LE MONDE DE DEMAIN Par Annie BESANT - 1909 UNION Voici un site dédié aux enseignements des Maitres de la HIERARCHIE Vous trouverez une multitude d'auteurs inspirés par la hiérarchie pour le bien de l’humanité. La Hiérarchie est le résultat de l'activité et de l'aspiration humaine. Elle a été créée par l'humanité. Ses membres sont des êtres humains qui ont vécu, souffert, réussi, échoué, atteint le succès, subi la mort et passé par l'expérience de la résurrection. Ils sont de la même nature que ceux qui luttent aujourd'hui avec les processus de désintégration, mais qui – néanmoins – portent en leur sein la semence de la résurrection. Ils connaissent tous les états de conscience et les ont tous maîtrisés. Ils les ont maîtrisés en tant qu'hommes, ce qui garantit à l'humanité la même réussite ultime. Nous avons tendance à considérer les membres de la Hiérarchie comme radicalement différents de l'humanité, en oubliant que la Hiérarchie est une communauté d'hommes ayant réussi, qui, antérieurement se sont soumis aux feux purificateurs de la vie quotidienne, et ont fait leur propre salut en tant qu'hommes et femmes plongés dans les choses de ce monde, en tant qu'hommes d'affaires, maris, femmes, fermiers, gouvernants, et qu'ils connaissent donc la vie dans toutes ses phases, et tous ses degrés. Ils ont surmonté les expériences de la vie ; leur grand Maître est le Christ ; ils sont passés par les initiations de la nouvelle naissance, du baptême de la transfiguration, de la crucifixion et de la résurrection. Mais ce sont toujours des hommes, et Ils ne diffèrent du Christ que par le fait que lui, le premier de notre humanité à atteindre la divinité, l'Aîné d'une grande famille de frères (comme l'a exprimé l'apôtre Paul), le Maître des Maîtres et l'Instructeur des anges et des hommes, fut jugé si pur, tellement saint et éclairé, qu'on lui permit d'incarner, à notre intention, le grand principe cosmique d'amour ; Il nous a donc révélé, pour la première fois, la nature du cœur de Dieu. Ces hommes parfaits existent donc ; ils sont plus que des hommes car l'esprit divin en eux enregistre tous les stades de la conscience – subhumaine, humaine et suprahumaine. Ce développement inclusif leur permet de travailler avec les hommes, d'entrer en contact avec l'humanité lorsque c'est nécessaire, et de savoir comment guider son progrès jusqu'aux phases de résurrection. http://hierarchie.eu/le-monde-de-demain-par-annie-besant-1909 2024-04-29T14:52:22+00:00 UNION bon.christo@free.fr Joomla! - Open Source Content Management LE MONDE DE DEMAIN Par Annie BESANT (1847-1933) — 1909 2019-07-04T07:54:00+00:00 2019-07-04T07:54:00+00:00 http://hierarchie.eu/le-monde-de-demain-par-annie-besant-1909/1276-le-monde-de-demain-par-annie-besant-1847-1933-1909 Super User bon.christo@free.fr <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>LE MONDE DE DEMAIN</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>Par Annie BESANT (1847-1933) — 1909</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Traduit de l'anglais par Gaston REVEL d'après la deuxième édition revue et corrigée<br />Original : Publications Théosophiques — 1911<br />—<br />Droits : domaine public<br />—<br />Édition numérique finalisée par GIROLLE (www.girolle.org) — 2014<br />Remerciements à tous ceux qui ont contribué aux différentes étapes de ce travail</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>NOTE DE L'ÉDITEUR NUMÉRIQUE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />L'éditeur numérique a fait les choix suivants quant aux livres publiés :<br />- Seul le contenu du livre à proprement parler a été conservé, supprimant toutes les informations en début ou en fin de livre spécifiques à l'édition de l'époque et aux ouvrages du même auteur.<br />- Le sommaire de l'édition papier originale a été supprimé sauf dans certains ouvrages où le sommaire, sous forme de liens hypertextes renvoyant au chapitre concerné, est thématique  sommaire rappelé en tête de chapitre.<br />- Certaines notes de bas de page ont été supprimées ou adaptées, car renvoyant à des informations désuètes ou inutiles.<br />- L'orthographe traditionnelle ou de l'époque a été remplacée par l'orthographe rectifiée de 1990 validée par l'académie française.</p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>LE MONDE DE DEMAIN</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>Par Annie BESANT (1847-1933) — 1909</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Traduit de l'anglais par Gaston REVEL d'après la deuxième édition revue et corrigée<br />Original : Publications Théosophiques — 1911<br />—<br />Droits : domaine public<br />—<br />Édition numérique finalisée par GIROLLE (www.girolle.org) — 2014<br />Remerciements à tous ceux qui ont contribué aux différentes étapes de ce travail</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>NOTE DE L'ÉDITEUR NUMÉRIQUE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />L'éditeur numérique a fait les choix suivants quant aux livres publiés :<br />- Seul le contenu du livre à proprement parler a été conservé, supprimant toutes les informations en début ou en fin de livre spécifiques à l'édition de l'époque et aux ouvrages du même auteur.<br />- Le sommaire de l'édition papier originale a été supprimé sauf dans certains ouvrages où le sommaire, sous forme de liens hypertextes renvoyant au chapitre concerné, est thématique  sommaire rappelé en tête de chapitre.<br />- Certaines notes de bas de page ont été supprimées ou adaptées, car renvoyant à des informations désuètes ou inutiles.<br />- L'orthographe traditionnelle ou de l'époque a été remplacée par l'orthographe rectifiée de 1990 validée par l'académie française.</p> AVANT-PROPOS DE LA PREMIÈRE EDITION 2019-07-04T11:01:06+00:00 2019-07-04T11:01:06+00:00 http://hierarchie.eu/le-monde-de-demain-par-annie-besant-1909/1277-avant-propos-de-la-premiere-edition Super User bon.christo@free.fr <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>AVANT-PROPOS DE LA PREMIÈRE EDITION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Notre intention n'est pas de faire l'éloge de cet ouvrage ; il se recommande de lui-même, autant par sa valeur intrinsèque que par le nom de son auteur.<br />Par contre, nous croyons devoir demander, pour le traducteur, l'indulgence de ceux qui nous liront. – Mme Annie Besant parle d'abondance, ses conférences ont été sténographiées et nous avons essayé de nous rapprocher autant que possible du style de l'orateur, orateur dont l'éloquence est telle, qu'elle réussit à faire vibrer les auditeurs les plus sceptiques, les moins disposés à prêter une oreille attentive aux paroles de notre grande théosophe.<br />Cette traduction n'est donc que le très faible écho de discours chaleureux, persuasifs, colorés, dits et pensés avec une force absolument intraduisible lorsqu'il s'agit d'écrire ce qui fut fait pour être écouté.<br />Aussi espérons-nous que l'on voudra bien nous tenir compte des réelles difficultés rencontrées par nous au cours de ce travail. D'autres, certainement, auraient pu beaucoup mieux faire, mais ils ne se sont pas présentés et nous désirions donner au plus tôt à la France ce livre qui, fort probablement, excitera çà et là notre esprit moqueur, caractéristique nationale peu digne vraiment d'un peuple amant de l'idéal, d'un peuple d'artistes et de grands inventeurs, d'un peuple susceptible de triompher facilement des problèmes qui le troublent, mais qui semble vouloir, aujourd'hui, tourner en amère dérision les splendides qualités dont il ne cessa de faire preuve dans l'histoire.<br />La France est douée d'un coeur généreux ; qu'elle le garde et le préserve des flammes desséchantes de la critique ! Puisse-t-elle se décider à employer sa vive intelligence au développement des vertus qu'elle cache ; puisqu'elle cherche le Bonheur, qu'elle se recueille, se reprenne et poursuive ensuite son chemin en mêlant alors un peu plus d'Amour véritable aux idées qu'elle enfante !<br />Que ce livre l'aide dans cette noble entreprise !<br />LE TRADUCTEUR.</p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>AVANT-PROPOS DE LA PREMIÈRE EDITION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Notre intention n'est pas de faire l'éloge de cet ouvrage ; il se recommande de lui-même, autant par sa valeur intrinsèque que par le nom de son auteur.<br />Par contre, nous croyons devoir demander, pour le traducteur, l'indulgence de ceux qui nous liront. – Mme Annie Besant parle d'abondance, ses conférences ont été sténographiées et nous avons essayé de nous rapprocher autant que possible du style de l'orateur, orateur dont l'éloquence est telle, qu'elle réussit à faire vibrer les auditeurs les plus sceptiques, les moins disposés à prêter une oreille attentive aux paroles de notre grande théosophe.<br />Cette traduction n'est donc que le très faible écho de discours chaleureux, persuasifs, colorés, dits et pensés avec une force absolument intraduisible lorsqu'il s'agit d'écrire ce qui fut fait pour être écouté.<br />Aussi espérons-nous que l'on voudra bien nous tenir compte des réelles difficultés rencontrées par nous au cours de ce travail. D'autres, certainement, auraient pu beaucoup mieux faire, mais ils ne se sont pas présentés et nous désirions donner au plus tôt à la France ce livre qui, fort probablement, excitera çà et là notre esprit moqueur, caractéristique nationale peu digne vraiment d'un peuple amant de l'idéal, d'un peuple d'artistes et de grands inventeurs, d'un peuple susceptible de triompher facilement des problèmes qui le troublent, mais qui semble vouloir, aujourd'hui, tourner en amère dérision les splendides qualités dont il ne cessa de faire preuve dans l'histoire.<br />La France est douée d'un coeur généreux ; qu'elle le garde et le préserve des flammes desséchantes de la critique ! Puisse-t-elle se décider à employer sa vive intelligence au développement des vertus qu'elle cache ; puisqu'elle cherche le Bonheur, qu'elle se recueille, se reprenne et poursuive ensuite son chemin en mêlant alors un peu plus d'Amour véritable aux idées qu'elle enfante !<br />Que ce livre l'aide dans cette noble entreprise !<br />LE TRADUCTEUR.</p> LA RELIGION, LA SCIENCE ET L'ART DANS UNE IMPASSE 2019-07-04T11:08:40+00:00 2019-07-04T11:08:40+00:00 http://hierarchie.eu/le-monde-de-demain-par-annie-besant-1909/1278-la-religion-la-science-et-l-art-dans-une-impasse Super User bon.christo@free.fr <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>LA RELIGION, LA SCIENCE ET L'ART DANS UNE IMPASSE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"> </p> <p style="text-align: center;"><br />Transportez-vous, en pensée, au bord de l'océan et observez la marée montante ! Voyez les vagues se succéder les unes aux autres, chacune d'elles s'étendant sur la grève plus loin que la précédente, puis se brisant pour faire place à celle qui suit. Cette image peut s'appliquer à l'évolution des races humaines.<br />Observez maintenant avec plus d'attention cette marée montante. La vague qui s'avance le plus loin sur le rivage n'est pas la plus importante ; elle bouillonne sur les galets, monte et se brise dans un flot d'écume puis se disperse enfin en poussière d'eau, chantant au vent cette chanson si chère aux poètes. Cette vague est [2] celle qui, arrivée au terme de sa course, cesse d'être.<br />Soyez plus attentifs encore ! Tandis que nos sens étaient attirés par le fracas et le spectacle de la lame qui s'effondrait, une autre petite vague, silencieusement, presque subrepticement, arrivait sur le brisant, pour déferler à son tour, et avancer sur le sable plus loin que la précédente.<br />Ce tableau, si familier aux enfants qui ont été au bord de la mer, peut symboliser l'évolution des races ; les vagues nous représentent alors les races ; l'océan : l'humanité en général. Les vagues plus petites, qui se produisent entre chacune des grandes, sont, elles, les sous-races issues de la race-mère.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'ESPRIT DU SIÈCLE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ce qui est vrai pour la mer, est vrai aussi pour l'humanité : quand une vague secondaire se brise, une autre apparait qui domine à son tour, et, pour les yeux qui savent regarder, émerge l'Être puissant que nous appelons :<br />L'Esprit du siècle.<br />Les pieds sur les flots, les cheveux dorés de soleil, on l'entend s'écrier d'une voix de tonnerre : [3]<br />"J'apporte un nouveau ciel et une nouvelle terre où la justice règnera."<br />Nous assistons actuellement à pareil spectacle ; la vague, ou plutôt la sous-race, à laquelle nous appartenons tous, ou presque tous, déferle et se brise sur le brisant du Temps. Celle qui apporte un nouveau ciel et une nouvelle terre, c'est la race qui nait et va dominer le monde transformé.<br />Durant des siècles et des siècles, pendant des milliers d'années, la marche lente de l'évolution se poursuit insensiblement jusqu'à ce qu'un changement survienne. Une race meurt et disparait, une autre la remplace mais précédée par une époque de transition, époque durant laquelle les évènements se précipitent. Les catastrophes sont alors plus fréquentes, les transformations se font sentir plus brutalement, les hommes progressent en une année, plus que leurs ancêtres en un siècle.<br />Le monde traverse actuellement une période analogue.<br />Pendant de longs siècles, la grande race Aryenne s'est répandue sur la surface du globe ; ses vagues successives, c'est-à-dire ses sous-races, ont parcouru l'Asie et l'Europe, chacune d'entre elles ayant, chaque fois, [4] traversé les phases de la naissance, de la croissance, du progrès, de l'apogée et du déclin.<br />C'est ainsi que, peu à peu, sous-race par sous-race, régulièrement, tranquillement, le monde s'est transformé sans trop grands heurts ni trop grands troubles, les roues de notre univers ayant tourné à une vitesse modérée, d'une façon continue et sans trop de cahots, jusqu'à ce que soit arrivée la naissance de la nouvelle sous-race destinée à remplacer celle qui va disparaitre.<br />À certains signes, en examinant les choses qui nous entourent, vous ne sauriez manquer de constater la fin d'un cycle ; vous vous apercevrez que la pensée humaine a désormais atteint un point au-delà duquel elle ne pourra plus avancer si elle ne s'engage pas dans des voies nouvelles, si elle n'adopte pas d'autres méthodes d'investigation ; et vous remarquerez, qu'en tout et pour tout, les activités de l'intelligence, après un développement rapide, se trouvent maintenant engagées dans une véritable impasse.<br />Les changements, que les plus âgés parmi vous ont pu voir, sont certainement merveilleux. Ces transformations se succèdent, chaque fois plus importantes, et l'humanité tout [5] entière est ainsi entrainée, sans cesse, vers le Progrès. Aussi les hommes se demandent-ils ce que l'avenir leur réserve.<br />Ce n'est pas la première fois, certes, qu'une telle période surgit dans le monde ; l'histoire nous confirme le fait. Reportez-vous au passé, au moment où la race qui précéda notre race indo-germanique était arrivée à son apogée, et voyez combien les esprits étaient alors troublés ! Ce moment coïncide avec la naissance de celui que l'on connait en Occident sous le nom de Christ. Ce fut, comme aujourd'hui, une période de transitions brusques, de changements soudains et caractéristiques. Et si, comme je vous le dis à présent, vous vous étiez alors écriés : "Vous vivez à l'une des grandes époques de transition de l'histoire du monde ; la race qui domine est à son apogée mais bientôt, lente et inévitable, la décadence suivra" ; si vous vous étiez écriés qu'un grand instructeur allait apparaitre, pour révolutionner le monde à venir, changer les bases mêmes de la civilisation, donner une nouvelle religion aux races les plus avancées, établir un nouveau code de morale, qualifier de vertueux ce que l'on avait jusqu'alors méprisé, et tresser la couronne de sainteté à l'aide même des matériaux qu'on [6] avait jusqu'alors dédaignés ; si, dis-je, vous aviez, en ce temps-là, prononcé de telles paroles, l'on se serait ri de vous, l'on vous aurait appliqué l'épithète de rêveurs, l'on vous aurait menacés, maltraités et considérés comme de dangereux utopistes. En effet ! Pourquoi le monde changerait-il de route ? Quel besoin pour les hommes de porter leurs pas vers des sentiers nouveaux et par conséquent inconnus ?<br />Et pourtant, des âmes sentirent qu'un changement était imminent ; des prophètes et des voyants parlèrent du royaume à venir, de l'instructeur futur, des transformations qui devaient s'opérer ici-bas et bouleverser la face du monde.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA FIN D'UN CYCLE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Mais à quoi bon regarder si loin en arrière, si vous devez être aujourd'hui aussi aveugles qu'on le fut dans le passé ? Deux mille ans se sont écoulés ! Les hommes ne sont-ils pas devenus plus sages, leurs yeux ne sont-ils pas décillés et les signes de<br />La Fin d'un Cycle ne leur sont-ils pas plus visibles qu'ils ne le furent pour leurs ancêtres aux derniers jours de Rome ? En ce temps-là aussi, il fut [7] question d'importants changements à venir, de l'apparition nouvelle d'un grand instructeur, de la naissance d'une nouvelle ère, d'un nouveau ciel, d'une nouvelle terre.<br />Nous vivons actuellement à une semblable époque de transition ; plus d'un, fort probablement, me traitera, comme il l'aurait fait jadis, d'utopiste ou d'insensée, mais je ne m'en appliquerai pas moins, ce soir et les dimanches qui suivront, à vous parler des signes d'après lesquels vous pourrez vous-mêmes prévoir de prochains changements et l'avènement d'un nouvel instructeur dans un nouveau royaume ; je ne m'en appliquerai pas moins à vous parler des signes d'après lesquels vous pourrez vous convaincre de la possibilité, aujourd'hui comme autrefois, d'une forme nouvelle pour le monde, d'un type plus noble d'humanité sur la terre. Nombreux sont les signes qui marquent la fin d'un cycle, nombreux aussi les signes de l'aurore dont les premières lueurs se distinguent déjà à l'horizon.<br />Dans cette conférence, comme dans la prochaine, je ne m'étendrai pas sur la race qui doit naitre, mais sur celle qui s'en va. S'il vous arrive de trouver ces deux conférences un peu sombres et quelque peu attristantes, je vous [8] rappellerai que la nuit précède toujours l'aurore, que le ciel est toujours terne, un peu avant le lever du soleil. Si, au-delà de ce ciel terne, nous pouvons apercevoir les premiers rayons d'une aube resplendissante, ne nous attristons donc pas en constatant l'obscurité qui nous entoure ; cette obscurité va bientôt se dissiper et nous assisterons à la glorieuse naissance du jour qui point déjà.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Nous nous occuperons, ce soir, des trois grandes divisions de la pensée humaine :</p> <p style="text-align: center;">La Religion ;<br />La Science ;<br />L'Art.</p> <p style="text-align: center;"><br />Voyons maintenant si, en examinant les mondes religieux, scientifique et artistique, nous arriverons à constater que les méthodes usitées jusqu'à présent nous ont conduits aussi loin qu'elles pouvaient le faire, qu'elles nous deviennent inutiles, et qu'il nous est désormais impossible de nous en servir pour [9] ouvrir à la pensée humaine de nouveaux horizons pleins d'espoir et de promesses.<br />Il existe partout un sentiment d'inquiétude, d'incertitude, et même d'angoisse ; nous nous demandons où git la vérité et ce à quoi nous pourrions bien nous fier ; nous cherchons un roc où poser le pied au milieu de ces divergences d'opinions, au milieu du doute ou, pour mieux dire, de cette atmosphère de scepticisme et d'incrédulité.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 24pt;"><strong>I. — LA RELIGION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Quelle est, aujourd'hui, la situation du monde religieux ?<br />Disons tout d'abord que, durant de longues années, certaines forces se sont plu à saper la religion de l'époque, – (par religion, j'entends celle de l'Occident, puisque je m'adresse à des Occidentaux). – Il est certain qu'il me serait possible de vous montrer que ces mêmes forces sont à l'oeuvre en d'autres parties du monde ; elles ne s'exercent pas d'une manière aussi sensible, mais elles sont cependant, dans une certaine mesure, arrivées aux mêmes résultats. [10]<br />Je ne vous demanderai pas d'accepter, sans discussion, le témoignage, que la théosophe que je suis peut vous donner au sujet des difficultés en présence desquelles le monde religieux se trouve être aujourd'hui, difficultés dont je me propose d'aborder les points principaux. Lorsque j'aurai attiré votre attention sur les forces destructrices qui se sont attaquées à la religion, je vous citerai des évêques, et autres ecclésiastiques, dont vous pourrez lire les oeuvres.<br />Les principales forces auxquelles je viens de faire allusion sont au nombre de trois ; elles sont toutes destructrices. Nous savons démolir mais nous sommes incapables de reconstruire ; c'est là l'un des signes de la fin d'un cycle.<br />En premier lieu, – vous ne l'ignorez pas, – il y eu des savants en matière religieuse qui, sous le prétexte de haute critique, ont mis en pièces les documents sur lesquels reposait l'histoire du Christianisme. Ils s'emparèrent successivement de ces documents, les examinèrent, les analysèrent, les scrutèrent, comparant, les uns avec les autres, les textes originaux et leurs diverses traductions. Ils prouvèrent que ce que l'on attribuait à un [11] seul auteur présentait, au contraire, les signes d'époques différentes et, ayant placé en regard les unes des autres les versions diverses qu'ils avaient rassemblées, ils montrèrent que celles-ci s'annulaient réciproquement. La chose prit des proportions telles que, récemment, le chef reconnu de l'Église Romaine mit ces travaux à l'index. Haute critique, méthode historique appliquée à l'enseignement et à l'histoire de l'Église, esprits d'analyse, d'investigation, de recherche, tels qu'on les comprend de nos jours, tout cela fut condamné, il est maintenant interdit d'en faire usage dans toutes les écoles catholiques romaines. Les résultats de la critique historique sont donc proscrits, et, politique des plus funestes, on les cache à ceux qui se proposent de devenir les éducateurs des générations à venir.<br />Cela doit-il nous étonner quant au point de vue extérieur ?<br />Si l'on fait de la religion une question d'autorité, de textes, de chronologie, d'évènements historiques, la critique sera toujours et fatalement destructrice. En effet, la forme change ; elle ne peut être stable dans un monde où tout est transitoire. Les anciens textes perdent la valeur qu'on leur attribuait autrefois ; [12] l'on en mesure l'inspiration en s'attachant à la lettre plus qu'à l'esprit, et cette inspiration est impuissante à résister aux critiques de l'heure présente. De plus, comme des enfants abandonnent sur la plage des châteaux de sable qu'ils rêvaient de voir résister aux vagues, l'on abandonne successivement ses réquisitoires, contre ou pour l'Église, à mesure que s'avance la marée montante du progrès. De tous côtés, vous le savez, s'élèvent des doutes concernant les textes ; la chose serait décourageante si la religion n'était réellement qu'une question de livres et de mots, si elle ne dépendait pas de l'Esprit vivant et divin dont tout homme est animé. Cet Esprit-là, aucune critique ne le détruira, puisqu'il est lui-même la source de la pensée et, par conséquent, du sens critique. Cependant, il faut bien convenir que, par suite du discrédit jeté sur ces documents, la religion se trouve avoir du plomb dans l'aile.<br />Désirez-vous maintenant connaitre la seconde des forces destructrices ? Cherchez-la dans l'archéologie, dans ce que l'on appelle la mythologie comparée, science édifiée à l'aide des recherches archéologiques. On a fouillé le sol où l'on trouva des villes, des bibliothèques, [13] des tombeaux qui nous révélèrent des secrets demeurés longtemps cachés, secrets qui ne tardèrent pas à devenir des armes contre la religion de l'Occident. Les dates adoptées jusqu'alors furent rejetées, les centaines d'années se transformèrent en millions d'années.<br />L'archéologie, la géologie, l'étude de l'antiquité sous toutes ses formes, les recherches qu'on fit sur les races disparues, tout amena un résultat identique, en ébranlant ce que l'on s'imaginait, à tort, être les bases mêmes de la religion.<br />De toutes ces attaques, de cette incessante destruction, de ce perpétuel esprit de critique, naquirent le doute, l'incertitude, le demi-scepticisme. Seule, l'espérance a remplacé la connaissance, le désir de connaitre s'est substitué à la foi vivante.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>CREUSET DE LA RAISON</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Outre les détails secondaires donnant prise à la critique, on a jeté les idées maitresses de la religion au Creuset de la Raison.<br />L'idée de Dieu elle-même a été controversée, commentée, et notre conception de la Divinité s'est modifiée. [14]<br />Qui songe, aujourd'hui, à étudier Analogy, oeuvre de Butler ? qui donc serait disposé à méditer sur Evidences, oeuvre de Paley ? Ce sont là, n'est-ce pas, des ouvrages surannés où l'on ne saurait trouver, traitées, les questions à l'ordre du jour.<br />L'idée d'évolution a, en effet, touché la religion ; la conception qu'on a de celle-ci, comme celle aussi qu'on se fait de la Divinité, n'a pu échapper à cette atmosphère corrosive de la pensée humaine à cet égard.<br />Ici, et quant à ces questions, toutes les soi-disant preuves qu'on puisse fournir demeurent impuissantes et stériles ; les raisonnements les plus subtils sont insuffisants. Si grande que soit l'accumulation des arguments, l'on n'obtient jamais, par le raisonnement, qu'une probabilité plus ou moins rationnelle lorsqu'on se contente de chercher Dieu hors de nous, et non dans sa manifestation la plus élevée, c'est-à-dire dans l'Esprit, vivant en chacun de nous.<br />L'idée d'un Dieu extra-cosmique, il est vrai, se dissipe peu à peu ; l'on ne croit plus guère, à présent, que Dieu ait créé l'univers comme un ingénieur construit une machine, et qu'Il se tient en dehors pendant que les roues tournent, que les courroies transmettent le [15] mouvement. À cette théorie s'est substituée celle qui admet un Dieu immanent en toutes choses, un Dieu qui est une vie et non plus un mécanicien, un Dieu qui est l'Esprit animant toutes les formes ; il ne s'agit plus enfin d'un Créateur extérieur à son univers ; cette façon de voir, plus noble, plus élevée que la précédente, commence à être admise dans le monde religieux actuel.<br />Mais considérer Dieu comme immanent dans l'univers n'est pas l'ultime réponse qu'on soit en droit d'attendre de la religion. Il faut plus encore que ce Dieu, résidant dans l'univers et dans l'homme, il faut proclamer cette grande vérité que les Écritures orientales contiennent :<br />"J'édifie cet univers avec une partie de moi-même ; puis je demeure 1."<br /><em>1 Bhagavad-Gitâ (NDT).</em><br />C'est là l'une des perspectives nouvelles de la pensée religieuse à cet égard et les forces destructrices que nous considérons ne sauront l'atteindre.<br />Il est une autre grande conception chrétienne fertile en embarras et en difficultés de toutes sortes.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>JÉSUS OU LE CHRIST ?</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Je vais, ici, vous présenter un article [16] remarquable ayant paru dans le Hibbert Journal de janvier 1909. C'est peut-être l'un des plus beaux qui aient paru sur la question. Il porte un titre étrange qui dénote bien sur quelle énigme s'acharnent nombre de penseurs actuels.<br />Jésus ou le Christ ?<br />Tel est le titre. Non pas Jésus-Christ, ni Jésus et le Christ mais bien Jésus ou le Christ ? Cela ne surprendrait pas de la part d'un théosophe, mais l'article est écrit par un ministre de l'Église chrétienne. Celui-ci reconnait, avec une franchise et une audace dignes d'éloges, les difficultés que doivent affronter tous ceux qui, d'un côté, se trouvent en présence de l'idéal spirituel et, de l'autre, de l'homme. L'auteur demande si les revendications de l'Église sont émises au nom d'un idéal spirituel auquel on pourrait, provisoirement, donner le nom de Christ, ou si elles sont faites au nom de Jésus. Il examine ensuite un certain nombre de difficultés (vous feriez bien de lire l'article), en faisant remarquer que, dans l'étude du Nouveau Testament, l'on se trouve souvent en présence de concessions aux idées de l'époque et de beaucoup d'autres [17] difficultés qui ne concordent pas avec l'idée qu'il s'agit là du "Vrai Dieu émané du seul Dieu 2".<br />Il nous montre que, dans le sermon sur la montagne :<br />"on ne flétrit nullement cette cruelle loi relative au débiteur et au créancier",<br />et il ajoute qu' : "on ne saurait trouver, dans les paroles attribuées au Maitre en cette circonstance, aucun encouragement tendant à réformer la loi en question. Le précepte de Jésus, en ce qui concerne la soumission et la prestation de serment est absolu, et pourtant le Christianisme l'a ouvertement violé au cours de son histoire."<br />L'auteur envisage ensuite les idées relatives à l'homme et à la femme et parle :<br />"de ce principe inique concernant l'infériorité du sexe féminin, principe qui fut la cause [18] d'innombrables souffrances pour la majorité des individus".<br />L'auteur poursuit de la sorte son étude, point par point, pour aboutir à cette conclusion, qu'il juge inévitable :<br />"Identifier Jésus avec le Christ, c'est faire un Dieu d'un être omnipotent et cependant limité en Puissance, omniscient et cependant limité en Connaissance, infiniment bon et refusant cependant de communiquer sa Science divine à l'homme. Appeler cela un mystère serait un abus de langage, c'est de la pure contradiction."<br />Dès lors qu'un pasteur fait de pareilles assertions, dans une publication qui s'adresse presque exclusivement aux classes supérieures, l'on se rend compte de la nature des obstacles rencontrés par la pensée moderne au sujet de la personne de Jésus et de la révélation, plus vaste, du Christ.<br />Il est impossible que des questions de ce genre restent sans réponse, que de semblables problèmes puissent être soulevés pour demeurer sans solutions. Inévitablement, péniblement, le Christianisme devra trouver une solution rationnelle et déterminer qu'une révélation divine eut réellement lieu par l'intermédiaire de cette merveilleuse personnalité que fut Jésus, [19] chose que les hommes ont toujours acceptée et espérée ; le Christianisme devra avouer qu'une réponse doit être donnée, réponse que l'orthodoxie n'est peut-être pas prête encore à fournir.</p> <p style="text-align: center;"><em>2 Les théosophes font une distinction entre le Christ, incarnation divine, et Jésus, le disciple qui incarna le Christ. Jésus était donc homme, et le Christ est considéré comme étant l'incarnation d'un Dieu participant à la conscience divine. Pour plus amples explications nous prions nos lecteurs de se reporter au début de la conférence sur Le Christ futur et à la conférence sur La nature du Christ. Nous leur conseillons également la lecture du Christianisme Ésotérique. Ils comprendront alors qu'il peut exister, dans les Écritures, certains passages attribués à tort au Christ et dont Jésus fut l'auteur, et vice versa (NDT).</em></p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA MORALE</strong></span></p> <p style="text-align: center;">Si, de la religion proprement dite, nous passons au vaste domaine qui lui est intimement lié :<br />La Morale, nous voyons que la situation adoptée à cet égard est des plus embarrassantes.<br />Depuis mon dernier séjour à Londres, vous avez eu ici le Congrès de l'Éducation morale où pas moins de vingt-deux gouvernements européens envoyèrent leurs représentants. On se préoccupa fort de savoir si l'éducation était, ou non, indépendante de la religion. Il s'agit là d'une question sociale de la plus haute importance parmi toutes celles qui sont aujourd'hui à l'ordre du jour ; la société devra la résoudre.<br />La morale aura-t-elle la religion pour base et sera-t-elle sanctionnée par cette dernière, ou peut-elle s'en séparer et vivre, isolée, [20] indépendante, sur le terrain qu'elle aura choisi ?<br />La réponse la plus courante, la plus en vogue, est en faveur de la seconde alternative ; d'après celle-ci, la morale doit exister sur son propre terrain, indépendamment de toute sanction religieuse. Cela n'a rien qui puisse nous surprendre, car les querelles entre les gens appartenant à des fois différentes et les violentes polémiques qui ont été faites au sujet de l'éducation, ont lassé les esprits en Angleterre où hommes et femmes s'impatientent en présence de ces luttes. Cette impatience est-elle fondée alors qu'il s'agit de l'éducation morale de milliers d'enfants, citoyens de l'avenir ?<br />Au Congrès, la question fut catégoriquement posée, et d'une façon si précise qu'aucune ambigüité n'en permettait des interprétations variées. Or, nous trouvons dans un numéro du même Hibbert Journal, cité tout à l'heure, un bref aperçu traitant des rapports de l'éducation avec la religion. L'auteur de l'article parle d'un remarquable discours fait au Congrès, dans lequel il est dit :<br />"que si l'on veut enseigner aux enfants le respect dû à l'idée de religion…, il faut aussi leur apprendre que la meilleure manière d'honorer Dieu consiste à [21] faire chacun son devoir selon sa conscience et selon sa raison."<br />Voilà une affirmation que, de nos jours, on serait prêt à accepter, et pourtant, sa valeur, comme aussi son manque de valeur, dépendent des deux mots : conscience et raison qu'elle renferme.<br />Si la conscience n'est pas éclairée, les jeunes gens qui lui obéiront rendront peu de services à l'humanité lorsqu'ils seront des hommes.<br />La conscience éclairée est vraiment la base d'un État ; une conscience ignorante et aveugle peut conduire les hommes à tous les vices, à tous les crimes. L'inquisiteur n'obéissait-il pas à sa conscience lorsqu'il livrait l'hérétique à la torture avant de l'envoyer au bucher ?<br />Laud n'obéissait-il pas à sa conscience lorsqu'il persécutait, torturait et mutilait les Puritains qui refusaient de s'incliner devant lui ?<br />La conscience est responsable de tous les crimes commis contre les nations et les individus. Elle a besoin d'être éclairée avant de pouvoir servir de point d'appui.<br />Et il en est de même pour la raison.<br />Si la raison est développée, illuminée, cultivée, exercée, elle peut alors être écoutée, car elle conduira vers la lumière ; si elle n'est pas entrainée au bien, selon les lois de la logique [22] et de la pensée droite, elle sera tout aussi irrationnelle que si le nom de raison ne lui était pas appliqué.<br />Il ne suffit pas de conseiller aux hommes de suivre leur conscience et leur raison si vous ne tentez rien pour éclairer cette dernière. Mais comment y parviendrons-nous ?<br />La religion autrefois, et dans une grande mesure, s'acquittait de cette tâche.<br />La société peut-elle, oui ou non, enseigner une morale, qui soit indépendante de toute religion ? demande-t-on, et voici que les difficultés surgissent.<br />L'évêque de Tasmanie a très courageusement attiré l'attention de l'Empire Britannique sur les problèmes en présence desquels se trouve l'enseignement religieux. Il montre que l'Ancien Testament ne peut être, en général, utilisé pour donner aux enfants chrétiens les bases d'une instruction morale. Peut-on, dit-il, se servir de l'Ancien Testament pour l'éducation ? et sa réponse est négative. Il ajoute qu'il est possible de trouver dans l'Ancien Testament de magnifiques passages, et des plus moraux, mais à condition toutefois de procéder par élimination, en appliquant, à ce choix, la conscience morale. Sa qualité d'évêque ne [23] l'empêche pas de déclarer courageusement que l'Ancien Testament ne saurait, en thèse générale, trouver place dans l'éducation de l'enfant.<br />Supposez maintenant que nous admettions, – et beaucoup de personnes intelligentes seraient disposées à le faire, – supposez, dis-je, que nous admettions la nécessité de procéder par élimination, en choisissant ; cela encore ne répond pas suffisamment bien à l'importante question. Comment croyez-vous pouvoir enseigner la morale à l'enfant sans recourir à la religion ? Êtes-vous disposés à penser qu'il est possible d'enseigner certaines vertus indépendamment de toute sanction religieuse, non pas toutefois ces vertus fort en honneur à notre époque de luttes perpétuelles et de concurrence à outrance ? Certes, vous pouvez apprendre à l'enfant : la prudence, l'économie, la circonspection ; vous pouvez lui apprendre l'utilité qu'il peut y avoir, pour lui, d'acquérir certaines choses, lui faire ressortir qu'il est de son devoir d'économiser pour parer aux éventualités de l'avenir. Il vous est possible d'enseigner cela, en vous plaçant, selon le terme consacré, sur le terrain purement utilitaire ; mais, ainsi que le fait observer un autre article, fort remarquable aussi, sur "La [24] conscience sociale de l'avenir", certaines qualités, autrefois considérées comme des vertus, sont aujourd'hui démodées et qualifiées de défauts ou de vices.<br />C'est ainsi que la soumission, dit l'auteur, devient, de nos jours, de la lâcheté ; la douceur est faiblesse ; le fait de ne pas se soucier du lendemain s'appelle de l'imprévoyance ; le détachement du monde est, le plus souvent, qualifié de fausse sentimentalité.<br />Tout cela est très vrai.<br />Comment donc allez-vous enseigner les vertus qui ont eu leurs racines dans la religion, vertus sans lesquelles un État ne peut être durable ? Il vous est effectivement impossible d'enseigner les vertus civiques en vous basant sur l'égoïsme éclairé. C'est là un point que les éducateurs de la jeunesse ne doivent pas oublier. Sacrifice, compassion, dévouement, faire porter aux forts le fardeau des plus faibles, montrer et se rendre compte que le devoir est supérieur au droit et que le sentiment de responsabilité est de beaucoup plus important que la protection de soi-même, comment, dites-moi, enseignerez-vous tout cela en vous basant sur l'égoïsme ?<br />En ce qui me concerne, j'ai autrefois, au [25] temps où j'étais sceptique, essayé de prouver qu'il serait relativement aisé d'amener les individus à l'esprit de sacrifice, au renoncement, en faisant appel à leur humanité même, en faisant appel à leur sentiment du devoir vis-à-vis de la race entière. Mais il se trouve que c'est précisément là où ces vertus sont le plus nécessaires que de semblables appels échouent immédiatement. Cet appel est entendu des natures nobles, et celles-ci ne forment pas la majorité ; il est entendu des désintéressés et des âmes de héros, mais la plupart des hommes ne possèdent qu'un héroïsme médiocre et un désintéressement très limité. Un tel appel est entendu de ceux mêmes qui n'en n'ont nul besoin, laissant insensibles et impassibles ceux qui devraient l'écouter. Irez-vous parler de la beauté du sacrifice, de la grandeur de l'abnégation, au millionnaire qui édifia son immense fortune en vouant à la ruine des centaines de familles ?<br />"Pourquoi me sacrifierais-je et que m'importe l'avenir ?" Telle est la réponse des égoïstes.<br />Un Français spirituel disait : "Qu'a fait pour moi la postérité pour que je me sacrifie à elle ?" [26]<br />Ce sont là, vous écrierez-vous, des sentiments très mesquins et fort égoïstes. C'est juste, mais ceux qui les adoptent sont précisément ceux qui ont besoin d'être aidés par une force morale qui s'impose à eux.<br />Où trouverez-vous cette force ?<br />Sans l'esprit de sacrifice, aucune nation n'est en sécurité ; sans la soumission volontaire des petits aux grands, de l'individu à la collectivité, la vie nationale est impossible, aucun système social ne saurait durer.<br />Or, ces vertus nous viennent de la religion et nullement de ce que l'on appelle, à tort, l'utilitarisme.<br />Le système le plus utile, pour une nation, est celui qui comprend les rapports existant entre la partie et le tout, et ce point, seule la religion l'enseigne car elle seule connait le "Moi supérieur" qui relie l'homme au tout, qui lui fait comprendre tous les rapports existants, lui fait savoir qu'il n'est pas une créature appartenant à un unique petit globe, mais un habitant de l'Univers, une vie cosmique et non pas une vie planétaire. La religion seule apprend cela, par l'intermédiaire de l'Esprit divin et immortel présent dans tous les coeurs. Sans religion, pas de morale possible ; vous [27] commettrez une erreur qui sera funeste si, à cause des fautes momentanées des partisans des religions, vous séparez de l'Éducation cette Religion qui en est l'Inspiration et la Force. Tels sont les problèmes que vous avez à résoudre à cet égard. Oui vraiment ! Une nouvelle synthèse religieuse et morale vous est nécessaire, et vous ne la trouverez pas sans le secours de l'inspiration provenant du "Moi supérieur" que l'homme, en tâtonnant, recherche actuellement.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 24pt;"><strong>II. — LA SCIENCE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Abandonnant pour l'instant l'impasse où la religion est engagée, impasse dont nous essaierons de sortir dans une autre conférence, portons maintenant notre attention sur la science qui, à l'heure actuelle, est arrivée à un point extrêmement intéressant.<br />En Occident, comme ailleurs, la science consiste essentiellement dans l'observation, la mesure, l'évaluation des quantités, l'étude des analogies et elle se trouve avoir atteint dans cette voie, d'une façon très nette et très curieuse, la limite de ses pouvoirs. Ses appareils sont arrivés à la précision la plus haute, ses [28] balances sont des merveilles capables d'apprécier des poids infinitésimaux. Rien en effet de plus étonnant que la délicatesse et la sensibilité de certains appareils qui mettent en valeur la grande précision recherchée par l'homme de science. Et cependant ceux-ci ne suffisent plus au savant dont les observations deviennent, de jour en jour, de plus en plus difficiles.<br />Considérons l'atome.<br />Chimiste et physicien peuvent-ils suivre l'atome et l'observer ? Ne sont-ils pas obligés d'avoir recours au mathématicien pour lui demander de leur trouver un atome qui réponde aux exigences de la science expérimentale, celle-ci se voyant incapable de le découvrir ? Remarquez que toutes les récentes données reposent sur des formules mathématiques, et que les savants ne peuvent observer l'atome qui leur échappe en raison de sa ténuité, de son infinitésimale petitesse. Ils éprouvent un embarras non moins grand vis-à-vis de l'atome du chimiste, – lequel est de quatre degrés au-dessous de l'ultime atome physique, – et ils ne peuvent que discuter, sans plus 3 [29]</p> <p style="text-align: center;">Mais une science qui discute sur des faits que l'observation n'a point relevés, n'est plus la science telle que l'Occident la comprend ou l'a jusqu'à présent comprise. Tous les raisonnements scientifiques sont censés reposer sui l'observation, mais, lorsque celle-ci devient impossible et que les savants se voient contraints d'employer le simple raisonnement ou les spéculations intellectuelles, il devient dès lors nécessaire de chercher d'autres méthodes et de s'engager dans des voies nouvelles. Je ne prétends pas dire qu'il n'y a pas d'autres méthodes et de nouvelles voies, mais ce ne sont pas celles de la science actuelle.<br />Et alors survient cette difficulté : l'infiniment petit échappe à la science, par sa petitesse même ; le subtil est devenu trop subtil pour ses recherches. Si la chose est vraie, – et elle l'est pour la physique et la chimie, comme aussi, jusqu'à un certain point, pour l'électricité, – nous nous verrons obligés de convenir que les sciences ont atteint leurs limites, que les méthodes employées jusqu'ici ne sont plus d'aucune utilité, les organes des sens ne [30] répondant plus à la délicatesse, à la subtilité des ondes qui, de l'extérieur, viennent les frapper. Les sciences ont vaincu et conquis la matière dense et grossière, mais l'autre leur échappe ; ni les instruments de cuivre, de verre, ni même les aiguilles les plus sensibles, rien n'est plus assez délicat pour la continuation des recherches entreprises.</p> <p style="text-align: center;"><em>3La Théosophie reconnait, pour le plan physique, l'existence de sept états de matière : solide, liquide, gazeux, puis quatre éthériques. L'atome appartenant au plus haut état éthérique est appelé : atome ultime du plan physique et se trouve aux confins du plan astral, voisin du nôtre (NDT).</em><br /><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>PSYCHOLOGIE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Les mêmes difficultés se rencontrent dans les autres domaines scientifiques comme celui, par exemple, de la Psychologie.<br />Tous les faits que relate la Néo-Psychologie ont-ils été empruntés aux découvertes des hommes de science ? Pas le moins du monde ils nous viennent d'imposteurs, de charlatans, de théosophes, de mesméristes, de spiritualistes et de tous ces autres istes que la science officielle méprise et considère comme étant tout à fait indignes de figurer dans son cadre. Néanmoins, c'est à ces individus qu'elle prend les faits qu'elle relate, qu'elle emprunte ces Phénomènes étranges de la Néo-Psychologie, qui bouleversent complètement les théories sur la conscience et révèlent les pouvoirs cachés [31] dans l'homme. Tous ces phénomènes, qu'on emprunte à des gens si peu respectables, s'accumulent sans que la science parvienne à les expliquer. Certes, elle a beau jeu pour se vouer à de nouveaux travaux de classification, pour débaptiser et rebaptiser, appeler le mesmérisme : hypnotisme ; appeler la clairvoyance : autoscopie. Ses travaux de classification et ses nouvelles étiquettes ne nous empêchent nullement de constater ce fait évident : elle ne possède aucune théorie qui puisse s'adapter à ces phénomènes et permettre de les classer dans un ordre logique. En psychologie donc, comme en physique, en chimie et en électricité, l'on se trouve engagé dans une véritable impasse.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA MÉDECINE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Que dirons-nous de La Médecine ?<br />Les médecins commencent à douter, de plus en plus, de l'efficacité des remèdes qu'ils ordonnent. Dans mon jeune temps, un docteur digne de foi, me raconta un jour qu'il donnait parfois de l'eau colorée et des pilules de mie de pain à des malades qui, – il en était certain, – se seraient mieux portés sans médicaments, mais qui y tenaient à ce point, qu'il se [32] voyait dans l'obligation de leur donner quelque chose et prescrivait des choses anodines. Cette idée s'est propagée et les médecins perdent la foi en ce qui concerne les médicaments ; ils reconnaissent déjà que leur médecine est une science empirique, peu sure, ne reposant sur aucune saine théorie et qu'elle est tout expérimentale, ainsi qu'ils le disent eux-mêmes. Désespérant de trouver le moyen de guérir, ils se sont engagés dans un terrible à-côté :<br />La Vivisection.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA VIVISECTION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ils ont essayé, en torturant leurs frères inférieurs, les animaux, d'arracher à la nature les secrets qu'ils ne parvenaient pas à découvrir autrement. C'est là une voie dangereuse : au lieu de faire de la médecine une science qui guérit, elle en fait une science qui intoxique.<br />La médecine devient effectivement l'art de contrebalancer un poison par un autre poison et l'on tente, entre ces deux poisons, de recouvrer un semblant de santé. Lorsqu'ils découvrent un élément nouveau dont ils ne connaissent pas l'emploi, les médecins s'écrient aussitôt : "Expérimentons sur un animal, c'est [33] toujours mieux que d'expérimenter sur l'homme." C'est juste, mais si l'effet n'est pas le même ? Si ce qui est, pour l'homme, un poison, n'en est pas un pour l'animal, les résultats de l'expérience consisteront alors dans une intoxication générale involontaire qui s'ajoutera aux intoxications volontaires des temps présents. Il y a donc là un danger qui, dorénavant, empêchera peut-être d'accepter, aussi volontiers, les découvertes des vivisecteurs. Au fait, prenez la jusquiame : Les chèvres en mangent impunément et cette plante entrainerait notre mort. Si, au moment où l'on désire connaitre les effets de la jusquiame sur l'organisme humain, on avait au préalable essayé celle-ci sur des chèvres, d'innombrables décès auraient été la conséquence de cette application, à l'homme, de la méthode expérimentale.<br />Et dites-moi ! Qu'obtient cette science erronée et aveugle, avec tous ses sérums, ses toxines et tout ce qu'elle fait ingurgiter ? Elle diminue la vitalité de la race et le pouvoir qu'a le mental de résister à la maladie. Je ne dis pas qu'il ne soit pas possible d'immuniser un homme, pendant un certain laps de temps, en l'empoisonnant progressivement pour que le poison, absorbé ensuite en grande quantité, [34] n'ait plus d'effet sur lui.<br />On peut faire cette expérience avec l'arsenic. Me direz-vous qu'il s'agit là de santé ?<br />Non ! Il ne peut s'agir que de maladie, et toutes ces méthodes, je le répète, abaissent la vitalité du corps, en faisant de ce dernier une proie facile pour toutes les autres maladies, sous prétexte de le sauver de quelques-unes.<br />La santé ne s'obtient pas à l'aide de poisons, si savamment dosés soient-ils.<br />La santé s'obtient par une vie pure, par une nourriture saine, par la maitrise de soi ; on l'acquiert en devenant son maitre et non pas en demeurant l'esclave de ses appétits et de ses passions.<br />La voie prise par la science conduit à la mort et non à la vie ; elle n'a de raison d'être que pour ceux qui veulent mener mauvaise vie et se préserver ensuite des conséquences de leur conduite, en absorbant les produits empruntés aux animaux qu'on a, pour cela, martyrisés.<br />Nous voici donc, une fois de plus, dans une impasse, et d'ailleurs les partisans de la vivisection commencent eux-mêmes à s'effrayer des résultats qu'ils obtiennent.<br />S'il y a des solutions à ces problèmes de la [35] souffrance, elles ne seront pas trouvées sur les chemins qu'on a poursuivis jusqu'à présent.</p> <p style="text-align: center;"> </p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>III. — L'ART</strong></span></p> <p style="text-align: center;"> </p> <p style="text-align: center;"><br />Et l'Art ?<br />De nos jours, nombre de personnes, je le crains, dans ce pays comme ailleurs, ignorent que la Beauté est, pour l'homme, une nécessité de la vie de chaque jour. L'homme et la femme qui en sont privés perdent de leur humanité. Point n'est besoin de se demander si l'on peut et si l'on doit s'offrir le luxe des choses belles ; la beauté n'est pas là un luxe, mais une véritable nécessité ; c'est un autre pain quotidien.<br />Les peuples qui surent apprécier la valeur de la Beauté, possédaient de belles cités ; leurs oeuvres d'art étaient une propriété commune ; leurs édifices étaient magnifiques de proportions, leur architecture admirable, et l'on s'arrangeait de manière que le public pût en jouir. Aussi, en résultait-il une pureté de forme dont le moral bénéficiait en s'embellissant lui-même, ce qui ne saurait être pour un peuple que la laideur d'une ville n'effraie pas, qui respire une atmosphère délétère et s'entoure de choses laides. [36]<br />J'ai notamment fait, aux Indes, une pénible constatation, et ce que je puis vous en dire ne peut vous frapper ainsi que vous le seriez certainement si vous vous trouviez sur les lieux. Autrefois, la vie indoue respirait la beauté. Maintenant encore, en pleine campagne, la vie y est belle à voir. Les costumes sont jolis, amples, de couleurs ravissantes et c'est un charmant tableau qu'une paysanne aux champs, tant sont grandes la grâce de ses vêtements et la coloration des étoffes qu'elle porte. Lorsqu'elle va à la fontaine du village, elle a, sur la tête, un vase en bronze, en cuivre ou en argile, dont la forme et les tons sont toujours exquis.<br />Aujourd'hui, notre civilisation ayant filtré dans l'Inde tout entière, tout change. Les couleurs d'aniline remplacent les couleurs végétales, les objets en zinc prennent la place des ravissantes cruches d'autrefois. Jadis, lorsqu'il y avait une noce dans un village, chaque famille apportait, pour la fête, ses plus beaux vases, lesquels sont aujourd'hui délaissés et remplacés par d'horribles récipients en fer-blanc.<br />Tout cela, me direz-vous, est de peu d'importance ; je prétends et vous affirme que cela en a beaucoup.