le faire avec nos oreilles engourdies, notre vue courte et notre langue maladroite. Tout est là, mais nous ne le voyons pas. L'artiste est celui qui révèle la beauté divine dans la forme et s'il ne peut le faire, il n'est pas un véritable artiste. L'artiste n'est pas encore né, dans cette civilisation, qui verra à travers les formes du présent l'idée divine qui s'efforce de s'exprimer en des idéaux, en des espoirs, en des pouvoirs nouveaux. Tout cela est nécessaire à l'art et tout cela viendra dans les jours dont l'aube point ; un art nouveau sera trouvé dans les cieux nouveaux et sur la terre nouvelle.
Aucun artiste ne peut travailler noblement s'il a le souci alimentaire du lendemain, ni s'il est obligé de se conformer au gout général pour vendre ses oeuvres. C'est à l'artiste de former et d'élever le gout du public et non au public à estropier et à avilir l'artiste. C'est la lutte pour gagner son pain qui fait de l'artiste l'esclave de l'ignorance et du caprice du public, qui appelle la destruction de l'art. Le génie doit être libre et c'est en liberté qu'il doit donner naissance à son enfant, l'Art ; faute de quoi, il ne sortira de la prison des soucis que des monstres difformes. Le désir d'exceller peut stimuler l'artiste, mais non pas le désir de vendre à un prix plus élevé que ses rivaux. Il peut être stimulé par le désir de créer davantage de beauté, car ce désir raffine et purifie, mais loin de [228] lui devrait être le désir de former un objet qui sera vendu un bon prix sur le marché, car ce désir dégrade et rend vulgaire. D'autre part, un artiste doit avoir des loisirs. Il lui faut du temps pour la flânerie rêveuse qui est la serre chaude de l'art, et dans l'atmosphère de laquelle l'imagination créatrice devient féconde. Aucun grand travail d'art ne peut être réalisé à la hâte. L'imagination doit avoir le temps de jouer autour de lui avec amour, y ajoutant les touches caressantes qui prêtent sa grâce ultime au noble ensemble (14).
C'est la Beauté diversifiée dans les arts qui raffine et élève réellement l'Humanité, car elle est l'instrument de la Culture, le feu purifiant qui brule et détruit tous préjugés, toute mesquinerie, toute grossièreté. Sans elle, la vraie démocratie est impossible, l'égalité et les échanges sociaux ne sont que songes creux. L'art est le langage international dans lequel les esprits peuvent correspondre entre eux, coeur à coeur, tandis que les lèvres restent muettes. La peinture, la sculpture, la musique, l'architecture n'ont pas besoin de traduction ; elles parlent la langue-mère universelle. Les siècles ne les vieillissent pas ; les coutumes ne les font pas passer de mode ; les limites n'existent pas pour elles. Leur message s'exprime pour tous les pays, pour toutes les langues. L'art imprègnera l'atmosphère toute entière de la nouvelle civilisation qui se tient sur le seuil. La religion et l'art ont toujours été des anges jumeaux. Suivons-les, tandis qu'ils pointent à l'Orient, où les pures filles de l'Aube teintent de leurs doigts de rose nos nuages terriens pour annoncer le Soleil levant de l'Inde lorsqu'il bondit sur l'horizon et inonde notre monde de la gloire de sa face dévoilée (131).