<br />Détruire le sentiment de la beauté, lequel [37] résulte du contact avec la nature, – (car la nature est toujours belle et notre contact avec elle ennoblit le visage, la forme et l'Esprit), – détruire ce sentiment, qui se développe en nous à la vue des montagnes, des rivières, des prés, des bois… c'est là une perte nationale, c'est là un signe de décadence. Les cités jardins, que vous commencez à construire, ne sont pas des caprices d'insensés ; c'est au contraire une sage tentative pour arracher les individus au spectacle affreux de la brique et du mortier tels qu'ils sont employés dans la campagne anglaise où la vie est encore belle, où le soleil et la couleur resplendissent.<br />Là où la Beauté n'est pas une force dominante, la vie est misérable, devient commune et vulgaire.<br />La Beauté est l'une des grandes révélations divines car elle consiste dans une harmonie parfaite, dans la perfection des lignes et de la couleur, caractéristiques de l'Artisan Divin qui, toujours, se manifeste par la Beauté assise sur la Sagesse et la Puissance.<br />Voyez vos oeuvres d'art ! Elles ne sont pas créées, mais imitées. Cela vous prouve que l'Art, lui aussi, est parvenu aux limites de son domaine, et que, pour continuer, une [38] nouvelle source d'inspiration lui est nécessaire. On entend dire parfois "qu'on ne peut faire plus beau que nature". Ignorez-vous donc qu'il est possible de voir la nature autrement que ne la voient les yeux aveugles des gens ordinaires ? Prenez une simple fleur qui, il est vrai, est belle d'elle-même ; un petit esprit de la nature l'a construite aussi bien que sa petite intelligence lui a permis de le faire dans sa conception de la Pensée Divine. Me direz-vous que l'artiste, dont l'évolution est de beaucoup supérieure à celle de ce petit esprit de la Nature, est incapable de mieux saisir la pensée que Dieu a mise en cette fleur ? C'est précisément ce que font les grands peintres, les poètes, les musiciens : ils voient, expriment et entendent les pensées divines, plus complètement que vous et moi ne saurions le faire à l'aide de notre vision limitée, de notre parole inhabile, de notre ouïe si peu sensible. La Pensée Divine est là, mais nous ne la percevons pas ; c'est à l'artiste qu'incombe le devoir de nous révéler la Beauté divine dans la forme ; s'il n'y parvient pas, il n'est pas un véritable artiste.<br />À venir est encore l'artiste de la nouvelle civilisation, celui qui pourra voir, à travers [39] les formes, l'Idée Divine qui s'efforce de s'exprimer au moyen d'un nouvel idéal, d'une nouvelle espérance et de nouveaux pouvoirs. C'est là ce qui vous manque, en art, mais l'aurore va bientôt vous apporter un art nouveau sous le ciel nouveau et sur la terre de demain.<br />Si je vous ai conduits aujourd'hui sur une route désolée, – (en vous parlant de ce qui disparait et non de ce qui vient), – c'est pour vous montrer les signes qui vous entourent et vous indiquent la fin d'un cycle ; et ce n'est pas seulement pour vous les montrer, – ce qui serait de peu d'importance, – c'est aussi pour que, grâce à la connaissance que vous aurez de ce qui s'en va, vous puissiez préparer l'avènement de la race qui va naitre.<br />Vous ne saurez guider vos pas si vous ne comprenez pas ; si vous ne savez rien, si vous n'entrevoyez rien, le monde restera pour vous une énigme, au lieu d'être une expression de la Pensée Divine.<br />L'âge qui meurt a fait son oeuvre ; il a développé le mental concret, la pensée scientifique, la puissance, la force, l'énergie, autant de dons divins qu'il faut désormais employer à des buts plus nobles que ceux qu'on a poursuivis jusqu'alors. Il n'y a rien à regretter, [40] rien à pleurer, rien à souhaiter de plus, dans ce monde qui s'en va et a terminé son oeuvre.<br />À vous de sortir de ce monde agonisant pour pénétrer dans le nouveau. C'est vers ce dernier que je voudrais essayer d'entrainer vos pensées et peut-être aussi, je l'espère, votre vie.</p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>LA RELIGION, LA SCIENCE ET L'ART DANS UNE IMPASSE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"> </p> <p style="text-align: center;"><br />Transportez-vous, en pensée, au bord de l'océan et observez la marée montante ! Voyez les vagues se succéder les unes aux autres, chacune d'elles s'étendant sur la grève plus loin que la précédente, puis se brisant pour faire place à celle qui suit. Cette image peut s'appliquer à l'évolution des races humaines.<br />Observez maintenant avec plus d'attention cette marée montante. La vague qui s'avance le plus loin sur le rivage n'est pas la plus importante ; elle bouillonne sur les galets, monte et se brise dans un flot d'écume puis se disperse enfin en poussière d'eau, chantant au vent cette chanson si chère aux poètes. Cette vague est [2] celle qui, arrivée au terme de sa course, cesse d'être.<br />Soyez plus attentifs encore ! Tandis que nos sens étaient attirés par le fracas et le spectacle de la lame qui s'effondrait, une autre petite vague, silencieusement, presque subrepticement, arrivait sur le brisant, pour déferler à son tour, et avancer sur le sable plus loin que la précédente.<br />Ce tableau, si familier aux enfants qui ont été au bord de la mer, peut symboliser l'évolution des races ; les vagues nous représentent alors les races ; l'océan : l'humanité en général. Les vagues plus petites, qui se produisent entre chacune des grandes, sont, elles, les sous-races issues de la race-mère.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'ESPRIT DU SIÈCLE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ce qui est vrai pour la mer, est vrai aussi pour l'humanité : quand une vague secondaire se brise, une autre apparait qui domine à son tour, et, pour les yeux qui savent regarder, émerge l'Être puissant que nous appelons :<br />L'Esprit du siècle.<br />Les pieds sur les flots, les cheveux dorés de soleil, on l'entend s'écrier d'une voix de tonnerre : [3]<br />"J'apporte un nouveau ciel et une nouvelle terre où la justice règnera."<br />Nous assistons actuellement à pareil spectacle ; la vague, ou plutôt la sous-race, à laquelle nous appartenons tous, ou presque tous, déferle et se brise sur le brisant du Temps. Celle qui apporte un nouveau ciel et une nouvelle terre, c'est la race qui nait et va dominer le monde transformé.<br />Durant des siècles et des siècles, pendant des milliers d'années, la marche lente de l'évolution se poursuit insensiblement jusqu'à ce qu'un changement survienne. Une race meurt et disparait, une autre la remplace mais précédée par une époque de transition, époque durant laquelle les évènements se précipitent. Les catastrophes sont alors plus fréquentes, les transformations se font sentir plus brutalement, les hommes progressent en une année, plus que leurs ancêtres en un siècle.<br />Le monde traverse actuellement une période analogue.<br />Pendant de longs siècles, la grande race Aryenne s'est répandue sur la surface du globe ; ses vagues successives, c'est-à-dire ses sous-races, ont parcouru l'Asie et l'Europe, chacune d'entre elles ayant, chaque fois, [4] traversé les phases de la naissance, de la croissance, du progrès, de l'apogée et du déclin.<br />C'est ainsi que, peu à peu, sous-race par sous-race, régulièrement, tranquillement, le monde s'est transformé sans trop grands heurts ni trop grands troubles, les roues de notre univers ayant tourné à une vitesse modérée, d'une façon continue et sans trop de cahots, jusqu'à ce que soit arrivée la naissance de la nouvelle sous-race destinée à remplacer celle qui va disparaitre.<br />À certains signes, en examinant les choses qui nous entourent, vous ne sauriez manquer de constater la fin d'un cycle ; vous vous apercevrez que la pensée humaine a désormais atteint un point au-delà duquel elle ne pourra plus avancer si elle ne s'engage pas dans des voies nouvelles, si elle n'adopte pas d'autres méthodes d'investigation ; et vous remarquerez, qu'en tout et pour tout, les activités de l'intelligence, après un développement rapide, se trouvent maintenant engagées dans une véritable impasse.<br />Les changements, que les plus âgés parmi vous ont pu voir, sont certainement merveilleux. Ces transformations se succèdent, chaque fois plus importantes, et l'humanité tout [5] entière est ainsi entrainée, sans cesse, vers le Progrès. Aussi les hommes se demandent-ils ce que l'avenir leur réserve.<br />Ce n'est pas la première fois, certes, qu'une telle période surgit dans le monde ; l'histoire nous confirme le fait. Reportez-vous au passé, au moment où la race qui précéda notre race indo-germanique était arrivée à son apogée, et voyez combien les esprits étaient alors troublés ! Ce moment coïncide avec la naissance de celui que l'on connait en Occident sous le nom de Christ. Ce fut, comme aujourd'hui, une période de transitions brusques, de changements soudains et caractéristiques. Et si, comme je vous le dis à présent, vous vous étiez alors écriés : "Vous vivez à l'une des grandes époques de transition de l'histoire du monde ; la race qui domine est à son apogée mais bientôt, lente et inévitable, la décadence suivra" ; si vous vous étiez écriés qu'un grand instructeur allait apparaitre, pour révolutionner le monde à venir, changer les bases mêmes de la civilisation, donner une nouvelle religion aux races les plus avancées, établir un nouveau code de morale, qualifier de vertueux ce que l'on avait jusqu'alors méprisé, et tresser la couronne de sainteté à l'aide même des matériaux qu'on [6] avait jusqu'alors dédaignés ; si, dis-je, vous aviez, en ce temps-là, prononcé de telles paroles, l'on se serait ri de vous, l'on vous aurait appliqué l'épithète de rêveurs, l'on vous aurait menacés, maltraités et considérés comme de dangereux utopistes. En effet ! Pourquoi le monde changerait-il de route ? Quel besoin pour les hommes de porter leurs pas vers des sentiers nouveaux et par conséquent inconnus ?<br />Et pourtant, des âmes sentirent qu'un changement était imminent ; des prophètes et des voyants parlèrent du royaume à venir, de l'instructeur futur, des transformations qui devaient s'opérer ici-bas et bouleverser la face du monde.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA FIN D'UN CYCLE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Mais à quoi bon regarder si loin en arrière, si vous devez être aujourd'hui aussi aveugles qu'on le fut dans le passé ? Deux mille ans se sont écoulés ! Les hommes ne sont-ils pas devenus plus sages, leurs yeux ne sont-ils pas décillés et les signes de<br />La Fin d'un Cycle ne leur sont-ils pas plus visibles qu'ils ne le furent pour leurs ancêtres aux derniers jours de Rome ? En ce temps-là aussi, il fut [7] question d'importants changements à venir, de l'apparition nouvelle d'un grand instructeur, de la naissance d'une nouvelle ère, d'un nouveau ciel, d'une nouvelle terre.<br />Nous vivons actuellement à une semblable époque de transition ; plus d'un, fort probablement, me traitera, comme il l'aurait fait jadis, d'utopiste ou d'insensée, mais je ne m'en appliquerai pas moins, ce soir et les dimanches qui suivront, à vous parler des signes d'après lesquels vous pourrez vous-mêmes prévoir de prochains changements et l'avènement d'un nouvel instructeur dans un nouveau royaume ; je ne m'en appliquerai pas moins à vous parler des signes d'après lesquels vous pourrez vous convaincre de la possibilité, aujourd'hui comme autrefois, d'une forme nouvelle pour le monde, d'un type plus noble d'humanité sur la terre. Nombreux sont les signes qui marquent la fin d'un cycle, nombreux aussi les signes de l'aurore dont les premières lueurs se distinguent déjà à l'horizon.<br />Dans cette conférence, comme dans la prochaine, je ne m'étendrai pas sur la race qui doit naitre, mais sur celle qui s'en va. S'il vous arrive de trouver ces deux conférences un peu sombres et quelque peu attristantes, je vous [8] rappellerai que la nuit précède toujours l'aurore, que le ciel est toujours terne, un peu avant le lever du soleil. Si, au-delà de ce ciel terne, nous pouvons apercevoir les premiers rayons d'une aube resplendissante, ne nous attristons donc pas en constatant l'obscurité qui nous entoure ; cette obscurité va bientôt se dissiper et nous assisterons à la glorieuse naissance du jour qui point déjà.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Nous nous occuperons, ce soir, des trois grandes divisions de la pensée humaine :</p> <p style="text-align: center;">La Religion ;<br />La Science ;<br />L'Art.</p> <p style="text-align: center;"><br />Voyons maintenant si, en examinant les mondes religieux, scientifique et artistique, nous arriverons à constater que les méthodes usitées jusqu'à présent nous ont conduits aussi loin qu'elles pouvaient le faire, qu'elles nous deviennent inutiles, et qu'il nous est désormais impossible de nous en servir pour [9] ouvrir à la pensée humaine de nouveaux horizons pleins d'espoir et de promesses.<br />Il existe partout un sentiment d'inquiétude, d'incertitude, et même d'angoisse ; nous nous demandons où git la vérité et ce à quoi nous pourrions bien nous fier ; nous cherchons un roc où poser le pied au milieu de ces divergences d'opinions, au milieu du doute ou, pour mieux dire, de cette atmosphère de scepticisme et d'incrédulité.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 24pt;"><strong>I. — LA RELIGION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Quelle est, aujourd'hui, la situation du monde religieux ?<br />Disons tout d'abord que, durant de longues années, certaines forces se sont plu à saper la religion de l'époque, – (par religion, j'entends celle de l'Occident, puisque je m'adresse à des Occidentaux). – Il est certain qu'il me serait possible de vous montrer que ces mêmes forces sont à l'oeuvre en d'autres parties du monde ; elles ne s'exercent pas d'une manière aussi sensible, mais elles sont cependant, dans une certaine mesure, arrivées aux mêmes résultats. [10]<br />Je ne vous demanderai pas d'accepter, sans discussion, le témoignage, que la théosophe que je suis peut vous donner au sujet des difficultés en présence desquelles le monde religieux se trouve être aujourd'hui, difficultés dont je me propose d'aborder les points principaux. Lorsque j'aurai attiré votre attention sur les forces destructrices qui se sont attaquées à la religion, je vous citerai des évêques, et autres ecclésiastiques, dont vous pourrez lire les oeuvres.<br />Les principales forces auxquelles je viens de faire allusion sont au nombre de trois ; elles sont toutes destructrices. Nous savons démolir mais nous sommes incapables de reconstruire ; c'est là l'un des signes de la fin d'un cycle.<br />En premier lieu, – vous ne l'ignorez pas, – il y eu des savants en matière religieuse qui, sous le prétexte de haute critique, ont mis en pièces les documents sur lesquels reposait l'histoire du Christianisme. Ils s'emparèrent successivement de ces documents, les examinèrent, les analysèrent, les scrutèrent, comparant, les uns avec les autres, les textes originaux et leurs diverses traductions. Ils prouvèrent que ce que l'on attribuait à un [11] seul auteur présentait, au contraire, les signes d'époques différentes et, ayant placé en regard les unes des autres les versions diverses qu'ils avaient rassemblées, ils montrèrent que celles-ci s'annulaient réciproquement. La chose prit des proportions telles que, récemment, le chef reconnu de l'Église Romaine mit ces travaux à l'index. Haute critique, méthode historique appliquée à l'enseignement et à l'histoire de l'Église, esprits d'analyse, d'investigation, de recherche, tels qu'on les comprend de nos jours, tout cela fut condamné, il est maintenant interdit d'en faire usage dans toutes les écoles catholiques romaines. Les résultats de la critique historique sont donc proscrits, et, politique des plus funestes, on les cache à ceux qui se proposent de devenir les éducateurs des générations à venir.<br />Cela doit-il nous étonner quant au point de vue extérieur ?<br />Si l'on fait de la religion une question d'autorité, de textes, de chronologie, d'évènements historiques, la critique sera toujours et fatalement destructrice. En effet, la forme change ; elle ne peut être stable dans un monde où tout est transitoire. Les anciens textes perdent la valeur qu'on leur attribuait autrefois ; [12] l'on en mesure l'inspiration en s'attachant à la lettre plus qu'à l'esprit, et cette inspiration est impuissante à résister aux critiques de l'heure présente. De plus, comme des enfants abandonnent sur la plage des châteaux de sable qu'ils rêvaient de voir résister aux vagues, l'on abandonne successivement ses réquisitoires, contre ou pour l'Église, à mesure que s'avance la marée montante du progrès. De tous côtés, vous le savez, s'élèvent des doutes concernant les textes ; la chose serait décourageante si la religion n'était réellement qu'une question de livres et de mots, si elle ne dépendait pas de l'Esprit vivant et divin dont tout homme est animé. Cet Esprit-là, aucune critique ne le détruira, puisqu'il est lui-même la source de la pensée et, par conséquent, du sens critique. Cependant, il faut bien convenir que, par suite du discrédit jeté sur ces documents, la religion se trouve avoir du plomb dans l'aile.<br />Désirez-vous maintenant connaitre la seconde des forces destructrices ? Cherchez-la dans l'archéologie, dans ce que l'on appelle la mythologie comparée, science édifiée à l'aide des recherches archéologiques. On a fouillé le sol où l'on trouva des villes, des bibliothèques, [13] des tombeaux qui nous révélèrent des secrets demeurés longtemps cachés, secrets qui ne tardèrent pas à devenir des armes contre la religion de l'Occident. Les dates adoptées jusqu'alors furent rejetées, les centaines d'années se transformèrent en millions d'années.<br />L'archéologie, la géologie, l'étude de l'antiquité sous toutes ses formes, les recherches qu'on fit sur les races disparues, tout amena un résultat identique, en ébranlant ce que l'on s'imaginait, à tort, être les bases mêmes de la religion.<br />De toutes ces attaques, de cette incessante destruction, de ce perpétuel esprit de critique, naquirent le doute, l'incertitude, le demi-scepticisme. Seule, l'espérance a remplacé la connaissance, le désir de connaitre s'est substitué à la foi vivante.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>CREUSET DE LA RAISON</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Outre les détails secondaires donnant prise à la critique, on a jeté les idées maitresses de la religion au Creuset de la Raison.<br />L'idée de Dieu elle-même a été controversée, commentée, et notre conception de la Divinité s'est modifiée. [14]<br />Qui songe, aujourd'hui, à étudier Analogy, oeuvre de Butler ? qui donc serait disposé à méditer sur Evidences, oeuvre de Paley ? Ce sont là, n'est-ce pas, des ouvrages surannés où l'on ne saurait trouver, traitées, les questions à l'ordre du jour.<br />L'idée d'évolution a, en effet, touché la religion ; la conception qu'on a de celle-ci, comme celle aussi qu'on se fait de la Divinité, n'a pu échapper à cette atmosphère corrosive de la pensée humaine à cet égard.<br />Ici, et quant à ces questions, toutes les soi-disant preuves qu'on puisse fournir demeurent impuissantes et stériles ; les raisonnements les plus subtils sont insuffisants. Si grande que soit l'accumulation des arguments, l'on n'obtient jamais, par le raisonnement, qu'une probabilité plus ou moins rationnelle lorsqu'on se contente de chercher Dieu hors de nous, et non dans sa manifestation la plus élevée, c'est-à-dire dans l'Esprit, vivant en chacun de nous.<br />L'idée d'un Dieu extra-cosmique, il est vrai, se dissipe peu à peu ; l'on ne croit plus guère, à présent, que Dieu ait créé l'univers comme un ingénieur construit une machine, et qu'Il se tient en dehors pendant que les roues tournent, que les courroies transmettent le [15] mouvement. À cette théorie s'est substituée celle qui admet un Dieu immanent en toutes choses, un Dieu qui est une vie et non plus un mécanicien, un Dieu qui est l'Esprit animant toutes les formes ; il ne s'agit plus enfin d'un Créateur extérieur à son univers ; cette façon de voir, plus noble, plus élevée que la précédente, commence à être admise dans le monde religieux actuel.<br />Mais considérer Dieu comme immanent dans l'univers n'est pas l'ultime réponse qu'on soit en droit d'attendre de la religion. Il faut plus encore que ce Dieu, résidant dans l'univers et dans l'homme, il faut proclamer cette grande vérité que les Écritures orientales contiennent :<br />"J'édifie cet univers avec une partie de moi-même ; puis je demeure 1."<br /><em>1 Bhagavad-Gitâ (NDT).</em><br />C'est là l'une des perspectives nouvelles de la pensée religieuse à cet égard et les forces destructrices que nous considérons ne sauront l'atteindre.<br />Il est une autre grande conception chrétienne fertile en embarras et en difficultés de toutes sortes.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>JÉSUS OU LE CHRIST ?</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Je vais, ici, vous présenter un article [16] remarquable ayant paru dans le Hibbert Journal de janvier 1909. C'est peut-être l'un des plus beaux qui aient paru sur la question. Il porte un titre étrange qui dénote bien sur quelle énigme s'acharnent nombre de penseurs actuels.<br />Jésus ou le Christ ?<br />Tel est le titre. Non pas Jésus-Christ, ni Jésus et le Christ mais bien Jésus ou le Christ ? Cela ne surprendrait pas de la part d'un théosophe, mais l'article est écrit par un ministre de l'Église chrétienne. Celui-ci reconnait, avec une franchise et une audace dignes d'éloges, les difficultés que doivent affronter tous ceux qui, d'un côté, se trouvent en présence de l'idéal spirituel et, de l'autre, de l'homme. L'auteur demande si les revendications de l'Église sont émises au nom d'un idéal spirituel auquel on pourrait, provisoirement, donner le nom de Christ, ou si elles sont faites au nom de Jésus. Il examine ensuite un certain nombre de difficultés (vous feriez bien de lire l'article), en faisant remarquer que, dans l'étude du Nouveau Testament, l'on se trouve souvent en présence de concessions aux idées de l'époque et de beaucoup d'autres [17] difficultés qui ne concordent pas avec l'idée qu'il s'agit là du "Vrai Dieu émané du seul Dieu 2".<br />Il nous montre que, dans le sermon sur la montagne :<br />"on ne flétrit nullement cette cruelle loi relative au débiteur et au créancier",<br />et il ajoute qu' : "on ne saurait trouver, dans les paroles attribuées au Maitre en cette circonstance, aucun encouragement tendant à réformer la loi en question. Le précepte de Jésus, en ce qui concerne la soumission et la prestation de serment est absolu, et pourtant le Christianisme l'a ouvertement violé au cours de son histoire."<br />L'auteur envisage ensuite les idées relatives à l'homme et à la femme et parle :<br />"de ce principe inique concernant l'infériorité du sexe féminin, principe qui fut la cause [18] d'innombrables souffrances pour la majorité des individus".<br />L'auteur poursuit de la sorte son étude, point par point, pour aboutir à cette conclusion, qu'il juge inévitable :<br />"Identifier Jésus avec le Christ, c'est faire un Dieu d'un être omnipotent et cependant limité en Puissance, omniscient et cependant limité en Connaissance, infiniment bon et refusant cependant de communiquer sa Science divine à l'homme. Appeler cela un mystère serait un abus de langage, c'est de la pure contradiction."<br />Dès lors qu'un pasteur fait de pareilles assertions, dans une publication qui s'adresse presque exclusivement aux classes supérieures, l'on se rend compte de la nature des obstacles rencontrés par la pensée moderne au sujet de la personne de Jésus et de la révélation, plus vaste, du Christ.<br />Il est impossible que des questions de ce genre restent sans réponse, que de semblables problèmes puissent être soulevés pour demeurer sans solutions. Inévitablement, péniblement, le Christianisme devra trouver une solution rationnelle et déterminer qu'une révélation divine eut réellement lieu par l'intermédiaire de cette merveilleuse personnalité que fut Jésus, [19] chose que les hommes ont toujours acceptée et espérée ; le Christianisme devra avouer qu'une réponse doit être donnée, réponse que l'orthodoxie n'est peut-être pas prête encore à fournir.</p> <p style="text-align: center;"><em>2 Les théosophes font une distinction entre le Christ, incarnation divine, et Jésus, le disciple qui incarna le Christ. Jésus était donc homme, et le Christ est considéré comme étant l'incarnation d'un Dieu participant à la conscience divine. Pour plus amples explications nous prions nos lecteurs de se reporter au début de la conférence sur Le Christ futur et à la conférence sur La nature du Christ. Nous leur conseillons également la lecture du Christianisme Ésotérique. Ils comprendront alors qu'il peut exister, dans les Écritures, certains passages attribués à tort au Christ et dont Jésus fut l'auteur, et vice versa (NDT).</em></p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA MORALE</strong></span></p> <p style="text-align: center;">Si, de la religion proprement dite, nous passons au vaste domaine qui lui est intimement lié :<br />La Morale, nous voyons que la situation adoptée à cet égard est des plus embarrassantes.<br />Depuis mon dernier séjour à Londres, vous avez eu ici le Congrès de l'Éducation morale où pas moins de vingt-deux gouvernements européens envoyèrent leurs représentants. On se préoccupa fort de savoir si l'éducation était, ou non, indépendante de la religion. Il s'agit là d'une question sociale de la plus haute importance parmi toutes celles qui sont aujourd'hui à l'ordre du jour ; la société devra la résoudre.<br />La morale aura-t-elle la religion pour base et sera-t-elle sanctionnée par cette dernière, ou peut-elle s'en séparer et vivre, isolée, [20] indépendante, sur le terrain qu'elle aura choisi ?<br />La réponse la plus courante, la plus en vogue, est en faveur de la seconde alternative ; d'après celle-ci, la morale doit exister sur son propre terrain, indépendamment de toute sanction religieuse. Cela n'a rien qui puisse nous surprendre, car les querelles entre les gens appartenant à des fois différentes et les violentes polémiques qui ont été faites au sujet de l'éducation, ont lassé les esprits en Angleterre où hommes et femmes s'impatientent en présence de ces luttes. Cette impatience est-elle fondée alors qu'il s'agit de l'éducation morale de milliers d'enfants, citoyens de l'avenir ?<br />Au Congrès, la question fut catégoriquement posée, et d'une façon si précise qu'aucune ambigüité n'en permettait des interprétations variées. Or, nous trouvons dans un numéro du même Hibbert Journal, cité tout à l'heure, un bref aperçu traitant des rapports de l'éducation avec la religion. L'auteur de l'article parle d'un remarquable discours fait au Congrès, dans lequel il est dit :<br />"que si l'on veut enseigner aux enfants le respect dû à l'idée de religion…, il faut aussi leur apprendre que la meilleure manière d'honorer Dieu consiste à [21] faire chacun son devoir selon sa conscience et selon sa raison."<br />Voilà une affirmation que, de nos jours, on serait prêt à accepter, et pourtant, sa valeur, comme aussi son manque de valeur, dépendent des deux mots : conscience et raison qu'elle renferme.<br />Si la conscience n'est pas éclairée, les jeunes gens qui lui obéiront rendront peu de services à l'humanité lorsqu'ils seront des hommes.<br />La conscience éclairée est vraiment la base d'un État ; une conscience ignorante et aveugle peut conduire les hommes à tous les vices, à tous les crimes. L'inquisiteur n'obéissait-il pas à sa conscience lorsqu'il livrait l'hérétique à la torture avant de l'envoyer au bucher ?<br />Laud n'obéissait-il pas à sa conscience lorsqu'il persécutait, torturait et mutilait les Puritains qui refusaient de s'incliner devant lui ?<br />La conscience est responsable de tous les crimes commis contre les nations et les individus. Elle a besoin d'être éclairée avant de pouvoir servir de point d'appui.<br />Et il en est de même pour la raison.<br />Si la raison est développée, illuminée, cultivée, exercée, elle peut alors être écoutée, car elle conduira vers la lumière ; si elle n'est pas entrainée au bien, selon les lois de la logique [22] et de la pensée droite, elle sera tout aussi irrationnelle que si le nom de raison ne lui était pas appliqué.<br />Il ne suffit pas de conseiller aux hommes de suivre leur conscience et leur raison si vous ne tentez rien pour éclairer cette dernière. Mais comment y parviendrons-nous ?<br />La religion autrefois, et dans une grande mesure, s'acquittait de cette tâche.<br />La société peut-elle, oui ou non, enseigner une morale, qui soit indépendante de toute religion ? demande-t-on, et voici que les difficultés surgissent.<br />L'évêque de Tasmanie a très courageusement attiré l'attention de l'Empire Britannique sur les problèmes en présence desquels se trouve l'enseignement religieux. Il montre que l'Ancien Testament ne peut être, en général, utilisé pour donner aux enfants chrétiens les bases d'une instruction morale. Peut-on, dit-il, se servir de l'Ancien Testament pour l'éducation ? et sa réponse est négative. Il ajoute qu'il est possible de trouver dans l'Ancien Testament de magnifiques passages, et des plus moraux, mais à condition toutefois de procéder par élimination, en appliquant, à ce choix, la conscience morale. Sa qualité d'évêque ne [23] l'empêche pas de déclarer courageusement que l'Ancien Testament ne saurait, en thèse générale, trouver place dans l'éducation de l'enfant.<br />Supposez maintenant que nous admettions, – et beaucoup de personnes intelligentes seraient disposées à le faire, – supposez, dis-je, que nous admettions la nécessité de procéder par élimination, en choisissant ; cela encore ne répond pas suffisamment bien à l'importante question. Comment croyez-vous pouvoir enseigner la morale à l'enfant sans recourir à la religion ? Êtes-vous disposés à penser qu'il est possible d'enseigner certaines vertus indépendamment de toute sanction religieuse, non pas toutefois ces vertus fort en honneur à notre époque de luttes perpétuelles et de concurrence à outrance ? Certes, vous pouvez apprendre à l'enfant : la prudence, l'économie, la circonspection ; vous pouvez lui apprendre l'utilité qu'il peut y avoir, pour lui, d'acquérir certaines choses, lui faire ressortir qu'il est de son devoir d'économiser pour parer aux éventualités de l'avenir. Il vous est possible d'enseigner cela, en vous plaçant, selon le terme consacré, sur le terrain purement utilitaire ; mais, ainsi que le fait observer un autre article, fort remarquable aussi, sur "La [24] conscience sociale de l'avenir", certaines qualités, autrefois considérées comme des vertus, sont aujourd'hui démodées et qualifiées de défauts ou de vices.<br />C'est ainsi que la soumission, dit l'auteur, devient, de nos jours, de la lâcheté ; la douceur est faiblesse ; le fait de ne pas se soucier du lendemain s'appelle de l'imprévoyance ; le détachement du monde est, le plus souvent, qualifié de fausse sentimentalité.<br />Tout cela est très vrai.<br />Comment donc allez-vous enseigner les vertus qui ont eu leurs racines dans la religion, vertus sans lesquelles un État ne peut être durable ? Il vous est effectivement impossible d'enseigner les vertus civiques en vous basant sur l'égoïsme éclairé. C'est là un point que les éducateurs de la jeunesse ne doivent pas oublier. Sacrifice, compassion, dévouement, faire porter aux forts le fardeau des plus faibles, montrer et se rendre compte que le devoir est supérieur au droit et que le sentiment de responsabilité est de beaucoup plus important que la protection de soi-même, comment, dites-moi, enseignerez-vous tout cela en vous basant sur l'égoïsme ?<br />En ce qui me concerne, j'ai autrefois, au [25] temps où j'étais sceptique, essayé de prouver qu'il serait relativement aisé d'amener les individus à l'esprit de sacrifice, au renoncement, en faisant appel à leur humanité même, en faisant appel à leur sentiment du devoir vis-à-vis de la race entière. Mais il se trouve que c'est précisément là où ces vertus sont le plus nécessaires que de semblables appels échouent immédiatement. Cet appel est entendu des natures nobles, et celles-ci ne forment pas la majorité ; il est entendu des désintéressés et des âmes de héros, mais la plupart des hommes ne possèdent qu'un héroïsme médiocre et un désintéressement très limité. Un tel appel est entendu de ceux mêmes qui n'en n'ont nul besoin, laissant insensibles et impassibles ceux qui devraient l'écouter. Irez-vous parler de la beauté du sacrifice, de la grandeur de l'abnégation, au millionnaire qui édifia son immense fortune en vouant à la ruine des centaines de familles ?<br />"Pourquoi me sacrifierais-je et que m'importe l'avenir ?" Telle est la réponse des égoïstes.<br />Un Français spirituel disait : "Qu'a fait pour moi la postérité pour que je me sacrifie à elle ?" [26]<br />Ce sont là, vous écrierez-vous, des sentiments très mesquins et fort égoïstes. C'est juste, mais ceux qui les adoptent sont précisément ceux qui ont besoin d'être aidés par une force morale qui s'impose à eux.<br />Où trouverez-vous cette force ?<br />Sans l'esprit de sacrifice, aucune nation n'est en sécurité ; sans la soumission volontaire des petits aux grands, de l'individu à la collectivité, la vie nationale est impossible, aucun système social ne saurait durer.<br />Or, ces vertus nous viennent de la religion et nullement de ce que l'on appelle, à tort, l'utilitarisme.<br />Le système le plus utile, pour une nation, est celui qui comprend les rapports existant entre la partie et le tout, et ce point, seule la religion l'enseigne car elle seule connait le "Moi supérieur" qui relie l'homme au tout, qui lui fait comprendre tous les rapports existants, lui fait savoir qu'il n'est pas une créature appartenant à un unique petit globe, mais un habitant de l'Univers, une vie cosmique et non pas une vie planétaire. La religion seule apprend cela, par l'intermédiaire de l'Esprit divin et immortel présent dans tous les coeurs. Sans religion, pas de morale possible ; vous [27] commettrez une erreur qui sera funeste si, à cause des fautes momentanées des partisans des religions, vous séparez de l'Éducation cette Religion qui en est l'Inspiration et la Force. Tels sont les problèmes que vous avez à résoudre à cet égard. Oui vraiment ! Une nouvelle synthèse religieuse et morale vous est nécessaire, et vous ne la trouverez pas sans le secours de l'inspiration provenant du "Moi supérieur" que l'homme, en tâtonnant, recherche actuellement.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 24pt;"><strong>II. — LA SCIENCE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Abandonnant pour l'instant l'impasse où la religion est engagée, impasse dont nous essaierons de sortir dans une autre conférence, portons maintenant notre attention sur la science qui, à l'heure actuelle, est arrivée à un point extrêmement intéressant.<br />En Occident, comme ailleurs, la science consiste essentiellement dans l'observation, la mesure, l'évaluation des quantités, l'étude des analogies et elle se trouve avoir atteint dans cette voie, d'une façon très nette et très curieuse, la limite de ses pouvoirs. Ses appareils sont arrivés à la précision la plus haute, ses [28] balances sont des merveilles capables d'apprécier des poids infinitésimaux. Rien en effet de plus étonnant que la délicatesse et la sensibilité de certains appareils qui mettent en valeur la grande précision recherchée par l'homme de science. Et cependant ceux-ci ne suffisent plus au savant dont les observations deviennent, de jour en jour, de plus en plus difficiles.<br />Considérons l'atome.<br />Chimiste et physicien peuvent-ils suivre l'atome et l'observer ? Ne sont-ils pas obligés d'avoir recours au mathématicien pour lui demander de leur trouver un atome qui réponde aux exigences de la science expérimentale, celle-ci se voyant incapable de le découvrir ? Remarquez que toutes les récentes données reposent sur des formules mathématiques, et que les savants ne peuvent observer l'atome qui leur échappe en raison de sa ténuité, de son infinitésimale petitesse. Ils éprouvent un embarras non moins grand vis-à-vis de l'atome du chimiste, – lequel est de quatre degrés au-dessous de l'ultime atome physique, – et ils ne peuvent que discuter, sans plus 3 [29]</p> <p style="text-align: center;">Mais une science qui discute sur des faits que l'observation n'a point relevés, n'est plus la science telle que l'Occident la comprend ou l'a jusqu'à présent comprise. Tous les raisonnements scientifiques sont censés reposer sui l'observation, mais, lorsque celle-ci devient impossible et que les savants se voient contraints d'employer le simple raisonnement ou les spéculations intellectuelles, il devient dès lors nécessaire de chercher d'autres méthodes et de s'engager dans des voies nouvelles. Je ne prétends pas dire qu'il n'y a pas d'autres méthodes et de nouvelles voies, mais ce ne sont pas celles de la science actuelle.<br />Et alors survient cette difficulté : l'infiniment petit échappe à la science, par sa petitesse même ; le subtil est devenu trop subtil pour ses recherches. Si la chose est vraie, – et elle l'est pour la physique et la chimie, comme aussi, jusqu'à un certain point, pour l'électricité, – nous nous verrons obligés de convenir que les sciences ont atteint leurs limites, que les méthodes employées jusqu'ici ne sont plus d'aucune utilité, les organes des sens ne [30] répondant plus à la délicatesse, à la subtilité des ondes qui, de l'extérieur, viennent les frapper. Les sciences ont vaincu et conquis la matière dense et grossière, mais l'autre leur échappe ; ni les instruments de cuivre, de verre, ni même les aiguilles les plus sensibles, rien n'est plus assez délicat pour la continuation des recherches entreprises.</p> <p style="text-align: center;"><em>3La Théosophie reconnait, pour le plan physique, l'existence de sept états de matière : solide, liquide, gazeux, puis quatre éthériques. L'atome appartenant au plus haut état éthérique est appelé : atome ultime du plan physique et se trouve aux confins du plan astral, voisin du nôtre (NDT).</em><br /><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>PSYCHOLOGIE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Les mêmes difficultés se rencontrent dans les autres domaines scientifiques comme celui, par exemple, de la Psychologie.<br />Tous les faits que relate la Néo-Psychologie ont-ils été empruntés aux découvertes des hommes de science ? Pas le moins du monde ils nous viennent d'imposteurs, de charlatans, de théosophes, de mesméristes, de spiritualistes et de tous ces autres istes que la science officielle méprise et considère comme étant tout à fait indignes de figurer dans son cadre. Néanmoins, c'est à ces individus qu'elle prend les faits qu'elle relate, qu'elle emprunte ces Phénomènes étranges de la Néo-Psychologie, qui bouleversent complètement les théories sur la conscience et révèlent les pouvoirs cachés [31] dans l'homme. Tous ces phénomènes, qu'on emprunte à des gens si peu respectables, s'accumulent sans que la science parvienne à les expliquer. Certes, elle a beau jeu pour se vouer à de nouveaux travaux de classification, pour débaptiser et rebaptiser, appeler le mesmérisme : hypnotisme ; appeler la clairvoyance : autoscopie. Ses travaux de classification et ses nouvelles étiquettes ne nous empêchent nullement de constater ce fait évident : elle ne possède aucune théorie qui puisse s'adapter à ces phénomènes et permettre de les classer dans un ordre logique. En psychologie donc, comme en physique, en chimie et en électricité, l'on se trouve engagé dans une véritable impasse.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA MÉDECINE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Que dirons-nous de La Médecine ?<br />Les médecins commencent à douter, de plus en plus, de l'efficacité des remèdes qu'ils ordonnent. Dans mon jeune temps, un docteur digne de foi, me raconta un jour qu'il donnait parfois de l'eau colorée et des pilules de mie de pain à des malades qui, – il en était certain, – se seraient mieux portés sans médicaments, mais qui y tenaient à ce point, qu'il se [32] voyait dans l'obligation de leur donner quelque chose et prescrivait des choses anodines. Cette idée s'est propagée et les médecins perdent la foi en ce qui concerne les médicaments ; ils reconnaissent déjà que leur médecine est une science empirique, peu sure, ne reposant sur aucune saine théorie et qu'elle est tout expérimentale, ainsi qu'ils le disent eux-mêmes. Désespérant de trouver le moyen de guérir, ils se sont engagés dans un terrible à-côté :<br />La Vivisection.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA VIVISECTION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ils ont essayé, en torturant leurs frères inférieurs, les animaux, d'arracher à la nature les secrets qu'ils ne parvenaient pas à découvrir autrement. C'est là une voie dangereuse : au lieu de faire de la médecine une science qui guérit, elle en fait une science qui intoxique.<br />La médecine devient effectivement l'art de contrebalancer un poison par un autre poison et l'on tente, entre ces deux poisons, de recouvrer un semblant de santé. Lorsqu'ils découvrent un élément nouveau dont ils ne connaissent pas l'emploi, les médecins s'écrient aussitôt : "Expérimentons sur un animal, c'est [33] toujours mieux que d'expérimenter sur l'homme." C'est juste, mais si l'effet n'est pas le même ? Si ce qui est, pour l'homme, un poison, n'en est pas un pour l'animal, les résultats de l'expérience consisteront alors dans une intoxication générale involontaire qui s'ajoutera aux intoxications volontaires des temps présents. Il y a donc là un danger qui, dorénavant, empêchera peut-être d'accepter, aussi volontiers, les découvertes des vivisecteurs. Au fait, prenez la jusquiame : Les chèvres en mangent impunément et cette plante entrainerait notre mort. Si, au moment où l'on désire connaitre les effets de la jusquiame sur l'organisme humain, on avait au préalable essayé celle-ci sur des chèvres, d'innombrables décès auraient été la conséquence de cette application, à l'homme, de la méthode expérimentale.<br />Et dites-moi ! Qu'obtient cette science erronée et aveugle, avec tous ses sérums, ses toxines et tout ce qu'elle fait ingurgiter ? Elle diminue la vitalité de la race et le pouvoir qu'a le mental de résister à la maladie. Je ne dis pas qu'il ne soit pas possible d'immuniser un homme, pendant un certain laps de temps, en l'empoisonnant progressivement pour que le poison, absorbé ensuite en grande quantité, [34] n'ait plus d'effet sur lui.<br />On peut faire cette expérience avec l'arsenic. Me direz-vous qu'il s'agit là de santé ?<br />Non ! Il ne peut s'agir que de maladie, et toutes ces méthodes, je le répète, abaissent la vitalité du corps, en faisant de ce dernier une proie facile pour toutes les autres maladies, sous prétexte de le sauver de quelques-unes.<br />La santé ne s'obtient pas à l'aide de poisons, si savamment dosés soient-ils.<br />La santé s'obtient par une vie pure, par une nourriture saine, par la maitrise de soi ; on l'acquiert en devenant son maitre et non pas en demeurant l'esclave de ses appétits et de ses passions.<br />La voie prise par la science conduit à la mort et non à la vie ; elle n'a de raison d'être que pour ceux qui veulent mener mauvaise vie et se préserver ensuite des conséquences de leur conduite, en absorbant les produits empruntés aux animaux qu'on a, pour cela, martyrisés.<br />Nous voici donc, une fois de plus, dans une impasse, et d'ailleurs les partisans de la vivisection commencent eux-mêmes à s'effrayer des résultats qu'ils obtiennent.<br />S'il y a des solutions à ces problèmes de la [35] souffrance, elles ne seront pas trouvées sur les chemins qu'on a poursuivis jusqu'à présent.</p> <p style="text-align: center;"> </p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>III. — L'ART</strong></span></p> <p style="text-align: center;"> </p> <p style="text-align: center;"><br />Et l'Art ?<br />De nos jours, nombre de personnes, je le crains, dans ce pays comme ailleurs, ignorent que la Beauté est, pour l'homme, une nécessité de la vie de chaque jour. L'homme et la femme qui en sont privés perdent de leur humanité. Point n'est besoin de se demander si l'on peut et si l'on doit s'offrir le luxe des choses belles ; la beauté n'est pas là un luxe, mais une véritable nécessité ; c'est un autre pain quotidien.<br />Les peuples qui surent apprécier la valeur de la Beauté, possédaient de belles cités ; leurs oeuvres d'art étaient une propriété commune ; leurs édifices étaient magnifiques de proportions, leur architecture admirable, et l'on s'arrangeait de manière que le public pût en jouir. Aussi, en résultait-il une pureté de forme dont le moral bénéficiait en s'embellissant lui-même, ce qui ne saurait être pour un peuple que la laideur d'une ville n'effraie pas, qui respire une atmosphère délétère et s'entoure de choses laides. [36]<br />J'ai notamment fait, aux Indes, une pénible constatation, et ce que je puis vous en dire ne peut vous frapper ainsi que vous le seriez certainement si vous vous trouviez sur les lieux. Autrefois, la vie indoue respirait la beauté. Maintenant encore, en pleine campagne, la vie y est belle à voir. Les costumes sont jolis, amples, de couleurs ravissantes et c'est un charmant tableau qu'une paysanne aux champs, tant sont grandes la grâce de ses vêtements et la coloration des étoffes qu'elle porte. Lorsqu'elle va à la fontaine du village, elle a, sur la tête, un vase en bronze, en cuivre ou en argile, dont la forme et les tons sont toujours exquis.<br />Aujourd'hui, notre civilisation ayant filtré dans l'Inde tout entière, tout change. Les couleurs d'aniline remplacent les couleurs végétales, les objets en zinc prennent la place des ravissantes cruches d'autrefois. Jadis, lorsqu'il y avait une noce dans un village, chaque famille apportait, pour la fête, ses plus beaux vases, lesquels sont aujourd'hui délaissés et remplacés par d'horribles récipients en fer-blanc.<br />Tout cela, me direz-vous, est de peu d'importance ; je prétends et vous affirme que cela en a beaucoup.<br />Détruire le sentiment de la beauté, lequel [37] résulte du contact avec la nature, – (car la nature est toujours belle et notre contact avec elle ennoblit le visage, la forme et l'Esprit), – détruire ce sentiment, qui se développe en nous à la vue des montagnes, des rivières, des prés, des bois… c'est là une perte nationale, c'est là un signe de décadence. Les cités jardins, que vous commencez à construire, ne sont pas des caprices d'insensés ; c'est au contraire une sage tentative pour arracher les individus au spectacle affreux de la brique et du mortier tels qu'ils sont employés dans la campagne anglaise où la vie est encore belle, où le soleil et la couleur resplendissent.<br />Là où la Beauté n'est pas une force dominante, la vie est misérable, devient commune et vulgaire.<br />La Beauté est l'une des grandes révélations divines car elle consiste dans une harmonie parfaite, dans la perfection des lignes et de la couleur, caractéristiques de l'Artisan Divin qui, toujours, se manifeste par la Beauté assise sur la Sagesse et la Puissance.<br />Voyez vos oeuvres d'art ! Elles ne sont pas créées, mais imitées. Cela vous prouve que l'Art, lui aussi, est parvenu aux limites de son domaine, et que, pour continuer, une [38] nouvelle source d'inspiration lui est nécessaire. On entend dire parfois "qu'on ne peut faire plus beau que nature". Ignorez-vous donc qu'il est possible de voir la nature autrement que ne la voient les yeux aveugles des gens ordinaires ? Prenez une simple fleur qui, il est vrai, est belle d'elle-même ; un petit esprit de la nature l'a construite aussi bien que sa petite intelligence lui a permis de le faire dans sa conception de la Pensée Divine. Me direz-vous que l'artiste, dont l'évolution est de beaucoup supérieure à celle de ce petit esprit de la Nature, est incapable de mieux saisir la pensée que Dieu a mise en cette fleur ? C'est précisément ce que font les grands peintres, les poètes, les musiciens : ils voient, expriment et entendent les pensées divines, plus complètement que vous et moi ne saurions le faire à l'aide de notre vision limitée, de notre parole inhabile, de notre ouïe si peu sensible. La Pensée Divine est là, mais nous ne la percevons pas ; c'est à l'artiste qu'incombe le devoir de nous révéler la Beauté divine dans la forme ; s'il n'y parvient pas, il n'est pas un véritable artiste.<br />À venir est encore l'artiste de la nouvelle civilisation, celui qui pourra voir, à travers [39] les formes, l'Idée Divine qui s'efforce de s'exprimer au moyen d'un nouvel idéal, d'une nouvelle espérance et de nouveaux pouvoirs. C'est là ce qui vous manque, en art, mais l'aurore va bientôt vous apporter un art nouveau sous le ciel nouveau et sur la terre de demain.<br />Si je vous ai conduits aujourd'hui sur une route désolée, – (en vous parlant de ce qui disparait et non de ce qui vient), – c'est pour vous montrer les signes qui vous entourent et vous indiquent la fin d'un cycle ; et ce n'est pas seulement pour vous les montrer, – ce qui serait de peu d'importance, – c'est aussi pour que, grâce à la connaissance que vous aurez de ce qui s'en va, vous puissiez préparer l'avènement de la race qui va naitre.<br />Vous ne saurez guider vos pas si vous ne comprenez pas ; si vous ne savez rien, si vous n'entrevoyez rien, le monde restera pour vous une énigme, au lieu d'être une expression de la Pensée Divine.<br />L'âge qui meurt a fait son oeuvre ; il a développé le mental concret, la pensée scientifique, la puissance, la force, l'énergie, autant de dons divins qu'il faut désormais employer à des buts plus nobles que ceux qu'on a poursuivis jusqu'alors. Il n'y a rien à regretter, [40] rien à pleurer, rien à souhaiter de plus, dans ce monde qui s'en va et a terminé son oeuvre.<br />À vous de sortir de ce monde agonisant pour pénétrer dans le nouveau. C'est vers ce dernier que je voudrais essayer d'entrainer vos pensées et peut-être aussi, je l'espère, votre vie.</p> LES DIFFICULTÉS DU PROBLÈME SOCIAL LE LUXE ET LA MISÈRE 2019-07-04T11:18:59+00:00 2019-07-04T11:18:59+00:00 http://hierarchie.eu/le-monde-de-demain-par-annie-besant-1909/1279-les-difficultes-du-probleme-social-le-luxe-et-la-misere Super User bon.christo@free.fr <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>LES DIFFICULTÉS DU PROBLÈME SOCIAL LE LUXE ET LA MISÈRE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"> </p> <p style="text-align: center;"><br />Je traiterai, ce soir, un sujet qui sortira peut-être du cadre de nos conférences habituelles. En général, le théosophe s'intéresse aux causes plutôt qu'aux effets ; c'est pourquoi il étudie les causes de la misère et n'attribue qu'une importance secondaire aux formes particulières que celle-ci revêt ; aussi, dit-on parfois que le théosophe n'est nullement pratique. C'est mal s'exprimer que de parler ainsi.<br />Il est certainement beaucoup plus pratique de s'attaquer bien plus aux causes de la misère qu'à ses effets : autrement c'est vouloir faucher les mauvaises herbes sans arracher les racines qui, demain, donneront de nouvelles plantes. Prétendre que cette étude et la discussion qui en découle ne sont pas utiles revient à dire qu'il est préférable d'envoyer des infirmières et des médecins sur le champ de bataille [42] pour ranimer les blessés, amputer les membres hors d'usage, plutôt que de songer à faire disparaitre les causes mêmes de la guerre. Il est bien certes, en de pareilles occurrences, d'envoyer infirmières et médecins, mais je soutiens qu'il est infiniment mieux de tendre à substituer l'arbitrage à la guerre.<br />Ainsi en est-il des questions qui, ce soir, feront l'objet de cette conférence. Je vous exposerai pourtant certains effets, à seule fin de vous amener à étudier les causes, comme aussi les changements fondamentaux qui devront s'effectuer pour la réalisation d'une civilisation meilleure.<br />Pour diriger l'esprit humain dans cette voie, lui donner l'impulsion qui lui fera prendre à coeur l'amélioration et l'élévation de la société, il faut tout d'abord le mettre en présence des conditions intolérables au milieu desquelles nous vivons aujourd'hui. Ce faisant, je ne m'écarte pas de l'enseignement et de l'exemple prêchés par la noble femme restée si longtemps incomprise : H.-P. Blavatsky, à qui je dois les meilleurs et les plus heureux jours de ma vie.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA MISÈRE DES QUARTIERS PAUVRES DE LONDRES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ceux d'entre vous qui ont étudié la théosophie peuvent ne pas avoir oublié certain [43] passage de La Clef de la Théosophie, où H.-P. Blavatsky parle de La misère des quartiers pauvres de Londres, et loue les tentatives qui furent faites, à cette époque, pour y pallier. Elle fit mieux que d'encourager par le livre.<br />Je lui dépeignais un jour quelques-uns des tristes spectacles auxquels j'assistais régulièrement, comme membre du School Board dans le quartier Est de Londres. Le lendemain, je recevais un petit mot contenant deux pièces d'or et ces quelques lignes : "Vous savez que je suis pauvre, moi aussi, mais donnez ce que je vous envoie, aux enfants qui, hier, vous demandèrent des fleurs."<br />Cette sympathie, toujours prête à soulager les souffrances humaines, se manifesta une autre fois, sous une forme que peu d'entre nous, sans doute, seraient disposés à adopter.<br />HPB partait pour l'Amérique ayant juste la somme nécessaire à l'achat de son billet. Elle venait à peine de quitter le guichet, qu'elle rencontrait, sur le quai, une femme pleurant auprès de ses enfants, HPB la pria de lui confier la cause de son chagrin, et la pauvre [44] femme lui raconta qu'un escroc lui ayant vendu de faux billets de passage, il lui était impossible de faire la traversée et de rejoindre son mari de l'autre côté de l'Atlantique. HPB retourna au bureau et changea son billet de première classe contre des billets d'entrepont pour elle, comme pour cette femme et ses enfants, pratiquant ainsi la fraternité qu'elle proclamait.<br />Je ne m'éloigne donc pas beaucoup de ses principes en choisissant, pour thème de conférence, la misère et les souffrances humaines, en vous citant, bien que vous ne les connaissiez sans doute que trop, quelques cas qui devraient vous inciter à l'action. Et si vous m'objectez que c'est vouloir répéter inutilement une vieille histoire, je vous répondrai que jusqu'à ce que les maux d'ici-bas aient disparu, il sera nécessaire de revenir sans cesse à cette histoire, si vieille et si connue soit-elle.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Examinons notre puissante civilisation et les difficultés du problème social.<br />Tout d'abord, avant d'aller plus loin, rappelez-vous que les grandes civilisations du passé périrent par suite du contraste par trop frappant qui existait entre la misère et le luxe. [45]<br />Ce qui eut lieu fréquemment autrefois, pourrait bien se renouveler aujourd'hui. Nous ne sommes pas plus avancés actuellement, qu'on ne l'était à Rome, en Assyrie, en Égypte. Consultez l'histoire de l'Égypte ancienne et vous verrez que ces mêmes questions qui nous troublent aujourd'hui furent soulevées, et il semble vraiment que notre monde, depuis lors, n'a nullement progressé dans ce sens. Des sculptures et des tablettes provenant des fouilles relatent un édit concernant le salaire des ouvriers auxquels on conseillait de ne pas céder au mécontentement, de ne pas refuser de travailler sous prétexte que leurs émoluments ne les satisfaisaient pas. Ailleurs, il s'agit d'indications, données pour faire face à ce qu'aujourd'hui nous appelons la grève.<br />Ces difficultés sont donc très vieilles ; le monde ne les a pas encore résolues et, avec l'espoir que la nouvelle civilisation y parviendra, je vous les signale à nouveau ce soir.<br />De nos jours, existent encore des classes opprimées qui forment un dixième de la population, proportion effrayante lorsqu'on y réfléchit. Figurez-vous une mutinerie éclatant dans un régiment ; on place les hommes en rang, on en choisit un sur dix, au hasard, [46] puis on le fusille, accordant la liberté à ceux qui restent. Telle est la situation actuellement : un homme sur dix est voué à la misère.<br />Aux Indes la proportion est plus forte, elle est d'un sixième. Par contre, les classes opprimées ne sont pas, là-bas, aussi misérables que les classes correspondantes ici. Elles sont peut-être plus méprisées, mais se trouvent, malgré tout, beaucoup plus heureuses. Cela est dû sans doute à ce que, depuis des milliers d'années, ce peuple est persuadé que les circonstances qui entourent la vie d'un homme sont les résultats des causes générées dans le passé par celui-là même qui en souffre, ou en jouit, dans le présent. Ces pauvres gens, loin d'accuser leurs semblables, se rendent donc seuls responsables de leur triste sort, et il arrive qu'ils se décident parfois à tirer le meilleur parti possible de leurs mauvaises conditions présentes, pour être plus heureux dans leur prochaine existence. Au surplus, la pauvreté n'est pas si terrible là-bas qu'ici. Sans doute, on apprend de temps à autre que la famine cause des milliers de victimes, mais est-ce là vraiment chose plus terrible que de n'avoir jamais de quoi manger à sa faim, ce qui est le cas pour nos classes opprimées ? Les registres [47] de l'état civil ne parlent pas des "morts de faim" ; cela choquerait le public. Et pourtant, pour peu que vous vous donniez la peine d'approfondir les faits, vous verrez la pauvre couturière rentrer chez elle avec son fardeau ; le vent glacial siffle et transperce ses minces vêtements, saisit son corps affaibli par une nourriture insuffisante, et elle meurt. L'officier de l'état civil inscrit alors, sur son registre, l'une des formules suivantes : morte de pneumonie, bronchite, tuberculose, etc. Mais sur les registres de Karma est écrit : "morte de faim".<br />C'est en effet l'insuffisance continuelle de nourriture qui cause la grande mortalité chez les pauvres. Pour vous mieux faire comprendre ce qu'est cette pauvreté, je vous citerai quelques exemples empruntés aux journaux de la semaine dernière ; ces exemples ne sont pas exagérés ; j'en ai vu de semblables autrefois que je ne vous citerai pas, préférant ceux, plus récents, que voici :<br />Des femmes cousent, sur des cartons, les agrafes que nous achetons très bon marché dans les grands magasins. Une femme coud quarante-sept mille agrafes avec leurs oeillets, pour un franc cinquante centimes, c'est-à-dire [48] environ deux mille pour un sou. Veuillez réfléchir à la somme de travail fourni pour un salaire si dérisoire. Cette travailleuse prend naturellement ses enfants pour l'aider, mais, comme l'instruction est obligatoire et que ceux-ci sont tenus d'aller à l'école, il se trouve, qu'après la classe, ils s'attèlent à l'ouvrage pour aider leur mère ; ces pauvres êtres, qui devraient plutôt se récréer pour se faire des corps vigoureux et sains, préparent, durant des heures, les agrafes pour lesquelles le magnifique salaire en question est offert.<br />Voici un autre exemple, bien connu. On donne aux confectionneuses de chemises d'hommes un franc vingt-cinq pour chaque douzaine ; cette somme se trouve souvent bien diminuée, la chemisière donnant quelquefois son ouvrage, pour quatre-vingts centimes, à une femme plus pauvre qu'elle, et ainsi de suite, de maison en maison, de mains en mains.<br />Ces deux cas sont empruntés au dernier numéro du Christian Commonwealth. Il y est aussi question d'une confectionneuse payée à raison de cinquante centimes la douzaine de faux cols, pour lesquels elle devait encore fournir le fil. Elle fut amenée devant la Commission royale comme un exemple typique. – (Nous [49] sommes toujours disposés à nommer des Commissions, bien qu'il n'en résulte jamais grand-chose une fois que les témoignages ont été soigneusement recueillis). Cette femme fut interrogée par un membre du Parlement qui lui demanda : "Comment faites-vous pour vivre, vous et vos enfants, avec ce que vous gagnez ? – Nous ne vivons pas !" fut-il répondu, et c'était vrai. Elle travaillait souvent vingt heures par jour, de six heures du matin à deux heures dans la nuit, afin de pourvoir à sa subsistance et à celle de ses enfants.<br />Je pourrais, durant des heures, vous raconter des faits de ce genre ; je ne prends que quelques cas typiques pour que vous puissiez vous rendre compte de la façon dont vivent quantité de gens, alors que nous vivons, nous, dans l'aisance. Laissons pour l'instant cette épouvantable misère que rien ne peut apparemment modifier et occupons-nous du Travail de la femme<br />en général, question se rattachant logiquement à ce que je viens de dire.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>TRAVAIL DE LA FEMME</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Considérons surtout ces grandes industries manufacturières. Au début, on s'imagina que [50] les femmes qui y travailleraient pourraient ainsi contribuer au bienêtre de leur foyer. Il en résulta, au contraire, une diminution des salaires pour les hommes et la misère augmenta.<br />En effet, tout d'abord il n'y a plus de foyer lorsque la femme abandonne ses enfants pour l'usine où elle gagne de quoi nourrir sa petite famille ; en outre, on préfère la femme à l'homme pour cette raison qu'un grand manufacturier exprima très ouvertement devant une autre Commission royale : "Je préfère les femmes mariées parce qu'elles sont plus dociles."<br />Oui ! C'est juste ! la femme mariée est beaucoup plus docile, car, au lieu de résister, elle pense aux enfants qu'il faut nourrir ; ce qui la rend si malléable ce sont les mains du dernier-né dont les petits doigts se crispent en vain sur le sein maternel ; ce sont ces mains d'enfants qui pétrissent le coeur de la mère et rendent celle-ci toujours prête à céder aux exigences de ceux qui l'emploient.<br />Et les choses, au lieu de se simplifier, se sont compliquées ; les hommes chôment ; celles qui ne devraient pas se départir de leur rôle de mère, travaillent à l'usine ; les salaires baissent, les hommes sont renvoyés pour que, à leur place, les femmes puissent être embauchées. [51]<br />Et qui peut soigner les petits restés à la maison ?<br />Une mère seule peut le faire et la nature même l'exige ; un père ne saurait se substituer à elle, si doux, si affectueux fût-il.<br />C'est là un autre problème difficile à résoudre, c'est là une situation délicate nécessitant une solution urgente, car la misère augmente avec une effrayante rapidité dans la classe ouvrière.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA DÉGÉNÉRESCENCE PHYSIQUE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Passons, je ne veux qu'effleurer successivement tous ces problèmes. Nous arrivons maintenant à une question d'un intérêt national concernant<br />La Dégénérescence Physique dans nos grandes villes. Le mal existe depuis plusieurs générations ; c'est un fait d'autant plus incontestable qu'on a dû abaisser la taille exigée autrefois pour ceux qui se destinaient à l'armée. D'autre part, en considérant les classes aisées, il est possible de constater que celles-ci deviennent au contraire physiquement plus fortes ; les femmes surtout, s'adonnant beaucoup plus que jadis à la vie en plein air, deviennent plus grandes et plus robustes. Mais, [52] en général, pour la majorité, la taille décroit, les forces physiques s'affaiblissent. Or, cette majorité qui constitue presque à elle seule la nation est la plus prolifique ; c'est elle qui remplit les registres de l'état civil et c'est elle qui donnera naissance à la nation future. À quoi bon dès lors la vigoureuse santé des classes dirigeantes si la masse de la population dégénère ?<br />C'est encore là un problème pour lequel une prompte solution s'impose.<br />Tous ces divers problèmes ressemblent étrangement aux questions que posait le sphinx qui, lorsqu'on ne pouvait lui répondre, vous dévorait.<br />Les questions sociales sont posées, il faut y répondre, sinon c'est la mort, c'est la disparition même de notre civilisation.<br />Des remèdes divers ont été proposés par des sociologues, de savants docteurs, des charlatans ; un de ces remèdes, très à la mode en ce moment, tend à rendre stériles les incapables. Mais de tels remèdes sont pires que le mal et augmentent la dégénérescence physique d'une dégénérescence morale.<br />Ne serait-il pas plus logique de s'inquiéter des causes générant les incapables, plutôt que [53] de laisser la société les créer par milliers puis de songer à en diminuer le nombre ?<br />Nous voici, une fois de plus, en présence d'une grave difficulté, et ces problèmes que notre sphinx nous pose en nous enjoignant de les résoudre ne sont pas les seuls. Nous avons soulevé la question de la misère, celle du travail des femmes ; nous avons constaté la dégénérescence physique et la rapide multiplication des incapables ; que dirons-nous maintenant de l'Armée du Crime ?</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'ARMÉE DU CRIME</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Nous créons actuellement, avec une rapidité extrême, des criminels invétérés ; nous arrêtons jeunes gens et jeunes filles que nous jetons en prison pour une semaine, un mois, un an ou dix ans : les peines s'accumulent sur le récidiviste, si bien que celui-ci se voit parfois condamné à une détention dont la durée dépasse celle de la vie d'un homme. Par contre, rien n'est tenté pour corriger un tel individu, le ramener au bien et essayer d'en faire un bon et utile citoyen.<br />Lorsque la loi s'empare d'un homme, ce devrait être pour le rendre meilleur et le transformer. Ce n'est pas le cas : on laisse le [54] criminel s'endurcir dans le crime ; à chaque faute nouvelle il est puni, jusqu'à ce que l'habitude de mal faire, – habitude que la loi a contribué à lui donner, – soit invoquée, pour permettre à la Cour de lui infliger une peine exemplaire. Ce n'est pas là faire preuve de sagesse, c'est de la démence.<br />Il arrive souvent qu'un jeune homme intelligent, entreprenant, commet un délit ; il n'a qu'une chance sur cent pour ne pas déchoir au rang des criminels invétérés et de profession.<br />Ne devrait-il pas exister, au degré actuel de civilisation, une meilleure méthode pour le traitement des criminels ? Il en est une, et je vous en parlerai lorsque j'en serai venue à vous exposer l'application du principe de fraternité dans la vie sociale.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'OFFRE ET DE LA DEMANDE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Laissant ces cas extrêmes pour nous occuper des questions courantes de L'Offre et de la Demande, de la production et de la répartition, nous verrons que nous arrivons à un point tel, que l'état de choses ne peut demeurer ce qu'il est. La question est d'autant plus délicate que le [55] moindre changement entrainera le bouleversement de notre système économique actuel.<br />Peut-être nous sera-t-il possible de nous en rendre mieux compte, en examinant ce qui se passe en Amérique. Là-bas, en effet, manquent totalement ces influences du sentiment qui, dans une certaine mesure, prévalent encore dans notre pays où, autrefois, la société reposait sur une base plus humaine que la simple question d'argent. Nous verrons ce que valent nos systèmes en nous rendant en Amérique où ils ont trouvé leur libre cours, plus rien n'arrêtant leur complète application.<br />Deux choses remarquables nous frappent tout d'abord sur le nouveau continent. En premier lieu nous y trouvons l'homme capable d'amasser une fortune colossale en ruinant, de propos délibéré, les petits capitalistes.<br />En voici un exemple :<br />Un groupe d'individus, composé d'un grand nombre de gens plutôt pauvres que riches, fonde une Société, dans le but de construire une voie ferrée indispensable au développement de la contrée. Des communications rapides s'imposent ; il faut, pour les grains et autres marchandises, des moyens convenables de transport et l'on construit un chemin de fer [56] régional. Tout marche à souhait et les bénéfices, sans être importants au début, sont néanmoins satisfaisants. Mais survient sur les lieux un individu plus intelligent, plus entreprenant que les autres ; il s'aperçoit que la région est susceptible de prendre une grande extension et que, par conséquent, les chemins de fer deviendront une source incomparable de revenus. Que fait-il ? Il construit, non loin de la première, une autre voie ferrée dont nul n'a besoin si ce n'est lui qui veut s'enrichir. Nous allons voir comment. Il commence par faire concurrence à la première ligne en établissant, sur la sienne, pour les voyageurs et les marchandises, un tarif moins élevé auquel il se tient, en engageant son capital, – car il ne couvre pas ses frais, – jusqu'à ce que l'autre soit contraint d'adopter le même tarif. Lorsque les actions de son voisin atteignent une forte baisse en Bourse, il les rachète toutes. Dès qu'il en est possesseur, il laisse alors tomber son entreprise de circonstance, la région lui appartient et il réalise la colossale fortune qu'il avait convoitée, fortune édifiée aux dépens des actionnaires qui avaient placé leurs capitaux dans l'affaire, pensant contribuer à l'amélioration des moyens de communication dans leur région. Cet homme les [57] a sacrifiés pour satisfaire ses intérêts personnels. De semblables individus sont appelés, en Amérique, des wreckers, c'est-à-dire des naufrageurs, ce qui n'empêche pas la société d'avoir une haute opinion d'eux, étant donné qu'ils fondent des hôpitaux, voire même des églises ; en un mot, ils font de bonnes oeuvres en empruntant un peu aux fortunes qu'ils se sont indument appropriées.<br />Bien que la loi de leur pays ne les condamne pas, je prétends que, vis-à-vis de la véritable et éternelle justice, ils sont plus coupables, plus condamnables que le cambrioleur vulgaire qui dérobe les bijoux d'une grande dame ou la vaisselle d'or d'un millionnaire. On punit d'importance ce cambrioleur, lorsqu'on s'en est emparé, et il mérite d'être châtié car il est évidemment répréhensible, mais mille fois plus coupable encore est ce voleur caché sous des dehors honnêtes qui, à l'aide d'une intelligence brillante, s'attaque aux cerveaux plus faibles, vole à ses semblables le résultat de leurs travaux pour augmenter son butin de pillard.<br />On trouve encore cette sorte de vol sous forme de trusts et de sociétés d'accaparement. C'est ainsi qu'un accaparement de blé fut tenté dernièrement ; à ce que je sais, il échoua, un [58] autre spéculateur ayant réussi, le premier, à verser sur le marché des millions d'hectolitres de blé. Quel que soit le spéculateur qui l'emporte, personne n'en est mieux nourri, puisque la seule chose importante consiste à savoir lequel des deux spéculateurs réalisera les plus gros bénéfices.<br />Quant aux trusts, on les imagina pour permettre à quelques individus de réaliser d'immenses fortunes au détriment des petites bourses. Nos frères d'Amérique commencent à se lasser un peu de ce genre d'affaires et cherchent un moyen de l'enrayer, émettant l'espoir qu'un acte de Congrès, ou une loi, interdira bientôt les trusts.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA CONCURRENCE À OUTRANCE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Mais quelle loi pourrait empêcher le trust, résultat naturel et logique de La concurrence à outrance ?<br />Comment empêcher cela sans paralyser en même temps toutes les industries basées sur le principe d'une concurrence sans merci ?<br />Encore une difficulté !<br />Le système commercial repose tout entier sur la lutte, chacun essayant de l'emporter sur son voisin, de conclure des marchés, avantageux pour certains, mais désastreux parfois pour [59] d'autres. S'il en est ainsi, comment voulez-vous vous opposer aux conséquences naturelles de ce système, aux résultats qui en découlent inévitablement ? Vous vous attaquez à l'application excessive d'un principe que vous désirez cependant garder tel quel ; l'application excessive choque la conscience publique qui s'émeut à la vue de gens ruinés par centaines et par milliers, alors qu'elle se trouvait tranquille lorsqu'on ne ruinait que par petits groupes ; pourtant, tous ont enduré les mêmes souffrances et subi le même misérable sort.<br />Comment donc voulez-vous enrayer l'excès sans ébranler l'édifice tout entier.<br />Tel est encore un problème, problème dans l'énoncé duquel nous découvrons d'ores et déjà l'indice d'un avenir meilleur, car la grande alchimie du laboratoire de l'univers où le Tout-Puissant transmue les forces qui détruisent en forces bienfaisantes, fait prévoir que tout ce qui est sorti de l'activité égoïste des hommes amènera une organisation du travail ; il fait prévoir que, dans l'avenir, ce travail profitera à tous, quand la fraternité aura remplacé la concurrence, quand l'intérêt qu'on porte aux autres sera devenu plus grand que celui qu'on se porte à soi-même. [60]<br />Nous voyons donc l'espoir poindre au milieu des difficultés.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Examinons à présent un autre côté du problème et considérons les tentatives qui ont été faites pour améliorer les conditions sociales dans ce que l'on appelle les pays neufs, l'Australie par exemple.<br />Les classes ouvrières ont obtenu, en Australie, tout ce qu'elles demandent ici, et l'on considère maintenant ce pays comme étant : "le paradis de l'ouvrier".</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE DROIT DE VOTE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Tout homme ayant atteint vingt et un ans a Le Droit de vote.<br />Songez à la soi-disant liberté que cela procure ! Toute jeune fille de vingt et un ans a le droit de vote. Que voudriez-vous de plus ? Plus n'est besoin, n'est-ce pas, de susciter des troubles ?<br />Par malheur, les jeunes gens se soucient beaucoup plus du football que des questions politiques, les jeunes filles s'inquiètent plus des chapeaux à la mode que de la manière dont elles doivent voter. [61]<br />Tout le monde a le droit de vote et on ne sait qu'en faire, ce qui a lieu fréquemment, non pas seulement en Australie.<br />Ne vous êtes-vous jamais aperçu que vous renonciez à un peu de bonheur en échange de la liberté que, d'après vous, le droit de vote vous confère ? Qu'importe que vous soyez ou non qualifié pour voter, au courant ou non de la politique, et des sujets qu'elle traite ! Qu'importe l'intelligence ! Votre voix, n'est-ce pas, vaut, dans le scrutin, celle de l'homme politique, celle du plus grand savant, celle de l'économiste le plus réputé. Vue de l'extérieur, c'est là certes une admirable façon de gouverner.<br />Voyons maintenant les résultats qu'on obtient en Australie où le système est appliqué, système que vous êtes sur le point d'adopter ici.<br />Tout le monde a donc là-bas le droit de vote ; mais, comme c'est toujours le cas, la majorité est formée d'ignorants. Là-bas, comme ici, existe la législation de classe, – chose d'ailleurs néfaste, – mais, en Australie, l'ordre est renversé, c'est-à-dire que le gouvernement est entre les mains des ignorants au lieu d'être entre celles d'hommes instruits, ce qui donne de fort mauvais résultats.<br />Qu'arrive-t-il ? [62]<br />Il en résulte tout d'abord une diminution progressive de l'habileté dans tous les genres de métier, et de cette habileté dépend, vous le savez, la prospérité d'un pays. Lejeune homme qui se sait libre, se soucie peu d'un apprentissage ; si vous osez lui dire que son ouvrage est mal fait, il vous tourne les talons et s'en va, en citoyen de la libre Australie qu'il est ; puisqu'on lui reproche de mal travailler, il refuse le travail.<br />Mais vous n'ignorez pas que la nature vient souvent à l'encontre de nos théories politiques et sociales, et ses lois ne se modifient pas comme nous serions parfois désireux de les voir se modifier. Le jeune homme qui refuse d'apprendre son métier reste ou devient forcément inhabile ; la fabrication s'en ressent et, le jour où l'on a besoin d'une bonne pièce de machine, on s'adresse en Angleterre malgré les frais d'importation qui, là-bas, sont très élevés. Ce que l'on fait en Australie est si mal construit que les machines ne fonctionnent pas au moment de leur montage.<br />Voilà un des résultats du système ; en voici un autre : [63]<br />Le chômage augmente.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE CHÔMAGE AUGMENTE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Tout comme ici, en Angleterre, il y a des gens qui parcourent les rues en réclamant de l'ouvrage au gouvernement. La raison en est simple beaucoup d'ouvriers ne veulent pas travailler au-dessous d'un certain salaire qui, parfois, n'est d'ailleurs pas proportionnel à leurs capacités.<br />Supposons que vous ayez un jardin et que vous désiriez faire sarcler vos allées, faucher votre gazon. C'est là l'ouvrage d'un jardinier. Or, un jardinier prétend ne pas pouvoir travailler à moins de douze francs cinquante par jour, et le pauvre fonctionnaire, – qui, lui, n'est pas un électeur influent et ne dispose que d'un petit revenu fixe, – se voit dans l'impossibilité de payer douze francs cinquante par jour pour son jardin. Il sarcle alors lui-même ses allées pendant que le jardinier court les rues et réclame de l'ouvrage au gouvernement.<br />Il y a, dans cette question, autre chose que le chômage à considérer. Si vous obligez à sarcler, des hommes qui sont susceptibles d'être plus utiles à leur pays, vous entravez le [64] développement de toutes les formes supérieures de travail qui ennoblissent la vie d'une nation. Ce qui a toujours été vrai est encore vrai aujourd'hui : les hommes ne vivent pas seulement de pain ; si vous forcez tout le monde à exercer un travail manuel, vous n'obtiendrez que ce genre de paradis tel qu'il est décrit dans Looking Backward 4 livre que presque tous ont dû lire. Or, ce paradis est bien plus digne d'être celui d'un honnête faubourg plutôt que celui d'une nation qui ne peut se dispenser d'art, de beauté, de musique, de littérature ; et il faut du temps pour se perfectionner dans les arts, il faut de l'instruction pour s'en rendre maitre. Déplorable est l'organisation qui tend à rabaisser la nation à un niveau si bas qu'on ne songerait plus alors qu'à bien boire, à bien manger et à se distraire, oubliant les productions des génies et les créations de la pensée qui sont la vie même d'une nation.<br />Voilà donc un grand danger.<br />Il ne faut pas accuser le peuple ; tant qu'un [65] homme a faim, un bon repas est la seule chose qu'il désire et c'est là son idéal.</p> <p style="text-align: center;"><em>4 Cet ouvrage eut son heure de célébrité il y a une quinzaine d'années ; d'Amérique, où son auteur, Bellamy, l'écrivit, il parvint en France où il fut traduit et publié sous le titre : En l'an deux mille. Cette traduction est croyons-nous épuisée aujourd'hui (NDT).</em></p> <p style="text-align: center;">Les idées peu intéressantes des ignorants ne doivent pas contribuer à l'édification d'une nation qui doit rester l'oeuvre des sages.<br />Mais voyez combien la question se complique !<br />Voyez même ce qu'il en est dans notre pays où l'instruction a assez de poids dans les affaires publiques, bien que le vote n'en tienne pas compte. Un homme peut connaitre à fond son métier et donner d'excellents conseils concernant sa besogne habituelle ; mais une nation ne se compose pas uniquement d'individus appartenant à un seul corps de métier ; elle comprend des centaines de professions différentes, se rattachant toutes les unes aux autres, chacune dépendant, dans une certaine mesure, de sa voisine, et l'on ne peut faire une loi nationale en se basant sur une seule profession, sur une seule classe. La loi doit s'appliquer à l'organisme entier, dans toute sa complexité ; sinon vous ruinez la nation pour le bénéfice d'un seul corps de métier. C'est précisément ce qui se passe en Australie. Certaines professions sont parfaitement bien organisées, largement pourvues, mais tous les autres éléments qui [66] participent à la constitution même de la nation, sont absolument écartés, si bien que la vie devient intenable pour eux.<br />En outre, le commerce se permet parfois des maladresses dont voici un exemple :<br />Melbourne est une très grande ville où il fait souvent très chaud. Des syndicats ont décrété que le dimanche, le lait ne serait livré qu'une fois par jour. Il faut bien que le pauvre puisse jouir du repos dominical, et c'est faire preuve d'égoïsme que de le contraindre au travail le dimanche. On ne livre donc le lait que le matin.<br />Malheureusement les vaches laitières n'ont pas encore de syndicat ; elles ne comprennent pas qu'elles devraient, le dimanche, ne donner du lait qu'une fois au lieu de deux ; sans pitié pour les dispositions prévues par des groupes socialistes, elles s'obstinent à donner du lait le soir comme le matin. Le malheureux laitier ne peut vendre cette seconde traite sans courir le risque d'être mis à l'index par son syndicat, ce qui, pour lui, serait la ruine. Il doit donc garder son lait et, quand il fait très chaud, le précieux produit a perdu le jour suivant ses propriétés, malgré l'acide borique qu'on y jette pour éviter qu'il se caille. Le laitier le mélange alors avec celui du lendemain [67] et vend le tout pour du lait frais ; dans le pot au lait on ne<br />s'aperçoit pas du mélange, mais le nouveau-né au biberon s'en aperçoit et la mortalité infantile augmente l'été, grâce à la savante disposition ci-dessus indiquée.<br />On ne peut gouverner un pays de cette façon ; et il existe beaucoup de petites choses de ce genre qui, à tout instant, nous font sentir que nous ne sommes pas absolument libres. Des dispositions analogues à celle que je viens de rapporter, ne sont possibles qu'à la condition d'être acceptées par tous ceux qui doivent les subir ; elles n'ont pas de raison d'être quand elles sont imposées, pour le bénéfice d'un commerce particulier, à une population qui ne les accepte qu'à contrecoeur.<br />Poussons plus loin nos investigations et il ne nous sera pas utile, cette fois, de considérer l'Australie. Il faut, dit-on,Remplacer la concurrence par la coopération.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>REMPLACER LA CONCURRENCE PAR LA COOPÉRATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Vous m'objecterez qu'on travaille déjà dans ce sens. En réalité on s'en est passablement occupé. Il est certain qu'on a fait beaucoup pour instituer des coopératives de consommation ; il en existe un certain nombre dans les comtés [68] de York et de Lancaster ; mais combien existe-t-il de coopératives de production ? On a bien essayé mais on n'a guère réussi, et cela pour deux raisons :<br />En premier lieu, la direction de la production nécessite un cerveau bien équilibré, clairvoyant, dirigeant avec autorité, et auquel ne doivent se substituer ni comités, ni bureaux, ni votes populaires, etc. Il y a en effet, en ce qui concerne la production, dans le commerce, pas mal de choses à prévoir ; de brusques changements peuvent survenir dont l'homme intelligent sait immédiatement éviter ou tirer parti pour conduire son entreprise au succès ; au contraire, discussions, désaccords, délais, peuvent entrainer la ruine. Telle est une des difficultés dans la question de production.<br />Il y a autre chose, – difficulté beaucoup plus grave, – résultant du manque de confiance. Les hommes ne se fient pas les uns aux autres ; ils sont soupçonneux, cachent leur jeu au lieu de coopérer honnêtement et ouvertement au bien général. Aussi changent-ils constamment de représentants, de dirigeants, et la direction des affaires en arrive à manquer totalement d'esprit de suite.<br />Ce manque de confiance, – imputation à [69] autrui de motifs égoïstes, – est fatal et restera néfaste aussi longtemps que le principe de fraternité ne sera pas mis en vigueur.<br />Actuellement, lorsqu'un homme sorti du peuple atteint un niveau social plus élevé grâce à son habileté, ses talents, son éloquence, sa persévérance, c'est toujours dans la classe où il est né qu'il trouve ses ennemis les plus acharnés. Quand il s'aperçoit, – et il s'en aperçoit inévitablement – que les remèdes proposés dans les meetings populaires sont impraticables et ne peuvent être ratifiés par le Parlement, ses frères le traitent de déserteur, de traitre, de renégat et, quoi qu'il fasse, il ne réussira pas à gagner leur confiance.<br />Que faire ?<br />Il faut, me direz-vous,<br />Changer la nature humaine,<br />avant de pouvoir mettre ces projets à exécution.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>CHANGER LA NATURE HUMAINE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />En effet, c'est précisément là ce qu'il importe de faire.<br />Pensez-vous que cela soit possible ?<br />La nature humaine change chaque jour, elle est perpétuellement en voie de transformation ; [70] elle n'était pas au moyen âge ce qu'elle est de nos jours. Lorsque les chevaliers errants parcouraient les campagnes, combattant et pillant, on aurait pu s'écrier alors : "Il faudra changer la nature humaine avant de voir les hommes se soumettre de bon gré à la loi, sans qu'on soit obligé de fendre les oreilles à ses oppresseurs." Depuis ce temps, l'homme a changé ; au lieu de partir en guerre nous-mêmes pour redresser les torts qu'on nous fait, nous appelons un représentant de la loi, et nous nous en rapportons à la justice du pays.<br />Pourquoi la nature humaine cesserait-elle de se transformer ? Elle change sous nos yeux et les changements qui s'accomplissent en elle sont l'éclosion graduelle de l'Esprit divin en l'homme. Les formes extérieures varient pour donner des corps appropriés à l'Esprit qui évolue ; la nature humaine inférieure se transforme constamment, revêtant des formes de plus en plus élevées.<br />Au sein même de toutes ces luttes, de cette concurrence effrénée, de cette misère, vous pouvez distinguer, pour peu que vous vous en donniez la peine, les germes d'une civilisation plus noble, plus grande, plus fraternelle. La conscience est, en général, au point de vue [71] social, bien différente de ce qu'elle était il y a un siècle. Combien différent aussi est le sentiment de responsabilité qu'on éprouve en présence des torts qui ont été faits, en présence de cette misère encore non soulagée ! Déjà, beaucoup de personnes appartenant à la classe, dite heureuse ou aisée, ne peuvent plus être heureuses, sachant que la misère est à leurs portes. Que de gens aussi commencent à se convaincre que tout ce que nous acquérons, nous ne le possédons pas en propriétaire ; dans le sens absolu du mot, mais comme des choses qui nous sont momentanément confiées dans un monde où tous les hommes sont frères et où le devoir de tous est le devoir de chacun !<br />Cette idée se répand de plus en plus, mais le changement doit venir d'en haut et non d'en bas. Les ignorants, les affamés, peuvent provoquer des émeutes ou des révolutions, mais seuls la Sagesse et l'Amour peuvent édifier une civilisation meilleure et durable.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>ÊTES-VOUS SOCIALISTE ?</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Je me souviens qu'un jour, on posa cette question à Mme H.-P. Blavatsky :<br />Êtes-vous socialiste ? [72]<br />Elle répondit :<br />– Je crois au socialisme qui donne et non à celui qui prend.<br />Telle sera la note caractéristique de l'avenir ?<br />Quand ceux qui possèdent seront disposés à se sacrifier, apparaitra, dans le ciel, l'aurore d'une ère nouvelle. Quand la richesse, l'éducation, les pouvoirs, seront considérés comme un dépôt devant servir au bien de tous, les fondations d'un État plus noble seront alors posées. Quand les hommes et les femmes se diront : "Je dois mon instruction à l'ignorance des milliers d'êtres qui, par leur travail, y ont contribué ; cette instruction leur appartient de droit, je dois l'employer pour les servir, acquittant ainsi la dette que j'ai contractée vis-à-vis d'eux" ; lorsque l'homme riche se dira : "Je ne suis qu'un dépositaire et non le propriétaire de ma fortune ; le labeur de milliers d'hommes me permit de l'acquérir et il est juste qu'elle soit destinée à soulager ceux qui m'ont aidé à la réaliser", alors la Fraternité commencera à se répandre ici-bas. Quand les gens du monde comprendront que leurs bonnes manières et leurs gouts raffinés devront être partagés au lieu d'être soigneusement renfermés dans leurs salons, comme quelque fragile [73] porcelaine de Saxe que l'on conserve à l'abri des chocs, quand ce jour viendra, viendra aussi le commencement d'une grande transformation sociale.<br />Cette grande et fraternelle civilisation sera basée sur le sacrifice, sur l'abnégation.<br />Dans une famille, les ainés penseront aux jeunes ; quand les moyens de subsistance seront insuffisants, les grands s'en priveront pour en faire bénéficier les cadets. De même, dans tout mouvement social, la caractéristique des classes élevées doit être le sacrifice ; celle des basses classes : l'amour et la solidarité ; toutes les classes alors fraterniseront, chacune apportant ce qu'elle a à donner ; aucune ne méprisera sa voisine car toutes sont également nécessaires à l'édification d'une nation.<br />La force physique du terrassier, le génie du philosophe, l'habileté de l'artisan, le cerveau puissant de l'organisateur, tout doit coopérer à l'oeuvre commune ; nul ne doit envier ou mépriser son prochain puisque tous travaillent en vue du bien général.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>DES DIEUX EN VOIE D'ÉVOLUTION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est là un rêve irréalisable ! me direz-vous ; à cela je répondrai que l'homme est divin, qu'il n'est rien de si haut auquel il ne puisse prétendre, rien de sublime qu'il ne puisse [74] accomplir. Ayez une plus grande opinion de vous-mêmes, de vos divines possibilités et songez que vous êtes Des dieux en voie d'évolution,<br />que vous pouvez atteindre tout ce à quoi vous aspirez. Souvenez-vous en outre que la pensée est la plus grande des forces. Elle crée d'abord l'image, puis provoque sa réalisation dans le monde physique.<br />Il ne suffit pas de penser, encore faut-il cristalliser les pensées dans le monde physique et les signes de cette cristallisation deviennent visibles dans la grande civilisation chrétienne, qui est encore, quoi qu'on puisse en dire, une grande force dominante. Les hommes commencent à parler, non plus d'un ciel au-delà des nuages, mais d'un ciel sur la terre, du Royaume du Christ ici-bas ; on n'envisage déjà plus celui-ci comme une fiction mais comme une réalité, l'on pense à une civilisation dont les bases seront : Fraternité, Amour, Sagesse.<br />Voilà ce que le monde nouveau, qui déjà s'offre à nos regards, nous apportera. L'homme ne se contente plus de croire à la félicité post [75] mortem, il veut être heureux ici-bas, et il le sera, à moins que cette prière que vous, chrétiens, répétez chaque jour : "Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel" ne soit qu'une prière dite du bout des lèvres et n'ayant aucun sens réel.<br />C'est sur terre que s'édifiera la nouvelle civilisation, que la Fraternité se réalisera, que les nations de l'avenir deviendront une grande famille au lieu de vivre, entre elles, comme les fauves de la jungle.<br />Voilà ce que nous attendons, et si, aujourd'hui et dimanche dernier, je ne vous ai exposé que les côtés sombres, c'est pour vous montrer que Celui qui ouvre toutes les portes va revenir sur terre, précisément parce que nous sommes clans une impasse de laquelle nous ne saurions sortir sans Son aide.<br />Je compte, pendant les semaines qui suivront, étudier avec vous l'autre côté de la question, vous prouver que les cercles vicieux qui nous entravent se dissipent, que ce cri retentit dans les mondes supérieurs, répété par les mondes inférieurs :<br />"Je viens pour renouveler toutes choses !"</p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>LES DIFFICULTÉS DU PROBLÈME SOCIAL LE LUXE ET LA MISÈRE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"> </p> <p style="text-align: center;"><br />Je traiterai, ce soir, un sujet qui sortira peut-être du cadre de nos conférences habituelles. En général, le théosophe s'intéresse aux causes plutôt qu'aux effets ; c'est pourquoi il étudie les causes de la misère et n'attribue qu'une importance secondaire aux formes particulières que celle-ci revêt ; aussi, dit-on parfois que le théosophe n'est nullement pratique. C'est mal s'exprimer que de parler ainsi.<br />Il est certainement beaucoup plus pratique de s'attaquer bien plus aux causes de la misère qu'à ses effets : autrement c'est vouloir faucher les mauvaises herbes sans arracher les racines qui, demain, donneront de nouvelles plantes. Prétendre que cette étude et la discussion qui en découle ne sont pas utiles revient à dire qu'il est préférable d'envoyer des infirmières et des médecins sur le champ de bataille [42] pour ranimer les blessés, amputer les membres hors d'usage, plutôt que de songer à faire disparaitre les causes mêmes de la guerre. Il est bien certes, en de pareilles occurrences, d'envoyer infirmières et médecins, mais je soutiens qu'il est infiniment mieux de tendre à substituer l'arbitrage à la guerre.<br />Ainsi en est-il des questions qui, ce soir, feront l'objet de cette conférence. Je vous exposerai pourtant certains effets, à seule fin de vous amener à étudier les causes, comme aussi les changements fondamentaux qui devront s'effectuer pour la réalisation d'une civilisation meilleure.<br />Pour diriger l'esprit humain dans cette voie, lui donner l'impulsion qui lui fera prendre à coeur l'amélioration et l'élévation de la société, il faut tout d'abord le mettre en présence des conditions intolérables au milieu desquelles nous vivons aujourd'hui. Ce faisant, je ne m'écarte pas de l'enseignement et de l'exemple prêchés par la noble femme restée si longtemps incomprise : H.-P. Blavatsky, à qui je dois les meilleurs et les plus heureux jours de ma vie.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA MISÈRE DES QUARTIERS PAUVRES DE LONDRES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ceux d'entre vous qui ont étudié la théosophie peuvent ne pas avoir oublié certain [43] passage de La Clef de la Théosophie, où H.-P. Blavatsky parle de La misère des quartiers pauvres de Londres, et loue les tentatives qui furent faites, à cette époque, pour y pallier. Elle fit mieux que d'encourager par le livre.<br />Je lui dépeignais un jour quelques-uns des tristes spectacles auxquels j'assistais régulièrement, comme membre du School Board dans le quartier Est de Londres. Le lendemain, je recevais un petit mot contenant deux pièces d'or et ces quelques lignes : "Vous savez que je suis pauvre, moi aussi, mais donnez ce que je vous envoie, aux enfants qui, hier, vous demandèrent des fleurs."<br />Cette sympathie, toujours prête à soulager les souffrances humaines, se manifesta une autre fois, sous une forme que peu d'entre nous, sans doute, seraient disposés à adopter.<br />HPB partait pour l'Amérique ayant juste la somme nécessaire à l'achat de son billet. Elle venait à peine de quitter le guichet, qu'elle rencontrait, sur le quai, une femme pleurant auprès de ses enfants, HPB la pria de lui confier la cause de son chagrin, et la pauvre [44] femme lui raconta qu'un escroc lui ayant vendu de faux billets de passage, il lui était impossible de faire la traversée et de rejoindre son mari de l'autre côté de l'Atlantique. HPB retourna au bureau et changea son billet de première classe contre des billets d'entrepont pour elle, comme pour cette femme et ses enfants, pratiquant ainsi la fraternité qu'elle proclamait.<br />Je ne m'éloigne donc pas beaucoup de ses principes en choisissant, pour thème de conférence, la misère et les souffrances humaines, en vous citant, bien que vous ne les connaissiez sans doute que trop, quelques cas qui devraient vous inciter à l'action. Et si vous m'objectez que c'est vouloir répéter inutilement une vieille histoire, je vous répondrai que jusqu'à ce que les maux d'ici-bas aient disparu, il sera nécessaire de revenir sans cesse à cette histoire, si vieille et si connue soit-elle.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Examinons notre puissante civilisation et les difficultés du problème social.<br />Tout d'abord, avant d'aller plus loin, rappelez-vous que les grandes civilisations du passé périrent par suite du contraste par trop frappant qui existait entre la misère et le luxe. [45]<br />Ce qui eut lieu fréquemment autrefois, pourrait bien se renouveler aujourd'hui. Nous ne sommes pas plus avancés actuellement, qu'on ne l'était à Rome, en Assyrie, en Égypte. Consultez l'histoire de l'Égypte ancienne et vous verrez que ces mêmes questions qui nous troublent aujourd'hui furent soulevées, et il semble vraiment que notre monde, depuis lors, n'a nullement progressé dans ce sens. Des sculptures et des tablettes provenant des fouilles relatent un édit concernant le salaire des ouvriers auxquels on conseillait de ne pas céder au mécontentement, de ne pas refuser de travailler sous prétexte que leurs émoluments ne les satisfaisaient pas. Ailleurs, il s'agit d'indications, données pour faire face à ce qu'aujourd'hui nous appelons la grève.<br />Ces difficultés sont donc très vieilles ; le monde ne les a pas encore résolues et, avec l'espoir que la nouvelle civilisation y parviendra, je vous les signale à nouveau ce soir.<br />De nos jours, existent encore des classes opprimées qui forment un dixième de la population, proportion effrayante lorsqu'on y réfléchit. Figurez-vous une mutinerie éclatant dans un régiment ; on place les hommes en rang, on en choisit un sur dix, au hasard, [46] puis on le fusille, accordant la liberté à ceux qui restent. Telle est la situation actuellement : un homme sur dix est voué à la misère.<br />Aux Indes la proportion est plus forte, elle est d'un sixième. Par contre, les classes opprimées ne sont pas, là-bas, aussi misérables que les classes correspondantes ici. Elles sont peut-être plus méprisées, mais se trouvent, malgré tout, beaucoup plus heureuses. Cela est dû sans doute à ce que, depuis des milliers d'années, ce peuple est persuadé que les circonstances qui entourent la vie d'un homme sont les résultats des causes générées dans le passé par celui-là même qui en souffre, ou en jouit, dans le présent. Ces pauvres gens, loin d'accuser leurs semblables, se rendent donc seuls responsables de leur triste sort, et il arrive qu'ils se décident parfois à tirer le meilleur parti possible de leurs mauvaises conditions présentes, pour être plus heureux dans leur prochaine existence. Au surplus, la pauvreté n'est pas si terrible là-bas qu'ici. Sans doute, on apprend de temps à autre que la famine cause des milliers de victimes, mais est-ce là vraiment chose plus terrible que de n'avoir jamais de quoi manger à sa faim, ce qui est le cas pour nos classes opprimées ? Les registres [47] de l'état civil ne parlent pas des "morts de faim" ; cela choquerait le public. Et pourtant, pour peu que vous vous donniez la peine d'approfondir les faits, vous verrez la pauvre couturière rentrer chez elle avec son fardeau ; le vent glacial siffle et transperce ses minces vêtements, saisit son corps affaibli par une nourriture insuffisante, et elle meurt. L'officier de l'état civil inscrit alors, sur son registre, l'une des formules suivantes : morte de pneumonie, bronchite, tuberculose, etc. Mais sur les registres de Karma est écrit : "morte de faim".<br />C'est en effet l'insuffisance continuelle de nourriture qui cause la grande mortalité chez les pauvres. Pour vous mieux faire comprendre ce qu'est cette pauvreté, je vous citerai quelques exemples empruntés aux journaux de la semaine dernière ; ces exemples ne sont pas exagérés ; j'en ai vu de semblables autrefois que je ne vous citerai pas, préférant ceux, plus récents, que voici :<br />Des femmes cousent, sur des cartons, les agrafes que nous achetons très bon marché dans les grands magasins. Une femme coud quarante-sept mille agrafes avec leurs oeillets, pour un franc cinquante centimes, c'est-à-dire [48] environ deux mille pour un sou. Veuillez réfléchir à la somme de travail fourni pour un salaire si dérisoire. Cette travailleuse prend naturellement ses enfants pour l'aider, mais, comme l'instruction est obligatoire et que ceux-ci sont tenus d'aller à l'école, il se trouve, qu'après la classe, ils s'attèlent à l'ouvrage pour aider leur mère ; ces pauvres êtres, qui devraient plutôt se récréer pour se faire des corps vigoureux et sains, préparent, durant des heures, les agrafes pour lesquelles le magnifique salaire en question est offert.<br />Voici un autre exemple, bien connu. On donne aux confectionneuses de chemises d'hommes un franc vingt-cinq pour chaque douzaine ; cette somme se trouve souvent bien diminuée, la chemisière donnant quelquefois son ouvrage, pour quatre-vingts centimes, à une femme plus pauvre qu'elle, et ainsi de suite, de maison en maison, de mains en mains.<br />Ces deux cas sont empruntés au dernier numéro du Christian Commonwealth. Il y est aussi question d'une confectionneuse payée à raison de cinquante centimes la douzaine de faux cols, pour lesquels elle devait encore fournir le fil. Elle fut amenée devant la Commission royale comme un exemple typique. – (Nous [49] sommes toujours disposés à nommer des Commissions, bien qu'il n'en résulte jamais grand-chose une fois que les témoignages ont été soigneusement recueillis). Cette femme fut interrogée par un membre du Parlement qui lui demanda : "Comment faites-vous pour vivre, vous et vos enfants, avec ce que vous gagnez ? – Nous ne vivons pas !" fut-il répondu, et c'était vrai. Elle travaillait souvent vingt heures par jour, de six heures du matin à deux heures dans la nuit, afin de pourvoir à sa subsistance et à celle de ses enfants.<br />Je pourrais, durant des heures, vous raconter des faits de ce genre ; je ne prends que quelques cas typiques pour que vous puissiez vous rendre compte de la façon dont vivent quantité de gens, alors que nous vivons, nous, dans l'aisance. Laissons pour l'instant cette épouvantable misère que rien ne peut apparemment modifier et occupons-nous du Travail de la femme<br />en général, question se rattachant logiquement à ce que je viens de dire.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>TRAVAIL DE LA FEMME</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Considérons surtout ces grandes industries manufacturières. Au début, on s'imagina que [50] les femmes qui y travailleraient pourraient ainsi contribuer au bienêtre de leur foyer. Il en résulta, au contraire, une diminution des salaires pour les hommes et la misère augmenta.<br />En effet, tout d'abord il n'y a plus de foyer lorsque la femme abandonne ses enfants pour l'usine où elle gagne de quoi nourrir sa petite famille ; en outre, on préfère la femme à l'homme pour cette raison qu'un grand manufacturier exprima très ouvertement devant une autre Commission royale : "Je préfère les femmes mariées parce qu'elles sont plus dociles."<br />Oui ! C'est juste ! la femme mariée est beaucoup plus docile, car, au lieu de résister, elle pense aux enfants qu'il faut nourrir ; ce qui la rend si malléable ce sont les mains du dernier-né dont les petits doigts se crispent en vain sur le sein maternel ; ce sont ces mains d'enfants qui pétrissent le coeur de la mère et rendent celle-ci toujours prête à céder aux exigences de ceux qui l'emploient.<br />Et les choses, au lieu de se simplifier, se sont compliquées ; les hommes chôment ; celles qui ne devraient pas se départir de leur rôle de mère, travaillent à l'usine ; les salaires baissent, les hommes sont renvoyés pour que, à leur place, les femmes puissent être embauchées. [51]<br />Et qui peut soigner les petits restés à la maison ?<br />Une mère seule peut le faire et la nature même l'exige ; un père ne saurait se substituer à elle, si doux, si affectueux fût-il.<br />C'est là un autre problème difficile à résoudre, c'est là une situation délicate nécessitant une solution urgente, car la misère augmente avec une effrayante rapidité dans la classe ouvrière.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA DÉGÉNÉRESCENCE PHYSIQUE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Passons, je ne veux qu'effleurer successivement tous ces problèmes. Nous arrivons maintenant à une question d'un intérêt national concernant<br />La Dégénérescence Physique dans nos grandes villes. Le mal existe depuis plusieurs générations ; c'est un fait d'autant plus incontestable qu'on a dû abaisser la taille exigée autrefois pour ceux qui se destinaient à l'armée. D'autre part, en considérant les classes aisées, il est possible de constater que celles-ci deviennent au contraire physiquement plus fortes ; les femmes surtout, s'adonnant beaucoup plus que jadis à la vie en plein air, deviennent plus grandes et plus robustes. Mais, [52] en général, pour la majorité, la taille décroit, les forces physiques s'affaiblissent. Or, cette majorité qui constitue presque à elle seule la nation est la plus prolifique ; c'est elle qui remplit les registres de l'état civil et c'est elle qui donnera naissance à la nation future. À quoi bon dès lors la vigoureuse santé des classes dirigeantes si la masse de la population dégénère ?<br />C'est encore là un problème pour lequel une prompte solution s'impose.<br />Tous ces divers problèmes ressemblent étrangement aux questions que posait le sphinx qui, lorsqu'on ne pouvait lui répondre, vous dévorait.<br />Les questions sociales sont posées, il faut y répondre, sinon c'est la mort, c'est la disparition même de notre civilisation.<br />Des remèdes divers ont été proposés par des sociologues, de savants docteurs, des charlatans ; un de ces remèdes, très à la mode en ce moment, tend à rendre stériles les incapables. Mais de tels remèdes sont pires que le mal et augmentent la dégénérescence physique d'une dégénérescence morale.<br />Ne serait-il pas plus logique de s'inquiéter des causes générant les incapables, plutôt que [53] de laisser la société les créer par milliers puis de songer à en diminuer le nombre ?<br />Nous voici, une fois de plus, en présence d'une grave difficulté, et ces problèmes que notre sphinx nous pose en nous enjoignant de les résoudre ne sont pas les seuls. Nous avons soulevé la question de la misère, celle du travail des femmes ; nous avons constaté la dégénérescence physique et la rapide multiplication des incapables ; que dirons-nous maintenant de l'Armée du Crime ?</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'ARMÉE DU CRIME</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Nous créons actuellement, avec une rapidité extrême, des criminels invétérés ; nous arrêtons jeunes gens et jeunes filles que nous jetons en prison pour une semaine, un mois, un an ou dix ans : les peines s'accumulent sur le récidiviste, si bien que celui-ci se voit parfois condamné à une détention dont la durée dépasse celle de la vie d'un homme. Par contre, rien n'est tenté pour corriger un tel individu, le ramener au bien et essayer d'en faire un bon et utile citoyen.<br />Lorsque la loi s'empare d'un homme, ce devrait être pour le rendre meilleur et le transformer. Ce n'est pas le cas : on laisse le [54] criminel s'endurcir dans le crime ; à chaque faute nouvelle il est puni, jusqu'à ce que l'habitude de mal faire, – habitude que la loi a contribué à lui donner, – soit invoquée, pour permettre à la Cour de lui infliger une peine exemplaire. Ce n'est pas là faire preuve de sagesse, c'est de la démence.<br />Il arrive souvent qu'un jeune homme intelligent, entreprenant, commet un délit ; il n'a qu'une chance sur cent pour ne pas déchoir au rang des criminels invétérés et de profession.<br />Ne devrait-il pas exister, au degré actuel de civilisation, une meilleure méthode pour le traitement des criminels ? Il en est une, et je vous en parlerai lorsque j'en serai venue à vous exposer l'application du principe de fraternité dans la vie sociale.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'OFFRE ET DE LA DEMANDE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Laissant ces cas extrêmes pour nous occuper des questions courantes de L'Offre et de la Demande, de la production et de la répartition, nous verrons que nous arrivons à un point tel, que l'état de choses ne peut demeurer ce qu'il est. La question est d'autant plus délicate que le [55] moindre changement entrainera le bouleversement de notre système économique actuel.<br />Peut-être nous sera-t-il possible de nous en rendre mieux compte, en examinant ce qui se passe en Amérique. Là-bas, en effet, manquent totalement ces influences du sentiment qui, dans une certaine mesure, prévalent encore dans notre pays où, autrefois, la société reposait sur une base plus humaine que la simple question d'argent. Nous verrons ce que valent nos systèmes en nous rendant en Amérique où ils ont trouvé leur libre cours, plus rien n'arrêtant leur complète application.<br />Deux choses remarquables nous frappent tout d'abord sur le nouveau continent. En premier lieu nous y trouvons l'homme capable d'amasser une fortune colossale en ruinant, de propos délibéré, les petits capitalistes.<br />En voici un exemple :<br />Un groupe d'individus, composé d'un grand nombre de gens plutôt pauvres que riches, fonde une Société, dans le but de construire une voie ferrée indispensable au développement de la contrée. Des communications rapides s'imposent ; il faut, pour les grains et autres marchandises, des moyens convenables de transport et l'on construit un chemin de fer [56] régional. Tout marche à souhait et les bénéfices, sans être importants au début, sont néanmoins satisfaisants. Mais survient sur les lieux un individu plus intelligent, plus entreprenant que les autres ; il s'aperçoit que la région est susceptible de prendre une grande extension et que, par conséquent, les chemins de fer deviendront une source incomparable de revenus. Que fait-il ? Il construit, non loin de la première, une autre voie ferrée dont nul n'a besoin si ce n'est lui qui veut s'enrichir. Nous allons voir comment. Il commence par faire concurrence à la première ligne en établissant, sur la sienne, pour les voyageurs et les marchandises, un tarif moins élevé auquel il se tient, en engageant son capital, – car il ne couvre pas ses frais, – jusqu'à ce que l'autre soit contraint d'adopter le même tarif. Lorsque les actions de son voisin atteignent une forte baisse en Bourse, il les rachète toutes. Dès qu'il en est possesseur, il laisse alors tomber son entreprise de circonstance, la région lui appartient et il réalise la colossale fortune qu'il avait convoitée, fortune édifiée aux dépens des actionnaires qui avaient placé leurs capitaux dans l'affaire, pensant contribuer à l'amélioration des moyens de communication dans leur région. Cet homme les [57] a sacrifiés pour satisfaire ses intérêts personnels. De semblables individus sont appelés, en Amérique, des wreckers, c'est-à-dire des naufrageurs, ce qui n'empêche pas la société d'avoir une haute opinion d'eux, étant donné qu'ils fondent des hôpitaux, voire même des églises ; en un mot, ils font de bonnes oeuvres en empruntant un peu aux fortunes qu'ils se sont indument appropriées.<br />Bien que la loi de leur pays ne les condamne pas, je prétends que, vis-à-vis de la véritable et éternelle justice, ils sont plus coupables, plus condamnables que le cambrioleur vulgaire qui dérobe les bijoux d'une grande dame ou la vaisselle d'or d'un millionnaire. On punit d'importance ce cambrioleur, lorsqu'on s'en est emparé, et il mérite d'être châtié car il est évidemment répréhensible, mais mille fois plus coupable encore est ce voleur caché sous des dehors honnêtes qui, à l'aide d'une intelligence brillante, s'attaque aux cerveaux plus faibles, vole à ses semblables le résultat de leurs travaux pour augmenter son butin de pillard.<br />On trouve encore cette sorte de vol sous forme de trusts et de sociétés d'accaparement. C'est ainsi qu'un accaparement de blé fut tenté dernièrement ; à ce que je sais, il échoua, un [58] autre spéculateur ayant réussi, le premier, à verser sur le marché des millions d'hectolitres de blé. Quel que soit le spéculateur qui l'emporte, personne n'en est mieux nourri, puisque la seule chose importante consiste à savoir lequel des deux spéculateurs réalisera les plus gros bénéfices.<br />Quant aux trusts, on les imagina pour permettre à quelques individus de réaliser d'immenses fortunes au détriment des petites bourses. Nos frères d'Amérique commencent à se lasser un peu de ce genre d'affaires et cherchent un moyen de l'enrayer, émettant l'espoir qu'un acte de Congrès, ou une loi, interdira bientôt les trusts.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA CONCURRENCE À OUTRANCE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Mais quelle loi pourrait empêcher le trust, résultat naturel et logique de La concurrence à outrance ?<br />Comment empêcher cela sans paralyser en même temps toutes les industries basées sur le principe d'une concurrence sans merci ?<br />Encore une difficulté !<br />Le système commercial repose tout entier sur la lutte, chacun essayant de l'emporter sur son voisin, de conclure des marchés, avantageux pour certains, mais désastreux parfois pour [59] d'autres. S'il en est ainsi, comment voulez-vous vous opposer aux conséquences naturelles de ce système, aux résultats qui en découlent inévitablement ? Vous vous attaquez à l'application excessive d'un principe que vous désirez cependant garder tel quel ; l'application excessive choque la conscience publique qui s'émeut à la vue de gens ruinés par centaines et par milliers, alors qu'elle se trouvait tranquille lorsqu'on ne ruinait que par petits groupes ; pourtant, tous ont enduré les mêmes souffrances et subi le même misérable sort.<br />Comment donc voulez-vous enrayer l'excès sans ébranler l'édifice tout entier.<br />Tel est encore un problème, problème dans l'énoncé duquel nous découvrons d'ores et déjà l'indice d'un avenir meilleur, car la grande alchimie du laboratoire de l'univers où le Tout-Puissant transmue les forces qui détruisent en forces bienfaisantes, fait prévoir que tout ce qui est sorti de l'activité égoïste des hommes amènera une organisation du travail ; il fait prévoir que, dans l'avenir, ce travail profitera à tous, quand la fraternité aura remplacé la concurrence, quand l'intérêt qu'on porte aux autres sera devenu plus grand que celui qu'on se porte à soi-même. [60]<br />Nous voyons donc l'espoir poindre au milieu des difficultés.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Examinons à présent un autre côté du problème et considérons les tentatives qui ont été faites pour améliorer les conditions sociales dans ce que l'on appelle les pays neufs, l'Australie par exemple.<br />Les classes ouvrières ont obtenu, en Australie, tout ce qu'elles demandent ici, et l'on considère maintenant ce pays comme étant : "le paradis de l'ouvrier".</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE DROIT DE VOTE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Tout homme ayant atteint vingt et un ans a Le Droit de vote.<br />Songez à la soi-disant liberté que cela procure ! Toute jeune fille de vingt et un ans a le droit de vote. Que voudriez-vous de plus ? Plus n'est besoin, n'est-ce pas, de susciter des troubles ?<br />Par malheur, les jeunes gens se soucient beaucoup plus du football que des questions politiques, les jeunes filles s'inquiètent plus des chapeaux à la mode que de la manière dont elles doivent voter. [61]<br />Tout le monde a le droit de vote et on ne sait qu'en faire, ce qui a lieu fréquemment, non pas seulement en Australie.<br />Ne vous êtes-vous jamais aperçu que vous renonciez à un peu de bonheur en échange de la liberté que, d'après vous, le droit de vote vous confère ? Qu'importe que vous soyez ou non qualifié pour voter, au courant ou non de la politique, et des sujets qu'elle traite ! Qu'importe l'intelligence ! Votre voix, n'est-ce pas, vaut, dans le scrutin, celle de l'homme politique, celle du plus grand savant, celle de l'économiste le plus réputé. Vue de l'extérieur, c'est là certes une admirable façon de gouverner.<br />Voyons maintenant les résultats qu'on obtient en Australie où le système est appliqué, système que vous êtes sur le point d'adopter ici.<br />Tout le monde a donc là-bas le droit de vote ; mais, comme c'est toujours le cas, la majorité est formée d'ignorants. Là-bas, comme ici, existe la législation de classe, – chose d'ailleurs néfaste, – mais, en Australie, l'ordre est renversé, c'est-à-dire que le gouvernement est entre les mains des ignorants au lieu d'être entre celles d'hommes instruits, ce qui donne de fort mauvais résultats.<br />Qu'arrive-t-il ? [62]<br />Il en résulte tout d'abord une diminution progressive de l'habileté dans tous les genres de métier, et de cette habileté dépend, vous le savez, la prospérité d'un pays. Lejeune homme qui se sait libre, se soucie peu d'un apprentissage ; si vous osez lui dire que son ouvrage est mal fait, il vous tourne les talons et s'en va, en citoyen de la libre Australie qu'il est ; puisqu'on lui reproche de mal travailler, il refuse le travail.<br />Mais vous n'ignorez pas que la nature vient souvent à l'encontre de nos théories politiques et sociales, et ses lois ne se modifient pas comme nous serions parfois désireux de les voir se modifier. Le jeune homme qui refuse d'apprendre son métier reste ou devient forcément inhabile ; la fabrication s'en ressent et, le jour où l'on a besoin d'une bonne pièce de machine, on s'adresse en Angleterre malgré les frais d'importation qui, là-bas, sont très élevés. Ce que l'on fait en Australie est si mal construit que les machines ne fonctionnent pas au moment de leur montage.<br />Voilà un des résultats du système ; en voici un autre : [63]<br />Le chômage augmente.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE CHÔMAGE AUGMENTE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Tout comme ici, en Angleterre, il y a des gens qui parcourent les rues en réclamant de l'ouvrage au gouvernement. La raison en est simple beaucoup d'ouvriers ne veulent pas travailler au-dessous d'un certain salaire qui, parfois, n'est d'ailleurs pas proportionnel à leurs capacités.<br />Supposons que vous ayez un jardin et que vous désiriez faire sarcler vos allées, faucher votre gazon. C'est là l'ouvrage d'un jardinier. Or, un jardinier prétend ne pas pouvoir travailler à moins de douze francs cinquante par jour, et le pauvre fonctionnaire, – qui, lui, n'est pas un électeur influent et ne dispose que d'un petit revenu fixe, – se voit dans l'impossibilité de payer douze francs cinquante par jour pour son jardin. Il sarcle alors lui-même ses allées pendant que le jardinier court les rues et réclame de l'ouvrage au gouvernement.<br />Il y a, dans cette question, autre chose que le chômage à considérer. Si vous obligez à sarcler, des hommes qui sont susceptibles d'être plus utiles à leur pays, vous entravez le [64] développement de toutes les formes supérieures de travail qui ennoblissent la vie d'une nation. Ce qui a toujours été vrai est encore vrai aujourd'hui : les hommes ne vivent pas seulement de pain ; si vous forcez tout le monde à exercer un travail manuel, vous n'obtiendrez que ce genre de paradis tel qu'il est décrit dans Looking Backward 4 livre que presque tous ont dû lire. Or, ce paradis est bien plus digne d'être celui d'un honnête faubourg plutôt que celui d'une nation qui ne peut se dispenser d'art, de beauté, de musique, de littérature ; et il faut du temps pour se perfectionner dans les arts, il faut de l'instruction pour s'en rendre maitre. Déplorable est l'organisation qui tend à rabaisser la nation à un niveau si bas qu'on ne songerait plus alors qu'à bien boire, à bien manger et à se distraire, oubliant les productions des génies et les créations de la pensée qui sont la vie même d'une nation.<br />Voilà donc un grand danger.<br />Il ne faut pas accuser le peuple ; tant qu'un [65] homme a faim, un bon repas est la seule chose qu'il désire et c'est là son idéal.</p> <p style="text-align: center;"><em>4 Cet ouvrage eut son heure de célébrité il y a une quinzaine d'années ; d'Amérique, où son auteur, Bellamy, l'écrivit, il parvint en France où il fut traduit et publié sous le titre : En l'an deux mille. Cette traduction est croyons-nous épuisée aujourd'hui (NDT).</em></p> <p style="text-align: center;">Les idées peu intéressantes des ignorants ne doivent pas contribuer à l'édification d'une nation qui doit rester l'oeuvre des sages.<br />Mais voyez combien la question se complique !<br />Voyez même ce qu'il en est dans notre pays où l'instruction a assez de poids dans les affaires publiques, bien que le vote n'en tienne pas compte. Un homme peut connaitre à fond son métier et donner d'excellents conseils concernant sa besogne habituelle ; mais une nation ne se compose pas uniquement d'individus appartenant à un seul corps de métier ; elle comprend des centaines de professions différentes, se rattachant toutes les unes aux autres, chacune dépendant, dans une certaine mesure, de sa voisine, et l'on ne peut faire une loi nationale en se basant sur une seule profession, sur une seule classe. La loi doit s'appliquer à l'organisme entier, dans toute sa complexité ; sinon vous ruinez la nation pour le bénéfice d'un seul corps de métier. C'est précisément ce qui se passe en Australie. Certaines professions sont parfaitement bien organisées, largement pourvues, mais tous les autres éléments qui [66] participent à la constitution même de la nation, sont absolument écartés, si bien que la vie devient intenable pour eux.<br />En outre, le commerce se permet parfois des maladresses dont voici un exemple :<br />Melbourne est une très grande ville où il fait souvent très chaud. Des syndicats ont décrété que le dimanche, le lait ne serait livré qu'une fois par jour. Il faut bien que le pauvre puisse jouir du repos dominical, et c'est faire preuve d'égoïsme que de le contraindre au travail le dimanche. On ne livre donc le lait que le matin.<br />Malheureusement les vaches laitières n'ont pas encore de syndicat ; elles ne comprennent pas qu'elles devraient, le dimanche, ne donner du lait qu'une fois au lieu de deux ; sans pitié pour les dispositions prévues par des groupes socialistes, elles s'obstinent à donner du lait le soir comme le matin. Le malheureux laitier ne peut vendre cette seconde traite sans courir le risque d'être mis à l'index par son syndicat, ce qui, pour lui, serait la ruine. Il doit donc garder son lait et, quand il fait très chaud, le précieux produit a perdu le jour suivant ses propriétés, malgré l'acide borique qu'on y jette pour éviter qu'il se caille. Le laitier le mélange alors avec celui du lendemain [67] et vend le tout pour du lait frais ; dans le pot au lait on ne<br />s'aperçoit pas du mélange, mais le nouveau-né au biberon s'en aperçoit et la mortalité infantile augmente l'été, grâce à la savante disposition ci-dessus indiquée.<br />On ne peut gouverner un pays de cette façon ; et il existe beaucoup de petites choses de ce genre qui, à tout instant, nous font sentir que nous ne sommes pas absolument libres. Des dispositions analogues à celle que je viens de rapporter, ne sont possibles qu'à la condition d'être acceptées par tous ceux qui doivent les subir ; elles n'ont pas de raison d'être quand elles sont imposées, pour le bénéfice d'un commerce particulier, à une population qui ne les accepte qu'à contrecoeur.<br />Poussons plus loin nos investigations et il ne nous sera pas utile, cette fois, de considérer l'Australie. Il faut, dit-on,Remplacer la concurrence par la coopération.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>REMPLACER LA CONCURRENCE PAR LA COOPÉRATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Vous m'objecterez qu'on travaille déjà dans ce sens. En réalité on s'en est passablement occupé. Il est certain qu'on a fait beaucoup pour instituer des coopératives de consommation ; il en existe un certain nombre dans les comtés [68] de York et de Lancaster ; mais combien existe-t-il de coopératives de production ? On a bien essayé mais on n'a guère réussi, et cela pour deux raisons :<br />En premier lieu, la direction de la production nécessite un cerveau bien équilibré, clairvoyant, dirigeant avec autorité, et auquel ne doivent se substituer ni comités, ni bureaux, ni votes populaires, etc. Il y a en effet, en ce qui concerne la production, dans le commerce, pas mal de choses à prévoir ; de brusques changements peuvent survenir dont l'homme intelligent sait immédiatement éviter ou tirer parti pour conduire son entreprise au succès ; au contraire, discussions, désaccords, délais, peuvent entrainer la ruine. Telle est une des difficultés dans la question de production.<br />Il y a autre chose, – difficulté beaucoup plus grave, – résultant du manque de confiance. Les hommes ne se fient pas les uns aux autres ; ils sont soupçonneux, cachent leur jeu au lieu de coopérer honnêtement et ouvertement au bien général. Aussi changent-ils constamment de représentants, de dirigeants, et la direction des affaires en arrive à manquer totalement d'esprit de suite.<br />Ce manque de confiance, – imputation à [69] autrui de motifs égoïstes, – est fatal et restera néfaste aussi longtemps que le principe de fraternité ne sera pas mis en vigueur.<br />Actuellement, lorsqu'un homme sorti du peuple atteint un niveau social plus élevé grâce à son habileté, ses talents, son éloquence, sa persévérance, c'est toujours dans la classe où il est né qu'il trouve ses ennemis les plus acharnés. Quand il s'aperçoit, – et il s'en aperçoit inévitablement – que les remèdes proposés dans les meetings populaires sont impraticables et ne peuvent être ratifiés par le Parlement, ses frères le traitent de déserteur, de traitre, de renégat et, quoi qu'il fasse, il ne réussira pas à gagner leur confiance.<br />Que faire ?<br />Il faut, me direz-vous,<br />Changer la nature humaine,<br />avant de pouvoir mettre ces projets à exécution.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>CHANGER LA NATURE HUMAINE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />En effet, c'est précisément là ce qu'il importe de faire.<br />Pensez-vous que cela soit possible ?<br />La nature humaine change chaque jour, elle est perpétuellement en voie de transformation ; [70] elle n'était pas au moyen âge ce qu'elle est de nos jours. Lorsque les chevaliers errants parcouraient les campagnes, combattant et pillant, on aurait pu s'écrier alors : "Il faudra changer la nature humaine avant de voir les hommes se soumettre de bon gré à la loi, sans qu'on soit obligé de fendre les oreilles à ses oppresseurs." Depuis ce temps, l'homme a changé ; au lieu de partir en guerre nous-mêmes pour redresser les torts qu'on nous fait, nous appelons un représentant de la loi, et nous nous en rapportons à la justice du pays.<br />Pourquoi la nature humaine cesserait-elle de se transformer ? Elle change sous nos yeux et les changements qui s'accomplissent en elle sont l'éclosion graduelle de l'Esprit divin en l'homme. Les formes extérieures varient pour donner des corps appropriés à l'Esprit qui évolue ; la nature humaine inférieure se transforme constamment, revêtant des formes de plus en plus élevées.<br />Au sein même de toutes ces luttes, de cette concurrence effrénée, de cette misère, vous pouvez distinguer, pour peu que vous vous en donniez la peine, les germes d'une civilisation plus noble, plus grande, plus fraternelle. La conscience est, en général, au point de vue [71] social, bien différente de ce qu'elle était il y a un siècle. Combien différent aussi est le sentiment de responsabilité qu'on éprouve en présence des torts qui ont été faits, en présence de cette misère encore non soulagée ! Déjà, beaucoup de personnes appartenant à la classe, dite heureuse ou aisée, ne peuvent plus être heureuses, sachant que la misère est à leurs portes. Que de gens aussi commencent à se convaincre que tout ce que nous acquérons, nous ne le possédons pas en propriétaire ; dans le sens absolu du mot, mais comme des choses qui nous sont momentanément confiées dans un monde où tous les hommes sont frères et où le devoir de tous est le devoir de chacun !<br />Cette idée se répand de plus en plus, mais le changement doit venir d'en haut et non d'en bas. Les ignorants, les affamés, peuvent provoquer des émeutes ou des révolutions, mais seuls la Sagesse et l'Amour peuvent édifier une civilisation meilleure et durable.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>ÊTES-VOUS SOCIALISTE ?</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Je me souviens qu'un jour, on posa cette question à Mme H.-P. Blavatsky :<br />Êtes-vous socialiste ? [72]<br />Elle répondit :<br />– Je crois au socialisme qui donne et non à celui qui prend.<br />Telle sera la note caractéristique de l'avenir ?<br />Quand ceux qui possèdent seront disposés à se sacrifier, apparaitra, dans le ciel, l'aurore d'une ère nouvelle. Quand la richesse, l'éducation, les pouvoirs, seront considérés comme un dépôt devant servir au bien de tous, les fondations d'un État plus noble seront alors posées. Quand les hommes et les femmes se diront : "Je dois mon instruction à l'ignorance des milliers d'êtres qui, par leur travail, y ont contribué ; cette instruction leur appartient de droit, je dois l'employer pour les servir, acquittant ainsi la dette que j'ai contractée vis-à-vis d'eux" ; lorsque l'homme riche se dira : "Je ne suis qu'un dépositaire et non le propriétaire de ma fortune ; le labeur de milliers d'hommes me permit de l'acquérir et il est juste qu'elle soit destinée à soulager ceux qui m'ont aidé à la réaliser", alors la Fraternité commencera à se répandre ici-bas. Quand les gens du monde comprendront que leurs bonnes manières et leurs gouts raffinés devront être partagés au lieu d'être soigneusement renfermés dans leurs salons, comme quelque fragile [73] porcelaine de Saxe que l'on conserve à l'abri des chocs, quand ce jour viendra, viendra aussi le commencement d'une grande transformation sociale.<br />Cette grande et fraternelle civilisation sera basée sur le sacrifice, sur l'abnégation.<br />Dans une famille, les ainés penseront aux jeunes ; quand les moyens de subsistance seront insuffisants, les grands s'en priveront pour en faire bénéficier les cadets. De même, dans tout mouvement social, la caractéristique des classes élevées doit être le sacrifice ; celle des basses classes : l'amour et la solidarité ; toutes les classes alors fraterniseront, chacune apportant ce qu'elle a à donner ; aucune ne méprisera sa voisine car toutes sont également nécessaires à l'édification d'une nation.<br />La force physique du terrassier, le génie du philosophe, l'habileté de l'artisan, le cerveau puissant de l'organisateur, tout doit coopérer à l'oeuvre commune ; nul ne doit envier ou mépriser son prochain puisque tous travaillent en vue du bien général.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>DES DIEUX EN VOIE D'ÉVOLUTION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est là un rêve irréalisable ! me direz-vous ; à cela je répondrai que l'homme est divin, qu'il n'est rien de si haut auquel il ne puisse prétendre, rien de sublime qu'il ne puisse [74] accomplir. Ayez une plus grande opinion de vous-mêmes, de vos divines possibilités et songez que vous êtes Des dieux en voie d'évolution,<br />que vous pouvez atteindre tout ce à quoi vous aspirez. Souvenez-vous en outre que la pensée est la plus grande des forces. Elle crée d'abord l'image, puis provoque sa réalisation dans le monde physique.<br />Il ne suffit pas de penser, encore faut-il cristalliser les pensées dans le monde physique et les signes de cette cristallisation deviennent visibles dans la grande civilisation chrétienne, qui est encore, quoi qu'on puisse en dire, une grande force dominante. Les hommes commencent à parler, non plus d'un ciel au-delà des nuages, mais d'un ciel sur la terre, du Royaume du Christ ici-bas ; on n'envisage déjà plus celui-ci comme une fiction mais comme une réalité, l'on pense à une civilisation dont les bases seront : Fraternité, Amour, Sagesse.<br />Voilà ce que le monde nouveau, qui déjà s'offre à nos regards, nous apportera. L'homme ne se contente plus de croire à la félicité post [75] mortem, il veut être heureux ici-bas, et il le sera, à moins que cette prière que vous, chrétiens, répétez chaque jour : "Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel" ne soit qu'une prière dite du bout des lèvres et n'ayant aucun sens réel.<br />C'est sur terre que s'édifiera la nouvelle civilisation, que la Fraternité se réalisera, que les nations de l'avenir deviendront une grande famille au lieu de vivre, entre elles, comme les fauves de la jungle.<br />Voilà ce que nous attendons, et si, aujourd'hui et dimanche dernier, je ne vous ai exposé que les côtés sombres, c'est pour vous montrer que Celui qui ouvre toutes les portes va revenir sur terre, précisément parce que nous sommes clans une impasse de laquelle nous ne saurions sortir sans Son aide.<br />Je compte, pendant les semaines qui suivront, étudier avec vous l'autre côté de la question, vous prouver que les cercles vicieux qui nous entravent se dissipent, que ce cri retentit dans les mondes supérieurs, répété par les mondes inférieurs :<br />"Je viens pour renouveler toutes choses !"</p> NOUVELLES PORTES OUVERTES SUR LA RELIGION, LA SCIENCE ET L'ART 2019-07-04T11:27:45+00:00 2019-07-04T11:27:45+00:00 http://hierarchie.eu/le-monde-de-demain-par-annie-besant-1909/1280-nouvelles-portes-ouvertes-sur-la-religion-la-science-et-l-art Super User bon.christo@free.fr <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>NOUVELLES PORTES OUVERTES SUR LA RELIGION, LA SCIENCE ET L'ART</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Je ne vous ai jusqu'ici parlé que du passé ou du présent. Nous allons maintenant diriger nos regards vers l'avenir.<br />Prenant dès lors le présent comme point de départ, et en examinant certains faits qui déjà attirent notre attention, voyons ensemble quel-sont les nouvelles portes ouvertes sur la Religion, la Science et l'Art, quelles sont les routes nouvelles qui nous conduiront à l'acquisition de connaissances plus vastes. À nos yeux, ces routes s'étendent vers de lointains horizons et ne s'arrêtent pas là, ces horizons n'étant que les points les plus éloignés que notre vue limitée puisse percevoir.<br />Tous mes efforts tendront surtout à vous montrer que ces portes nouvelles vont certainement [77] et prochainement s'entrouvrir. Les signes des temps nous indiquent qu'elles s'entrebâillent déjà, et nous sommes en droit de penser, qu'au fur et à mesure que l'homme avancera dans son évolution, ces portes s'ouvriront de plus en plus pour laisser finalement passer la race tout entière qui, ainsi, entrera dans un avenir meilleur, plus heureux et plus sage.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Pour rendre les choses plus claires et plus intelligibles, je vous demanderai de vouloir bien, pendant quelques instants, considérer avec moi une théorie sur la nature de l'homme et de sa constitution, théorie universellement admise dans toutes les antiques religions du monde, indiquée aussi, quoique partiellement, dans le Christianisme et qui, actuellement, est revivifiée et enseignée dans le monde entier, grâce à la Société théosophique.<br />Il n'est pas question ici d'envisager des vues nouvelles ; ce dont je veux vous entretenir à présent est une chose très ancienne, revêtue seulement de formes plus modernes, qui s'adapte plus étroitement avec l'esprit plus cultivé de l'homme. [78]<br />La voici, brièvement, telle que je désire vous la faire connaitre, car, si vous l'ignorez, l'existence des nouvelles portes ouvertes à l'humanité vous demeurerait absolument incompréhensible.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE GRAND CYCLE MONDIAL</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Tout être humain est, fondamentalement, une intelligence spirituelle s'appropriant des particules de matière appartenant aux différents mondes dans lesquels il vit. Cette intelligence spirituelle au moment où elle va parcourir LE GRAND CYCLE MONDIAL est un germe ou semence divine.<br />Une semence ordinaire, un grain de blé, par exemple, ne saurait développer les pouvoirs latents qu'il contient à moins d'être semé en terre ; celle-ci fournit les éléments qui lui servent de nourriture, et il ne peut croitre si la pluie ne l'arrose pas, si le soleil ne brille sur lui. De même en est-il pour le germe divin, l'esprit humain. Il est semé dans le sol de l'expérience humaine, sol dont les éléments constituants contribueront à développer ses possibilités divines. Les larmes provoquées par les peines et les souffrances humaines l'arrosent, il [79] est vivifié et réconforté par le soleil de la joie et du bonheur. Grâce à ces expériences, grâce à cette rosée des afflictions, grâce encore au soleil de la joie, graduellement, génération après génération, siècle après siècle, et des milliers d'années durant, ce germe divin devient finalement un homme divin, ayant pleinement évolué les pouvoirs divins demeurés, jusqu'alors, latents.<br />Pour que cette longue évolution s'effectue, il est nécessaire que ce germe divin prenne contact avec la matière et que des voiles l'enveloppent successivement. Dans sa descente du ciel sur la terre, il attire autour de lui des agrégats d'une matière de plus en plus dense, empruntés aux régions qu'il traverse, et il prend de la sorte contact avec ce qui l'environne. Ce processus, seul, contribuera à lui faire acquérir des expériences déterminées, lui permettra de développer ses pouvoirs par l'intermédiaire desquels il fera de la matière dont il s'enrobe, une esclave et un instrument pendant le temps de sa manifestation.<br />Si au stade présent de l'évolution nous nous considérons les uns les autres, nous constatons que l'être spirituel que chacun de nous est, a déjà développé certains de ses pouvoirs, [80] tandis que certains autres ne sont pas encore en activité. Nous constatons en outre la présence des voiles de matière qui enrobent l'esprit en voie d'évolution ; ce ne sont plus des voiles sans contours définis, mais des corps plus ou moins bien organisés pour les desseins mêmes de la vie évoluante qu'ils renferment.<br />Sur notre plan physique, dans le monde auquel nous appartenons aujourd'hui, cette matière que le germe divin s'est ainsi appropriée est déjà hautement organisée ; elle est devenue l'esclave de l'intelligence de l'Esprit et cela dans une proportion relativement grande en ce qui concerne les êtres humains les plus avancés.<br />Avec le temps, se sont construits ces organes de connaissance que nous appelons les sens. Nous en possédons actuellement cinq, l'humanité ayant passé par cinq des grandes races que j'ai précédemment, lors de ma première conférence, comparées aux vagues de l'océan. Je vous ai dit, et vous pouvez vous le rappeler, que nous formions la cinquième de ces vagues et aussi la cinquième petite vague, l'une des subdivisions de la grande 5. Partant du point [81] atteint aujourd'hui par l'humanité pour nous reporter en arrière, et suivre, dans le passé, la croissance de l'homme, il nous sera possible de distinguer l'évolution de ces sens, depuis leur naissance jusqu'à l'acuité qu'ils possèdent maintenant ; et nous constaterons qu'à chaque grande race correspond le développement d'un sens.<br />Pour que vous ne soyez pas portés à supposer que ce que j'avance là, s'écarte du domaine de l'expérience, permettez-moi de vous rappeler l'existence d'un important et édifiant spécimen de la quatrième race qui précéda la nôtre, spécimen qu'on trouve aujourd'hui en Birmanie, dans l'Empire des Indes.<br />Le sens du gout fut, dans cette quatrième race, celui qui se développa graduellement pendant que le sens de l'odorat demeurait à l'arrière-plan, très rudimentaire et à peine formé.</p> <p style="text-align: center;"><em>5 Nous sommes donc, aujourd'hui, dans la 5e sous-race de la 5e grande Race-Mère (NDT).</em></p> <p style="text-align: center;">Si maintenant vous allez chez les Birmans et vous informez de leur régime alimentaire, vous constaterez qu'un de leurs mets favoris est le poisson, non le poisson frais, fraichement retiré de l'eau, mais celui qu'on a pris depuis un certain temps et enterré dans le sol jusqu'à ce qu'il se soit décomposé ; alors seulement, on l'exhume [82] pour en faire un plat considéré comme le meilleur qu'on puisse avoir sur la table d'un Birman.<br />Cela suffit pour vous montrer que, dans cette quatrième race, le sens du gout diffère sensiblement du nôtre. Je dois cependant ne pas oublier cette exception : je crois que le sens du gout, chez beaucoup d'entre nous, aime encore à s'exercer sur certain gibier et venaison qu'on dit être : faisandés. Or, le poisson que mangent les Birmans est des plus faisandés ; si l'expression n'était pas tant soit peu grossière, on pourrait ajouter, pour appliquer aux choses leur véritable qualificatif, que ce poisson est pourri 6. Actuellement, aucun de nous ne saurait se contenter de cet aliment et y trouver quelque satisfaction car le sens de l'odorat est intimement lié à celui du gout et se trouve aujourd'hui développé en nous.<br />J'ai choisi cet exemple frappant, que j'ai eu l'occasion d'observer personnellement, afin de vous rendre plus intelligible ce que j'avance en disant qu'à chaque race correspond l'éclosion d'un sens, que celui qui le suit demeure [83] à l'état embryonnaire pour s'éveiller dans la race suivante, et y atteindre son plus haut point de perfection. Le nombre de nos sens nous indique donc à quel stade de l'évolution nous sommes.</p> <p style="text-align: center;"><em>6 Rotten. En anglais ce mot est considéré comme grossier (NDT).</em></p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA RACE FUTURE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Les proverbes sont souvent vrais, et celui qui se rapporte à l'homme effrayé jusqu'à en perdre ses sept sens, quand ses semblables n'en possèdent que cinq, nous montre que cette antique croyance fut universellement connue, croyance d'après laquelle l'homme devra évoluer dans deux autres races, et que les sens complémentaires se développeront à mesure que les races se succèderont sur terre. C'est ainsi que dans la sixième race, dont je vous entretiendrai spécialement prochainement lorsque je parlerai de La race future, nous aurons à développer un nouveau sens à l'aide duquel le monde de l'au-delà sera pour nous aussi tangible que le monde physique nous l'est actuellement. C'est en effet cette forme particulière de vision que l'homme est appelé à acquérir désormais. À mesure que s'organisera plus parfaitement le corps astral immédiatement [84] supérieur au corps physique, se développera, pari passu, dans le cerveau physique, l'organe par lequel le monde voisin, l'astral, deviendra sensible à la conscience physique, ce qui étendra considérablement notre vision et nous rendra enfin visible ce qui maintenant, est invisible pour les yeux du plus grand nombre.<br />L'évolution de l'homme étant ainsi considérée, nous voyons que la conscience spirituelle, en se développant, se crée des corps de matière de mieux en mieux organisés. Chacun de nous subit cette double croissance : d'une part, celle de la conscience atteignant des états toujours de plus en plus élevés ; de l'autre, des corps dont la matière qui les compose devient de plus en plus subtile, des corps à l'aide desquels la conscience est susceptible de s'exprimer clairement et d'une manière définie ; il en résulte que chaque changement de conscience suscite une vibration dans la matière ; inversement, la conscience prend acte du moindre changement dans la matière. Il y a de la sorte deux évolutions parallèles étroitement liées l'une à l'autre : celle de l'Esprit et celle des corps, ceux-ci devenant de plus en plus sensibles. [85]<br />Les différences de degrés de sensibilité sont observables dans le système nerveux comme dans l'aspect extérieur du corps. Reportez-vous une fois de plus à la quatrième race ; étudiez son système nerveux et voyez s'il n'est pas entièrement différent de celui que nous possédons. Bien qu'il soit apparemment semblable au nôtre, que les différences qui existent entre sa distribution générale dans l'organisme d'une part, et le cerveau de l'autre, paraissent peu sensibles comparativement au nôtre, si nous poussions assez loin l'étude de l'organisation même de ce système, nous constaterions qu'un gouffre sépare le système nerveux de la quatrième race de celui de la cinquième.<br />Si vous désirez avoir encore une preuve du fait, voyez l'intense souffrance et toutes les blessures très graves qu'un Chinois est capable d'endurer, comparativement à ce que nous pouvons, nous, supporter. Notez qu'une lésion importante, sur le corps d'un Chinois, ne met pas la vie de celui-ci en danger ; il s'en remet très vite quand la même lésion nous tuerait par suite du choc nerveux qui en résulterait sur notre organisme. Il ne faut pas considérer ici la blessure en elle-même, – et la perte de sang peut être égale chez l'un et chez l'autre, – [86] mais l'homme de la cinquième race meurt d'un choc nerveux, là où un homme de la quatrième ; avec son système nerveux plus grossier, peut rapidement guérir et rétablir l'équilibre nerveux.<br />Vous pouvez en outre remarquer, dans votre sous-race teutonne, d'autres faits dont les caractéristiques sont celles de la grande race aryenne à laquelle appartiennent les peuples de l'Occident et de l'Inde. Il nous est en effet possible de constater, dans notre sous-race teutonne, l'étonnante augmentation des maladies nerveuses. Cette augmentation est beaucoup plus rapide de nos jours qu'à aucune autre période de l'histoire humaine. Trop grand commence à devenir l'effort demandé à notre système nerveux, car celui-ci évolue un peu plus vite que le monde extérieur qui réagit sur lui. Il en résulte que, pour éviter les troubles nerveux, il est nécessaire de commencer à corriger et à purifier votre façon de vivre, laissant loin derrière vous les passions grossières dont vous devez, au stade présent de l'évolution, dépasser les limitations dégradantes qu'elles imposent à l'individu.<br />Dans la sixième sous-race, qui déjà commence à poindre, le système nerveux sera plus [87] délicat encore, des organes des sens d'une extrême acuité apparaitront bientôt, chez les enfants, dans une proportion de plus en plus grande. Les organes actuels de nos sens verront peu à peu s'amplifier leur mode d'expression, puis viendra l'apparition de nouveaux organes, ceux qui décilleront à nos regards :</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'AUTRE CÔTÉ DE LA MORT.</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est notre corps astral qui correspond à cet autre plan de l'univers, et notre système nerveux s'affinera pour que nous devenions aptes à explorer plus complètement ce monde voisin.<br />C'est là un point qu'il est indispensable de garder présent à l'esprit, car il se rapporte à l'une des portes dont je parlais au début.<br />Notre corps physique n'est pas le seul à croitre en sensibilité ; parallèlement à lui s'organise aussi celui qui lui est immédiatement supérieur et dont les pouvoirs se développent graduellement : c'est le corps d'après la mort destiné à remplacer, pour ainsi dire, celui dont nous sommes actuellement revêtus ; c'est le corps par l'intermédiaire duquel nous percevons l'émotion. [88]<br />En effet, lorsque nous passons dans l'au-delà, nous n'y allons pas sans vêtement ; nous rejetons l'habit grossier que nous appelons le corps physique, et nous conservons cet autre corps dont la matière interpénètre celle du corps de chair. Ce dernier appartient au monde de l'au-delà et son évolution atteint maintenant un degré tel, que, grâce à lui, il nous sera possible de l'utiliser bientôt pour l'acquisition de nouvelles expériences sur le plan astral.<br />Dans la prochaine race, ainsi que je m'efforcerai de vous le prouver plus complètement par la suite, ce corps s'organisera, se développera, jusqu'à devenir, comme notre corps physique, un parfait véhicule de conscience. Lorsque cette naissance et cette organisation seront terminées, de nouvelles portes s'ouvriront sur la Religion, sur la Science et les Arts.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>I. — RELIGION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Considérons tout d'abord ce qui en résultera pour nous du côté de la Religion.<br />Le développement d'un état plus profond de conscience placera notre Moi, l'Esprit, en [89] contact plus direct avec les régions spirituelles de l'univers.<br />Je ne m'occupe pas ici de la matière subtile de ces mondes élevés, mais des réalités spirituelles inhérentes à la vie spirituelle.<br />La nature de Dieu, la conscience que l'on a de Sa présence partout ; le fait de reconnaitre Sa Vie comme la Vie animatrice de toutes choses, voilà ce qui deviendra de fondamentales réalités pour l'Esprit, plus évolué, de l'homme.<br />Je vous ai fait observer, en vous exposant l'impasse où se trouve engagée la Religion en ce qui touche l'idée de Dieu, que des montagnes d'arguments intellectuels ne conduiraient nullement à démontrer péremptoirement l'existence et la réalité de Dieu. Elles nous offriraient des probabilités, des séries d'évidences, mais aucune démonstration, aucune preuve. Quand une chose est une fois pour toutes démontrée, les discussions s'apaisent, nul ne songe plus à demander si le fait existe réellement. Or, nous avons bien jusqu'à présent discuté sur Dieu autant que nous pouvions le faire, mais nous n'avons pas acquis la connaissance spirituelle de Dieu, source éternelle de tout ce qui est. [90]<br />Comment atteindrons-nous cette connaissance ?<br />Nous ne l'atteindrons ni par de nouvelles spéculations intellectuelles, ni par la simple aspiration de la nature émotionnelle. Nous l'atteindrons par l'éclosion, dans l'homme, de cet Esprit, divin en essence et qui, de par sa divinité même, peut s'unir au divin qui lui est extérieur. Étant Dieu lui-même, il peut connaitre le Dieu dont il est une étincelle. Telle est L'ultime vérité de la Religion, communion de l'homme avec Dieu dans les profondeurs de l'Esprit humain.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'ULTIME VÉRITÉ DE LA RELIGION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />La Religion n'est qu'une aspiration vers Dieu, c'est la recherche du divin.<br />Cérémonies, rites, églises, Écritures, tout cela est purement externe et ne saurait jamais révéler Dieu à cet Esprit fait à l'image de Dieu. Seul, l'Esprit peut se connaitre ; seul, l'Esprit peut se trouver. Quand il cherche dans la matière, il ne peut qu'oser croire qu'il est : mais l'Esprit dépouillé de tout voile peut sentir le Seigneur sans voile ; par son identité de nature avec lui, il peut savoir que Dieu est, et qu'il est Dieu Lui-même. [91]<br />À mesure que cette vie spirituelle intérieure se reflètera dans les religions du monde, l'homme en viendra à comprendre et à croire cette parole du Christ : "Le Royaume des Cieux est en vous ?" À mesure que vous avancerez plus avant dans les profondeurs de votre être, vous trouverez enfin Dieu, vous acquerrez la conviction que Dieu est et doit être ; car, à ce moment, vous pourrez rejeter loin de vous tout ce qui n'est pas Lui jusqu'à ce que seul Il demeure, Lui, l'Unique Moi du monde. Vous pouvez mutiler votre corps, arracher vos membres ; vous demeurez. Vos émotions peuvent vous entrainer à une aveugle colère ; derrière vos émotions, vous demeurez. Votre intelligence peut s'affaiblir, sa faculté de raisonnement peut être inhibée ; derrière cette intelligence chancelante vous demeurez. Et si vous êtes disposés à passer dans le domaine des expériences spirituelles, à apaiser vos émotions, à calmer votre mental ; alors, dans le silence des émotions, dans la sérénité du mental, vous trouverez une conscience et une vie plus profondes, une individualité plus réelle. Pendant cette paix des émotions et cette tranquillité du mental, vous vous plongerez dans les régions profondes de l'Esprit ; et vous trouverez Dieu. [92]<br />Contemplant alors cette éternelle et puissante Vie, vous sentirez que vous la partagez, que vous en êtes une partie, que vous ne sauriez vivre séparés d'elle et, dans une effusion suprême, vous ne douterez jamais plus de la réalité du Divin, ayant dès lors découvert, en vous-mêmes, la présence de ce Divin.<br />Telle est l'ultime conviction que rien ne peut ébranler ; c'est une expérience que tout homme pourra faire ; grâce à elle, il envisagera le monde sous une tout autre face, c'est elle qui lui servira de base stable pour la Religion future ; elle sera le roc sur lequel une pure croyance peut seule être édifiée.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'UNIQUE TÉMOIGNAGE DE L'EXISTENCE DE DIEU</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Il est dit, avec juste raison, dans les anciennes Écritures de l'Inde, que L'UNIQUE TÉMOIGNAGE DE L'EXISTENCE DE DIEU n'existe que dans le témoignage du Moi. C'est sur ce rocher que la Religion s'élèvera, invincible devant l'attaque, imprenable à l'assaut. Aucune question de chronologie ne l'ébranlera, tout individu pouvant se rendre compte par lui-même de la vérité ; ni la critique, ni la lacération des Écritures n'auront raison d'elle [93] car, telle une plante vivace, elle se renouvèlera sans cesse dans la Vie de l'Esprit Éternel. Les églises, en s'écroulant, ne l'entraineront pas dans leur chute, puisque c'est en son nom que ces églises furent édifiées pour aider ceux qui la recherchaient ; rien de ce qui lui est extérieur ne pourra la souiller, car elle vivra dans le coeur de tout homme. Grâce à ces nouvelles expériences, la connaissance sera plus grande et la faculté d'assimilation plus développée ; l'amour s'étendra, la paix et les bénédictions descendront sur le monde. Tout peut disparaitre, mais Cela demeurera inchangeable ; puisque tout ce qui existe émane de Cela, toutes les choses éphémères peuvent disparaitre, peu importe ! La Source éternelle demeure.<br />Bien qu'elle soit la plus importante, ce n'est pas là la seule porte nouvelle qui s'entrouvre sur la religion.<br />Vous vous rappelez m'avoir entendue dire que, parallèlement au développement de la conscience, évoluait le corps physique dont l'organisation devenait plus délicate, si bien que l'éclosion de nouveaux sens, de nouveaux pouvoirs, a lieu dans le tabernacle physique à mesure que s'accomplit l'évolution de l'Esprit dans l'homme. Or, les sens qui sont en [94] connexion avec les mondes supérieurs, sont tour prêts à s'éveiller en vous. Au cas où vous me demanderiez pourquoi je vous l'affirme, ma réponse sera simple : si, prenant par exemple douze d'entre vous, je paralyse leurs sens physiques par ce que l'on appelle mesmérisme, – ou hypnotisme si vous préférez cette dernière appellation, – en sorte qu'ils ne puissent plus percevoir les choses, ni sentir, ni gouter, ou avoir physiquement conscience des objets extérieurs sous de pareilles conditions, dix sur douze d'entre vous verront se manifester leurs sens internes et seront capables de constater l'existence d'un autre monde plus subtil que le nôtre.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>MÉDITATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Si donc, vous admettez que, artificiellement, on puisse d'une façon analogue rendre un individu quelconque clairaudient ou clairvoyant, capable de sentir et de toucher des choses qui ne relèvent en rien du monde physique ; si vous vous apercevez qu'en apaisant le côté physique, ces sens rudimentaires deviennent susceptibles de se manifester, – limités dans une certaine mesure mais néanmoins en activité, – cela vous prouve clairement que l'homme est sur le point de développer plus complètement ces sens encore rudimentaires qui, pour [95] l'instant, ne se montrent que sous l'influence de certaines conditions artificiellement provoquées. Mais ils se montrent sous ces conditions et c'est là un fait ; s'ils n'existaient pas, ils ne signaleraient pas leur présence, si loin que vous poussiez l'inhibition des centres physiques. Ils sont donc là. Mais il arrive qu'au moment où les sens grossiers du corps physique sont en pleine activité, les fortes vibrations de ceux-ci éteignent les délicates vibrations des sens naissants et rudimentaires. Comme ils existent, partiellement développés, la grande majorité de ceux qui sont ici présents peut les manifester.<br />Non seulement cela est vrai, – et j'ai commencé par mentionner ce fait parce qu'il est désormais reconnu par la science, – mais ces sens peuvent être artificiellement stimulés sans le secours du mesmérisme qui, d'ailleurs, ne fournit qu'un banal moyen d'expérience. Celui que je vais vous indiquer implique, au contraire, une conscience ayant atteint un degré de développement tel, que l'existence de ce sens est dès lors reconnue comme réelle. Un entrainement spécial est alors délibérément entrepris pour hâter leur développement. Cet entrainement est celui qu'on désigne le plus souvent sous le nom de [96]MÉDITATION, et la méditation n'est autre chose que la concentration de la pensée. Quiconque est capable d'être attentif, de penser fermement, pendant un temps déterminé, à une seule et même chose, sans permettre au mental de vagabonder, est prêt pour la méditation. Sont prêts aussi pour la méditation, – bien qu'on puisse être amené à supposer le contraire, – ceux qui sont susceptibles d'être enthousiasmés par une idée haute et noble qui prend possession d'eux, ou les obsède, si vous préférez ce mot. Ainsi possédés, ils deviennent martyrs ou héros lorsqu'il s'agit de défendre l'idée qui leur est chère. Je n'entends pas prétendre que ce soit là le plus haut état d'être ; cela n'est pas. Il vaut mieux, certes, posséder une idée plutôt que de se voir possédé par elle ; le premier état est supérieur au second. Mais le fait de pouvoir être possédés par une idée indique que vous vous approchez des royaumes de l'idéal. Plus d'un homme, plus d'une femme, taxés de fanatiques parce qu'ils se dérobent à toute espèce de raison et préfèrent garder leur idéal, – si stupide qu'il puisse paraitre, – ces rêveurs du monde, ces utopistes, ces poètes qui aspirent à [97] L'ÂGE D'OR, ces hommes et ces femmes que le présent n'intéresse pas, – quelquefois à tort, – entrainés qu'ils sont par leur enthousiasme extrême pour l'idée qui les possède, tous ceux-là sont bien près d'acquérir le pouvoir de la concentration du mental. Ce pouvoir les aidera à maitriser leurs pensées et les conduira fort loin en avant jusqu'au degré suivant du développement humain.<br />C'est par la méditation que ces autres sens sont artificiellement éveillés, c'est-à-dire que vous hâtez le processus normal de l'évolution par la connaissance des lois de la pensée, utilisant celles-ci pour tel but que vous vous proposez d'atteindre.<br />La chose est artificielle ainsi que peut l'être le moyen employé par l'éleveur de bestiaux pour obtenir un produit déterminé ; l'éleveur utilise les lois de la nature qu'il juge propices à la réalisation de ses desseins ; négligeant celles qui pourraient lui nuire, il commence par se débarrasser de toutes les forces contraires pour pouvoir agir ensuite plus librement.<br />De même pour les lois du mental ; si vous les connaissez, si vous savez aussi à l'aide de [98] quelles lois la conscience évolue, vous pouvez alors les utiliser scientifiquement, pour développer en vous les pouvoirs supérieurs du mental, pour organiser votre corps subtil et faire de celui-ci un véhicule de conscience qui obéisse docilement et apaise votre soif de connaissance. Ce travail s'effectue déjà en vous tous ; de là les troubles nerveux dont vous souffrez ; mais si vous connaissez la loi, vous pourrez développer la délicatesse de votre système nerveux sans aucun préjudice pour votre santé, mais la chose exige une soumission à des règles, ce dont les gens se plaignent ; il faut dominer le corps physique, chose peu populaire dans la civilisation de notre temps, où le luxe et la recherche du confortable sont les objets principaux de nos efforts.<br />Voici ces règles. Il faut faire de son corps un instrument ; qu'il n'absorbe que ce que vous savez bon pour lui, qu'il s'abstienne de boire ce qui peut lui nuire, qu'il n'ait de sommeil que juste ce qui lui est nécessaire, ni trop, ni trop peu. Voilà comment vous arriverez au but que vous poursuivez : en faisant du corps votre serviteur et non votre maitre, ni même l'égal de l'esprit.<br />Tel est le régime à suivre, indispensable à ceux [99] qui désirent hâter l'évolution du corps astral et des sens plus parfaits que celui-ci possède.<br />Beaucoup parmi nous obtiennent déjà ce résultat, la nature les y poussant ; mais ils ne réussissent pas aussi rapidement pourtant que l'homme qui s'efforce d'aider cette nature.<br />Sur la côte occidentale de l'Amérique du Nord, en Californie, où les conditions électromagnétiques sont tout à fait spéciales, les enfants s'amusent à courir et à frotter leurs pieds sur un tapis. Ils se chargent ainsi d'électricité et cela de telle façon, qu'ils peuvent allumer le gaz d'un bec en y approchant le bout du doigt. C'est là une chose courante là-bas et, étant donné ces conditions électromagnétiques particulières, la tension du système nerveux est très grande ; il s'ensuit que les sens dont j'ai parlé sont, là, beaucoup plus communs qu'ils ne le sont dans notre lourde et peu électrique atmosphère.<br />Il arrivera cependant que tous en jouiront ; si, là-bas, les conditions naturelles y contribuent dans une certaine mesure, vous les obtiendrez ici, pour peu que vous vous décidiez à vous mettre délibérément à l'oeuvre et à travailler avec la nature, c'est-à-dire en suivant le courant de l'évolution. [100]<br />Que résultera-t-il maintenant de l'évolution de ces sens astraux ?</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>VOUS VERREZ VOS MORTS</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Le monde voisin du nôtre vous sera ouvert ; un grand nombre de choses qui, actuellement, ne sont que pures questions de foi, appartiendront au contraire à une science courante journellement véritable. Dès lors, il ne sera plus nécessaire de disserter sur la persistance de la personnalité humaine de l'autre côté de la mort, car autour de vous, VOUS VERREZ VOS MORTS comme certains clairvoyants peuvent les voir à présent. La mort sera vraiment comme le passage d'une chambre à une autre dans la maison où nous vivons ; mieux encore, les murs mêmes de notre maison deviendront transparents et il n'y aura plus réellement de séparation. Le clergé pourra cesser de prêcher sur la vie après la mort, puisque chacun sera témoin de la réalité de son existence ; il ne sera plus nécessaire d'insister sur les effets qui, dans cette vie post mortem, sont les résultats de ce que nous avons semé ici-bas : en effet, chacun sera à même de voir ces résultats tout aussi bien que les voyants de nos jours ; il sera désormais [101] inutile d'affirmer que la mort ne sépare pas, car tous sauront que les êtres chers sont avec eux, qu'il est possible de les toucher, de les voir, de les entendre.<br />Ces phénomènes, dont le nombre va sans cesse croissant dans notre propre race, deviendront un privilège commun à tous à mesure que l'évolution se poursuivra. Aussi, beaucoup des enseignements secondaires de la religion seront-ils indéniables et vérifiables pour la grande majorité ; non seulement la question de la vie après la mort et ses conditions seront connues et vues, mais l'on appréciera aussi la valeur de la plupart des rites et cérémonies d'églises, toutes choses que le sceptique et le matérialiste de notre époque taxent avec pitié et mépris d'antiques superstitions.<br />La vie sacramentelle existe ; il y a un pont entre ce monde et le monde voisin. Les sacrements ont précisément pour but d'établir ce pont ; les Églises de toute grande religion les possèdent et ils ne sont pas exclusifs à l'Église chrétienne. Ce fait fut perdu de vue dans le Christianisme occidental par la faute de la Réformation. Celle-ci rejeta l'occultisme parce que l'on en avait abusé, et que la superstition laisse croire sans comprendre. Les grands [102] sacrements de l'Église n'en contiennent pas moins une force que, sans le sacrement, vous ne pouvez apprécier car ce dernier contribue à établir une communication réelle entre le spirituel et le matériel, il permet l'épanchement d'un afflux de vie spirituelle, chose visible aux yeux du voyant, bien qu'invisible aux adorateurs ordinaires qui fréquentent les églises.<br />C'est ainsi donc, que ces sens devenant l'apanage de tous, se justifieront graduellement toutes ces anciennes traditions. Les hommes sauront de nouveau qu'il existe, dans les offices de la religion que nous léguèrent des mains divines, une force puissante, une vie spirituelle des plus réelles. Certes, ils cessent de nous être utiles lorsque l'Esprit s'est élevé aux réalités supérieures du monde spirituel, mais combien rares sont ceux qui s'appliquent à les vivre dans leur vie journalière ! Les sacrements servent de traits d'union entre les mondes, et il est insensé de les rejeter aussi longtemps que vous n'aurez pas construit, en vous-mêmes, le pont qui relie le divin au terrestre.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA SCIENCE OCCULTE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />D'après ces aperçus, il vous est facile, à tous, de voir combien seront nombreuses les portes qui s'ouvriront sur la religion quand la [103] connaissance justifiera ce que l'humilité et la foi acceptèrent. La religion, sans cesser d'être spirituelle, deviendra rationnelle et scientifique, et vous vous rendrez compte que la science occulte<br />peut l'expliquer, peut défendre, logiquement et scientifiquement, la plupart de ses rites, de ses cérémonies et de ses enseignements, choses qui, pour l'instant, reposent sur l'autorité et la tradition.<br />Je n'ai pas le temps de m'étendre plus longuement sur ce sujet ; je vous ai indiqué ce sur quoi les portes s'entrouvrent tant au point de vue de l'évolution spirituelle vers des hauteurs suprêmes, qu'au point de vue de l'évolution des sens supérieurs qui, peu à peu, permettront à l'humanité d'apprendre à connaitre le monde voisin du nôtre.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>II. — SCIENCE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Tournons-nous vers la science et voyons ce que les portes entrouvertes nous laissent [104] percevoir qui puisse intéresser notre science d'aujourd'hui.<br />Vous devez vous rappeler m'avoir entendue dire que la science était actuellement arrivée à un point d'acculement quant au point de vue des moyens d'observation ; qu'elle parait avoir atteint l'extrême limite en ce qui concerne la délicatesse de ses instruments.<br />Comment pourra-t-elle désormais poursuivre ses observations ?<br />À l'aide des mêmes sens dont je vous ai entretenus en vous parlant de la possibilité qu'ils donneront de vérifier les enseignements religieux.<br />En ce qui concerne la science, nous commencerons notre étude de ces sens à un degré inférieur à celui sur lequel nous nous étions placés pour la religion.<br />La science reconnait maintenant, pour notre monde physique de matière, les états solide, liquide et gazeux, plus l'état éthérique au-delà duquel une matière, probablement plus subtile, permettrait de supposer l'existence de plusieurs éthers, idée qui d'ailleurs fut suggérée par Sir William Crookes, dans la fameuse classification des modes vibratoires que le savant donna dans l'un de ses [105] discours, il y a quelques années. Pour l'instant, considérons comme hypothèse l'existence d'un éther que la science découvrira graduellement, et qui appartient à un domaine d'observation où la vision est supérieure.<br />En ce moment la science n'est pas même capable d'observer l'atome chimique, lequel est gazeux et ne dépasse pas le troisième état de matière. L'atome échappe à la vision par sa subtilité, sa petitesse, et cependant ce ne serait pas une chose bien difficile pour la plupart d'entre vous de développer la faculté de voir jusque-là, car il ne s'agit, somme toute, que de matière physique. Il n'est pas question ici d'étendre la vision au point de distinguer une autre matière comme celle du plan astral, il s'agit simplement de rendre plus perçante votre présente vision physique.<br />Je me demande combien parmi vous pourraient, à bord d'un navire, voir danser, dans l'atmosphère calme et pur, des myriades de points brillants. Je crois que beaucoup d'entre vous seraient susceptibles de les distinguer. Tentez l'expérience lorsqu'il vous arrivera d'être en mer ; asseyez-vous le dos au soleil, de façon à ne pas être éblouis ; fixez votre regard à une distance telle que vous savez pouvoir [106] distinguer clairement un objet quelconque sans effort ; faites converger vos rayons visuels en un point de l'espace situé à environ trois ou quatre mètres devant vous, à une distance enfin qui vous permette de concentrer vos regards sur un point, sans fatigue et surtout sans loucher, chose qui, à la longue, serait préjudiciable aux yeux.<br />Regardez sans effort à quelques mètres dans l'air, et demeurez tranquillement dans cette posture, les yeux fixés sur un point. Il est plus que probable que la plupart d'entre vous distingueront des quantités de petites bulles brillantes et dansant dans l'air comme des poussières dans un rayon de soleil. Je dois cependant vous mettre en garde contre le phénomène suivant : si, croyant fixer votre attention sur une de ces bulles ; vous la voyez glisser lentement hors de votre vue comme si elle s'évanouissait vers le coin de l'oeil ; c'est qu'alors une poussière quelconque, entrainée par l'humeur de l'oeil glisse vers les bords des paupières. Tout ce que vous verrez glisser ainsi hors de la vue ne sera rien d'extérieur et ne sera simplement qu'un phénomène à la surface de vos yeux. Si, par contre, vous voyez ces bulles danser légèrement dans tous les sens, absolument [107] comme des poussières dans le rayon de soleil que laisse passer le trou percé dans le volet d'une chambre noire, vous pouvez être certains alors que vous vous servez d'une vision supérieure à la vision ordinaire. Regardez ces bulles sans faire d'efforts, sans provoquer de tension dans les organes, mais avec la ferme volonté de voir (tous les organes des sens se développent sous l'influence de la volonté de l'Esprit, de l'âme qui est lumière), regardez avec la ferme volonté de voir plus complètement et, peu à peu, vous remarquerez que ces petites bulles peuvent s'arrêter à votre gré, que chacune d'elles reste suspendue dans l'espace, immobile. Dès lors vous possédez la vision éthérique et, en vous perfectionnant dans ce sens, vous ne tarderez pas à voir l'atome du chimiste. Cela est naturellement possible pour tout clairvoyant qui possède la véritable clairvoyance, c'est-à-dire celle qui ne résulte pas de vibrations incomprises, et extérieures à l'observateur qui les ressent.<br />Il y a deux ans, sous des conditions favorables, deux d'entre nous qui ont développé les différents modes supérieurs de vision, ont spécialement entrepris l'étude des atomes chimiques. Nous en avons examiné environ cinquante-six [108] que nous avons dessinés ; depuis nous avons observé tous ceux que la science connait. Leurs formes appartiennent à des classes déterminé et, quiconque les voit peut les reproduire par le dessin et peut, si cela lui plan, vérifier ce qu'il aura vu à l'aide des renseignements que nous avons donnés dans l'ouvrage publié sous le titre de Occult Chemistry. Vous trouverez là de nombreuses planches où figurent les formes des éléments chimiques, vous aurez des indications concernant la manière dont ceux-ci se transforment en formes de plus en plus délicates dans un éther de plus en plus subtil. Cela donnera probablement, à quelque chimiste, l'idée de tenter quelques expériences nouvelles, et notre ouvrage l'aidera sans doute dans les observations qu'il entreprendra en utilisant et en prenant pour des hypothèses ce qui, pour nous, sont des réalités. Il pourra dès lors suivre ces subtiles et décevantes particules de matière beaucoup plus loin qu'il n'a pu les suivre jusqu'à présent avec le secours de ses instruments. Une chose une fois faite, il est possible de la vérifier aussi souvent qu'on le désire ; les dessins en ayant été faits, il est facile pour d'autres de les voir et d'en vérifier les détails. D'après ce qui précède, s'ouvre donc une [109] nouvelle ère d'observations scientifiques par le développement, chez l'homme, d'instruments d'observation plus parfaits que ceux des laboratoires. C'est ainsi que, dans l'avenir, se poursuivront aussi les recherches de la physique. À mesure que ces sens deviendront plus communs, des investigations de plus en plus nombreuses pourront être faites, par des scientistes, dans les mondes subtils, sur le seuil desquels ils se trouvent aujourd'hui ; un jour enfin viendra où nous possèderons une chimie basée sur l'observation directe, une chimie qui nous conduira jusqu'à l'atome physique ultime et rendra possibles ces Rêves de l'Alchimiste.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>RÊVES DE L'ALCHIMISTE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ceux-ci sont en effet réalisables. Il suffit de combiner entre eux les atomes supérieurs aux atomes gazeux, combinaisons d'où résultent des agrégats déterminant les éléments désirés par le chimiste, celui-ci répétant dans son laboratoire les procédés de la nature elle-même. Voilà comment, en chimie, comme en électricité, de nouvelles facultés d'observation reculeront les limites de la science.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>EN MÉDECINE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />En médecine, il en sera de même. Déjà, dans une certaine [110] mesure, en Europe notamment, la médecine commence à bénéficier de la clairvoyance. Dans certaines cliniques de Paris, on est plus surpris de voir des docteurs s'enquérir d'un sujet qu'on hypnotise et qu'on réveille à demi jusqu'à ce qu'on obtienne ce qu'on nomme : l'état lucide ou "clairvoyance". On le conduit ensuite près d'un patient, et on le prie de décrire les conditions internes des organes du malade. Plus d'un diagnostic a été obtenu de la sorte. La tâche du médecin et celle du chirurgien se trouvent de la sorte énormément facilitées. En réalité, c'est voir à l'aide de ce que vous appelez : rayons Roentgen. L'oeil humain peut acquérir la faculté de voir par l'intermédiaire de ces rayons et vous n'aurez bientôt plus besoin de vos écrans et de tous vos appareils actuels, la vision directe devant avantageusement remplacer ces instruments imparfaits.<br />En parlant un jour de ces questions, je fis remarquer que les médecins n'avaient tout simplement donné qu'une nouvelle étiquette à une faculté depuis longtemps reconnue dans le passé par de nombreuses personnalités. Ils ne l'appellent pas : "clairvoyance", terme que j'emploie, ils l'appellent : "autoscopie interne". Après tout, le fait de changer le [111] nom d'une rose ne change pas son parfum. La clairvoyance est tout aussi utile en six syllabes qu'en trois ; la faculté demeure la même et l'on s'en sert d'ores et déjà clans les questions médicales. Cette méthode s'étendant, l'action des médicaments pouvant être observée, le médecin v oyant ce qu'il fait au lieu de procéder à l'aveuglette, la médecine deviendra ce qu'elle devrait être, c'est-à-dire : "l'art de guérir" ; au lieu des misérables pratiques de la vivisection, vous utiliserez la clairvoyance pour diriger le scalpel du chirurgien comme aussi pour indiquer les prescriptions du médecin.<br />Ce n'est pas là l'unique porte s'entrouvrant sur cet important domaine. Des médecins commencent en effet à s'apercevoir de l'énorme valeur du pouvoir de la pensée dans le traitement des maladies.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>SCIENTISTES CHRÉTIENS</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est dans cette voie que se sont engagés ceux que la science moderne, selon son habitude, a traités de charlatans, Scientistes chrétiens, "mental scientists", adeptes des cures par [112] la foi, la pensée, etc. Ce sont là des méthodes qui aboutiront à diriger la profession médicale vers des voies plus sures, vers des moyens de guérir moins dangereux que ceux actuellement employés. Certains médecins admettent maintenant que la confiance qu'ils inspirent double l'efficacité du médicament qu'ils prescrivent, ou que l'imagination joue un grand rôle dans la guérison des maladies.<br />Vous voyez donc ces méthodes adoptées peu à peu, dans maintes contrées, par les professionnels de la science médicale, et devenir de plus en plus scientifiques.<br />Quelle peut être la loi générale qui les régit ?<br />C'est que le mental crée ; le mental est l'unique grand pouvoir créateur dans l'univers : il est divin dans l'univers, humain chez l'homme. Le mental ayant la faculté de créer peut donc réparer ; là où il y a blessure ou trouble, le mental peut concentrer ses forces et guérir ; là où le corps souffre, le mental peut apporter le remède et renforcer l'action des médicaments conseillés par le médecin.<br />Il y a aujourd'hui, dans l'Église anglicane, des associations s'occupant de guérir, soit par la prière, par la concentration de la pensée, par l'huile bénite ou quelque fonction [113] sacramentelle, soit encore par la foi du malade, c'est-à-dire par une détermination du mental à travailler dans le sens voulu par le patient.<br />Il n'y a rien de nouveau dans tout cela, rien que n'ait connu le monde depuis des milliers d'années. Tout cela fut rejeté par la science qui se basait exclusivement sur des méthodes matérialistes, mais toutes ces questions reviennent à l'ordre du jour en même temps que la suprématie de l'esprit sur la matière s'affermit, en' même temps que la science commence à se rallier à cet important principe : la Vie seule fait évoluer la matière qu'elle façonne.<br />Si la médecine suit cette route et abandonne les cruelles tortures infligées aux animaux, elle arrivera certainement à guérir au lieu d'intoxiquer comme elle intoxique par trop fréquemment de nos jours.<br />De même encore en Psychologie.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>PSYCHOLOGIE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Sur elle aussi de nouvelles portes s'entrouvrent. À mesure que s'organiseront ces corps subtils et supérieurs dont j'ai parlé au début [114] de cette conférence, ils nous mettront successivement en contact plus direct avec les différentes régions de l'univers au milieu desquelles nous vivons. Nous serons sensibles aux vibrations d'un monde dépassant de très loin notre globe physique, nous pénètrerons dans les hautes régions de la pensée et dans celles de l'Esprit pur.<br />À mesure que la conscience rendra ses véhicules plus plastiques, plus utiles, plus parfaits, moins denses, nous nous apercevrons que cette conscience peut étendre ses pouvoirs beaucoup plus loin que nous n'aurions osé l'espérer. Nous arriverons ainsi à constater que la conscience humaine, la nôtre, est semblable à une grande sphère qui effleurerait la surface de notre globe de matière. En pénétrant, petit à petit, un peu plus profondément dans la matière cérébrale qui devient ainsi plus sensible, mais dépassant toujours de beaucoup le côté physique, nous verrons que cette sphère, cette conscience, utilise la matière plus subtile, des plans supérieurs pour se construire un instrument plus parfait ; nous comprendrons enfin que tout grand génie n'est qu'une extension de cette conscience que nous possédons tous mais que nous ne sommes pas capables [115] de manifester dans la matière dense de notre cerveau.<br />Nous justifierons alors les paroles des prophètes, les dires des grands mystiques, tout ce qui provient enfin de l'extension de la conscience dans un monde plus vaste avec lequel nous entrerons en contact avant que la psychologie n'ait eu le temps de développer son programme de possibilités. En ces mondes : supérieurs l'homme gravira ses sommets toujours plus élevés, il en arrivera à se convaincre qu'il est cosmique et non planétaire, qu'il appartient à un vaste système et non pas seulement à un unique petit monde.<br />En suivant cette voie, parmi beaucoup d'autres, l'éveil d'autres sens ouvrira de nouvelles portes à la science, tout en lui découvrant des aperçus nouveaux.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>III. — L'ART</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Qu'adviendra-t-il de l'art ?<br />Ici encore, ces sens supérieurs contribueront à édifier un autre art, à venir offrir de nouveaux idéaux. Déjà des signes précurseurs, dans le monde, et principalement chez les [116] peintres, nous font entrevoir de nouveaux pouvoirs, une nouvelle splendeur de la couleur, de nouvelles fiançailles entre l'émotion et la couleur. Une nouvelle école de peintres se forme, en Angleterre, en Belgique et surtout en Hongrie. En regardant dernièrement des oeuvres d'artistes hongrois, je pus constater que leur façon de se servir de la couleur parait tendre vers les hautes émotions du mental, parait vouloir reproduire, en images d'une beauté et d'une splendeur nouvelles, les hautes pensées et les pures émotions provoquées principalement par les sentiments religieux. Il y avait notamment, à l'une des extrémités de la salle de notre Congrès international, un tableau qui, vu de l'autre extrémité, faisait croire à toute autre chose qu'à de simples couleurs sur une toile opaque. À une certaine distance, les couleurs semblaient être transparentes comme s'il y avait eu, derrière, un foyer lumineux qui, traversant le tableau, aurait donné des colorations semblant appartenir à un autre monde.<br />De semblables qualités se retrouvent presque dans les oeuvres que M. Mortimer Menpes exécuta au Japon. Je me souviens que, lors d'une de ses expositions, ceux qui regardaient [117] avaient peine à croire qu'il n'y avait pas une lumière cachée derrière la toile, tant étaient grandes la luminosité et la transparence des couleurs. Mais, après un entretien avec le grand coloriste, l'on s'apercevait qu'il voyait les couleurs d'une tout autre façon qu'on ne les voit habituellement. Je peux dire qu'il les voyait tout au moins autrement que moi-même avec ma vue normale et, lorsque je m'entretins avec lui, je reconnus, après m'être servie d'un mode supérieur de vision, qu'il voyait les couleurs astrales et non les couleurs physiques ; l'effort qu'il tenta pour les rapporter sur la toile produisit ces remarquables résultats que tous admiraient sans toutefois comprendre.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'ART DE L'AVENIR</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Il existe actuellement de nombreux artistes engagés dans cette voie ; outre de nouveaux jeux de couleurs, beaucoup recherchent de nouveaux idéaux qu'ils s'efforcent de vivre et d'exprimer. Vous trouverez, dans la plus moderne des écoles de peinture, un groupe d'artistes peu nombreux encore, mais promettant pour l'avenir, car ils cherchent de nouvelles formes de beauté, s'efforcent de traduire des visions d'un monde supérieur dont la matière est plus subtile et moins dense que la matière de notre monde ; ils commencent à emprunter, à l'idéal, de [118] grandes pensées qu'ils reproduisent encore imparfaitement en forme et en couleurs, mais dans lesquelles nous voyons déjà les prémices de<br />l'Art de l'Avenir.<br />Pour cet Art, les mondes supérieurs se dévoileront, une Nature plus grandiose se révèlera dans l'homme ; de nouvelles couleurs et de nouvelles possibilités dans le dessin seront découvertes, le génie humain se verra plus puissant, car un monde plus grand et des pouvoirs supérieurs se montreront au peintre.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA MUSIQUE DE L'AVENIR</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Nous verrons cela aussi pour la musique. Par ses harmonies plus subtiles, ses intervalles plus rapprochés, ses tendances aux quarts de tons, elle commence, de son côté, à indiquer les signes de l'art futur. Déjà plusieurs compositeurs se servent de ces intervalles pour leurs mélodies, musique étrange que l'oreille du public n'admet pas encore et qui soulève des discussions sans nombre, mais qui n'en sera pas moins la Musique de l'Avenir, lorsque d'autres sons et d'autres sonorités se [119] feront entendre à des oreilles plus délicatement organisées que les nôtres, lorsque la nouvelle race exigera, de ses compositeurs, des accords plus subtils que ceux qu'on employa jusqu'à présent.<br />Il y a encore beaucoup à trouver de ce côté ; l'âme l'a déjà compris, bien que l'Occidental ne prise guère le genre de musique auquel je vais faire allusion. Si vous allez aux Indes, vous trouverez d'étranges façons de comprendre la musique : il y a une musique pour le lever du soleil, une pour le plein midi, une pour le soir, une pour la nuit. La nature a ses harmonies, qui varient à toutes les heures du jour et de la nuit, harmonies qui correspondent à ses mystères ; on peut tenter de reproduire cette musique inaudible et la faire entendre à l'aide des instruments que l'homme possède. Le musicien indou ne vous jouerait jamais une mélodie du soir au lever du soleil, il vous dirait que c'est pécher contre la religion car, pour lui, toutes choses sont religieuses. Il s'agit ici d'une subtile harmonie entre l'homme et la Nature. Ce n'est donc pas sans raison, qu'au Congrès dont je parlais tout à l'heure, une dame russe (le Russe est très sensitif et la Russie est une jeune nation qui promet pour l'avenir), nous [120] entretint de ce qu'elle appelle "les sons colorés". Elle a appris à traduire en sons musicaux les couleurs du soleil levant, d'une forêt, etc. ; il lui est donc possible de reproduire des sons qui provoquent les mêmes émotions qu'on éprouverait devant le ciel d'un glorieux coucher de soleil, le mystère d'une forêt, les ombres délicates des arbres d'un bois ; c'est-à-dire que les émotions suscitées par la vue sont, dans ce cas, provoquées par l'ouïe, etc. Beaucoup de nouvelles possibilités se présentent par conséquent aussi de ce côté : nouvelles mélodies, sonorités et harmonies exquises !</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>UNE NOUVELLE RACE SURGIT</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est ainsi que l'art évoluera, grâce encore aux organes de sens plus parfaits et plus subtils. Comme il suit la voie de l'émotion, il devancera même la science qui suit, elle, la voie de l'observation. C'est pourquoi le poète est facilement prophète et l'artiste facilement clairvoyant. Ces pouvoirs se multipliant et se perfectionnant, Une nouvelle Race surgit avec ces pouvoirs innés.<br />Vous pouvez dès lors songer à votre aise à [121] toutes les choses nouvelles que verront la Religion, la Science et l'Art.<br />Et croyez-vous que ce ne soit là qu'un rêve, qu'une chimère ! Avoir cette croyance c'est prédire, comme autrefois, la fin du monde, c'est prétendre que vous êtes les produits les plus parfaits que la Nature puisse enfanter.<br />Vous êtes loin devant les sauvages, pourquoi n'y aurait-il pas aussi des races qui dépassent de beaucoup la nôtre ? Non ! la Nature n'a pas dit son dernier mot ; elle qui, graduellement et lentement, a construit ce délicat mécanisme de l'oeil humain, depuis la simple cellule pigmentaire, peut certainement faire évoluer la vue davantage encore, jusqu'à des facultés supérieures de vision.<br />Tout suit l'évolution de l'Esprit et celle-ci n'a jamais de fin.<br />Si vous voyez aujourd'hui avec vos yeux, c'est parce que l'Esprit en vous a voulu voir ; en voulant, il crée l'organe et sa volonté se manifeste alors dans le monde extérieur. Ce même Esprit qui, dans le passé, vivait en vous, vit encore en vous aujourd'hui, c'est votre Moi intérieur ; ses pouvoirs ne se sont pas tous manifestés, son inspiration n'est pas tarie, il est encore, et sera toujours, l'architecte du corps [122] humain comme l'Esprit divin est l'Architecte de l'Univers ; il se revêt de formes de matière toujours de plus en plus parfaites, il gravit des états de conscience de plus en plus élevés ; il est éternel devant nous, et sa naissance se perd dans la Nuit des Temps.<br />Par le seul fait que nous avons progressé, nous progresserons encore ; puisque nous nous sommes élevés au-dessus de la poussière, nous monterons jusqu'aux lointaines étoiles, car l'Esprit de Dieu, en nous, ne connait pas de limites, pas plus celles du Temps que celles de l'Espace, et l'évolution future sera un million de fois plus grandiose que l'évolution qui nous a faits ce que nous sommes aujourd'hui.</p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>NOUVELLES PORTES OUVERTES SUR LA RELIGION, LA SCIENCE ET L'ART</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Je ne vous ai jusqu'ici parlé que du passé ou du présent. Nous allons maintenant diriger nos regards vers l'avenir.<br />Prenant dès lors le présent comme point de départ, et en examinant certains faits qui déjà attirent notre attention, voyons ensemble quel-sont les nouvelles portes ouvertes sur la Religion, la Science et l'Art, quelles sont les routes nouvelles qui nous conduiront à l'acquisition de connaissances plus vastes. À nos yeux, ces routes s'étendent vers de lointains horizons et ne s'arrêtent pas là, ces horizons n'étant que les points les plus éloignés que notre vue limitée puisse percevoir.<br />Tous mes efforts tendront surtout à vous montrer que ces portes nouvelles vont certainement [77] et prochainement s'entrouvrir. Les signes des temps nous indiquent qu'elles s'entrebâillent déjà, et nous sommes en droit de penser, qu'au fur et à mesure que l'homme avancera dans son évolution, ces portes s'ouvriront de plus en plus pour laisser finalement passer la race tout entière qui, ainsi, entrera dans un avenir meilleur, plus heureux et plus sage.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Pour rendre les choses plus claires et plus intelligibles, je vous demanderai de vouloir bien, pendant quelques instants, considérer avec moi une théorie sur la nature de l'homme et de sa constitution, théorie universellement admise dans toutes les antiques religions du monde, indiquée aussi, quoique partiellement, dans le Christianisme et qui, actuellement, est revivifiée et enseignée dans le monde entier, grâce à la Société théosophique.<br />Il n'est pas question ici d'envisager des vues nouvelles ; ce dont je veux vous entretenir à présent est une chose très ancienne, revêtue seulement de formes plus modernes, qui s'adapte plus étroitement avec l'esprit plus cultivé de l'homme. [78]<br />La voici, brièvement, telle que je désire vous la faire connaitre, car, si vous l'ignorez, l'existence des nouvelles portes ouvertes à l'humanité vous demeurerait absolument incompréhensible.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE GRAND CYCLE MONDIAL</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Tout être humain est, fondamentalement, une intelligence spirituelle s'appropriant des particules de matière appartenant aux différents mondes dans lesquels il vit. Cette intelligence spirituelle au moment où elle va parcourir LE GRAND CYCLE MONDIAL est un germe ou semence divine.<br />Une semence ordinaire, un grain de blé, par exemple, ne saurait développer les pouvoirs latents qu'il contient à moins d'être semé en terre ; celle-ci fournit les éléments qui lui servent de nourriture, et il ne peut croitre si la pluie ne l'arrose pas, si le soleil ne brille sur lui. De même en est-il pour le germe divin, l'esprit humain. Il est semé dans le sol de l'expérience humaine, sol dont les éléments constituants contribueront à développer ses possibilités divines. Les larmes provoquées par les peines et les souffrances humaines l'arrosent, il [79] est vivifié et réconforté par le soleil de la joie et du bonheur. Grâce à ces expériences, grâce à cette rosée des afflictions, grâce encore au soleil de la joie, graduellement, génération après génération, siècle après siècle, et des milliers d'années durant, ce germe divin devient finalement un homme divin, ayant pleinement évolué les pouvoirs divins demeurés, jusqu'alors, latents.<br />Pour que cette longue évolution s'effectue, il est nécessaire que ce germe divin prenne contact avec la matière et que des voiles l'enveloppent successivement. Dans sa descente du ciel sur la terre, il attire autour de lui des agrégats d'une matière de plus en plus dense, empruntés aux régions qu'il traverse, et il prend de la sorte contact avec ce qui l'environne. Ce processus, seul, contribuera à lui faire acquérir des expériences déterminées, lui permettra de développer ses pouvoirs par l'intermédiaire desquels il fera de la matière dont il s'enrobe, une esclave et un instrument pendant le temps de sa manifestation.<br />Si au stade présent de l'évolution nous nous considérons les uns les autres, nous constatons que l'être spirituel que chacun de nous est, a déjà développé certains de ses pouvoirs, [80] tandis que certains autres ne sont pas encore en activité. Nous constatons en outre la présence des voiles de matière qui enrobent l'esprit en voie d'évolution ; ce ne sont plus des voiles sans contours définis, mais des corps plus ou moins bien organisés pour les desseins mêmes de la vie évoluante qu'ils renferment.<br />Sur notre plan physique, dans le monde auquel nous appartenons aujourd'hui, cette matière que le germe divin s'est ainsi appropriée est déjà hautement organisée ; elle est devenue l'esclave de l'intelligence de l'Esprit et cela dans une proportion relativement grande en ce qui concerne les êtres humains les plus avancés.<br />Avec le temps, se sont construits ces organes de connaissance que nous appelons les sens. Nous en possédons actuellement cinq, l'humanité ayant passé par cinq des grandes races que j'ai précédemment, lors de ma première conférence, comparées aux vagues de l'océan. Je vous ai dit, et vous pouvez vous le rappeler, que nous formions la cinquième de ces vagues et aussi la cinquième petite vague, l'une des subdivisions de la grande 5. Partant du point [81] atteint aujourd'hui par l'humanité pour nous reporter en arrière, et suivre, dans le passé, la croissance de l'homme, il nous sera possible de distinguer l'évolution de ces sens, depuis leur naissance jusqu'à l'acuité qu'ils possèdent maintenant ; et nous constaterons qu'à chaque grande race correspond le développement d'un sens.<br />Pour que vous ne soyez pas portés à supposer que ce que j'avance là, s'écarte du domaine de l'expérience, permettez-moi de vous rappeler l'existence d'un important et édifiant spécimen de la quatrième race qui précéda la nôtre, spécimen qu'on trouve aujourd'hui en Birmanie, dans l'Empire des Indes.<br />Le sens du gout fut, dans cette quatrième race, celui qui se développa graduellement pendant que le sens de l'odorat demeurait à l'arrière-plan, très rudimentaire et à peine formé.</p> <p style="text-align: center;"><em>5 Nous sommes donc, aujourd'hui, dans la 5e sous-race de la 5e grande Race-Mère (NDT).</em></p> <p style="text-align: center;">Si maintenant vous allez chez les Birmans et vous informez de leur régime alimentaire, vous constaterez qu'un de leurs mets favoris est le poisson, non le poisson frais, fraichement retiré de l'eau, mais celui qu'on a pris depuis un certain temps et enterré dans le sol jusqu'à ce qu'il se soit décomposé ; alors seulement, on l'exhume [82] pour en faire un plat considéré comme le meilleur qu'on puisse avoir sur la table d'un Birman.<br />Cela suffit pour vous montrer que, dans cette quatrième race, le sens du gout diffère sensiblement du nôtre. Je dois cependant ne pas oublier cette exception : je crois que le sens du gout, chez beaucoup d'entre nous, aime encore à s'exercer sur certain gibier et venaison qu'on dit être : faisandés. Or, le poisson que mangent les Birmans est des plus faisandés ; si l'expression n'était pas tant soit peu grossière, on pourrait ajouter, pour appliquer aux choses leur véritable qualificatif, que ce poisson est pourri 6. Actuellement, aucun de nous ne saurait se contenter de cet aliment et y trouver quelque satisfaction car le sens de l'odorat est intimement lié à celui du gout et se trouve aujourd'hui développé en nous.<br />J'ai choisi cet exemple frappant, que j'ai eu l'occasion d'observer personnellement, afin de vous rendre plus intelligible ce que j'avance en disant qu'à chaque race correspond l'éclosion d'un sens, que celui qui le suit demeure [83] à l'état embryonnaire pour s'éveiller dans la race suivante, et y atteindre son plus haut point de perfection. Le nombre de nos sens nous indique donc à quel stade de l'évolution nous sommes.</p> <p style="text-align: center;"><em>6 Rotten. En anglais ce mot est considéré comme grossier (NDT).</em></p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA RACE FUTURE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Les proverbes sont souvent vrais, et celui qui se rapporte à l'homme effrayé jusqu'à en perdre ses sept sens, quand ses semblables n'en possèdent que cinq, nous montre que cette antique croyance fut universellement connue, croyance d'après laquelle l'homme devra évoluer dans deux autres races, et que les sens complémentaires se développeront à mesure que les races se succèderont sur terre. C'est ainsi que dans la sixième race, dont je vous entretiendrai spécialement prochainement lorsque je parlerai de La race future, nous aurons à développer un nouveau sens à l'aide duquel le monde de l'au-delà sera pour nous aussi tangible que le monde physique nous l'est actuellement. C'est en effet cette forme particulière de vision que l'homme est appelé à acquérir désormais. À mesure que s'organisera plus parfaitement le corps astral immédiatement [84] supérieur au corps physique, se développera, pari passu, dans le cerveau physique, l'organe par lequel le monde voisin, l'astral, deviendra sensible à la conscience physique, ce qui étendra considérablement notre vision et nous rendra enfin visible ce qui maintenant, est invisible pour les yeux du plus grand nombre.<br />L'évolution de l'homme étant ainsi considérée, nous voyons que la conscience spirituelle, en se développant, se crée des corps de matière de mieux en mieux organisés. Chacun de nous subit cette double croissance : d'une part, celle de la conscience atteignant des états toujours de plus en plus élevés ; de l'autre, des corps dont la matière qui les compose devient de plus en plus subtile, des corps à l'aide desquels la conscience est susceptible de s'exprimer clairement et d'une manière définie ; il en résulte que chaque changement de conscience suscite une vibration dans la matière ; inversement, la conscience prend acte du moindre changement dans la matière. Il y a de la sorte deux évolutions parallèles étroitement liées l'une à l'autre : celle de l'Esprit et celle des corps, ceux-ci devenant de plus en plus sensibles. [85]<br />Les différences de degrés de sensibilité sont observables dans le système nerveux comme dans l'aspect extérieur du corps. Reportez-vous une fois de plus à la quatrième race ; étudiez son système nerveux et voyez s'il n'est pas entièrement différent de celui que nous possédons. Bien qu'il soit apparemment semblable au nôtre, que les différences qui existent entre sa distribution générale dans l'organisme d'une part, et le cerveau de l'autre, paraissent peu sensibles comparativement au nôtre, si nous poussions assez loin l'étude de l'organisation même de ce système, nous constaterions qu'un gouffre sépare le système nerveux de la quatrième race de celui de la cinquième.<br />Si vous désirez avoir encore une preuve du fait, voyez l'intense souffrance et toutes les blessures très graves qu'un Chinois est capable d'endurer, comparativement à ce que nous pouvons, nous, supporter. Notez qu'une lésion importante, sur le corps d'un Chinois, ne met pas la vie de celui-ci en danger ; il s'en remet très vite quand la même lésion nous tuerait par suite du choc nerveux qui en résulterait sur notre organisme. Il ne faut pas considérer ici la blessure en elle-même, – et la perte de sang peut être égale chez l'un et chez l'autre, – [86] mais l'homme de la cinquième race meurt d'un choc nerveux, là où un homme de la quatrième ; avec son système nerveux plus grossier, peut rapidement guérir et rétablir l'équilibre nerveux.<br />Vous pouvez en outre remarquer, dans votre sous-race teutonne, d'autres faits dont les caractéristiques sont celles de la grande race aryenne à laquelle appartiennent les peuples de l'Occident et de l'Inde. Il nous est en effet possible de constater, dans notre sous-race teutonne, l'étonnante augmentation des maladies nerveuses. Cette augmentation est beaucoup plus rapide de nos jours qu'à aucune autre période de l'histoire humaine. Trop grand commence à devenir l'effort demandé à notre système nerveux, car celui-ci évolue un peu plus vite que le monde extérieur qui réagit sur lui. Il en résulte que, pour éviter les troubles nerveux, il est nécessaire de commencer à corriger et à purifier votre façon de vivre, laissant loin derrière vous les passions grossières dont vous devez, au stade présent de l'évolution, dépasser les limitations dégradantes qu'elles imposent à l'individu.<br />Dans la sixième sous-race, qui déjà commence à poindre, le système nerveux sera plus [87] délicat encore, des organes des sens d'une extrême acuité apparaitront bientôt, chez les enfants, dans une proportion de plus en plus grande. Les organes actuels de nos sens verront peu à peu s'amplifier leur mode d'expression, puis viendra l'apparition de nouveaux organes, ceux qui décilleront à nos regards :</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'AUTRE CÔTÉ DE LA MORT.</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est notre corps astral qui correspond à cet autre plan de l'univers, et notre système nerveux s'affinera pour que nous devenions aptes à explorer plus complètement ce monde voisin.<br />C'est là un point qu'il est indispensable de garder présent à l'esprit, car il se rapporte à l'une des portes dont je parlais au début.<br />Notre corps physique n'est pas le seul à croitre en sensibilité ; parallèlement à lui s'organise aussi celui qui lui est immédiatement supérieur et dont les pouvoirs se développent graduellement : c'est le corps d'après la mort destiné à remplacer, pour ainsi dire, celui dont nous sommes actuellement revêtus ; c'est le corps par l'intermédiaire duquel nous percevons l'émotion. [88]<br />En effet, lorsque nous passons dans l'au-delà, nous n'y allons pas sans vêtement ; nous rejetons l'habit grossier que nous appelons le corps physique, et nous conservons cet autre corps dont la matière interpénètre celle du corps de chair. Ce dernier appartient au monde de l'au-delà et son évolution atteint maintenant un degré tel, que, grâce à lui, il nous sera possible de l'utiliser bientôt pour l'acquisition de nouvelles expériences sur le plan astral.<br />Dans la prochaine race, ainsi que je m'efforcerai de vous le prouver plus complètement par la suite, ce corps s'organisera, se développera, jusqu'à devenir, comme notre corps physique, un parfait véhicule de conscience. Lorsque cette naissance et cette organisation seront terminées, de nouvelles portes s'ouvriront sur la Religion, sur la Science et les Arts.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>I. — RELIGION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Considérons tout d'abord ce qui en résultera pour nous du côté de la Religion.<br />Le développement d'un état plus profond de conscience placera notre Moi, l'Esprit, en [89] contact plus direct avec les régions spirituelles de l'univers.<br />Je ne m'occupe pas ici de la matière subtile de ces mondes élevés, mais des réalités spirituelles inhérentes à la vie spirituelle.<br />La nature de Dieu, la conscience que l'on a de Sa présence partout ; le fait de reconnaitre Sa Vie comme la Vie animatrice de toutes choses, voilà ce qui deviendra de fondamentales réalités pour l'Esprit, plus évolué, de l'homme.<br />Je vous ai fait observer, en vous exposant l'impasse où se trouve engagée la Religion en ce qui touche l'idée de Dieu, que des montagnes d'arguments intellectuels ne conduiraient nullement à démontrer péremptoirement l'existence et la réalité de Dieu. Elles nous offriraient des probabilités, des séries d'évidences, mais aucune démonstration, aucune preuve. Quand une chose est une fois pour toutes démontrée, les discussions s'apaisent, nul ne songe plus à demander si le fait existe réellement. Or, nous avons bien jusqu'à présent discuté sur Dieu autant que nous pouvions le faire, mais nous n'avons pas acquis la connaissance spirituelle de Dieu, source éternelle de tout ce qui est. [90]<br />Comment atteindrons-nous cette connaissance ?<br />Nous ne l'atteindrons ni par de nouvelles spéculations intellectuelles, ni par la simple aspiration de la nature émotionnelle. Nous l'atteindrons par l'éclosion, dans l'homme, de cet Esprit, divin en essence et qui, de par sa divinité même, peut s'unir au divin qui lui est extérieur. Étant Dieu lui-même, il peut connaitre le Dieu dont il est une étincelle. Telle est L'ultime vérité de la Religion, communion de l'homme avec Dieu dans les profondeurs de l'Esprit humain.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'ULTIME VÉRITÉ DE LA RELIGION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />La Religion n'est qu'une aspiration vers Dieu, c'est la recherche du divin.<br />Cérémonies, rites, églises, Écritures, tout cela est purement externe et ne saurait jamais révéler Dieu à cet Esprit fait à l'image de Dieu. Seul, l'Esprit peut se connaitre ; seul, l'Esprit peut se trouver. Quand il cherche dans la matière, il ne peut qu'oser croire qu'il est : mais l'Esprit dépouillé de tout voile peut sentir le Seigneur sans voile ; par son identité de nature avec lui, il peut savoir que Dieu est, et qu'il est Dieu Lui-même. [91]<br />À mesure que cette vie spirituelle intérieure se reflètera dans les religions du monde, l'homme en viendra à comprendre et à croire cette parole du Christ : "Le Royaume des Cieux est en vous ?" À mesure que vous avancerez plus avant dans les profondeurs de votre être, vous trouverez enfin Dieu, vous acquerrez la conviction que Dieu est et doit être ; car, à ce moment, vous pourrez rejeter loin de vous tout ce qui n'est pas Lui jusqu'à ce que seul Il demeure, Lui, l'Unique Moi du monde. Vous pouvez mutiler votre corps, arracher vos membres ; vous demeurez. Vos émotions peuvent vous entrainer à une aveugle colère ; derrière vos émotions, vous demeurez. Votre intelligence peut s'affaiblir, sa faculté de raisonnement peut être inhibée ; derrière cette intelligence chancelante vous demeurez. Et si vous êtes disposés à passer dans le domaine des expériences spirituelles, à apaiser vos émotions, à calmer votre mental ; alors, dans le silence des émotions, dans la sérénité du mental, vous trouverez une conscience et une vie plus profondes, une individualité plus réelle. Pendant cette paix des émotions et cette tranquillité du mental, vous vous plongerez dans les régions profondes de l'Esprit ; et vous trouverez Dieu. [92]<br />Contemplant alors cette éternelle et puissante Vie, vous sentirez que vous la partagez, que vous en êtes une partie, que vous ne sauriez vivre séparés d'elle et, dans une effusion suprême, vous ne douterez jamais plus de la réalité du Divin, ayant dès lors découvert, en vous-mêmes, la présence de ce Divin.<br />Telle est l'ultime conviction que rien ne peut ébranler ; c'est une expérience que tout homme pourra faire ; grâce à elle, il envisagera le monde sous une tout autre face, c'est elle qui lui servira de base stable pour la Religion future ; elle sera le roc sur lequel une pure croyance peut seule être édifiée.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'UNIQUE TÉMOIGNAGE DE L'EXISTENCE DE DIEU</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Il est dit, avec juste raison, dans les anciennes Écritures de l'Inde, que L'UNIQUE TÉMOIGNAGE DE L'EXISTENCE DE DIEU n'existe que dans le témoignage du Moi. C'est sur ce rocher que la Religion s'élèvera, invincible devant l'attaque, imprenable à l'assaut. Aucune question de chronologie ne l'ébranlera, tout individu pouvant se rendre compte par lui-même de la vérité ; ni la critique, ni la lacération des Écritures n'auront raison d'elle [93] car, telle une plante vivace, elle se renouvèlera sans cesse dans la Vie de l'Esprit Éternel. Les églises, en s'écroulant, ne l'entraineront pas dans leur chute, puisque c'est en son nom que ces églises furent édifiées pour aider ceux qui la recherchaient ; rien de ce qui lui est extérieur ne pourra la souiller, car elle vivra dans le coeur de tout homme. Grâce à ces nouvelles expériences, la connaissance sera plus grande et la faculté d'assimilation plus développée ; l'amour s'étendra, la paix et les bénédictions descendront sur le monde. Tout peut disparaitre, mais Cela demeurera inchangeable ; puisque tout ce qui existe émane de Cela, toutes les choses éphémères peuvent disparaitre, peu importe ! La Source éternelle demeure.<br />Bien qu'elle soit la plus importante, ce n'est pas là la seule porte nouvelle qui s'entrouvre sur la religion.<br />Vous vous rappelez m'avoir entendue dire que, parallèlement au développement de la conscience, évoluait le corps physique dont l'organisation devenait plus délicate, si bien que l'éclosion de nouveaux sens, de nouveaux pouvoirs, a lieu dans le tabernacle physique à mesure que s'accomplit l'évolution de l'Esprit dans l'homme. Or, les sens qui sont en [94] connexion avec les mondes supérieurs, sont tour prêts à s'éveiller en vous. Au cas où vous me demanderiez pourquoi je vous l'affirme, ma réponse sera simple : si, prenant par exemple douze d'entre vous, je paralyse leurs sens physiques par ce que l'on appelle mesmérisme, – ou hypnotisme si vous préférez cette dernière appellation, – en sorte qu'ils ne puissent plus percevoir les choses, ni sentir, ni gouter, ou avoir physiquement conscience des objets extérieurs sous de pareilles conditions, dix sur douze d'entre vous verront se manifester leurs sens internes et seront capables de constater l'existence d'un autre monde plus subtil que le nôtre.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>MÉDITATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Si donc, vous admettez que, artificiellement, on puisse d'une façon analogue rendre un individu quelconque clairaudient ou clairvoyant, capable de sentir et de toucher des choses qui ne relèvent en rien du monde physique ; si vous vous apercevez qu'en apaisant le côté physique, ces sens rudimentaires deviennent susceptibles de se manifester, – limités dans une certaine mesure mais néanmoins en activité, – cela vous prouve clairement que l'homme est sur le point de développer plus complètement ces sens encore rudimentaires qui, pour [95] l'instant, ne se montrent que sous l'influence de certaines conditions artificiellement provoquées. Mais ils se montrent sous ces conditions et c'est là un fait ; s'ils n'existaient pas, ils ne signaleraient pas leur présence, si loin que vous poussiez l'inhibition des centres physiques. Ils sont donc là. Mais il arrive qu'au moment où les sens grossiers du corps physique sont en pleine activité, les fortes vibrations de ceux-ci éteignent les délicates vibrations des sens naissants et rudimentaires. Comme ils existent, partiellement développés, la grande majorité de ceux qui sont ici présents peut les manifester.<br />Non seulement cela est vrai, – et j'ai commencé par mentionner ce fait parce qu'il est désormais reconnu par la science, – mais ces sens peuvent être artificiellement stimulés sans le secours du mesmérisme qui, d'ailleurs, ne fournit qu'un banal moyen d'expérience. Celui que je vais vous indiquer implique, au contraire, une conscience ayant atteint un degré de développement tel, que l'existence de ce sens est dès lors reconnue comme réelle. Un entrainement spécial est alors délibérément entrepris pour hâter leur développement. Cet entrainement est celui qu'on désigne le plus souvent sous le nom de [96]MÉDITATION, et la méditation n'est autre chose que la concentration de la pensée. Quiconque est capable d'être attentif, de penser fermement, pendant un temps déterminé, à une seule et même chose, sans permettre au mental de vagabonder, est prêt pour la méditation. Sont prêts aussi pour la méditation, – bien qu'on puisse être amené à supposer le contraire, – ceux qui sont susceptibles d'être enthousiasmés par une idée haute et noble qui prend possession d'eux, ou les obsède, si vous préférez ce mot. Ainsi possédés, ils deviennent martyrs ou héros lorsqu'il s'agit de défendre l'idée qui leur est chère. Je n'entends pas prétendre que ce soit là le plus haut état d'être ; cela n'est pas. Il vaut mieux, certes, posséder une idée plutôt que de se voir possédé par elle ; le premier état est supérieur au second. Mais le fait de pouvoir être possédés par une idée indique que vous vous approchez des royaumes de l'idéal. Plus d'un homme, plus d'une femme, taxés de fanatiques parce qu'ils se dérobent à toute espèce de raison et préfèrent garder leur idéal, – si stupide qu'il puisse paraitre, – ces rêveurs du monde, ces utopistes, ces poètes qui aspirent à [97] L'ÂGE D'OR, ces hommes et ces femmes que le présent n'intéresse pas, – quelquefois à tort, – entrainés qu'ils sont par leur enthousiasme extrême pour l'idée qui les possède, tous ceux-là sont bien près d'acquérir le pouvoir de la concentration du mental. Ce pouvoir les aidera à maitriser leurs pensées et les conduira fort loin en avant jusqu'au degré suivant du développement humain.<br />C'est par la méditation que ces autres sens sont artificiellement éveillés, c'est-à-dire que vous hâtez le processus normal de l'évolution par la connaissance des lois de la pensée, utilisant celles-ci pour tel but que vous vous proposez d'atteindre.<br />La chose est artificielle ainsi que peut l'être le moyen employé par l'éleveur de bestiaux pour obtenir un produit déterminé ; l'éleveur utilise les lois de la nature qu'il juge propices à la réalisation de ses desseins ; négligeant celles qui pourraient lui nuire, il commence par se débarrasser de toutes les forces contraires pour pouvoir agir ensuite plus librement.<br />De même pour les lois du mental ; si vous les connaissez, si vous savez aussi à l'aide de [98] quelles lois la conscience évolue, vous pouvez alors les utiliser scientifiquement, pour développer en vous les pouvoirs supérieurs du mental, pour organiser votre corps subtil et faire de celui-ci un véhicule de conscience qui obéisse docilement et apaise votre soif de connaissance. Ce travail s'effectue déjà en vous tous ; de là les troubles nerveux dont vous souffrez ; mais si vous connaissez la loi, vous pourrez développer la délicatesse de votre système nerveux sans aucun préjudice pour votre santé, mais la chose exige une soumission à des règles, ce dont les gens se plaignent ; il faut dominer le corps physique, chose peu populaire dans la civilisation de notre temps, où le luxe et la recherche du confortable sont les objets principaux de nos efforts.<br />Voici ces règles. Il faut faire de son corps un instrument ; qu'il n'absorbe que ce que vous savez bon pour lui, qu'il s'abstienne de boire ce qui peut lui nuire, qu'il n'ait de sommeil que juste ce qui lui est nécessaire, ni trop, ni trop peu. Voilà comment vous arriverez au but que vous poursuivez : en faisant du corps votre serviteur et non votre maitre, ni même l'égal de l'esprit.<br />Tel est le régime à suivre, indispensable à ceux [99] qui désirent hâter l'évolution du corps astral et des sens plus parfaits que celui-ci possède.<br />Beaucoup parmi nous obtiennent déjà ce résultat, la nature les y poussant ; mais ils ne réussissent pas aussi rapidement pourtant que l'homme qui s'efforce d'aider cette nature.<br />Sur la côte occidentale de l'Amérique du Nord, en Californie, où les conditions électromagnétiques sont tout à fait spéciales, les enfants s'amusent à courir et à frotter leurs pieds sur un tapis. Ils se chargent ainsi d'électricité et cela de telle façon, qu'ils peuvent allumer le gaz d'un bec en y approchant le bout du doigt. C'est là une chose courante là-bas et, étant donné ces conditions électromagnétiques particulières, la tension du système nerveux est très grande ; il s'ensuit que les sens dont j'ai parlé sont, là, beaucoup plus communs qu'ils ne le sont dans notre lourde et peu électrique atmosphère.<br />Il arrivera cependant que tous en jouiront ; si, là-bas, les conditions naturelles y contribuent dans une certaine mesure, vous les obtiendrez ici, pour peu que vous vous décidiez à vous mettre délibérément à l'oeuvre et à travailler avec la nature, c'est-à-dire en suivant le courant de l'évolution. [100]<br />Que résultera-t-il maintenant de l'évolution de ces sens astraux ?</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>VOUS VERREZ VOS MORTS</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Le monde voisin du nôtre vous sera ouvert ; un grand nombre de choses qui, actuellement, ne sont que pures questions de foi, appartiendront au contraire à une science courante journellement véritable. Dès lors, il ne sera plus nécessaire de disserter sur la persistance de la personnalité humaine de l'autre côté de la mort, car autour de vous, VOUS VERREZ VOS MORTS comme certains clairvoyants peuvent les voir à présent. La mort sera vraiment comme le passage d'une chambre à une autre dans la maison où nous vivons ; mieux encore, les murs mêmes de notre maison deviendront transparents et il n'y aura plus réellement de séparation. Le clergé pourra cesser de prêcher sur la vie après la mort, puisque chacun sera témoin de la réalité de son existence ; il ne sera plus nécessaire d'insister sur les effets qui, dans cette vie post mortem, sont les résultats de ce que nous avons semé ici-bas : en effet, chacun sera à même de voir ces résultats tout aussi bien que les voyants de nos jours ; il sera désormais [101] inutile d'affirmer que la mort ne sépare pas, car tous sauront que les êtres chers sont avec eux, qu'il est possible de les toucher, de les voir, de les entendre.<br />Ces phénomènes, dont le nombre va sans cesse croissant dans notre propre race, deviendront un privilège commun à tous à mesure que l'évolution se poursuivra. Aussi, beaucoup des enseignements secondaires de la religion seront-ils indéniables et vérifiables pour la grande majorité ; non seulement la question de la vie après la mort et ses conditions seront connues et vues, mais l'on appréciera aussi la valeur de la plupart des rites et cérémonies d'églises, toutes choses que le sceptique et le matérialiste de notre époque taxent avec pitié et mépris d'antiques superstitions.<br />La vie sacramentelle existe ; il y a un pont entre ce monde et le monde voisin. Les sacrements ont précisément pour but d'établir ce pont ; les Églises de toute grande religion les possèdent et ils ne sont pas exclusifs à l'Église chrétienne. Ce fait fut perdu de vue dans le Christianisme occidental par la faute de la Réformation. Celle-ci rejeta l'occultisme parce que l'on en avait abusé, et que la superstition laisse croire sans comprendre. Les grands [102] sacrements de l'Église n'en contiennent pas moins une force que, sans le sacrement, vous ne pouvez apprécier car ce dernier contribue à établir une communication réelle entre le spirituel et le matériel, il permet l'épanchement d'un afflux de vie spirituelle, chose visible aux yeux du voyant, bien qu'invisible aux adorateurs ordinaires qui fréquentent les églises.<br />C'est ainsi donc, que ces sens devenant l'apanage de tous, se justifieront graduellement toutes ces anciennes traditions. Les hommes sauront de nouveau qu'il existe, dans les offices de la religion que nous léguèrent des mains divines, une force puissante, une vie spirituelle des plus réelles. Certes, ils cessent de nous être utiles lorsque l'Esprit s'est élevé aux réalités supérieures du monde spirituel, mais combien rares sont ceux qui s'appliquent à les vivre dans leur vie journalière ! Les sacrements servent de traits d'union entre les mondes, et il est insensé de les rejeter aussi longtemps que vous n'aurez pas construit, en vous-mêmes, le pont qui relie le divin au terrestre.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA SCIENCE OCCULTE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />D'après ces aperçus, il vous est facile, à tous, de voir combien seront nombreuses les portes qui s'ouvriront sur la religion quand la [103] connaissance justifiera ce que l'humilité et la foi acceptèrent. La religion, sans cesser d'être spirituelle, deviendra rationnelle et scientifique, et vous vous rendrez compte que la science occulte<br />peut l'expliquer, peut défendre, logiquement et scientifiquement, la plupart de ses rites, de ses cérémonies et de ses enseignements, choses qui, pour l'instant, reposent sur l'autorité et la tradition.<br />Je n'ai pas le temps de m'étendre plus longuement sur ce sujet ; je vous ai indiqué ce sur quoi les portes s'entrouvrent tant au point de vue de l'évolution spirituelle vers des hauteurs suprêmes, qu'au point de vue de l'évolution des sens supérieurs qui, peu à peu, permettront à l'humanité d'apprendre à connaitre le monde voisin du nôtre.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>II. — SCIENCE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Tournons-nous vers la science et voyons ce que les portes entrouvertes nous laissent [104] percevoir qui puisse intéresser notre science d'aujourd'hui.<br />Vous devez vous rappeler m'avoir entendue dire que la science était actuellement arrivée à un point d'acculement quant au point de vue des moyens d'observation ; qu'elle parait avoir atteint l'extrême limite en ce qui concerne la délicatesse de ses instruments.<br />Comment pourra-t-elle désormais poursuivre ses observations ?<br />À l'aide des mêmes sens dont je vous ai entretenus en vous parlant de la possibilité qu'ils donneront de vérifier les enseignements religieux.<br />En ce qui concerne la science, nous commencerons notre étude de ces sens à un degré inférieur à celui sur lequel nous nous étions placés pour la religion.<br />La science reconnait maintenant, pour notre monde physique de matière, les états solide, liquide et gazeux, plus l'état éthérique au-delà duquel une matière, probablement plus subtile, permettrait de supposer l'existence de plusieurs éthers, idée qui d'ailleurs fut suggérée par Sir William Crookes, dans la fameuse classification des modes vibratoires que le savant donna dans l'un de ses [105] discours, il y a quelques années. Pour l'instant, considérons comme hypothèse l'existence d'un éther que la science découvrira graduellement, et qui appartient à un domaine d'observation où la vision est supérieure.<br />En ce moment la science n'est pas même capable d'observer l'atome chimique, lequel est gazeux et ne dépasse pas le troisième état de matière. L'atome échappe à la vision par sa subtilité, sa petitesse, et cependant ce ne serait pas une chose bien difficile pour la plupart d'entre vous de développer la faculté de voir jusque-là, car il ne s'agit, somme toute, que de matière physique. Il n'est pas question ici d'étendre la vision au point de distinguer une autre matière comme celle du plan astral, il s'agit simplement de rendre plus perçante votre présente vision physique.<br />Je me demande combien parmi vous pourraient, à bord d'un navire, voir danser, dans l'atmosphère calme et pur, des myriades de points brillants. Je crois que beaucoup d'entre vous seraient susceptibles de les distinguer. Tentez l'expérience lorsqu'il vous arrivera d'être en mer ; asseyez-vous le dos au soleil, de façon à ne pas être éblouis ; fixez votre regard à une distance telle que vous savez pouvoir [106] distinguer clairement un objet quelconque sans effort ; faites converger vos rayons visuels en un point de l'espace situé à environ trois ou quatre mètres devant vous, à une distance enfin qui vous permette de concentrer vos regards sur un point, sans fatigue et surtout sans loucher, chose qui, à la longue, serait préjudiciable aux yeux.<br />Regardez sans effort à quelques mètres dans l'air, et demeurez tranquillement dans cette posture, les yeux fixés sur un point. Il est plus que probable que la plupart d'entre vous distingueront des quantités de petites bulles brillantes et dansant dans l'air comme des poussières dans un rayon de soleil. Je dois cependant vous mettre en garde contre le phénomène suivant : si, croyant fixer votre attention sur une de ces bulles ; vous la voyez glisser lentement hors de votre vue comme si elle s'évanouissait vers le coin de l'oeil ; c'est qu'alors une poussière quelconque, entrainée par l'humeur de l'oeil glisse vers les bords des paupières. Tout ce que vous verrez glisser ainsi hors de la vue ne sera rien d'extérieur et ne sera simplement qu'un phénomène à la surface de vos yeux. Si, par contre, vous voyez ces bulles danser légèrement dans tous les sens, absolument [107] comme des poussières dans le rayon de soleil que laisse passer le trou percé dans le volet d'une chambre noire, vous pouvez être certains alors que vous vous servez d'une vision supérieure à la vision ordinaire. Regardez ces bulles sans faire d'efforts, sans provoquer de tension dans les organes, mais avec la ferme volonté de voir (tous les organes des sens se développent sous l'influence de la volonté de l'Esprit, de l'âme qui est lumière), regardez avec la ferme volonté de voir plus complètement et, peu à peu, vous remarquerez que ces petites bulles peuvent s'arrêter à votre gré, que chacune d'elles reste suspendue dans l'espace, immobile. Dès lors vous possédez la vision éthérique et, en vous perfectionnant dans ce sens, vous ne tarderez pas à voir l'atome du chimiste. Cela est naturellement possible pour tout clairvoyant qui possède la véritable clairvoyance, c'est-à-dire celle qui ne résulte pas de vibrations incomprises, et extérieures à l'observateur qui les ressent.<br />Il y a deux ans, sous des conditions favorables, deux d'entre nous qui ont développé les différents modes supérieurs de vision, ont spécialement entrepris l'étude des atomes chimiques. Nous en avons examiné environ cinquante-six [108] que nous avons dessinés ; depuis nous avons observé tous ceux que la science connait. Leurs formes appartiennent à des classes déterminé et, quiconque les voit peut les reproduire par le dessin et peut, si cela lui plan, vérifier ce qu'il aura vu à l'aide des renseignements que nous avons donnés dans l'ouvrage publié sous le titre de Occult Chemistry. Vous trouverez là de nombreuses planches où figurent les formes des éléments chimiques, vous aurez des indications concernant la manière dont ceux-ci se transforment en formes de plus en plus délicates dans un éther de plus en plus subtil. Cela donnera probablement, à quelque chimiste, l'idée de tenter quelques expériences nouvelles, et notre ouvrage l'aidera sans doute dans les observations qu'il entreprendra en utilisant et en prenant pour des hypothèses ce qui, pour nous, sont des réalités. Il pourra dès lors suivre ces subtiles et décevantes particules de matière beaucoup plus loin qu'il n'a pu les suivre jusqu'à présent avec le secours de ses instruments. Une chose une fois faite, il est possible de la vérifier aussi souvent qu'on le désire ; les dessins en ayant été faits, il est facile pour d'autres de les voir et d'en vérifier les détails. D'après ce qui précède, s'ouvre donc une [109] nouvelle ère d'observations scientifiques par le développement, chez l'homme, d'instruments d'observation plus parfaits que ceux des laboratoires. C'est ainsi que, dans l'avenir, se poursuivront aussi les recherches de la physique. À mesure que ces sens deviendront plus communs, des investigations de plus en plus nombreuses pourront être faites, par des scientistes, dans les mondes subtils, sur le seuil desquels ils se trouvent aujourd'hui ; un jour enfin viendra où nous possèderons une chimie basée sur l'observation directe, une chimie qui nous conduira jusqu'à l'atome physique ultime et rendra possibles ces Rêves de l'Alchimiste.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>RÊVES DE L'ALCHIMISTE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ceux-ci sont en effet réalisables. Il suffit de combiner entre eux les atomes supérieurs aux atomes gazeux, combinaisons d'où résultent des agrégats déterminant les éléments désirés par le chimiste, celui-ci répétant dans son laboratoire les procédés de la nature elle-même. Voilà comment, en chimie, comme en électricité, de nouvelles facultés d'observation reculeront les limites de la science.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>EN MÉDECINE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />En médecine, il en sera de même. Déjà, dans une certaine [110] mesure, en Europe notamment, la médecine commence à bénéficier de la clairvoyance. Dans certaines cliniques de Paris, on est plus surpris de voir des docteurs s'enquérir d'un sujet qu'on hypnotise et qu'on réveille à demi jusqu'à ce qu'on obtienne ce qu'on nomme : l'état lucide ou "clairvoyance". On le conduit ensuite près d'un patient, et on le prie de décrire les conditions internes des organes du malade. Plus d'un diagnostic a été obtenu de la sorte. La tâche du médecin et celle du chirurgien se trouvent de la sorte énormément facilitées. En réalité, c'est voir à l'aide de ce que vous appelez : rayons Roentgen. L'oeil humain peut acquérir la faculté de voir par l'intermédiaire de ces rayons et vous n'aurez bientôt plus besoin de vos écrans et de tous vos appareils actuels, la vision directe devant avantageusement remplacer ces instruments imparfaits.<br />En parlant un jour de ces questions, je fis remarquer que les médecins n'avaient tout simplement donné qu'une nouvelle étiquette à une faculté depuis longtemps reconnue dans le passé par de nombreuses personnalités. Ils ne l'appellent pas : "clairvoyance", terme que j'emploie, ils l'appellent : "autoscopie interne". Après tout, le fait de changer le [111] nom d'une rose ne change pas son parfum. La clairvoyance est tout aussi utile en six syllabes qu'en trois ; la faculté demeure la même et l'on s'en sert d'ores et déjà clans les questions médicales. Cette méthode s'étendant, l'action des médicaments pouvant être observée, le médecin v oyant ce qu'il fait au lieu de procéder à l'aveuglette, la médecine deviendra ce qu'elle devrait être, c'est-à-dire : "l'art de guérir" ; au lieu des misérables pratiques de la vivisection, vous utiliserez la clairvoyance pour diriger le scalpel du chirurgien comme aussi pour indiquer les prescriptions du médecin.<br />Ce n'est pas là l'unique porte s'entrouvrant sur cet important domaine. Des médecins commencent en effet à s'apercevoir de l'énorme valeur du pouvoir de la pensée dans le traitement des maladies.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>SCIENTISTES CHRÉTIENS</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est dans cette voie que se sont engagés ceux que la science moderne, selon son habitude, a traités de charlatans, Scientistes chrétiens, "mental scientists", adeptes des cures par [112] la foi, la pensée, etc. Ce sont là des méthodes qui aboutiront à diriger la profession médicale vers des voies plus sures, vers des moyens de guérir moins dangereux que ceux actuellement employés. Certains médecins admettent maintenant que la confiance qu'ils inspirent double l'efficacité du médicament qu'ils prescrivent, ou que l'imagination joue un grand rôle dans la guérison des maladies.<br />Vous voyez donc ces méthodes adoptées peu à peu, dans maintes contrées, par les professionnels de la science médicale, et devenir de plus en plus scientifiques.<br />Quelle peut être la loi générale qui les régit ?<br />C'est que le mental crée ; le mental est l'unique grand pouvoir créateur dans l'univers : il est divin dans l'univers, humain chez l'homme. Le mental ayant la faculté de créer peut donc réparer ; là où il y a blessure ou trouble, le mental peut concentrer ses forces et guérir ; là où le corps souffre, le mental peut apporter le remède et renforcer l'action des médicaments conseillés par le médecin.<br />Il y a aujourd'hui, dans l'Église anglicane, des associations s'occupant de guérir, soit par la prière, par la concentration de la pensée, par l'huile bénite ou quelque fonction [113] sacramentelle, soit encore par la foi du malade, c'est-à-dire par une détermination du mental à travailler dans le sens voulu par le patient.<br />Il n'y a rien de nouveau dans tout cela, rien que n'ait connu le monde depuis des milliers d'années. Tout cela fut rejeté par la science qui se basait exclusivement sur des méthodes matérialistes, mais toutes ces questions reviennent à l'ordre du jour en même temps que la suprématie de l'esprit sur la matière s'affermit, en' même temps que la science commence à se rallier à cet important principe : la Vie seule fait évoluer la matière qu'elle façonne.<br />Si la médecine suit cette route et abandonne les cruelles tortures infligées aux animaux, elle arrivera certainement à guérir au lieu d'intoxiquer comme elle intoxique par trop fréquemment de nos jours.<br />De même encore en Psychologie.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>PSYCHOLOGIE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Sur elle aussi de nouvelles portes s'entrouvrent. À mesure que s'organiseront ces corps subtils et supérieurs dont j'ai parlé au début [114] de cette conférence, ils nous mettront successivement en contact plus direct avec les différentes régions de l'univers au milieu desquelles nous vivons. Nous serons sensibles aux vibrations d'un monde dépassant de très loin notre globe physique, nous pénètrerons dans les hautes régions de la pensée et dans celles de l'Esprit pur.<br />À mesure que la conscience rendra ses véhicules plus plastiques, plus utiles, plus parfaits, moins denses, nous nous apercevrons que cette conscience peut étendre ses pouvoirs beaucoup plus loin que nous n'aurions osé l'espérer. Nous arriverons ainsi à constater que la conscience humaine, la nôtre, est semblable à une grande sphère qui effleurerait la surface de notre globe de matière. En pénétrant, petit à petit, un peu plus profondément dans la matière cérébrale qui devient ainsi plus sensible, mais dépassant toujours de beaucoup le côté physique, nous verrons que cette sphère, cette conscience, utilise la matière plus subtile, des plans supérieurs pour se construire un instrument plus parfait ; nous comprendrons enfin que tout grand génie n'est qu'une extension de cette conscience que nous possédons tous mais que nous ne sommes pas capables [115] de manifester dans la matière dense de notre cerveau.<br />Nous justifierons alors les paroles des prophètes, les dires des grands mystiques, tout ce qui provient enfin de l'extension de la conscience dans un monde plus vaste avec lequel nous entrerons en contact avant que la psychologie n'ait eu le temps de développer son programme de possibilités. En ces mondes : supérieurs l'homme gravira ses sommets toujours plus élevés, il en arrivera à se convaincre qu'il est cosmique et non planétaire, qu'il appartient à un vaste système et non pas seulement à un unique petit monde.<br />En suivant cette voie, parmi beaucoup d'autres, l'éveil d'autres sens ouvrira de nouvelles portes à la science, tout en lui découvrant des aperçus nouveaux.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>III. — L'ART</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Qu'adviendra-t-il de l'art ?<br />Ici encore, ces sens supérieurs contribueront à édifier un autre art, à venir offrir de nouveaux idéaux. Déjà des signes précurseurs, dans le monde, et principalement chez les [116] peintres, nous font entrevoir de nouveaux pouvoirs, une nouvelle splendeur de la couleur, de nouvelles fiançailles entre l'émotion et la couleur. Une nouvelle école de peintres se forme, en Angleterre, en Belgique et surtout en Hongrie. En regardant dernièrement des oeuvres d'artistes hongrois, je pus constater que leur façon de se servir de la couleur parait tendre vers les hautes émotions du mental, parait vouloir reproduire, en images d'une beauté et d'une splendeur nouvelles, les hautes pensées et les pures émotions provoquées principalement par les sentiments religieux. Il y avait notamment, à l'une des extrémités de la salle de notre Congrès international, un tableau qui, vu de l'autre extrémité, faisait croire à toute autre chose qu'à de simples couleurs sur une toile opaque. À une certaine distance, les couleurs semblaient être transparentes comme s'il y avait eu, derrière, un foyer lumineux qui, traversant le tableau, aurait donné des colorations semblant appartenir à un autre monde.<br />De semblables qualités se retrouvent presque dans les oeuvres que M. Mortimer Menpes exécuta au Japon. Je me souviens que, lors d'une de ses expositions, ceux qui regardaient [117] avaient peine à croire qu'il n'y avait pas une lumière cachée derrière la toile, tant étaient grandes la luminosité et la transparence des couleurs. Mais, après un entretien avec le grand coloriste, l'on s'apercevait qu'il voyait les couleurs d'une tout autre façon qu'on ne les voit habituellement. Je peux dire qu'il les voyait tout au moins autrement que moi-même avec ma vue normale et, lorsque je m'entretins avec lui, je reconnus, après m'être servie d'un mode supérieur de vision, qu'il voyait les couleurs astrales et non les couleurs physiques ; l'effort qu'il tenta pour les rapporter sur la toile produisit ces remarquables résultats que tous admiraient sans toutefois comprendre.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'ART DE L'AVENIR</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Il existe actuellement de nombreux artistes engagés dans cette voie ; outre de nouveaux jeux de couleurs, beaucoup recherchent de nouveaux idéaux qu'ils s'efforcent de vivre et d'exprimer. Vous trouverez, dans la plus moderne des écoles de peinture, un groupe d'artistes peu nombreux encore, mais promettant pour l'avenir, car ils cherchent de nouvelles formes de beauté, s'efforcent de traduire des visions d'un monde supérieur dont la matière est plus subtile et moins dense que la matière de notre monde ; ils commencent à emprunter, à l'idéal, de [118] grandes pensées qu'ils reproduisent encore imparfaitement en forme et en couleurs, mais dans lesquelles nous voyons déjà les prémices de<br />l'Art de l'Avenir.<br />Pour cet Art, les mondes supérieurs se dévoileront, une Nature plus grandiose se révèlera dans l'homme ; de nouvelles couleurs et de nouvelles possibilités dans le dessin seront découvertes, le génie humain se verra plus puissant, car un monde plus grand et des pouvoirs supérieurs se montreront au peintre.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA MUSIQUE DE L'AVENIR</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Nous verrons cela aussi pour la musique. Par ses harmonies plus subtiles, ses intervalles plus rapprochés, ses tendances aux quarts de tons, elle commence, de son côté, à indiquer les signes de l'art futur. Déjà plusieurs compositeurs se servent de ces intervalles pour leurs mélodies, musique étrange que l'oreille du public n'admet pas encore et qui soulève des discussions sans nombre, mais qui n'en sera pas moins la Musique de l'Avenir, lorsque d'autres sons et d'autres sonorités se [119] feront entendre à des oreilles plus délicatement organisées que les nôtres, lorsque la nouvelle race exigera, de ses compositeurs, des accords plus subtils que ceux qu'on employa jusqu'à présent.<br />Il y a encore beaucoup à trouver de ce côté ; l'âme l'a déjà compris, bien que l'Occidental ne prise guère le genre de musique auquel je vais faire allusion. Si vous allez aux Indes, vous trouverez d'étranges façons de comprendre la musique : il y a une musique pour le lever du soleil, une pour le plein midi, une pour le soir, une pour la nuit. La nature a ses harmonies, qui varient à toutes les heures du jour et de la nuit, harmonies qui correspondent à ses mystères ; on peut tenter de reproduire cette musique inaudible et la faire entendre à l'aide des instruments que l'homme possède. Le musicien indou ne vous jouerait jamais une mélodie du soir au lever du soleil, il vous dirait que c'est pécher contre la religion car, pour lui, toutes choses sont religieuses. Il s'agit ici d'une subtile harmonie entre l'homme et la Nature. Ce n'est donc pas sans raison, qu'au Congrès dont je parlais tout à l'heure, une dame russe (le Russe est très sensitif et la Russie est une jeune nation qui promet pour l'avenir), nous [120] entretint de ce qu'elle appelle "les sons colorés". Elle a appris à traduire en sons musicaux les couleurs du soleil levant, d'une forêt, etc. ; il lui est donc possible de reproduire des sons qui provoquent les mêmes émotions qu'on éprouverait devant le ciel d'un glorieux coucher de soleil, le mystère d'une forêt, les ombres délicates des arbres d'un bois ; c'est-à-dire que les émotions suscitées par la vue sont, dans ce cas, provoquées par l'ouïe, etc. Beaucoup de nouvelles possibilités se présentent par conséquent aussi de ce côté : nouvelles mélodies, sonorités et harmonies exquises !</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>UNE NOUVELLE RACE SURGIT</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est ainsi que l'art évoluera, grâce encore aux organes de sens plus parfaits et plus subtils. Comme il suit la voie de l'émotion, il devancera même la science qui suit, elle, la voie de l'observation. C'est pourquoi le poète est facilement prophète et l'artiste facilement clairvoyant. Ces pouvoirs se multipliant et se perfectionnant, Une nouvelle Race surgit avec ces pouvoirs innés.<br />Vous pouvez dès lors songer à votre aise à [121] toutes les choses nouvelles que verront la Religion, la Science et l'Art.<br />Et croyez-vous que ce ne soit là qu'un rêve, qu'une chimère ! Avoir cette croyance c'est prédire, comme autrefois, la fin du monde, c'est prétendre que vous êtes les produits les plus parfaits que la Nature puisse enfanter.<br />Vous êtes loin devant les sauvages, pourquoi n'y aurait-il pas aussi des races qui dépassent de beaucoup la nôtre ? Non ! la Nature n'a pas dit son dernier mot ; elle qui, graduellement et lentement, a construit ce délicat mécanisme de l'oeil humain, depuis la simple cellule pigmentaire, peut certainement faire évoluer la vue davantage encore, jusqu'à des facultés supérieures de vision.<br />Tout suit l'évolution de l'Esprit et celle-ci n'a jamais de fin.<br />Si vous voyez aujourd'hui avec vos yeux, c'est parce que l'Esprit en vous a voulu voir ; en voulant, il crée l'organe et sa volonté se manifeste alors dans le monde extérieur. Ce même Esprit qui, dans le passé, vivait en vous, vit encore en vous aujourd'hui, c'est votre Moi intérieur ; ses pouvoirs ne se sont pas tous manifestés, son inspiration n'est pas tarie, il est encore, et sera toujours, l'architecte du corps [122] humain comme l'Esprit divin est l'Architecte de l'Univers ; il se revêt de formes de matière toujours de plus en plus parfaites, il gravit des états de conscience de plus en plus élevés ; il est éternel devant nous, et sa naissance se perd dans la Nuit des Temps.<br />Par le seul fait que nous avons progressé, nous progresserons encore ; puisque nous nous sommes élevés au-dessus de la poussière, nous monterons jusqu'aux lointaines étoiles, car l'Esprit de Dieu, en nous, ne connait pas de limites, pas plus celles du Temps que celles de l'Espace, et l'évolution future sera un million de fois plus grandiose que l'évolution qui nous a faits ce que nous sommes aujourd'hui.</p> LE PRINCIPE DE FRATERNITÉ APPLIQUÉ AUX CONDITIONS SOCIALES 2019-07-04T11:33:43+00:00 2019-07-04T11:33:43+00:00 http://hierarchie.eu/le-monde-de-demain-par-annie-besant-1909/1281-le-principe-de-fraternite-applique-aux-conditions-sociales Super User bon.christo@free.fr <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>LE PRINCIPE DE FRATERNITÉ APPLIQUÉ AUX CONDITIONS SOCIALES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Je désire m'étendre, ce soir, sur l'application du principe de Fraternité dans la vie humaine, sur la façon dont il nous faudra employer ce principe pour résoudre les problèmes qui nous préoccupent actuellement, sur les moyens à employer pour passer, sans trop brusque transition, à un degré supérieur de civilisation, en procédant avec calme plutôt que par la haine et la révolution. Une révolution ne peut d'ailleurs provoquer qu'une paix relative, peu durable, bientôt troublée par de nouvelles luttes qui encouragent et réveillent les mauvais instincts tout en aggravant et en prolongeant la misère.<br />Si le principe de Fraternité doit nous être de quelque secours pour aplanir les difficultés que nous traversons, il est avant tout nécessaire de s'entendre sur le mot : Fraternité, et [124] de saisir une fois pour toutes ce qu'il implique.<br />En premier lieu, Fraternité ne signifie nullement : Égalité. Pour vous en convaincre, il vous suffira d'observer la nature ; le principe de Fraternité s'en dégage mais vous ne sauriez y voir d'Égalité.<br />En fait, cette question doit plutôt vous faire songer à la constitution même d'une famille où le principe d'inégalité est notoire. Vous y trouvez effectivement l'ainé et le cadet, l'expérimenté et l'inexpérimenté, ceux qui guident et ceux qui obéissent.<br />Si donc l'on aspire à l'avènement d'une société n'ayant pour toute devise que le mot : Égalité, le principe de Fraternité doit être alors entièrement rejeté. En effet, aussi longtemps que vous prétendrez édifier un système, ou déchainer la guerre sociale pour obtenir l'Égalité, vous enfreignez les lois de la nature et poursuivez une chimère au lieu d'un but réel et raisonnable.<br />Rien de plus frappant, autour de nous, que toutes ces inégalités qui, dans la nature, contribuent à l'harmonie même des choses. Mieux encore, si, détournant votre attention de ce vaste domaine que la variété des objets et [125] des êtres caractérise, vous vous restreignez à l'étude de l'homme, là, comme ailleurs, le principe d'inégalité s'impose.<br />Les différences d'âges, dans une famille, ne sont pas seules à prendre en considération ; il y a encore les différences de capacités, de pouvoirs, d'aptitudes, de qualités. De quelle égalité pourrait-il être question entre le malade et l'homme en parfaite santé, entre un simple infirme ayant conservé l'usage de la plupart de ses membres et le paralytique, entre l'aveugle et celui qui voit, entre le génie et le borné ou l'idiot ?<br />L'inégalité des conditions est une loi de nature ; l'égalité ne peut être considérée comme telle. C'est gaspiller ses forces que de chercher à édifier un système basé sur des fictions empruntées aux enseignements des utopistes, fictions qui s'évanouissent quand arrive le moment de les appliquer à la vie humaine.<br />"L'homme est né libre", fut-il déclaré en Amérique, et l'on interprète cette déclaration comme si elle impliquait le principe d'égalité, sans s'apercevoir qu'en réalité elle est absolument en contradiction avec toutes les choses de la vie humaine. L'homme, à sa naissance, n'est qu'un tout petit enfant impuissant et [126] dépendant ; cela est si vrai que s'il était abandonné aux joies de la Liberté, sa croissance serait rapidement compromise. Un enfant ne nait pas libre : il dépend de tout ce qui, autour de lui, doit contribuer à son développement. Si, en venant au monde, il n'était pas entouré d'affection et de soins spéciaux, il ne tarderait pas à s'éteindre quelques heures à peine après avoir vu le jour.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA NÉCESSITÉ D'UNE HIÉRARCHIE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Les deux Sociétés qui, dans le monde, ont adopté le principe de Fraternité Universelle, admettent toutes deux La nécessité d'une Hiérarchie.<br />C'est là un fait des plus significatifs.<br />Prenez la grande Fraternité Maçonnique ! Ceux qui y sont affiliés proclament la Fraternité Universelle sur toute la surface du globe, et pourtant l'autorité des officiers d'une Loge est respectée avec la plus grande rigueur, la Hiérarchie y étant considérée comme la condition sine qua non de la Liberté.<br />Dans la Société théosophique qui, elle aussi, [127] a choisi, pour l'un de ses buts, la Fraternité universelle, il en est de même. Les membres admettent et reconnaissent l'existence d'une Hiérarchie qui guide les destinées de l'humanité, préside au développement graduel de l'homme, puissante Hiérarchie dont la sagesse est si grande qu'elle a, de ce fait, le droit de diriger.<br />Les ordres que cette Hiérarchie dicte sont joyeusement accomplis par les membres les moins importants de la Société qui, tous, reconnaissent l'autorité de Ceux qu'ils savent leur être supérieurs.<br />Là, en vérité, git la source de la Liberté. Sans cet ordre hiérarchique, suivant lequel la loi et la sagesse gouvernent et l'ignorant obéit, il est impossible d'entreprendre quoi que ce soit qui puisse être digne d'être baptisé du nom de liberté.<br />Comme j'espère vous le prouver par ce que je compte vous dire encore, nous n'avons jamais vu la liberté sur terre en dehors des rangs de cette grande Hiérarchie humaine ; nous n'avons vu que les droits de différentes classes, les droits d'un groupe sur l'autre ; jamais nous n'avons vu de liberté, l'homme n'étant pas suffisamment évolué pour comprendre les [128] conditions en dehors desquelles la liberté ne saurait exister.<br />Ne perdant pas de vue ce fait étrange que deux sociétés seulement, tout en proclamant la Fraternité universelle, admettent en outre un ordre hiérarchique, essayons de voir jusqu'à quel point une hiérarchie peut être établie dans la grande fraternité humaine. J'abandonne, quant à présent, cette glorieuse Hiérarchie occulte à laquelle je faisais allusion tout à l'heure, pour l'humanité ordinaire telle que nous la connaissons tous. Nous pouvons nous faire à peu près l'image de ce que devait être un État envisageant une famille où le principe de fraternité est reconnu, où les devoirs et les responsabilités sont proportionnels à l'âge et au savoir.<br />Mais de quelle façon l'âge peut-il entrer en ligne de compte en ce qui concerne l'humanité ? À moins qu'on ne trouve, dans la race humaine, un élément au moins analogue à l'âge d'un individu dans une famille, nous éprouverons quelque difficulté à justifier la fraternité et à faire de celle-ci une pierre angulaire pour les siècles à venir.<br />Ce qui existe pour les membres d'une même famille, existe aussi pour l'humanité ; d'un [129] côté comme de l'autre, il y a des différences d'âges.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LOI DE RÉINCARNATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Les membres d'une famille naissent les uns après les autres et constituent le foyer familial composé de personnes et d'enfants d'âges divers ; il en est de même pour la grande famille humaine. Les esprits humains et pourvus d'intelligence, qui forment la vaste famille que nous connaissons, n'ont pas tous le même âge ; ils n'ont pas, dans le même temps, manifesté une existence individuelle. À l'idée de Fraternité s'adjoint donc la suprême Loi de Réincarnation<br />qui entraine des différences d'âges pour les âmes elles-mêmes et d'après laquelle il existe, dans l'humanité, des ainés et des cadets. Ces différences d'âges ne s'appliquent pas nécessairement aux castes ou classes qui, dans notre société moderne, se distinguent les unes des autres, bien que le système de castes dans l'Inde antique ait été basé précisément sur les âges divers des égos en réincarnation. Ce dernier système a depuis longtemps sombré dans l'oubli, et vous ne retrouverez plus sur terre cet ordre défini de nos ancêtres Aryens au début [130] de l'histoire. Il nous est néanmoins possible de discerner la jeunesse ou la maturité d'une âme en examinant les caractéristiques que l'homme apporte au moment de sa naissance. En étudiant le caractère, les marques de jeunesse ou de maturité apparaissent distinctement.<br />Les âmes incapables d'acquérir une certaine somme de connaissances, les âmes dont la moralité est faible, qui sont égoïstes, qui pensent avec avidité au plaisir du moment sans s'inquiéter des inconvénients qui en résultent par la suite ; l'homme trivial, superficiel ; celui qui cherche la vie facile, se laisse guider par ses caprices ; celui dont les pensées sont faibles, dont la volonté est telle qu'il est impossible de jamais compter sur lui ; celui qui est changeant, frivole, facilement entrainé par les circonstances : telles sont les caractéristiques des âmes jeunes qui, dans le passé, n'ont traversé qu'un nombre très limité d'expériences, expériences grâce auxquelles le caractère se forme, grâce auxquelles la volonté s'entraine.<br />Si, au contraire, vous rencontrez des individus au jugement calme et dont les capacités intellectuelles sont grandes, qui ont acquis le pouvoir de transmuer leur savoir en sagesse, qui sont inébranlables dans leurs convictions ; [131] prêts à regarder vers l'avenir sans se soucier des attractions éphémères du présent, disposés à sacrifier un peu de leur bienêtre actuel pour augmenter le bienêtre général, vous vous trouverez alors en présence d'hommes, ou de femmes, dont les âmes sont âgées et ont passé par de nombreuses expériences, ayant ainsi, et graduellement, développé leurs capacités en apportant avec elles les résultats d'une moisson récoltée depuis longtemps.<br />Cette grande Loi de la réincarnation est inséparable du principe de Fraternité si l'on veut appliquer celui-ci et le vivre dans la vie ordinaire. Seule l'acceptation de ces différences d'âges contribuera à édifier une société sagement organisée et heureuse.<br />S'il arrive que des âmes jeunes accèdent au pouvoir et à la richesse, la nation en souffrira, car, au lieu d'hommes, ce sont des enfants qui gouvernent. Par contre, il est bon pour un peuple de considérer la sagesse comme conférant de droit l'autorité, de se laisser conduire par le sage à la fois profond penseur et grand savant. Un peuple ne souffrira pas là [132] où pouvoir et savoir seront unis, où l'expérience délimitera les droits et préservera le drapeau de l'honneur de toute souillure.<br />Grâce seulement à ces idées, qui dérivent de la croyance à la réincarnation, grâce seulement à cette grande loi de la nature, il nous sera possible de poser, sans danger, les bases d'une nouvelle et forte société.<br />On objecte parfois à cela : si vous prétendez pouvoir édifier une société avec ces hauts principes pour bases, il vous faudra changer la nature humaine ; celle-ci est foncièrement égoïste, superficielle, esclave da ses habitudes. Or, comment créer une société vraiment forte et noble avec des éléments grossiers et superficiels ? Les sages ne forment qu'une minorité, quels moyens emploieriez-vous pour arriver à leur concéder le droit de gouverner ?</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>KARMA</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Il est vrai que la nature humaine aura beaucoup à faire pour atteindre un niveau plus élevé que celui qu'elle occupe aujourd'hui ; mais il ne faut pas oublier qu'elle change à tout instant ; on n'inaugure donc pas une<br />méthode nouvelle en prétendant la changer. La nature humaine est en perpétuelle voie de changement au fur et à mesure que les siècles s'ajoutent aux siècles, que les civilisations se [133] succèdent les unes aux autres. Si vous voulez vous donner, une fois pour toutes, la peine de comprendre la loi de l'existence, si vous voulez enfin employer la pensée à la formation et au perfectionnement du caractère ; si vous voulez vous rappeler qu'il existe une inviolable loi de causalité que les théosophes appellent KARMA, et qui agit dans tous les départements de la vie humaine sans exception ; si vous voulez placer votre confiance dans la loi de réincarnation, fonder votre espoir sur l'inviolabilité même de la loi de cause et d'effet, comme sur les certitudes qu'elle vous offre, vous vous rendrez compte que la nature humaine est extrêmement malléable, et, selon que vous comprendrez plus ou moins bien la loi, vos progrès seront plus ou moins rapides.<br />Croyez-vous que la pensée soit impuissante à combattre les sentiments d'égoïsme ? N'est-elle pas la force génératrice de tous grands changements. L'action ne suit-elle pas l'idée ? Laissez-moi vous donner deux exemples frappants en vous rappelant les noms des deux [134] seules nations d'Europe qui aient obtenu l'unité nationale durant notre génération : l'Italie et l'Allemagne. Je les indique comme exemples de nations qui, autrefois composées de plusieurs États que des questions d'intérêts divisaient, ont su pourtant atteindre l'unité en tant que nations. Comment le fait s'est-il produit ? Dans les deux contrées l'idéal de l'unité nationale fut exalté. Lorsque des poètes allemands eurent, pendant des années, glorifié la patrie, lorsque cet amour de la patrie se fut réveillé chez les jeunes, lorsque les poètes eurent longuement chanté cet idéal, le soldat s'unit au citoyen, ensemble ils se mirent à l'oeuvre pour réunir tous les États en un seul grand.<br />Il en fut de même pour l'Italie. Longtemps avant qu'il n'eût été question de guerre ou de révolution, longtemps avant que l'idée vînt de recourir à l'épée, des penseurs italiens avaient parlé de l'unité italienne, des patriotes avaient glorifié l'idéal de l'unité d'Italie et, lorsque cet idéal eut enflammé les coeurs des jeunes, on trouva la force de se sacrifier, de suivre l'épée d'un Garibaldi et d'obtenir enfin un peuple uni en Italie.<br />L'enthousiasme est le produit de l'idéal ; le [135] sacrifice spontané des forces vives d'un individu est le résultat de l'idéal vers lequel on tend.<br />Qu'avons-nous donc besoin de faire pour changer la nature humaine ? Il suffit simplement de présenter aux jeunes de notre temps de grands idéaux, que ces jeunes enflamment leurs coeurs, y réveillent un enthousiasme communicatif jusqu'à ce que le sacrifice devienne une joie et non plus un sacrifice, jusqu'à ce qu'enfin le but qu'ils poursuivent se réalise sur terre.<br />C'est ainsi que la nature humaine changera, car n'oubliez pas que la Nature humaine est divine,<br />elle n'est pas démoniaque ; il y a un dieu dans le coeur de chaque homme, un dieu qui manifeste peu à peu ses pouvoirs divins. C'est pourquoi la puissance de l'idéal enflamme, c'est pourquoi la pensée construit le caractère.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>PROBLÈME DE L'ÉDUCATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Passons maintenant des principes au domaine des choses pratiques et voyons, parmi les problèmes sociaux, celui d'entre eux qui parait être susceptible d'une prompte solution si nous y appliquons le principe de fraternité avec ses [136] corolaires : la Réincarnation et le Karma. Le PROBLÈME DE L'ÉDUCATION est évidemment celui qui se présente tout d'abord. C'est dans ces corps plastiques, ces cerveaux souples et malléables des enfants que résident les plus grandes possibilités d'éveiller rapidement de nobles sentiments concernant l'idéal social.<br />Comme je l'ai dit dans ma première conférence, la tentative qui est faite dans le but de séparer la morale de la religion, de rendre l'une indépendante de l'autre, est vouée à un échec certain pour les raisons que je vous ai déjà indiquées.<br />Il est facile de comprendre qu'impatientés par les querelles des sectaires, les politiciens et le public songent à rejeter la religion, et désirent éviter désormais les controverses religieuses dans les écoles. Mais si vous appliquez le principe de Fraternité à la religion, vous pouvez, avec juste raison, dans un pays où la plupart des individus sont chrétiens, tout au moins de nom, espérer trouver un terrain d'entente quant à la question de l'éducation des enfants. [137]<br />Aux Indes, comme ici, existent des religions sectaires ; il y a des divisions entre les écoles s'adonnant aux études religieuses, et, il y a quelque douze ans, vous auriez entendu dire là-bas, comme aujourd'hui en Angleterre, et cela avec autant de conviction qu'à présent il est impossible d'enseigner la religion aux enfants indous, les luttes entre les sectes rendent l'union illusoire, et comment voulez-vous enseigner quoi que ce soit aux enfants si vous n'êtes pas d'accord sur les bases mêmes de l'enseignement à donner ?<br />Alors, comme aujourd'hui l'abime ne paraissait pas près d'être comblé, et pourtant, en l'espace de quatre ou cinq ans, la question était résolue aux Indes, tout au moins en ce qui concerne l'Indouisme, religion d'une énorme majorité. Que fut-il fait pour cela ? Le principe de Fraternité fut simplement appliqué. Quelques-uns d'entre nous, de concert avec les Indous théosophes, nommèrent un comité destiné à rassembler, d'un côté les doctrines essentielles de l'Indouisme, de l'autre, tout ce qui paraissait inutile ou spécial à une secte.<br />Quand cela fut fait, nous nous mimes à l'oeuvre, nous priâmes des étudiants de recueillir, dans les Écritures de l'Inde, tout ce qu'ils [138] pourraient trouver se rapportant aux doctrines caractéristiques de l'Indouisme, et, lorsque les textes furent assez nombreux, un théosophe entreprit alors une sorte de catéchisme de l'Indouisme. Quand celui-ci fut prêt, une centaine de copies en furent tirées et envoyées aux chefs des principales écoles et branches de philosophie. On les pria de vouloir bien prendre connaissance du manuscrit, d'y ajouter leurs objections, d'y faire toutes les remarques qu'ils jugeraient utiles. Quand ces copies eurent ainsi voyagé de mains en mains, parmi les sectes indoues que des divergences d'opinions divisaient, elles nous revinrent remplies de corrections et d'observations. Une fois de plus, nous reprîmes notre travail, examinant les critiques, adoptant les avis donnés sur lesquels nous tombions tous d'accord. Quand enfin parurent l'ouvrage élémentaire et celui plus avancé (Advanced Text-Books) sur l'Indouisme, ils se répandirent très rapidement dans toutes les sectes de l'Inde et furent adoptés d'emblée comme contenant une exposition impartiale des doctrines fondamentales de l'Indouisme. Ces ouvrages ont été admis successivement dans toutes les écoles, chez tous les princes, en sorte que, quand le grand régent musulman, du [139] Decan à Hyderabad, désira donner à ses sujets une éducation indoue, il prit simplement ces livres, en dota toutes les écoles pour que les Indous mêlés à son peuple pussent être instruits dans leurs croyances. Une chose analogue fut faite par le Gouvernement anglais au Princes'College de Rajputana, du jour où l'on s'aperçut que l'éducation laïque rendait les princes immoraux et incapables de gouverner. Durant ces huit dernières années, ces livres se sont répandus, ont été adoptés et utilisés partout.<br />Croyez-vous que les divisions entre chrétiens soient si profondes qu'on ne saurait, pour ceux-ci, tenter ce qui fut tenté pour les Indous ? Les points communs ne sont-ils pas plus nombreux que les points en litige ? Ne pouvez-vous éduquer vos enfants ; attendrez-vous qu'ils soient grands pour les voir amplifier le sectarisme de certaines doctrines ?<br />Afin d'attirer davantage encore votre attention sur ce sujet, je vous répèterai ce qu'un jour me demanda le directeur d'une institution publique : "Madame Besant, me dit-il, ne pourriez-vous écrire un manuel pour les chrétiens ?" Et je répondis : "Oui, je pourrais écrire un tel [140] ouvrage, mais je craindrais de ne les voir jamais s'en servir."<br />Ce doit être là l'oeuvre d'une autorité chrétienne reconnue comme telle. Je suis persuadée qu'un théosophe, mieux qu'aucun autre, saurait se charger d'une oeuvre semblable, car il ne s'arrête pas aux formes religieuses et s'attache à relever les points de concordance plutôt que les points de divergence. Mais il est précisément important que ce travail soit entrepris, non par un théosophe, mais bien par un homme qui serait animé de l'esprit de la Théosophie ; en d'autres termes, par un homme dont l'esprit serait imprégné de la Sagesse Divine et pour qui toute forme religieuse serait une expression de la vérité et non pas une source de querelles.<br />Supposez que cela soit fait partout où il y a des chrétiens ; voyez tous les avantages qui en résulteraient. Cela ne serait pas si difficile à réaliser. Il y a en effet certaines doctrines que vous êtes tous prêts à accepter pour peu que vous soyez chrétiens ; vous n'auriez qu'à y adapter une forme rationnelle, intelligible, et à recueillir dans vos Écritures les versets qui s'y appliqueraient, ce qui leur donnerait ainsi une valeur incontestable sans que ceux, pour [141] lesquels ces Écritures font autorité, puissent trouver à redire. J'ai eu à ce sujet une idée qui pourrait probablement être réalisée ; je me suis demandé s'il ne serait pas possible d'écrire un manuel universel intéressant la religion et la morale, à l'aide de textes empruntés à toutes les Écritures des grandes religions, à toutes les Bibles de l'humanité, dont l'autorité serait, pour ainsi dire, condensée en une doctrine universelle. De la sorte, on aurait un livre que les chrétiens, l'Indou, le Parsis, le Bouddhiste, le Musulman pourraient employer. Il est d'ailleurs très possible de tirer de ces diverses sources des éléments communs à toutes, ce qui n'empêcherait pas chaque croyance d'ajouter ses enseignements spéciaux à cette grande base ; ainsi, toutes les croyances seraient réellement soeurs. C'est là un rêve sans doute, mais je le crois réalisable.<br />D'après tout ce que nous avons dit, il ressort que notre éducation ne peut être indépendante des enseignements religieux sans lesquels nous ne pouvons donner de bases solides à la morale.<br />D'autre part, qu'adviendrait-il si l'on considérait l'État comme une grande famille composée d'enfants d'âges divers, de capacités [142] différentes, d'enfants qu'on élèverait de la même manière ? Il en résulterait un système d'éducation dans lequel une grande somme commune de connaissances intellectuelles et morales serait donnée à chaque enfant jusqu'à l'âge de dix ou onze ans ; puis interviendrait une sorte de classement selon les capacités individuelles de chacun. Vous ne songeriez plus alors, quand un enfant fait montre de dispositions musicales, à ajouter à ces dispositions quelques teintures de trois ou quatre autres arts, si bien que l'enfant n'est bon dans aucun et demeure superficiel en tout. Dès que vous apercevez une aptitude spéciale à la musique, vous devriez abandonner toutes les autres choses pour faire de la musique l'étude principale de l'enfant. Si vous trouvez un gout pour la couleur et la forme, dirigez alors l'enfant vers les arts plastiques ou vers la peinture. De la sorte, lentement et graduellement, vous vous rendrez compte que la puissance de l'art doit passer entre les mains des artistes de la nation, que la plupart de vos garçons et de vos filles doivent être préparés à en devenir les artisans et cela contre l'avenir même des arts manufacturiers. À cette condition seulement, vous assisterez au retour de la Beauté dans la vie, vous [143] verrez de nouveau le sens de la Beauté se développer dans la nation.<br />Si vous apercevez des aptitudes littéraires, vous n'insisterez plus désormais, – ainsi que vous le faites notamment pour vos filles, – vous n'insisterez plus pour qu'elles fassent toutes un peu de musique, qu'elles apprennent un peu le dessin et un peu à chanter ; vous laisserez toutes ces dernières choses de côté pour ne vous occuper que de l'aptitude littéraire, quand vous la trouvez, et pour diriger dès lors l'éducation de l'enfant dans ce sens.<br />S'agit-il de dispositions pour la science, faites de celle-ci le point principal de votre enseignement, sans oublier d'y ajouter simplement un peu de littérature et d'idéal, sans quoi votre science risquerait fort d'être vulgaire et empêcherait sa noble adaptation à la vie humaine.<br />S'agit-il d'aptitudes pour la mécanique, attachez-vous à les développer, sans jamais oublier que le jeune garçon ne devra pas quitter l'école avant d'avoir appris le moyen d'être utile à l'État tout en gagnant sa vie.<br />Tout travail maladroitement fait devrait être désormais, dans tous les domaines de l'activité humaine, un reste du passé. Il est important [144] que vous spécialisiez l'enfant à l'âge où il est encore capable d'apprendre à fond ce qui, plus tard, est destiné à être un gagne-pain. Beaucoup d'erreurs sont dues au Système actuel d'Éducation<br />grâce auquel le garçon reçoit une instruction beaucoup trop littéraire aux dépens de l'habileté qui lui est nécessaire lorsqu'il se destine à un travail manuel. Il vous faut, dans vos écoles, une méthode d'entrainement plus pratique que celle qui existe actuellement ; vous devez désormais éviter de croire que telle ou telle forme de l'activité humaine est plus ou moins noble que telle ou telle autre ; celui qui se sert habilement de ses mains est tout aussi honorable que celui qui se sert bien de son cerveau. La seule chose qui soit déshonorante consiste à mal se servir de ses mains ou de son cerveau. Votre principal défaut est de vous écrier : "Oh ! C'est suffisant ! Cela ira !" Rien n'ira si ce n'est pas fait aussi bien que vous êtes susceptible de le faire ; autrement vous ne faites qu'un gâchis qui salit l'esprit au lieu de l'élever.<br />Ce n'est pas le genre de travail auquel vous vous adonnez qui est déshonorant ou non, c'est [145] l'esprit que vous y mettez ; c'est aussi la qualité des oeuvres que vous produisez.<br />Aussi longtemps que vous n'aurez pas inculqué ces principes à la nation, que vous n'aurez pas rendu au travailleur sa dignité d'artiste ; aussi longtemps qu'un charpentier voudra, sans raison, instruire son fils pour en faire un clerc de notaire au lieu d'un artisan, vous mésusez vos forces en encombrant vos emplois ; aussi longtemps que vous n'aurez pas rétabli cette balance du devoir humain et du travail humain, vous ne pouvez espérer faire une société qui soit saine et forte.<br />Passons à d'autres choses, dont le besoin se fait si vivement sentir dans l'éducation : la discipline, le sentiment du devoir dans la vie. Je pense que cela s'apprendra plus particulièrement pendant les récréations plutôt qu'en classe. Il peut paraitre étrange de voir se servir, pour cela, de l'influence du jeu sur un garçon. C'est pourtant tout naturel. Lorsqu'un gamin est membre du team soit pour le cricket, le football ou le hockey, peu importe ! ce jeune homme ne sera jamais "un succès" tant qu'il n'aura pas appris à penser à son camp plus qu'à lui-même. Ici, l'idée d'une collectivité s'impose déjà à son esprit et lui apparait comme [146] étant, en fait, supérieure à ses propres intérêts. C'est au jeu que les garçons et les petites filles apprennent plus d'une leçon qui les rendra par la suite de meilleurs citoyens. Ils profitent des leçons telles que celles-ci : le sens de l'ordre et de la discipline, s'acquitter avec honneur de sa tâche, quels que soient le rôle qu'on joue et le terrain qu'on occupe pendant le jeu. Vous pouvez, au cricket ou au football, être placé à tel ou tel endroit du champ, le devoir du jeune garçon consiste à bien remplir ses fonctions là où son capitaine l'a placé sans désirer être en un autre point du champ. Cette discipline au jeu a plus de valeur que celle de la classe, car elle est volontaire, joyeusement consentie, stimulée par un idéal au lieu de l'être par la crainte d'un châtiment. De là, l'importance du jeu, l'importance qu'il y a à apprendre aux jeunes gens à jouer selon les règles.<br />Le plus grand des dangers encourus par les nations, soi-disant démocratiques, réside dans l'absence du sentiment de discipline, le manque d'ordre, le refus d'obéissance ; sans tout cela, pas une nation ne peut grandir.<br />Lors de mon dernier séjour en Australie, il arriva qu'un jeune mineur déserta son poste à la suite d'un reproche qui lui avait été adressé, [147] au sujet de son travail. Toute la mine décréta la grève afin de défendre le gamin contre les attaques qui étaient faites à sa liberté. Ces sortes de choses vous arrivent de temps à autre ; tant que ce fait se produira, qu'il se trouvera parmi vous de semblables éléments, vous ne saurez changer le caractère général de la nation ; vous n'aurez à votre disposition qu'un tas de morceaux de marbre sans cohésion. Avec des matériaux dépourvus de ce sentiment du devoir qui relie entre elles les choses, avec des matériaux dépourvus en outre du sentiment de responsabilité : vous ne pourrez édifier un État.<br />Là où manquent discipline, ordre, obéissance, manque aussi la grandeur. Mais tout cela peut s'obtenir si vous basez définitivement l'éducation sur ces idées de fraternités de réincarnation, de loi.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE TRAITEMENT DES CRIMINELS</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Laissant ce domaine, portons maintenant notre attention sur une très importante question : la pénalité, le Traitement des criminels.<br />Qu'est-ce qu'un criminel ?<br />Les criminels peuvent être divisés en deux [148] classes : la première est celle des âmes jeunes, qui ont besoin d'être éduquées ; la seconde est celle des âmes dont le développement a été contrarié de telle sorte, que l'intelligence a évolué plus vite que la conscience, au lieu d'évoluer parallèlement à elle. À cette classe appartiennent les criminels les plus dangereux et les plus difficiles à traiter.<br />L'âme jeune est, pour ainsi dire, celle d'un sauvage ; un tel être, d'un degré d'évolution si inférieur, aurait été, au début de notre race, guidé vers quelque tribu sauvage, dans quelque Ile ou désert où la rude existence du sauvage l'aurait assoupli. Il serait sans doute devenu grossier, dur, cruel ; mais il aurait du moins, et graduellement, habitué sa jeune âme à un sentiment du devoir vis-à-vis de sa tribu. Aujourd'hui, les temps étant changés, l'humanité ayant rapidement progressé, il n'y a plus, dans le monde, suffisamment de lieux qui répondent à ces conditions et qui permettent un épanouissement graduel de ces âmes jeunes. Ce que nous appelons les nations civilisées se sont répandues sur toute la surface du globe, ont chassé hors de leurs domaines les indigènes qu'elles rencontrèrent, se sont emparé de leurs iles, se sont approprié leurs terres après [149] avoir envoyé les premiers propriétaires dans l'autre monde. Qu'est-il advenu de toutes ces victimes ?<br />Elles se sont réincarnées, suivant en cela la loi d'évolution ; mais par suite d'une autre loi, tout aussi naturelle que la première, elles se sont réincarnées dans les nations qui ont le plus contribué à les déposséder et à les immoler.<br />Comme vous devez le penser, rien de plus logique à ce que nous vivions sous le régime d'une loi et non pas au hasard de la chance ; aussi, ceci soit dit avec le plus profond respect, nous ne devons pas nous étonner de voir l'Angleterre nourrir dans son sein autant d'anciens sauvages. Dieu en eux n'est pas encore éveillé, ils arrivent à l'existence en sauvages qu'ils sont encore. Vous les appelez des criminels par hérédité. En réalité ce sont des âmes-jeunes, sans moralité, au cerveau peu développé, possédant toutefois une certaine force, une certaine astuce et quelques lueurs d'intelligence, mais, malgré tout, fondamentalement très jeunes. En outre, vous trouvez d'autres âmes, incarnées dans ces basses conditions et qui ne sont pas encore tout à fait prêtes à supporter, comme leurs ainées, une société qui les entrave dans leurs actions ; ce sont là des [150] criminels occasionnels que vous avez trop tendance à ranger au nombre des criminels invétérés.<br />Nous arrivons à la seconde classe dont je parlais tout à l'heure, celle des individus dont l'évolution normale a été contrariée et que j'ai mentionnés comme étant des plus difficiles à traiter. Ce sont, pour la plupart, des hommes très intelligents qui emploient leurs facultés intellectuelles à voler autrui, au lieu de les employer dans les limites de la loi. Ces sortes d'hommes sont très nombreux. Parfois, ils dépassent à peine les limites des lois, parfois même ils y demeurent, mais au point de vue social, rappelez-vous qu'il existe beaucoup de criminels qui se contentent, ainsi qu'on le dit, de côtoyer la loi, juste de quoi éviter la prison. Ce point se rapporte à l'exemple que je vous présentais l'autre jour à propos de cet homme qui ruina la compagnie de chemin de fer de tout un district, profitant de cette ruine pour s'amasser une fortune considérable. Ce n'est pas là un criminel tel qu'on le conçoit habituellement, les agents ne peuvent l'arrêter comme un voleur mais, vis-à-vis du<br />Karma, de la Justice éternelle, tout en employant des moyens légaux, cet homme [151] qui a volé des milliers de ses semblables en les privant de leur gagne-pain, cet homme-là est pire que le voleur qu'on jette en prison pour avoir dérobé le portemonnaie d'un passant.<br />Il existe, dans toute contrée civilisée, bon nombre d'autres choses qui sont illégales tout en restant légales au point de vue strict de la loi ; beaucoup d'entre elles se déguisent sous le nom de : Compagnies par actions. Il est souvent très difficile d'en démontrer la fraude ; néanmoins, et c'est un fait à constater, on voit toujours ce genre de Compagnies péricliter ; les personnes qui en ont acheté les actions sont volées, tandis que le promoteur en sort indemne, devient même un homme très considéré et fort bien accueilli dans le monde.<br />Il est certain qu'en nous plaçant au point de vue social, cela est foncièrement immoral ; mais nous ne pouvons les appeler criminels au sens propre du mot, bien que la loi soit prête à les attaquer s'ils dépassent trop sensiblement la mesure.<br />Comment allons-nous maintenant traiter les âmes jeunes ; comment éviterons-nous aussi d'en faire des criminels invétérés ou des récidivistes ? Existe-t-il quelque chose de plus triste [152] et de plus honteux que les condamnations s'accumulant parfois jusqu'au chiffre de cinquante ou soixante pour un même individu avec, chaque fois, des jugements dont la longueur croît proportionnellement au nombre de délits commis, sous prétexte que l'accusé est un criminel invétéré ? Mais c'est vous qui l'avez pour ainsi dire obligé à devenir ce que vous l'accusez d'être.<br />Vous ne devriez pas traiter un homme qui a violé la loi en lui infligeant sept jours, un mois ou un an de prison, peine que vous allongez à chaque récidive. Vous ne traitez pas les malades ainsi ! Vous ne verrez pas un seul médecin ordonner huit jours d'hôpital à un varioleux, ou un mois d'hospice pour un accès de fièvre ; les patients sont retenus et soignés jusqu'à ce qu'ils soient entièrement guéris, et c'est ainsi que vous devriez traiter quiconque a des tendances au crime.<br />Vous ne devriez pas punir, mais secourir ; votre devoir serait de vous charger de cette âme-enfant et de la ramener au bien.<br />Vous ne devriez pas non plus, dans vos prisons, infliger des travaux inutiles sous prétexte de punir. Le criminel dont l'âme est celle d'un sauvage a toujours horreur du travail ; il est toujours paresseux ; cela est dû à sa jeunesse. [153] Si vous prétendez lui faire faire, à titre de châtiment, des travaux forcés et inutiles, vous n'aboutirez qu'à accroitre son dégout pour tout genre de travail ; il le haïra plus à sa sortie de prison qu'au moment de son entrée.<br />Faire charger et décharger des boulets d'un coin de la cour de prison à l'autre coin et vice-versa, infliger cette inutile torture du moulin de discipline, ce n'est pas là guérir le prisonnier, c'est en faire un criminel 7. Lorsqu'un tel homme se trouve entre vos mains, votre devoir est de prendre soin de lui, de le traiter comme un frère cadet qui ne sait pas encore se conduire ; votre titre d'ainé vous y oblige. Il est nécessaire de lui apprendre un honnête métier qui lui fournisse le moyen de gagner sa vie ; il vous faut au préalable le discipliner, non pas cruellement, mais avec fermeté et patience ; faites-lui comprendre cette loi d'après laquelle tout individu qui refuse de travailler n'a pas le droit de manger ; apprenez-lui, dans la prison, à mériter chacun de ses repas. Enseignez-lui un métier à l'aide duquel, et dans les murs mêmes de son cachot, il gagnera son existence [154] en attendant le jour où vous lui fournirez l'occasion de continuer à travailler à l'extérieur de la prison. Si alors, il refuse et revient de nouveau entre vos mains, recommencez à le discipliner jusqu'à ce qu'il soit complètement guéri, cela demanderait-il plusieurs années, car la construction du caractère exige souvent un temps assez long. Vous pouvez éviter de faire de la vie en prison une chose dégradante, ce qui est le cas aujourd'hui ; fournissez au prisonnier les moyens de se récréer à l'aide de distractions qui élèvent son esprit au lieu de le laisser s'abattre sous l'influence du lourd sentiment de disgrâce qu'il éprouve entre les murs de sa prison. Vous avez certes le droit de l'isoler pour qu'il ne nuise pas à la société, mais vous devez le traiter comme un jeune dans le grand foyer national, l'entrainer graduellement au bien, et, lorsqu'il consent à vivre d'une vie meilleure, donnez-lui les clefs qui lui rendront la liberté. Il y a aussi souvent beaucoup à faire avant d'emprisonner.</p> <p style="text-align: center;"><em>7 Il parait que ce genre de condamnations vient d'être aboli dans les prisons anglaises ; si cela est vrai, un grand pas en avant a été fait. (Note de l'auteur.)</em></p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE SYSTÈME DE PROBATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />On vient précisément, ces derniers temps, de mettre ici à l'essai ce que l'on appelle :<br />Le système de probation.<br />Il a été inventé en Amérique et a déjà fourni [155] d'excellents résultats dans certaines contrées. Un membre de notre Société, Miss Lucy Bartlett, a eu l'immense privilège d'introduire ce système en Italie où il est maintenant de rigueur.<br />En quoi consiste-t-il ?<br />Lorsqu'un jeune garçon, – ou une jeune fille, – commet un premier délit, il n'est pas envoyé en prison si un généreux et honorable citoyen s'est présenté devant le tribunal en disant : "Je me charge de cet enfant, de cette petite fille, de ce jeune homme, de cette jeune femme… je serai son ami, j'aurai soin de lui." Alors le coupable n'est pas mis en prison ; la peine est suspendue ; elle n'est appliquée que s'il ne se corrige pas, et il est très rare qu'il ne se corrige pas. Un homme, – ou une femme, – appartenant à la classe riche de la société et devenant l'ami d'un frère ou d'une soeur plus jeune, cela seul suffit, dans la plupart des cas, pour ramener au bien. L'ainé se fait un ami du coupable, le promène de temps à autre, lui parle, le traite véritablement comme un frère ou une soeur, et le coupable s'amende, tant est grande la force de l'amour qui réveille en autrui le respect de soi, tant est grand le besoin d'être loué.<br />Tels sont les moyens à employer, – qui le [156] plus souvent réussissent, – pour ramener à la vertu celui qui s'est engagé sur le sentier du vice pour la première fois. En outre, l'amitié contractée pendant la période d'épreuves se continue toute la vie durant entre protecteur et protégé ; réconfort, secours, instructions se faisant chaque jour plus efficaces et profitant à l'un aussi bien qu'à l'autre.<br />Le système est appliqué en Amérique depuis un temps assez long pour que nous puissions juger de sa valeur ; il fonctionne également en Italie depuis deux ou trois ans, ce qui est peu mais des quantités d'hommes et de femmes de la classe riche se sont offerts pour devenir les amis des infortunés qui se trouvent sous le coup de la loi.<br />Il est certain qu'il ne saurait exister de meilleure application de la Fraternité quant au traitement des criminels ; c'est accomplir le devoir qui incombe à tous ceux qui sont au-dessus des tentations du vice auxquelles les plus jeunes succombent.<br />Je ne puis abandonner ce sujet sans dire un mot de La Peine capitale.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA PEINE CAPITALE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Quiconque admet le principe de fraternité [157] ne peut vraiment soutenir et défendre ce genre de châtiment. Peut-être quelques-uns d'entre nous se rappellent-ils cette parole d'un Français facétieux : "Que messieurs les assassins commencent." Mais c'est des niveaux supérieurs que doit venir l'exemple et non des niveaux inférieurs. Vous ne pouvez espérer que votre assassin respecte la vie humaine si, d'après vos lois, vous lui enseignez que le meurtre trouve son châtiment dans un autre meurtre. Oui, c'est vrai, l'un est passionnel, l'autre est légal ; mais si la loi n'apprend pas le respect de la vie humaine, comment voulez-vous que le criminel, esclave de ses passions, soit porté à avoir ce respect ? Je ne m'attarderai pas au peu de cas que l'on fait de la vie d'un homme en le supprimant ; j'attirerai plutôt votre attention sur un point beaucoup plus important. Vous ne vous débarrassez nullement d'un assassin en le supprimant, vous ne vous débarrassez que de son corps physique et ce corps est la prison la plus pratique que vous puissiez trouver pour mettre l'individu en lieu sûr. En l'incarcérant, vous lui évitez de nouveaux crimes, ce que vous êtes incapables de faire quand, par la pendaison, vous avez libéré l'âme. Vous ne tuez pas, vous ne le pouvez pas, ce que vous [158] tuez ce n'est que le corps ; quant à l'individu lui-même, vous lui avez simplement ouvert les portes du monde voisin qui interpénètre le nôtre et dont les habitants nous entourent à tout instant. Vous l'envoyez là plein de pensées de haine, vibrant de colère et préméditant déjà de sanglantes vengeances contre ceux qui ont attenté à ses jours. Il devient alors l'instigateur de nouveaux meurtres en stimulant, en incitant d'autres criminels à l'assassinat. N'avez-vous jamais remarqué qu'une même espèce de meurtres se retrouve fréquemment dans le même milieu jusqu'à former le même genre d'actes répréhensibles ? Je sais que la presse, en donnant les détails de toutes ces horreurs, contribue largement à inspirer les mauvaises imaginations, et s'ajoute ainsi aux tentations provenant du monde où vous avez envoyé le condamné. Dans une contrée civilisée, les détails d'un crime ne devraient jamais être livrés à la publicité ; les hommes devraient enfin se rendre compte qu'en agissant de la sorte, ils ne font que stimuler l'esprit d'imitation et rendre le meurtre plus fréquent.<br />Il y a une autre raison qui devrait vous retenir d'envoyer si facilement un homme à la mort. Lorsqu'un criminel est entre vos mains, [159] vous devriez vous rappeler toutes les existences qui l'attendent, vous devriez lui donner quelque chose à emporter avec lui au-delà de la tombe, quelque chose qui, dans l'autre monde, soit susceptible de se transformer peu à peu en sens moral ; vous devriez vous rappeler qu'il reviendra dans un corps physique, Il est alors de votre devoir de lui préparer cette incarnation future, en lui fournissant, dans la présente, tout ce que la pensée et l'amour humain peuvent lui communiquer de bon et de bien. Je le répète, nous avons un grand devoir à remplir vis-à-vis de ces âmes jeunes afin qu'elles puissent profiter de notre civilisation au lieu d'en souffrir comme c'est trop souvent le cas de nos jours.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>QUESTIONS ÉCONOMIQUES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Quel sera le résultat de la Fraternité dans les Questions Économiques ?<br />La solution de ce problème exigera certainement de fortes intelligences qui soient capables de trouver une juste balance entre la production et la consommation, de façon à ce [160] que d'un côté : les hommes aient moins à souffrir de la misère où ils sont plongés, de l'autre, moins inutiles dans le luxe dont ils s'entourent.<br />Ce n'est pas le Socialisme des Rues qui permettra de résoudre ces grands et difficiles problèmes. Vous ne pouvez les résoudre qu'en prenant en considération tous les problèmes secondaires qui s'y rattachent. Un système de coopération générale, d'intérêts communs, ou quelque chose de ce genre, peuvent être les principes susceptibles d'améliorer les conditions sociales. À moins que vous ne rendiez les travailleurs plus heureux, plus satisfaits de leur sort, vous ne pourrez pas exercer de contrôle sur l'ignorant, car ce contrôle menacera toujours ses moyens d'existence ; c'est donc la ruine. Laissez-moi vous donner un exemple qui vous indiquera plus clairement mes vues à ce sujet.<br />Depuis plusieurs années, des grèves nombreuses ont éclaté dans ce pays, et nous ne pouvons douter qu'elles furent causées autant par l'avidité de la classe dirigeante que par un [161] traitement injuste envers les ouvriers. Quoi qu'il en soit, ces grèves ont le plus souvent, et dans la plupart des cas, rabaissé l'ouvrier à des niveaux plus bas que celui qu'il occupait avant de se révolter.<br />Je me trouvais l'autre jour à Tyneside ; Newcastle et tous les ports l'avoisinant, comme aussi toute la côte de Sunderland formaient autrefois, en Angleterre, de grands centres de constructions maritimes. Les grèves consécutives paralysèrent peu à peu l'activité de ces centres, dans l'impossibilité où l'on se trouvait de payer les tarifs demandés. La contrée, de ce fait, cessa d'être la grande contrée ouvrière et maritime qu'elle était, le commerce tomba, la ruine s'étendit. Vous ne pouvez blâmer les grévistes qui luttèrent pour leur bienêtre ; ils ne comprenaient pas les difficultés auxquelles toutes ces grandes maisons devaient faire face ; ils ne comprenaient pas qu'ils rendaient la construction des navires impossible à leurs patrons en leur demandant des salaires qui n'étaient pas trop élevés, mais que le constructeur ne pouvait accepter, étant données les exigences de la vie commerciale d'alors. Et il en est toujours ainsi.<br />Une intelligence prudente et un jugement [162] sain sont de rigueur pour ces questions. Sentant cela, des chambres de commerce proposèrent des élévations graduelles d'appointements, des commissions d'arbitrage, etc. Tout cela est fort bien, mais une difficulté surgit dans vos commissions d'arbitrage, car leurs décisions ne sont pas toujours acceptées. Lorsque les individus en appellent à la commission, c'est toujours avec l'espoir qu'on décidera en leur faveur ; si cela n'a pas lieu, ils ne sont guère disposés à s'y soumettre.<br />Je reviens une fois de plus à ce dont je fus témoin. Je me trouvais l'an dernier en Nouvelle-Zélande ; une grave collision se produisit entre ouvriers et patrons ; en fin de compte, les deux partis en appelèrent à une commission d'arbitrage. Bien que les arbitres eussent été choisis dans les deux camps, les hommes refusèrent de reprendre le travail lorsque la décision leur fut connue.<br />Vous ne pouvez employer cette méthode en ce qui concerne les graves questions économiques. Un corps de métier ne devrait jamais considérer son seul intérêt, lorsqu'il s'agit de fixer le taux des salaires que le patron aura à payer, car la question se complique de nombreuses considérations ; il n'y a pas un [163] commerce, il y a la balance de tous les commerces, et c'est sur cette balance qu'il faut tabler avant de prendre une décision. De là, la nécessité d'une grande habileté, d'une puissante intelligence pour l'étude des questions économiques, étude dans laquelle un ouvrier ne saurait être d'aucun secours. Tel est le point délicat ; c'est là qu'il faut, de chaque côté, un état d'esprit particulier que seul l'intérêt général anime ; autrement, il en résulte, à la fin, plus de troubles qu'auparavant et le commerce cesse, là où les conditions lui sont devenues contraires. C'est ce qui se produit actuellement en Australie : les personnes versées dans les connaissances minières et autres choses analogues fixent les salaires que les compagnies maritimes doivent donner à leurs marins. Aussi, lorsque des bateaux de la Compagnie P. et O. arrivent dans les eaux australiennes, les armateurs sont obligés de rétribuer leurs hommes aux conditions imposées par la situation économique en Australie. – Quel en est le résultat ? – Les navires P. et O. ne partent pas ; les compagnies ne peuvent se ruiner pour le plaisir des ouvriers australiens ; les moyens de transport sont supprimés et, quand le mal est fait, le remède arrive toujours trop tard. Voilà ce qui [164] arrive partout où les ouvriers sont arrivés au pouvoir ; on veut gouverner avant d'avoir appris à le faire ; on veut le pouvoir avant d'en avoir compris les lois.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>TRAVAIL DES FEMMES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est à peu près ce qui a lieu aussi dans la question du Travail des femmes.<br />La femme réclame bien haut le droit de travailler, mais elle oublie souvent que les dirigeants peuvent profiter de certaines caractéristiques qui lui sont inhérentes et que rien ne peut changer, car elles sont fondamentales et naturelles. Lorsque la femme fait abstraction de ses titres d'épouse et de mère pour s'en aller travailler à la fabrique, laissant derrière elle des enfants qu'elle laisse sans surveillance, ou pour la sauvegarde desquels elle rétribue des personnes complaisantes, les appointements baissent immédiatement car on la sait consentante à travailler pour peu, étant donnée la misère des enfants restés au foyer. C'est alors le monde renversé : la femme prend le rôle du mari, le mari celui de la femme. Il arrive que les enfants souffrent de l'absence de leur mère ; l'homme, lui, court les rues sans situation, la [165] femme ayant été prise à sa place puisqu'elle travaille pour un plus faible salaire. Telles sont, parmi bien d'autres, les difficultés résultant d'une chose qui parait cependant si logique : le droit pour la femme de travailler et d'en recueillir les fruits.<br />L'homme et la femme ne seront jamais égaux devant le travail, car la femme porte les enfants. C'est là que git la différence ; c'est pour la nation une question de santé et d'honneur.<br />La femme peut-elle en vérité exiger les appointements qu'on donne à l'homme ? Un jour que je me plaignais des appointements de famine qu'on donnait à des allumettières, j'entendis cette brutale réponse : "La femme peut toujours, quand elle veut, augmenter son salaire." Et cela est vrai ! et cela place la femme dans un état d'infériorité quant à la question du travail. Ce qui tout d'abord paraissait promettre pour l'avenir, n'a fait qu'augmenter la crise économique, a chassé l'homme à la rue pendant que la femme travaille doublement, à la fabrique et au foyer. Cet état de choses ne peut durer, un remède s'impose.<br />Je le répète, il faut, pour s'occuper de ces questions économiques, les meilleurs cerveaux et les coeurs les plus généreux, une [166] connaissance très vaste du genre humain et une profonde sympathie pour autrui. Sans ces qualités vous ne résoudrez pas ces terribles problèmes de l'époque ; vous n'y arriverez pas par la rudesse et les moyens violents ; il vous faudra employer la sagesse et l'amour, appuyer sur cette vérité suivante :<br />La puissance d'une nation dépend de l'intérêt qu'on lui porte ; la lutte des classes entre elles ne peut rien, l'union de tous pour le bien général sera seule féconde en résultats.<br />Parfait ! Vous écrierez-vous ; mais…<br />La politique ?</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA POLITIQUE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />À vrai dire, je ne peux rien vous exprimer là-dessus, car je ne m'attache qu'aux grands principes, ce qui ne m'empêchera pas cependant de revenir un peu en arrière pour vous parler encore de cette Liberté dont je vous ai entretenus déjà au début de cette conférence.<br />Certaines gens s'imaginent que la Liberté se résume dans un vote ; vous ne pouvez faire d'erreur plus grossière. La liberté et le vote n'ont rien de commun. Le vote vous confère le pouvoir de faire des lois pour gouverner, il ne vous procure en aucune façon la Liberté. Je [167] l'ai déjà dit, nous n'avons jamais joui de la Liberté sur terre.<br />Nous avons eu ici, en Angleterre, toute espèce de lois mais de Liberté, jamais ! Feuilletez l'histoire, vous y verrez l'époque des rois ; grâce à eux l'Angleterre s'édifia en nation ; puis vinrent les Barons, et leur oeuvre ne fut pas si funeste puisque, de leur temps, on disait : "l'heureuse Angleterre" et certainement personne ne songerait à dire cela aujourd'hui. Ensuite vint l'Angleterre des Parlements ; à partir de cette époque elle dégénéra de plus en plus ; enfin naquit le Commerce anglais. Et qui nous gouverne actuellement ? Ce ne sont ni le Roi, ni les Lords, ni le Parlement, ce sont, d'un côté :<br />Le Veau d'or – La Canaille de l'autre. Or, ni l'un ni l'autre ne contribueront à la prospérité de la nation.<br />La Liberté est une grande déesse, au ciel, elle est forte, bienfaisante, austère ; mais elle n'obéira jamais aux hurlements des foules qui l'appellent ; elle n'obéira pas davantage aux arguments dictés par les passions débridées, ni à la haine des classes entre elles. La Liberté [168] ne descendra jamais ici-bas, dans les affaires du monde, avant qu'elle ne soit d'abord descendue dans les coeurs des hommes, avant que l'Esprit, libre au fond de ces coeurs, n'ait dominé la nature inférieure, les passions, les désirs insatiables et la volonté de se frayer un chemin pour soi-même en marchant sur ses frères.<br />Vous ne pouvez édifier une nation libre qu'à la condition d'avoir des hommes et des femmes qui soient libres ; – mais aucun homme, comme aucune femme, n'est libre, quand il est dominé par l'appétit, le vice, l'alcool, quelle que soit enfin la forme malfaisante qu'il est impuissant à dompter.<br />Le contrôle de soi-même est la seule base sur laquelle vous pourrez élever la Liberté. Sinon c'est l'anarchie et non la Liberté. Chaque fois que l'anarchie des temps présents fait un pas en avant, votre bonheur en est le prix. Mais quand la Liberté viendra, elle viendra dans une nation où les hommes et les femmes auront appris à se contrôler, à être maitres d'eux-mêmes. Alors, mais alors seulement, dans une nation composée de tels hommes et de telles femmes qui seront libres, forts, justes, maitres d'eux-mêmes, prêts à se servir de leurs forces pour l'accomplissement de hauts et nobles [169] desseins, dans une pareille nation vous pourrez jouir alors de cette politique libre qui résulte de la liberté individuelle, liberté qui n'est nullement le produit des haineuses passions de l'homme.</p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>LE PRINCIPE DE FRATERNITÉ APPLIQUÉ AUX CONDITIONS SOCIALES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Je désire m'étendre, ce soir, sur l'application du principe de Fraternité dans la vie humaine, sur la façon dont il nous faudra employer ce principe pour résoudre les problèmes qui nous préoccupent actuellement, sur les moyens à employer pour passer, sans trop brusque transition, à un degré supérieur de civilisation, en procédant avec calme plutôt que par la haine et la révolution. Une révolution ne peut d'ailleurs provoquer qu'une paix relative, peu durable, bientôt troublée par de nouvelles luttes qui encouragent et réveillent les mauvais instincts tout en aggravant et en prolongeant la misère.<br />Si le principe de Fraternité doit nous être de quelque secours pour aplanir les difficultés que nous traversons, il est avant tout nécessaire de s'entendre sur le mot : Fraternité, et [124] de saisir une fois pour toutes ce qu'il implique.<br />En premier lieu, Fraternité ne signifie nullement : Égalité. Pour vous en convaincre, il vous suffira d'observer la nature ; le principe de Fraternité s'en dégage mais vous ne sauriez y voir d'Égalité.<br />En fait, cette question doit plutôt vous faire songer à la constitution même d'une famille où le principe d'inégalité est notoire. Vous y trouvez effectivement l'ainé et le cadet, l'expérimenté et l'inexpérimenté, ceux qui guident et ceux qui obéissent.<br />Si donc l'on aspire à l'avènement d'une société n'ayant pour toute devise que le mot : Égalité, le principe de Fraternité doit être alors entièrement rejeté. En effet, aussi longtemps que vous prétendrez édifier un système, ou déchainer la guerre sociale pour obtenir l'Égalité, vous enfreignez les lois de la nature et poursuivez une chimère au lieu d'un but réel et raisonnable.<br />Rien de plus frappant, autour de nous, que toutes ces inégalités qui, dans la nature, contribuent à l'harmonie même des choses. Mieux encore, si, détournant votre attention de ce vaste domaine que la variété des objets et [125] des êtres caractérise, vous vous restreignez à l'étude de l'homme, là, comme ailleurs, le principe d'inégalité s'impose.<br />Les différences d'âges, dans une famille, ne sont pas seules à prendre en considération ; il y a encore les différences de capacités, de pouvoirs, d'aptitudes, de qualités. De quelle égalité pourrait-il être question entre le malade et l'homme en parfaite santé, entre un simple infirme ayant conservé l'usage de la plupart de ses membres et le paralytique, entre l'aveugle et celui qui voit, entre le génie et le borné ou l'idiot ?<br />L'inégalité des conditions est une loi de nature ; l'égalité ne peut être considérée comme telle. C'est gaspiller ses forces que de chercher à édifier un système basé sur des fictions empruntées aux enseignements des utopistes, fictions qui s'évanouissent quand arrive le moment de les appliquer à la vie humaine.<br />"L'homme est né libre", fut-il déclaré en Amérique, et l'on interprète cette déclaration comme si elle impliquait le principe d'égalité, sans s'apercevoir qu'en réalité elle est absolument en contradiction avec toutes les choses de la vie humaine. L'homme, à sa naissance, n'est qu'un tout petit enfant impuissant et [126] dépendant ; cela est si vrai que s'il était abandonné aux joies de la Liberté, sa croissance serait rapidement compromise. Un enfant ne nait pas libre : il dépend de tout ce qui, autour de lui, doit contribuer à son développement. Si, en venant au monde, il n'était pas entouré d'affection et de soins spéciaux, il ne tarderait pas à s'éteindre quelques heures à peine après avoir vu le jour.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA NÉCESSITÉ D'UNE HIÉRARCHIE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Les deux Sociétés qui, dans le monde, ont adopté le principe de Fraternité Universelle, admettent toutes deux La nécessité d'une Hiérarchie.<br />C'est là un fait des plus significatifs.<br />Prenez la grande Fraternité Maçonnique ! Ceux qui y sont affiliés proclament la Fraternité Universelle sur toute la surface du globe, et pourtant l'autorité des officiers d'une Loge est respectée avec la plus grande rigueur, la Hiérarchie y étant considérée comme la condition sine qua non de la Liberté.<br />Dans la Société théosophique qui, elle aussi, [127] a choisi, pour l'un de ses buts, la Fraternité universelle, il en est de même. Les membres admettent et reconnaissent l'existence d'une Hiérarchie qui guide les destinées de l'humanité, préside au développement graduel de l'homme, puissante Hiérarchie dont la sagesse est si grande qu'elle a, de ce fait, le droit de diriger.<br />Les ordres que cette Hiérarchie dicte sont joyeusement accomplis par les membres les moins importants de la Société qui, tous, reconnaissent l'autorité de Ceux qu'ils savent leur être supérieurs.<br />Là, en vérité, git la source de la Liberté. Sans cet ordre hiérarchique, suivant lequel la loi et la sagesse gouvernent et l'ignorant obéit, il est impossible d'entreprendre quoi que ce soit qui puisse être digne d'être baptisé du nom de liberté.<br />Comme j'espère vous le prouver par ce que je compte vous dire encore, nous n'avons jamais vu la liberté sur terre en dehors des rangs de cette grande Hiérarchie humaine ; nous n'avons vu que les droits de différentes classes, les droits d'un groupe sur l'autre ; jamais nous n'avons vu de liberté, l'homme n'étant pas suffisamment évolué pour comprendre les [128] conditions en dehors desquelles la liberté ne saurait exister.<br />Ne perdant pas de vue ce fait étrange que deux sociétés seulement, tout en proclamant la Fraternité universelle, admettent en outre un ordre hiérarchique, essayons de voir jusqu'à quel point une hiérarchie peut être établie dans la grande fraternité humaine. J'abandonne, quant à présent, cette glorieuse Hiérarchie occulte à laquelle je faisais allusion tout à l'heure, pour l'humanité ordinaire telle que nous la connaissons tous. Nous pouvons nous faire à peu près l'image de ce que devait être un État envisageant une famille où le principe de fraternité est reconnu, où les devoirs et les responsabilités sont proportionnels à l'âge et au savoir.<br />Mais de quelle façon l'âge peut-il entrer en ligne de compte en ce qui concerne l'humanité ? À moins qu'on ne trouve, dans la race humaine, un élément au moins analogue à l'âge d'un individu dans une famille, nous éprouverons quelque difficulté à justifier la fraternité et à faire de celle-ci une pierre angulaire pour les siècles à venir.<br />Ce qui existe pour les membres d'une même famille, existe aussi pour l'humanité ; d'un [129] côté comme de l'autre, il y a des différences d'âges.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LOI DE RÉINCARNATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Les membres d'une famille naissent les uns après les autres et constituent le foyer familial composé de personnes et d'enfants d'âges divers ; il en est de même pour la grande famille humaine. Les esprits humains et pourvus d'intelligence, qui forment la vaste famille que nous connaissons, n'ont pas tous le même âge ; ils n'ont pas, dans le même temps, manifesté une existence individuelle. À l'idée de Fraternité s'adjoint donc la suprême Loi de Réincarnation<br />qui entraine des différences d'âges pour les âmes elles-mêmes et d'après laquelle il existe, dans l'humanité, des ainés et des cadets. Ces différences d'âges ne s'appliquent pas nécessairement aux castes ou classes qui, dans notre société moderne, se distinguent les unes des autres, bien que le système de castes dans l'Inde antique ait été basé précisément sur les âges divers des égos en réincarnation. Ce dernier système a depuis longtemps sombré dans l'oubli, et vous ne retrouverez plus sur terre cet ordre défini de nos ancêtres Aryens au début [130] de l'histoire. Il nous est néanmoins possible de discerner la jeunesse ou la maturité d'une âme en examinant les caractéristiques que l'homme apporte au moment de sa naissance. En étudiant le caractère, les marques de jeunesse ou de maturité apparaissent distinctement.<br />Les âmes incapables d'acquérir une certaine somme de connaissances, les âmes dont la moralité est faible, qui sont égoïstes, qui pensent avec avidité au plaisir du moment sans s'inquiéter des inconvénients qui en résultent par la suite ; l'homme trivial, superficiel ; celui qui cherche la vie facile, se laisse guider par ses caprices ; celui dont les pensées sont faibles, dont la volonté est telle qu'il est impossible de jamais compter sur lui ; celui qui est changeant, frivole, facilement entrainé par les circonstances : telles sont les caractéristiques des âmes jeunes qui, dans le passé, n'ont traversé qu'un nombre très limité d'expériences, expériences grâce auxquelles le caractère se forme, grâce auxquelles la volonté s'entraine.<br />Si, au contraire, vous rencontrez des individus au jugement calme et dont les capacités intellectuelles sont grandes, qui ont acquis le pouvoir de transmuer leur savoir en sagesse, qui sont inébranlables dans leurs convictions ; [131] prêts à regarder vers l'avenir sans se soucier des attractions éphémères du présent, disposés à sacrifier un peu de leur bienêtre actuel pour augmenter le bienêtre général, vous vous trouverez alors en présence d'hommes, ou de femmes, dont les âmes sont âgées et ont passé par de nombreuses expériences, ayant ainsi, et graduellement, développé leurs capacités en apportant avec elles les résultats d'une moisson récoltée depuis longtemps.<br />Cette grande Loi de la réincarnation est inséparable du principe de Fraternité si l'on veut appliquer celui-ci et le vivre dans la vie ordinaire. Seule l'acceptation de ces différences d'âges contribuera à édifier une société sagement organisée et heureuse.<br />S'il arrive que des âmes jeunes accèdent au pouvoir et à la richesse, la nation en souffrira, car, au lieu d'hommes, ce sont des enfants qui gouvernent. Par contre, il est bon pour un peuple de considérer la sagesse comme conférant de droit l'autorité, de se laisser conduire par le sage à la fois profond penseur et grand savant. Un peuple ne souffrira pas là [132] où pouvoir et savoir seront unis, où l'expérience délimitera les droits et préservera le drapeau de l'honneur de toute souillure.<br />Grâce seulement à ces idées, qui dérivent de la croyance à la réincarnation, grâce seulement à cette grande loi de la nature, il nous sera possible de poser, sans danger, les bases d'une nouvelle et forte société.<br />On objecte parfois à cela : si vous prétendez pouvoir édifier une société avec ces hauts principes pour bases, il vous faudra changer la nature humaine ; celle-ci est foncièrement égoïste, superficielle, esclave da ses habitudes. Or, comment créer une société vraiment forte et noble avec des éléments grossiers et superficiels ? Les sages ne forment qu'une minorité, quels moyens emploieriez-vous pour arriver à leur concéder le droit de gouverner ?</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>KARMA</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Il est vrai que la nature humaine aura beaucoup à faire pour atteindre un niveau plus élevé que celui qu'elle occupe aujourd'hui ; mais il ne faut pas oublier qu'elle change à tout instant ; on n'inaugure donc pas une<br />méthode nouvelle en prétendant la changer. La nature humaine est en perpétuelle voie de changement au fur et à mesure que les siècles s'ajoutent aux siècles, que les civilisations se [133] succèdent les unes aux autres. Si vous voulez vous donner, une fois pour toutes, la peine de comprendre la loi de l'existence, si vous voulez enfin employer la pensée à la formation et au perfectionnement du caractère ; si vous voulez vous rappeler qu'il existe une inviolable loi de causalité que les théosophes appellent KARMA, et qui agit dans tous les départements de la vie humaine sans exception ; si vous voulez placer votre confiance dans la loi de réincarnation, fonder votre espoir sur l'inviolabilité même de la loi de cause et d'effet, comme sur les certitudes qu'elle vous offre, vous vous rendrez compte que la nature humaine est extrêmement malléable, et, selon que vous comprendrez plus ou moins bien la loi, vos progrès seront plus ou moins rapides.<br />Croyez-vous que la pensée soit impuissante à combattre les sentiments d'égoïsme ? N'est-elle pas la force génératrice de tous grands changements. L'action ne suit-elle pas l'idée ? Laissez-moi vous donner deux exemples frappants en vous rappelant les noms des deux [134] seules nations d'Europe qui aient obtenu l'unité nationale durant notre génération : l'Italie et l'Allemagne. Je les indique comme exemples de nations qui, autrefois composées de plusieurs États que des questions d'intérêts divisaient, ont su pourtant atteindre l'unité en tant que nations. Comment le fait s'est-il produit ? Dans les deux contrées l'idéal de l'unité nationale fut exalté. Lorsque des poètes allemands eurent, pendant des années, glorifié la patrie, lorsque cet amour de la patrie se fut réveillé chez les jeunes, lorsque les poètes eurent longuement chanté cet idéal, le soldat s'unit au citoyen, ensemble ils se mirent à l'oeuvre pour réunir tous les États en un seul grand.<br />Il en fut de même pour l'Italie. Longtemps avant qu'il n'eût été question de guerre ou de révolution, longtemps avant que l'idée vînt de recourir à l'épée, des penseurs italiens avaient parlé de l'unité italienne, des patriotes avaient glorifié l'idéal de l'unité d'Italie et, lorsque cet idéal eut enflammé les coeurs des jeunes, on trouva la force de se sacrifier, de suivre l'épée d'un Garibaldi et d'obtenir enfin un peuple uni en Italie.<br />L'enthousiasme est le produit de l'idéal ; le [135] sacrifice spontané des forces vives d'un individu est le résultat de l'idéal vers lequel on tend.<br />Qu'avons-nous donc besoin de faire pour changer la nature humaine ? Il suffit simplement de présenter aux jeunes de notre temps de grands idéaux, que ces jeunes enflamment leurs coeurs, y réveillent un enthousiasme communicatif jusqu'à ce que le sacrifice devienne une joie et non plus un sacrifice, jusqu'à ce qu'enfin le but qu'ils poursuivent se réalise sur terre.<br />C'est ainsi que la nature humaine changera, car n'oubliez pas que la Nature humaine est divine,<br />elle n'est pas démoniaque ; il y a un dieu dans le coeur de chaque homme, un dieu qui manifeste peu à peu ses pouvoirs divins. C'est pourquoi la puissance de l'idéal enflamme, c'est pourquoi la pensée construit le caractère.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>PROBLÈME DE L'ÉDUCATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Passons maintenant des principes au domaine des choses pratiques et voyons, parmi les problèmes sociaux, celui d'entre eux qui parait être susceptible d'une prompte solution si nous y appliquons le principe de fraternité avec ses [136] corolaires : la Réincarnation et le Karma. Le PROBLÈME DE L'ÉDUCATION est évidemment celui qui se présente tout d'abord. C'est dans ces corps plastiques, ces cerveaux souples et malléables des enfants que résident les plus grandes possibilités d'éveiller rapidement de nobles sentiments concernant l'idéal social.<br />Comme je l'ai dit dans ma première conférence, la tentative qui est faite dans le but de séparer la morale de la religion, de rendre l'une indépendante de l'autre, est vouée à un échec certain pour les raisons que je vous ai déjà indiquées.<br />Il est facile de comprendre qu'impatientés par les querelles des sectaires, les politiciens et le public songent à rejeter la religion, et désirent éviter désormais les controverses religieuses dans les écoles. Mais si vous appliquez le principe de Fraternité à la religion, vous pouvez, avec juste raison, dans un pays où la plupart des individus sont chrétiens, tout au moins de nom, espérer trouver un terrain d'entente quant à la question de l'éducation des enfants. [137]<br />Aux Indes, comme ici, existent des religions sectaires ; il y a des divisions entre les écoles s'adonnant aux études religieuses, et, il y a quelque douze ans, vous auriez entendu dire là-bas, comme aujourd'hui en Angleterre, et cela avec autant de conviction qu'à présent il est impossible d'enseigner la religion aux enfants indous, les luttes entre les sectes rendent l'union illusoire, et comment voulez-vous enseigner quoi que ce soit aux enfants si vous n'êtes pas d'accord sur les bases mêmes de l'enseignement à donner ?<br />Alors, comme aujourd'hui l'abime ne paraissait pas près d'être comblé, et pourtant, en l'espace de quatre ou cinq ans, la question était résolue aux Indes, tout au moins en ce qui concerne l'Indouisme, religion d'une énorme majorité. Que fut-il fait pour cela ? Le principe de Fraternité fut simplement appliqué. Quelques-uns d'entre nous, de concert avec les Indous théosophes, nommèrent un comité destiné à rassembler, d'un côté les doctrines essentielles de l'Indouisme, de l'autre, tout ce qui paraissait inutile ou spécial à une secte.<br />Quand cela fut fait, nous nous mimes à l'oeuvre, nous priâmes des étudiants de recueillir, dans les Écritures de l'Inde, tout ce qu'ils [138] pourraient trouver se rapportant aux doctrines caractéristiques de l'Indouisme, et, lorsque les textes furent assez nombreux, un théosophe entreprit alors une sorte de catéchisme de l'Indouisme. Quand celui-ci fut prêt, une centaine de copies en furent tirées et envoyées aux chefs des principales écoles et branches de philosophie. On les pria de vouloir bien prendre connaissance du manuscrit, d'y ajouter leurs objections, d'y faire toutes les remarques qu'ils jugeraient utiles. Quand ces copies eurent ainsi voyagé de mains en mains, parmi les sectes indoues que des divergences d'opinions divisaient, elles nous revinrent remplies de corrections et d'observations. Une fois de plus, nous reprîmes notre travail, examinant les critiques, adoptant les avis donnés sur lesquels nous tombions tous d'accord. Quand enfin parurent l'ouvrage élémentaire et celui plus avancé (Advanced Text-Books) sur l'Indouisme, ils se répandirent très rapidement dans toutes les sectes de l'Inde et furent adoptés d'emblée comme contenant une exposition impartiale des doctrines fondamentales de l'Indouisme. Ces ouvrages ont été admis successivement dans toutes les écoles, chez tous les princes, en sorte que, quand le grand régent musulman, du [139] Decan à Hyderabad, désira donner à ses sujets une éducation indoue, il prit simplement ces livres, en dota toutes les écoles pour que les Indous mêlés à son peuple pussent être instruits dans leurs croyances. Une chose analogue fut faite par le Gouvernement anglais au Princes'College de Rajputana, du jour où l'on s'aperçut que l'éducation laïque rendait les princes immoraux et incapables de gouverner. Durant ces huit dernières années, ces livres se sont répandus, ont été adoptés et utilisés partout.<br />Croyez-vous que les divisions entre chrétiens soient si profondes qu'on ne saurait, pour ceux-ci, tenter ce qui fut tenté pour les Indous ? Les points communs ne sont-ils pas plus nombreux que les points en litige ? Ne pouvez-vous éduquer vos enfants ; attendrez-vous qu'ils soient grands pour les voir amplifier le sectarisme de certaines doctrines ?<br />Afin d'attirer davantage encore votre attention sur ce sujet, je vous répèterai ce qu'un jour me demanda le directeur d'une institution publique : "Madame Besant, me dit-il, ne pourriez-vous écrire un manuel pour les chrétiens ?" Et je répondis : "Oui, je pourrais écrire un tel [140] ouvrage, mais je craindrais de ne les voir jamais s'en servir."<br />Ce doit être là l'oeuvre d'une autorité chrétienne reconnue comme telle. Je suis persuadée qu'un théosophe, mieux qu'aucun autre, saurait se charger d'une oeuvre semblable, car il ne s'arrête pas aux formes religieuses et s'attache à relever les points de concordance plutôt que les points de divergence. Mais il est précisément important que ce travail soit entrepris, non par un théosophe, mais bien par un homme qui serait animé de l'esprit de la Théosophie ; en d'autres termes, par un homme dont l'esprit serait imprégné de la Sagesse Divine et pour qui toute forme religieuse serait une expression de la vérité et non pas une source de querelles.<br />Supposez que cela soit fait partout où il y a des chrétiens ; voyez tous les avantages qui en résulteraient. Cela ne serait pas si difficile à réaliser. Il y a en effet certaines doctrines que vous êtes tous prêts à accepter pour peu que vous soyez chrétiens ; vous n'auriez qu'à y adapter une forme rationnelle, intelligible, et à recueillir dans vos Écritures les versets qui s'y appliqueraient, ce qui leur donnerait ainsi une valeur incontestable sans que ceux, pour [141] lesquels ces Écritures font autorité, puissent trouver à redire. J'ai eu à ce sujet une idée qui pourrait probablement être réalisée ; je me suis demandé s'il ne serait pas possible d'écrire un manuel universel intéressant la religion et la morale, à l'aide de textes empruntés à toutes les Écritures des grandes religions, à toutes les Bibles de l'humanité, dont l'autorité serait, pour ainsi dire, condensée en une doctrine universelle. De la sorte, on aurait un livre que les chrétiens, l'Indou, le Parsis, le Bouddhiste, le Musulman pourraient employer. Il est d'ailleurs très possible de tirer de ces diverses sources des éléments communs à toutes, ce qui n'empêcherait pas chaque croyance d'ajouter ses enseignements spéciaux à cette grande base ; ainsi, toutes les croyances seraient réellement soeurs. C'est là un rêve sans doute, mais je le crois réalisable.<br />D'après tout ce que nous avons dit, il ressort que notre éducation ne peut être indépendante des enseignements religieux sans lesquels nous ne pouvons donner de bases solides à la morale.<br />D'autre part, qu'adviendrait-il si l'on considérait l'État comme une grande famille composée d'enfants d'âges divers, de capacités [142] différentes, d'enfants qu'on élèverait de la même manière ? Il en résulterait un système d'éducation dans lequel une grande somme commune de connaissances intellectuelles et morales serait donnée à chaque enfant jusqu'à l'âge de dix ou onze ans ; puis interviendrait une sorte de classement selon les capacités individuelles de chacun. Vous ne songeriez plus alors, quand un enfant fait montre de dispositions musicales, à ajouter à ces dispositions quelques teintures de trois ou quatre autres arts, si bien que l'enfant n'est bon dans aucun et demeure superficiel en tout. Dès que vous apercevez une aptitude spéciale à la musique, vous devriez abandonner toutes les autres choses pour faire de la musique l'étude principale de l'enfant. Si vous trouvez un gout pour la couleur et la forme, dirigez alors l'enfant vers les arts plastiques ou vers la peinture. De la sorte, lentement et graduellement, vous vous rendrez compte que la puissance de l'art doit passer entre les mains des artistes de la nation, que la plupart de vos garçons et de vos filles doivent être préparés à en devenir les artisans et cela contre l'avenir même des arts manufacturiers. À cette condition seulement, vous assisterez au retour de la Beauté dans la vie, vous [143] verrez de nouveau le sens de la Beauté se développer dans la nation.<br />Si vous apercevez des aptitudes littéraires, vous n'insisterez plus désormais, – ainsi que vous le faites notamment pour vos filles, – vous n'insisterez plus pour qu'elles fassent toutes un peu de musique, qu'elles apprennent un peu le dessin et un peu à chanter ; vous laisserez toutes ces dernières choses de côté pour ne vous occuper que de l'aptitude littéraire, quand vous la trouvez, et pour diriger dès lors l'éducation de l'enfant dans ce sens.<br />S'agit-il de dispositions pour la science, faites de celle-ci le point principal de votre enseignement, sans oublier d'y ajouter simplement un peu de littérature et d'idéal, sans quoi votre science risquerait fort d'être vulgaire et empêcherait sa noble adaptation à la vie humaine.<br />S'agit-il d'aptitudes pour la mécanique, attachez-vous à les développer, sans jamais oublier que le jeune garçon ne devra pas quitter l'école avant d'avoir appris le moyen d'être utile à l'État tout en gagnant sa vie.<br />Tout travail maladroitement fait devrait être désormais, dans tous les domaines de l'activité humaine, un reste du passé. Il est important [144] que vous spécialisiez l'enfant à l'âge où il est encore capable d'apprendre à fond ce qui, plus tard, est destiné à être un gagne-pain. Beaucoup d'erreurs sont dues au Système actuel d'Éducation<br />grâce auquel le garçon reçoit une instruction beaucoup trop littéraire aux dépens de l'habileté qui lui est nécessaire lorsqu'il se destine à un travail manuel. Il vous faut, dans vos écoles, une méthode d'entrainement plus pratique que celle qui existe actuellement ; vous devez désormais éviter de croire que telle ou telle forme de l'activité humaine est plus ou moins noble que telle ou telle autre ; celui qui se sert habilement de ses mains est tout aussi honorable que celui qui se sert bien de son cerveau. La seule chose qui soit déshonorante consiste à mal se servir de ses mains ou de son cerveau. Votre principal défaut est de vous écrier : "Oh ! C'est suffisant ! Cela ira !" Rien n'ira si ce n'est pas fait aussi bien que vous êtes susceptible de le faire ; autrement vous ne faites qu'un gâchis qui salit l'esprit au lieu de l'élever.<br />Ce n'est pas le genre de travail auquel vous vous adonnez qui est déshonorant ou non, c'est [145] l'esprit que vous y mettez ; c'est aussi la qualité des oeuvres que vous produisez.<br />Aussi longtemps que vous n'aurez pas inculqué ces principes à la nation, que vous n'aurez pas rendu au travailleur sa dignité d'artiste ; aussi longtemps qu'un charpentier voudra, sans raison, instruire son fils pour en faire un clerc de notaire au lieu d'un artisan, vous mésusez vos forces en encombrant vos emplois ; aussi longtemps que vous n'aurez pas rétabli cette balance du devoir humain et du travail humain, vous ne pouvez espérer faire une société qui soit saine et forte.<br />Passons à d'autres choses, dont le besoin se fait si vivement sentir dans l'éducation : la discipline, le sentiment du devoir dans la vie. Je pense que cela s'apprendra plus particulièrement pendant les récréations plutôt qu'en classe. Il peut paraitre étrange de voir se servir, pour cela, de l'influence du jeu sur un garçon. C'est pourtant tout naturel. Lorsqu'un gamin est membre du team soit pour le cricket, le football ou le hockey, peu importe ! ce jeune homme ne sera jamais "un succès" tant qu'il n'aura pas appris à penser à son camp plus qu'à lui-même. Ici, l'idée d'une collectivité s'impose déjà à son esprit et lui apparait comme [146] étant, en fait, supérieure à ses propres intérêts. C'est au jeu que les garçons et les petites filles apprennent plus d'une leçon qui les rendra par la suite de meilleurs citoyens. Ils profitent des leçons telles que celles-ci : le sens de l'ordre et de la discipline, s'acquitter avec honneur de sa tâche, quels que soient le rôle qu'on joue et le terrain qu'on occupe pendant le jeu. Vous pouvez, au cricket ou au football, être placé à tel ou tel endroit du champ, le devoir du jeune garçon consiste à bien remplir ses fonctions là où son capitaine l'a placé sans désirer être en un autre point du champ. Cette discipline au jeu a plus de valeur que celle de la classe, car elle est volontaire, joyeusement consentie, stimulée par un idéal au lieu de l'être par la crainte d'un châtiment. De là, l'importance du jeu, l'importance qu'il y a à apprendre aux jeunes gens à jouer selon les règles.<br />Le plus grand des dangers encourus par les nations, soi-disant démocratiques, réside dans l'absence du sentiment de discipline, le manque d'ordre, le refus d'obéissance ; sans tout cela, pas une nation ne peut grandir.<br />Lors de mon dernier séjour en Australie, il arriva qu'un jeune mineur déserta son poste à la suite d'un reproche qui lui avait été adressé, [147] au sujet de son travail. Toute la mine décréta la grève afin de défendre le gamin contre les attaques qui étaient faites à sa liberté. Ces sortes de choses vous arrivent de temps à autre ; tant que ce fait se produira, qu'il se trouvera parmi vous de semblables éléments, vous ne saurez changer le caractère général de la nation ; vous n'aurez à votre disposition qu'un tas de morceaux de marbre sans cohésion. Avec des matériaux dépourvus de ce sentiment du devoir qui relie entre elles les choses, avec des matériaux dépourvus en outre du sentiment de responsabilité : vous ne pourrez édifier un État.<br />Là où manquent discipline, ordre, obéissance, manque aussi la grandeur. Mais tout cela peut s'obtenir si vous basez définitivement l'éducation sur ces idées de fraternités de réincarnation, de loi.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE TRAITEMENT DES CRIMINELS</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Laissant ce domaine, portons maintenant notre attention sur une très importante question : la pénalité, le Traitement des criminels.<br />Qu'est-ce qu'un criminel ?<br />Les criminels peuvent être divisés en deux [148] classes : la première est celle des âmes jeunes, qui ont besoin d'être éduquées ; la seconde est celle des âmes dont le développement a été contrarié de telle sorte, que l'intelligence a évolué plus vite que la conscience, au lieu d'évoluer parallèlement à elle. À cette classe appartiennent les criminels les plus dangereux et les plus difficiles à traiter.<br />L'âme jeune est, pour ainsi dire, celle d'un sauvage ; un tel être, d'un degré d'évolution si inférieur, aurait été, au début de notre race, guidé vers quelque tribu sauvage, dans quelque Ile ou désert où la rude existence du sauvage l'aurait assoupli. Il serait sans doute devenu grossier, dur, cruel ; mais il aurait du moins, et graduellement, habitué sa jeune âme à un sentiment du devoir vis-à-vis de sa tribu. Aujourd'hui, les temps étant changés, l'humanité ayant rapidement progressé, il n'y a plus, dans le monde, suffisamment de lieux qui répondent à ces conditions et qui permettent un épanouissement graduel de ces âmes jeunes. Ce que nous appelons les nations civilisées se sont répandues sur toute la surface du globe, ont chassé hors de leurs domaines les indigènes qu'elles rencontrèrent, se sont emparé de leurs iles, se sont approprié leurs terres après [149] avoir envoyé les premiers propriétaires dans l'autre monde. Qu'est-il advenu de toutes ces victimes ?<br />Elles se sont réincarnées, suivant en cela la loi d'évolution ; mais par suite d'une autre loi, tout aussi naturelle que la première, elles se sont réincarnées dans les nations qui ont le plus contribué à les déposséder et à les immoler.<br />Comme vous devez le penser, rien de plus logique à ce que nous vivions sous le régime d'une loi et non pas au hasard de la chance ; aussi, ceci soit dit avec le plus profond respect, nous ne devons pas nous étonner de voir l'Angleterre nourrir dans son sein autant d'anciens sauvages. Dieu en eux n'est pas encore éveillé, ils arrivent à l'existence en sauvages qu'ils sont encore. Vous les appelez des criminels par hérédité. En réalité ce sont des âmes-jeunes, sans moralité, au cerveau peu développé, possédant toutefois une certaine force, une certaine astuce et quelques lueurs d'intelligence, mais, malgré tout, fondamentalement très jeunes. En outre, vous trouvez d'autres âmes, incarnées dans ces basses conditions et qui ne sont pas encore tout à fait prêtes à supporter, comme leurs ainées, une société qui les entrave dans leurs actions ; ce sont là des [150] criminels occasionnels que vous avez trop tendance à ranger au nombre des criminels invétérés.<br />Nous arrivons à la seconde classe dont je parlais tout à l'heure, celle des individus dont l'évolution normale a été contrariée et que j'ai mentionnés comme étant des plus difficiles à traiter. Ce sont, pour la plupart, des hommes très intelligents qui emploient leurs facultés intellectuelles à voler autrui, au lieu de les employer dans les limites de la loi. Ces sortes d'hommes sont très nombreux. Parfois, ils dépassent à peine les limites des lois, parfois même ils y demeurent, mais au point de vue social, rappelez-vous qu'il existe beaucoup de criminels qui se contentent, ainsi qu'on le dit, de côtoyer la loi, juste de quoi éviter la prison. Ce point se rapporte à l'exemple que je vous présentais l'autre jour à propos de cet homme qui ruina la compagnie de chemin de fer de tout un district, profitant de cette ruine pour s'amasser une fortune considérable. Ce n'est pas là un criminel tel qu'on le conçoit habituellement, les agents ne peuvent l'arrêter comme un voleur mais, vis-à-vis du<br />Karma, de la Justice éternelle, tout en employant des moyens légaux, cet homme [151] qui a volé des milliers de ses semblables en les privant de leur gagne-pain, cet homme-là est pire que le voleur qu'on jette en prison pour avoir dérobé le portemonnaie d'un passant.<br />Il existe, dans toute contrée civilisée, bon nombre d'autres choses qui sont illégales tout en restant légales au point de vue strict de la loi ; beaucoup d'entre elles se déguisent sous le nom de : Compagnies par actions. Il est souvent très difficile d'en démontrer la fraude ; néanmoins, et c'est un fait à constater, on voit toujours ce genre de Compagnies péricliter ; les personnes qui en ont acheté les actions sont volées, tandis que le promoteur en sort indemne, devient même un homme très considéré et fort bien accueilli dans le monde.<br />Il est certain qu'en nous plaçant au point de vue social, cela est foncièrement immoral ; mais nous ne pouvons les appeler criminels au sens propre du mot, bien que la loi soit prête à les attaquer s'ils dépassent trop sensiblement la mesure.<br />Comment allons-nous maintenant traiter les âmes jeunes ; comment éviterons-nous aussi d'en faire des criminels invétérés ou des récidivistes ? Existe-t-il quelque chose de plus triste [152] et de plus honteux que les condamnations s'accumulant parfois jusqu'au chiffre de cinquante ou soixante pour un même individu avec, chaque fois, des jugements dont la longueur croît proportionnellement au nombre de délits commis, sous prétexte que l'accusé est un criminel invétéré ? Mais c'est vous qui l'avez pour ainsi dire obligé à devenir ce que vous l'accusez d'être.<br />Vous ne devriez pas traiter un homme qui a violé la loi en lui infligeant sept jours, un mois ou un an de prison, peine que vous allongez à chaque récidive. Vous ne traitez pas les malades ainsi ! Vous ne verrez pas un seul médecin ordonner huit jours d'hôpital à un varioleux, ou un mois d'hospice pour un accès de fièvre ; les patients sont retenus et soignés jusqu'à ce qu'ils soient entièrement guéris, et c'est ainsi que vous devriez traiter quiconque a des tendances au crime.<br />Vous ne devriez pas punir, mais secourir ; votre devoir serait de vous charger de cette âme-enfant et de la ramener au bien.<br />Vous ne devriez pas non plus, dans vos prisons, infliger des travaux inutiles sous prétexte de punir. Le criminel dont l'âme est celle d'un sauvage a toujours horreur du travail ; il est toujours paresseux ; cela est dû à sa jeunesse. [153] Si vous prétendez lui faire faire, à titre de châtiment, des travaux forcés et inutiles, vous n'aboutirez qu'à accroitre son dégout pour tout genre de travail ; il le haïra plus à sa sortie de prison qu'au moment de son entrée.<br />Faire charger et décharger des boulets d'un coin de la cour de prison à l'autre coin et vice-versa, infliger cette inutile torture du moulin de discipline, ce n'est pas là guérir le prisonnier, c'est en faire un criminel 7. Lorsqu'un tel homme se trouve entre vos mains, votre devoir est de prendre soin de lui, de le traiter comme un frère cadet qui ne sait pas encore se conduire ; votre titre d'ainé vous y oblige. Il est nécessaire de lui apprendre un honnête métier qui lui fournisse le moyen de gagner sa vie ; il vous faut au préalable le discipliner, non pas cruellement, mais avec fermeté et patience ; faites-lui comprendre cette loi d'après laquelle tout individu qui refuse de travailler n'a pas le droit de manger ; apprenez-lui, dans la prison, à mériter chacun de ses repas. Enseignez-lui un métier à l'aide duquel, et dans les murs mêmes de son cachot, il gagnera son existence [154] en attendant le jour où vous lui fournirez l'occasion de continuer à travailler à l'extérieur de la prison. Si alors, il refuse et revient de nouveau entre vos mains, recommencez à le discipliner jusqu'à ce qu'il soit complètement guéri, cela demanderait-il plusieurs années, car la construction du caractère exige souvent un temps assez long. Vous pouvez éviter de faire de la vie en prison une chose dégradante, ce qui est le cas aujourd'hui ; fournissez au prisonnier les moyens de se récréer à l'aide de distractions qui élèvent son esprit au lieu de le laisser s'abattre sous l'influence du lourd sentiment de disgrâce qu'il éprouve entre les murs de sa prison. Vous avez certes le droit de l'isoler pour qu'il ne nuise pas à la société, mais vous devez le traiter comme un jeune dans le grand foyer national, l'entrainer graduellement au bien, et, lorsqu'il consent à vivre d'une vie meilleure, donnez-lui les clefs qui lui rendront la liberté. Il y a aussi souvent beaucoup à faire avant d'emprisonner.</p> <p style="text-align: center;"><em>7 Il parait que ce genre de condamnations vient d'être aboli dans les prisons anglaises ; si cela est vrai, un grand pas en avant a été fait. (Note de l'auteur.)</em></p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE SYSTÈME DE PROBATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />On vient précisément, ces derniers temps, de mettre ici à l'essai ce que l'on appelle :<br />Le système de probation.<br />Il a été inventé en Amérique et a déjà fourni [155] d'excellents résultats dans certaines contrées. Un membre de notre Société, Miss Lucy Bartlett, a eu l'immense privilège d'introduire ce système en Italie où il est maintenant de rigueur.<br />En quoi consiste-t-il ?<br />Lorsqu'un jeune garçon, – ou une jeune fille, – commet un premier délit, il n'est pas envoyé en prison si un généreux et honorable citoyen s'est présenté devant le tribunal en disant : "Je me charge de cet enfant, de cette petite fille, de ce jeune homme, de cette jeune femme… je serai son ami, j'aurai soin de lui." Alors le coupable n'est pas mis en prison ; la peine est suspendue ; elle n'est appliquée que s'il ne se corrige pas, et il est très rare qu'il ne se corrige pas. Un homme, – ou une femme, – appartenant à la classe riche de la société et devenant l'ami d'un frère ou d'une soeur plus jeune, cela seul suffit, dans la plupart des cas, pour ramener au bien. L'ainé se fait un ami du coupable, le promène de temps à autre, lui parle, le traite véritablement comme un frère ou une soeur, et le coupable s'amende, tant est grande la force de l'amour qui réveille en autrui le respect de soi, tant est grand le besoin d'être loué.<br />Tels sont les moyens à employer, – qui le [156] plus souvent réussissent, – pour ramener à la vertu celui qui s'est engagé sur le sentier du vice pour la première fois. En outre, l'amitié contractée pendant la période d'épreuves se continue toute la vie durant entre protecteur et protégé ; réconfort, secours, instructions se faisant chaque jour plus efficaces et profitant à l'un aussi bien qu'à l'autre.<br />Le système est appliqué en Amérique depuis un temps assez long pour que nous puissions juger de sa valeur ; il fonctionne également en Italie depuis deux ou trois ans, ce qui est peu mais des quantités d'hommes et de femmes de la classe riche se sont offerts pour devenir les amis des infortunés qui se trouvent sous le coup de la loi.<br />Il est certain qu'il ne saurait exister de meilleure application de la Fraternité quant au traitement des criminels ; c'est accomplir le devoir qui incombe à tous ceux qui sont au-dessus des tentations du vice auxquelles les plus jeunes succombent.<br />Je ne puis abandonner ce sujet sans dire un mot de La Peine capitale.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA PEINE CAPITALE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Quiconque admet le principe de fraternité [157] ne peut vraiment soutenir et défendre ce genre de châtiment. Peut-être quelques-uns d'entre nous se rappellent-ils cette parole d'un Français facétieux : "Que messieurs les assassins commencent." Mais c'est des niveaux supérieurs que doit venir l'exemple et non des niveaux inférieurs. Vous ne pouvez espérer que votre assassin respecte la vie humaine si, d'après vos lois, vous lui enseignez que le meurtre trouve son châtiment dans un autre meurtre. Oui, c'est vrai, l'un est passionnel, l'autre est légal ; mais si la loi n'apprend pas le respect de la vie humaine, comment voulez-vous que le criminel, esclave de ses passions, soit porté à avoir ce respect ? Je ne m'attarderai pas au peu de cas que l'on fait de la vie d'un homme en le supprimant ; j'attirerai plutôt votre attention sur un point beaucoup plus important. Vous ne vous débarrassez nullement d'un assassin en le supprimant, vous ne vous débarrassez que de son corps physique et ce corps est la prison la plus pratique que vous puissiez trouver pour mettre l'individu en lieu sûr. En l'incarcérant, vous lui évitez de nouveaux crimes, ce que vous êtes incapables de faire quand, par la pendaison, vous avez libéré l'âme. Vous ne tuez pas, vous ne le pouvez pas, ce que vous [158] tuez ce n'est que le corps ; quant à l'individu lui-même, vous lui avez simplement ouvert les portes du monde voisin qui interpénètre le nôtre et dont les habitants nous entourent à tout instant. Vous l'envoyez là plein de pensées de haine, vibrant de colère et préméditant déjà de sanglantes vengeances contre ceux qui ont attenté à ses jours. Il devient alors l'instigateur de nouveaux meurtres en stimulant, en incitant d'autres criminels à l'assassinat. N'avez-vous jamais remarqué qu'une même espèce de meurtres se retrouve fréquemment dans le même milieu jusqu'à former le même genre d'actes répréhensibles ? Je sais que la presse, en donnant les détails de toutes ces horreurs, contribue largement à inspirer les mauvaises imaginations, et s'ajoute ainsi aux tentations provenant du monde où vous avez envoyé le condamné. Dans une contrée civilisée, les détails d'un crime ne devraient jamais être livrés à la publicité ; les hommes devraient enfin se rendre compte qu'en agissant de la sorte, ils ne font que stimuler l'esprit d'imitation et rendre le meurtre plus fréquent.<br />Il y a une autre raison qui devrait vous retenir d'envoyer si facilement un homme à la mort. Lorsqu'un criminel est entre vos mains, [159] vous devriez vous rappeler toutes les existences qui l'attendent, vous devriez lui donner quelque chose à emporter avec lui au-delà de la tombe, quelque chose qui, dans l'autre monde, soit susceptible de se transformer peu à peu en sens moral ; vous devriez vous rappeler qu'il reviendra dans un corps physique, Il est alors de votre devoir de lui préparer cette incarnation future, en lui fournissant, dans la présente, tout ce que la pensée et l'amour humain peuvent lui communiquer de bon et de bien. Je le répète, nous avons un grand devoir à remplir vis-à-vis de ces âmes jeunes afin qu'elles puissent profiter de notre civilisation au lieu d'en souffrir comme c'est trop souvent le cas de nos jours.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>QUESTIONS ÉCONOMIQUES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Quel sera le résultat de la Fraternité dans les Questions Économiques ?<br />La solution de ce problème exigera certainement de fortes intelligences qui soient capables de trouver une juste balance entre la production et la consommation, de façon à ce [160] que d'un côté : les hommes aient moins à souffrir de la misère où ils sont plongés, de l'autre, moins inutiles dans le luxe dont ils s'entourent.<br />Ce n'est pas le Socialisme des Rues qui permettra de résoudre ces grands et difficiles problèmes. Vous ne pouvez les résoudre qu'en prenant en considération tous les problèmes secondaires qui s'y rattachent. Un système de coopération générale, d'intérêts communs, ou quelque chose de ce genre, peuvent être les principes susceptibles d'améliorer les conditions sociales. À moins que vous ne rendiez les travailleurs plus heureux, plus satisfaits de leur sort, vous ne pourrez pas exercer de contrôle sur l'ignorant, car ce contrôle menacera toujours ses moyens d'existence ; c'est donc la ruine. Laissez-moi vous donner un exemple qui vous indiquera plus clairement mes vues à ce sujet.<br />Depuis plusieurs années, des grèves nombreuses ont éclaté dans ce pays, et nous ne pouvons douter qu'elles furent causées autant par l'avidité de la classe dirigeante que par un [161] traitement injuste envers les ouvriers. Quoi qu'il en soit, ces grèves ont le plus souvent, et dans la plupart des cas, rabaissé l'ouvrier à des niveaux plus bas que celui qu'il occupait avant de se révolter.<br />Je me trouvais l'autre jour à Tyneside ; Newcastle et tous les ports l'avoisinant, comme aussi toute la côte de Sunderland formaient autrefois, en Angleterre, de grands centres de constructions maritimes. Les grèves consécutives paralysèrent peu à peu l'activité de ces centres, dans l'impossibilité où l'on se trouvait de payer les tarifs demandés. La contrée, de ce fait, cessa d'être la grande contrée ouvrière et maritime qu'elle était, le commerce tomba, la ruine s'étendit. Vous ne pouvez blâmer les grévistes qui luttèrent pour leur bienêtre ; ils ne comprenaient pas les difficultés auxquelles toutes ces grandes maisons devaient faire face ; ils ne comprenaient pas qu'ils rendaient la construction des navires impossible à leurs patrons en leur demandant des salaires qui n'étaient pas trop élevés, mais que le constructeur ne pouvait accepter, étant données les exigences de la vie commerciale d'alors. Et il en est toujours ainsi.<br />Une intelligence prudente et un jugement [162] sain sont de rigueur pour ces questions. Sentant cela, des chambres de commerce proposèrent des élévations graduelles d'appointements, des commissions d'arbitrage, etc. Tout cela est fort bien, mais une difficulté surgit dans vos commissions d'arbitrage, car leurs décisions ne sont pas toujours acceptées. Lorsque les individus en appellent à la commission, c'est toujours avec l'espoir qu'on décidera en leur faveur ; si cela n'a pas lieu, ils ne sont guère disposés à s'y soumettre.<br />Je reviens une fois de plus à ce dont je fus témoin. Je me trouvais l'an dernier en Nouvelle-Zélande ; une grave collision se produisit entre ouvriers et patrons ; en fin de compte, les deux partis en appelèrent à une commission d'arbitrage. Bien que les arbitres eussent été choisis dans les deux camps, les hommes refusèrent de reprendre le travail lorsque la décision leur fut connue.<br />Vous ne pouvez employer cette méthode en ce qui concerne les graves questions économiques. Un corps de métier ne devrait jamais considérer son seul intérêt, lorsqu'il s'agit de fixer le taux des salaires que le patron aura à payer, car la question se complique de nombreuses considérations ; il n'y a pas un [163] commerce, il y a la balance de tous les commerces, et c'est sur cette balance qu'il faut tabler avant de prendre une décision. De là, la nécessité d'une grande habileté, d'une puissante intelligence pour l'étude des questions économiques, étude dans laquelle un ouvrier ne saurait être d'aucun secours. Tel est le point délicat ; c'est là qu'il faut, de chaque côté, un état d'esprit particulier que seul l'intérêt général anime ; autrement, il en résulte, à la fin, plus de troubles qu'auparavant et le commerce cesse, là où les conditions lui sont devenues contraires. C'est ce qui se produit actuellement en Australie : les personnes versées dans les connaissances minières et autres choses analogues fixent les salaires que les compagnies maritimes doivent donner à leurs marins. Aussi, lorsque des bateaux de la Compagnie P. et O. arrivent dans les eaux australiennes, les armateurs sont obligés de rétribuer leurs hommes aux conditions imposées par la situation économique en Australie. – Quel en est le résultat ? – Les navires P. et O. ne partent pas ; les compagnies ne peuvent se ruiner pour le plaisir des ouvriers australiens ; les moyens de transport sont supprimés et, quand le mal est fait, le remède arrive toujours trop tard. Voilà ce qui [164] arrive partout où les ouvriers sont arrivés au pouvoir ; on veut gouverner avant d'avoir appris à le faire ; on veut le pouvoir avant d'en avoir compris les lois.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>TRAVAIL DES FEMMES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est à peu près ce qui a lieu aussi dans la question du Travail des femmes.<br />La femme réclame bien haut le droit de travailler, mais elle oublie souvent que les dirigeants peuvent profiter de certaines caractéristiques qui lui sont inhérentes et que rien ne peut changer, car elles sont fondamentales et naturelles. Lorsque la femme fait abstraction de ses titres d'épouse et de mère pour s'en aller travailler à la fabrique, laissant derrière elle des enfants qu'elle laisse sans surveillance, ou pour la sauvegarde desquels elle rétribue des personnes complaisantes, les appointements baissent immédiatement car on la sait consentante à travailler pour peu, étant donnée la misère des enfants restés au foyer. C'est alors le monde renversé : la femme prend le rôle du mari, le mari celui de la femme. Il arrive que les enfants souffrent de l'absence de leur mère ; l'homme, lui, court les rues sans situation, la [165] femme ayant été prise à sa place puisqu'elle travaille pour un plus faible salaire. Telles sont, parmi bien d'autres, les difficultés résultant d'une chose qui parait cependant si logique : le droit pour la femme de travailler et d'en recueillir les fruits.<br />L'homme et la femme ne seront jamais égaux devant le travail, car la femme porte les enfants. C'est là que git la différence ; c'est pour la nation une question de santé et d'honneur.<br />La femme peut-elle en vérité exiger les appointements qu'on donne à l'homme ? Un jour que je me plaignais des appointements de famine qu'on donnait à des allumettières, j'entendis cette brutale réponse : "La femme peut toujours, quand elle veut, augmenter son salaire." Et cela est vrai ! et cela place la femme dans un état d'infériorité quant à la question du travail. Ce qui tout d'abord paraissait promettre pour l'avenir, n'a fait qu'augmenter la crise économique, a chassé l'homme à la rue pendant que la femme travaille doublement, à la fabrique et au foyer. Cet état de choses ne peut durer, un remède s'impose.<br />Je le répète, il faut, pour s'occuper de ces questions économiques, les meilleurs cerveaux et les coeurs les plus généreux, une [166] connaissance très vaste du genre humain et une profonde sympathie pour autrui. Sans ces qualités vous ne résoudrez pas ces terribles problèmes de l'époque ; vous n'y arriverez pas par la rudesse et les moyens violents ; il vous faudra employer la sagesse et l'amour, appuyer sur cette vérité suivante :<br />La puissance d'une nation dépend de l'intérêt qu'on lui porte ; la lutte des classes entre elles ne peut rien, l'union de tous pour le bien général sera seule féconde en résultats.<br />Parfait ! Vous écrierez-vous ; mais…<br />La politique ?</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA POLITIQUE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />À vrai dire, je ne peux rien vous exprimer là-dessus, car je ne m'attache qu'aux grands principes, ce qui ne m'empêchera pas cependant de revenir un peu en arrière pour vous parler encore de cette Liberté dont je vous ai entretenus déjà au début de cette conférence.<br />Certaines gens s'imaginent que la Liberté se résume dans un vote ; vous ne pouvez faire d'erreur plus grossière. La liberté et le vote n'ont rien de commun. Le vote vous confère le pouvoir de faire des lois pour gouverner, il ne vous procure en aucune façon la Liberté. Je [167] l'ai déjà dit, nous n'avons jamais joui de la Liberté sur terre.<br />Nous avons eu ici, en Angleterre, toute espèce de lois mais de Liberté, jamais ! Feuilletez l'histoire, vous y verrez l'époque des rois ; grâce à eux l'Angleterre s'édifia en nation ; puis vinrent les Barons, et leur oeuvre ne fut pas si funeste puisque, de leur temps, on disait : "l'heureuse Angleterre" et certainement personne ne songerait à dire cela aujourd'hui. Ensuite vint l'Angleterre des Parlements ; à partir de cette époque elle dégénéra de plus en plus ; enfin naquit le Commerce anglais. Et qui nous gouverne actuellement ? Ce ne sont ni le Roi, ni les Lords, ni le Parlement, ce sont, d'un côté :<br />Le Veau d'or – La Canaille de l'autre. Or, ni l'un ni l'autre ne contribueront à la prospérité de la nation.<br />La Liberté est une grande déesse, au ciel, elle est forte, bienfaisante, austère ; mais elle n'obéira jamais aux hurlements des foules qui l'appellent ; elle n'obéira pas davantage aux arguments dictés par les passions débridées, ni à la haine des classes entre elles. La Liberté [168] ne descendra jamais ici-bas, dans les affaires du monde, avant qu'elle ne soit d'abord descendue dans les coeurs des hommes, avant que l'Esprit, libre au fond de ces coeurs, n'ait dominé la nature inférieure, les passions, les désirs insatiables et la volonté de se frayer un chemin pour soi-même en marchant sur ses frères.<br />Vous ne pouvez édifier une nation libre qu'à la condition d'avoir des hommes et des femmes qui soient libres ; – mais aucun homme, comme aucune femme, n'est libre, quand il est dominé par l'appétit, le vice, l'alcool, quelle que soit enfin la forme malfaisante qu'il est impuissant à dompter.<br />Le contrôle de soi-même est la seule base sur laquelle vous pourrez élever la Liberté. Sinon c'est l'anarchie et non la Liberté. Chaque fois que l'anarchie des temps présents fait un pas en avant, votre bonheur en est le prix. Mais quand la Liberté viendra, elle viendra dans une nation où les hommes et les femmes auront appris à se contrôler, à être maitres d'eux-mêmes. Alors, mais alors seulement, dans une nation composée de tels hommes et de telles femmes qui seront libres, forts, justes, maitres d'eux-mêmes, prêts à se servir de leurs forces pour l'accomplissement de hauts et nobles [169] desseins, dans une pareille nation vous pourrez jouir alors de cette politique libre qui résulte de la liberté individuelle, liberté qui n'est nullement le produit des haineuses passions de l'homme.</p> LA RACE DE DEMAIN 2019-07-04T11:41:29+00:00 2019-07-04T11:41:29+00:00 http://hierarchie.eu/le-monde-de-demain-par-annie-besant-1909/1282-la-race-de-demain Super User bon.christo@free.fr <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>LA RACE DE DEMAIN</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ceux qui parmi vous ont assisté à cette série de conférences, ont pu observer, qu'en parlant des nouvelles portes ouvertes sur la Religion, la Science et l'Art, je ne me suis que très sommairement étendue sur les changements destinés à survenir dans l'organisme humain et sur l'évolution de la conscience. Je promis alors de revenir à cette question lorsque j'arriverais à traiter de "La Race de demain".<br />La nature, le caractère de cette évolution de la conscience, les changements que celle-ci apporte dans le corps humain et qui permettront aux pouvoirs de la conscience de se manifester dans notre monde physique, telles sont les questions se rattachant spécialement, et logiquement, au sujet qui fera l'objet de ma conférence, soit : "La Race de demain". Les grandes transformations du type humain formeront donc aujourd'hui mon principal thème. [171]</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Afin de vous y préparer et de vous y amener progressivement, sans efforts et sans une trop grande surprise de votre part, je vous inviterai à vouloir bien, pendant quelques instants, porter avec moi votre attention sur certaines grandes méthodes d'étude que nous trouvons continuellement employées par les mystiques du passé, et adoptées, de nos jours, presque couramment, par la science moderne.<br />La raison pour laquelle cette dernière les adopta, est la même raison qui incita les mystiques à les préconiser. La science de notre époque s'est trouvée en présence d'une période de croissance si importante et si vaste, que l'homme de science se trouve dans l'impossibilité d'observer ; il est obligé de chercher un principe général à l'aide duquel, après avoir observé ce qui lui tombe sous les sens, il peut, par induction, se rendre compte de l'enchainement des causes et des résultats. Telle est la raison qui fit adopter cette méthode appelée encore :<br />Principe des correspondances.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>PRINCIPE DES CORRESPONDANCES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Les mystiques de toutes les écoles du passé [172] ont, je le répète, utilisé ce principe. Le célèbre mystique Swendenborg, en Suède, basa en grande partie ses théories sur ce système des correspondances ; il essaya de prévoir l'avenir en étudiant ce qu'il avait à sa portée, quelque insignifiant que pût paraitre l'objet de cette étude, comparativement aux importantes déductions qu'il en tirait. De nos jours, la science emploie les mêmes moyens, et j'attire tout d'abord votre attention sur ce point, pour vous bien persuader qu'en utilisant, nous aussi, cette même méthode, nous demeurons sur un domaine ferme, stable, admis et reconnu. C'est la méthode que l'on emploie journellement dans les recherches s'appliquant particulièrement aux successions d'évènements, aux lois sérielles.<br />La science a surtout fait bon emploi de ce système des correspondances dans les deux branches suivantes : celle de l'évolutionnisme, aidée en cela par l'étude de l'embryologie ; puis celle de l'évolution de la conscience dans l'humanité en général, aidée cette fois par l'observation et l'étude de la conscience humaine dans l'enfance, l'adolescence et la maturité.<br />Si nous nous arrêtons un peu sur les grandes séries évolutives du passé, nous nous [173] verrons, dès l'abord, obligés de convenir que l'observation ne peut s'appliquer que dans une faible mesure. Il est vrai certes, que, grâce à la géologie, de nombreux squelettes du passé ont pu être exhumés, examinés, ce qui éclaira d'une vive lumière les différentes classes auxquelles appartenaient les animaux des périodes préhistoriques. Les fossiles peuvent encore, dans une large mesure, nous aider à reconstituer l'histoire et l'évolution de notre globe, mais, – et tous ceux qui se sont intéressés à la classification géologique ne l'ignorent point, – cette classification présente souvent des lacunes. La géologie est à cet égard très imparfaite, nullement satisfaisante, et cependant l'on est bien obligé de se contenter des quelques aperçus qu'elle donne pour retracer l'évolution, trouver dans les fossiles le principe de vie qui s'est graduellement développé sur terre. Étant données ces difficultés dans la reconstitution du passé, les évolutionnistes se sont tournés vers l'étude du présent, vers la croissance de l'individu tel qu'il se présente à leurs yeux, vers les stades successifs traversés par l'organisme, – spécialement durant la période prénatale, – et c'est en grande partie l'embryologie qui permit d'éclairer les vérités contenues dans les [174] théories évolutionnistes. On a effectivement observé, en examinant la croissance prénatale du corps humain d'un individu, que celle-ci passe par une série de stades nettement déterminés. L'une de ces périodes présente les caractéristiques du poisson, période des plus intéressantes en ce qui concerne l'anatomie de certains nerfs ; on trouve ensuite la période du reptile, puis celle du mammifère et ainsi de suite, jusqu'au plus haut spécimen des mammifères : l'homme.<br />Au point de vue de l'observation pure et simple voilà une constatation de peu d'importance, si l'on n'applique pas le raisonnement à cette invariable succession de périodes déterminées. Mais si l'homme ne se contente pas d'observer cette série de phénomènes, s'il utilise la puissance de la raison pour chercher le pourquoi de ces phénomènes invariables dans leur succession, il s'aperçoit que, dans le corps d'un seul et même individu, se retrace et se répète toute l'évolution de la nature ; il s'aperçoit que, dans le plus haut produit actuel de la nature, – la forme humaine, – se retrouve, nettement indiquée, toute l'histoire de l'évolution des formes du passé. Quoique, certainement, les détails n'en soient pas observables, [175] la succession de phénomènes n'en est pas moins là ; cette série se répète invariablement dans la forme la plus haute et la plus noble. Travaillant dès lors par régression, à la lumière de ce fait, la science put reconnaitre, très clairement, les périodes d'évolution dont les fossiles fournirent à la géologie d'imparfaites annales ; elle retrouve là la grande période des poissons dans laquelle aucune autre classe supérieure de vertébrés n'existe ; elle retrouve la période des reptiles, celle des mammifères et finalement celle de l'homme.<br />Reconstituant ainsi le passé en se basant sur l'observation de certains phénomènes actuels, la science reconnait donc la vérité de cet antique principe des correspondances qui sert de clef pour les domaines hors de notre portée, là où l'observation nous est impossible ; il nous rend susceptibles, en utilisant la loi d'analogie, de tracer notre chemin dans ces labyrinthes du passé.<br />Ce n'est pas seulement pour l'étude de l'évolution éonienne des êtres et l'embryologie que la science adopta ce, Principe des correspondances.<br />Elle s'aperçut aussi qu'il s'appliquait à [176] l'intellect aussi bien qu'au corps physique et que, là encore, il permet de ne pas s'égarer dans les méandres du passé. Elle reconnut que les stades de la conscience humaine peuvent être suivis à partir de son point de départ, au moment où s'affirme la volonté de vivre, passant ensuite au développement de la conscience chez l'enfant pour arriver à l'époque des passions juvéniles, jusqu'au moment enfin où la mentalité domine, c'est-à-dire à l'âge mûr. Et elle poursuit dans cette voie avec force détails, nous montrant comment l'enfant nous représente, à un moment déterminé, la conscience du sauvage ; comment, un peu plus tard, la conscience monte d'un degré tout en demeurant au stade passionnel et grossier, pour pénétrer ensuite dans le domaine de l'émotion où l'art et la beauté commencent à intéresser la nature humaine, et arriver, plus tard encore, à cette merveilleuse intelligence qu'elle considère comme le couronnement de la conscience humaine.<br />Cette méthode, familière aux plus réfléchis et aux plus instruits parmi vous, a conduit la science à faire de nouvelles découvertes, à mettre à jour beaucoup des choses cachées de la nature. [177]</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>PRÉVOIR L'AVENIR</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Si cela est incontestable, il y a cependant un point que la science se refuse continuellement à dépasser. Elle utilise les correspondances pour dévoiler le passé, mais il ne lui vient pas à l'idée de s'en servir pour<br />Prévoir l'avenir.<br />Cela n'a rien qui puisse nous étonner puisque, d'après la science, il est pratiquement impossible de prévoir l'avenir. La science procède par induction, non par déduction ; elle rassemble quantité de faits, les arrange, les classifie, les compare ; cela accompli, elle, s'efforce, par une induction logique, de trouver le grand principe qui les régit et les explique ; c'est ainsi qu'on découvre une nouvelle loi. Mais l'induction ne nous conduit pas plus loin ; elle ne peut nous entrainer au-delà des faits observables. Il n'est rien dans les faits observés qui puisse nous faire prévoir ce qui surviendra par la suite ; il faut, pour cela, utiliser l'autre méthode qui est tout aussi logique, non pas celle de l'induction que la science préconise, mais celle de la déduction que nous retrouvons dans toutes les grandes philosophies de l'antiquité, dans la seule science parfaite : les [178] mathématiques, dans la méthode de Platon contre celle d'Aristote. C'est seulement grâce à elle, que nous pourrons, non seulement expliquer le passé, mais prédire Ce que sera l'avenir.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>CE QUE SERA L'AVENIR</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ce n'est qu'en employant ce processus logique et plus noble, que la science occulte a toujours été en mesure de prévoir le futur en considérant les principes qu'elle trouve dans l'univers et la graduelle évolution de celui-ci.<br />Je désire maintenant, si je le puis, vous montrer comment cette méthode peut s'appliquer ; comment, connaissant la nature de l'homme, il nous est possible d'indiquer non seulement l'histoire de son passé, passé grâce auquel nous nous sommes élevés loin au-dessus de ce que nous voyons de plus haut dans l'histoire, mais d'éclairer aussi la route que l'homme doit parcourir dans l'avenir, de désigner les sommets qu'il est appelé à gravir en manifestant les pouvoirs qu'il ne possède actuellement qu'à l'état latent, son évolution n'étant pas encore terminée.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA LOI DE RÉFLEXION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Il existe encore une autre chose susceptible de nous servir de clef, tout aussi bien que le [179] principe des correspondances, et qui, je le crois du moins, n'a pas encore été adoptée par la science ; si je n'en suis pas absolument certaine, c'est que la science progresse si rapidement de nos jours qu'il n'est pas possible de se tenir au courant de toutes les découvertes récentes avec tous leurs détails.<br />Cette autre chose, cet autre grand principe c'est La Loi de Réflexion.<br />Vous pouvez voir une montagne se refléter dans un lac ; toutes ses particularités, ses contours, sa végétation, se reproduisent dans la nappe liquide et tranquille qui baigne ses pieds, en sorte que la cime se trouve<br />réfléchie dans l'eau au point le plus bas, que toute la partie intermédiaire a son image renversée, le point supérieur devenant le point inférieur, et ainsi de suite. Vous arrivez enfin au point de jonction, à la ligne qui sépare l'eau de la montagne ; là, ce qui sera le plus près de nous sur la montagne sera aussi le plus près de nous sur l'eau. De même, notre étude de l'homme sera-t-elle facilitée si nous considérons celui-ci comme une réflexion du divin, manifestation du triple aspect de la vie divine dans l'homme. [180]<br />Vous voici en droit de me demander ce que j'entends exactement par réflexion.<br />C'est la reproduction des caractéristiques divines dans une forme de matière plus dense et plus grossière. Voilà ce que j'entends par réflexion. Comme la montagne, baignant dans l'atmosphère, se reflète sur l'eau plus dense que l'air, les attributs spirituels se réfléchissent sur la matière grossière. En d'autres termes, la même qualité, ou plutôt une qualité analogue, s'incorpore dans une matière plus grossière, où elle se trouve naturellement plus limitée dans ses pouvoirs, avec des facultés par conséquent moins puissantes.<br />Tel est l'usage que nous faisons du mot réflexion dans notre littérature théosophique. Les caractéristiques sont les mêmes, mais la matière plus dense limite et, dans un certain sens, obscurcit leur manifestation.<br />Ainsi, la volonté suprême qui amène l'univers à l'existence, se reflète, dans l'homme, comme La volonté de vivre.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA VOLONTÉ DE VIVRE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"> </p> <p style="text-align: center;">Celle-ci étant d'un côté la plus haute manifestation de la divinité, elle apparait au stade [181] le plus inférieur de l'évolution lorsqu'elle est reflétée dans l'homme ; c'est alors la caractéristique principale de la conscience humaine naissante. Cette volonté de vivre est, chez le nouveau-né, le seul véritable signe de conscience ; elle se traduit par des mouvements, indiquant qu'elle s'efforce de prendre contact avec le monde extérieur et de se rendre compte de ce qui l'entoure.<br />Apparait ensuite le second grand aspect de la divinité : "Sagesse-Amour", que nous retrouvons chez les chrétiens dans la seconde personne de la Trinité. Il se reflète dans la nature humaine sous forme d'émotions pures, nobles, désintéressées qui constituent le second grand stade de la conscience humaine, laquelle abandonne ainsi les degrés inférieurs de la passion, pour s'élever graduellement et sans interruption jusqu'à la plus glorieuse manifestation de l'émotion.<br />Suit enfin le troisième aspect, "l'Activité créatrice" qui, dans le Christianisme, est l'Esprit créateur ; il se manifeste chez l'homme comme le seul pouvoir créateur, le pouvoir de la pensée, dont l'une des expressions, l'imagination, possède le don de créer avec le concours de la force intellectuelle inhérente à l'homme. [182]<br />La correspondance est donc parfaite, ainsi que vous pouvez le constater. Mais combien limitée est cette manifestation comparativement à la manifestation sur les plans de la divinité ! De là il résulte cette reproduction imparfaite que nous appelons : Loi de Réflexion.<br />Nous la rencontrons souvent avec la Loi des correspondances, ce qui nous donne une clef de plus pour nous guider au travers des difficultés et des obscurités, là où la vision directe nous fait défaut.<br />Revenons maintenant à l'être humain. Procédant ainsi par déduction, et considérant l'homme comme l'image du Suprême, rien ne peut interrompre notre étude, constatation faite de ces trois grands points :<br />La volonté de vivre, se traduisant par l'activité ;<br />Le stade de la passion et de l'émotion ;<br />Le stade de l'intelligence.<br />En effet, nous pouvons voir qu'au-delà de ces stades, ces mêmes attributs de la divinité se présentent sous une forme plus noble, plus subtile, dans ce que nous appelons l'âme humaine. Cette âme, cet Esprit humain, en reproduisant les trois grands aspects, peut donc nous [183] indiquer l'avenir, comme les réflexions inférieures nous indiquent le passé.<br />C'est ainsi que nous pouvons, non seulement suivre l'évolution de la conscience dans les grandes périodes du passé, ainsi que le fait la science, mais nous pouvons regarder en avant, dans le futur, où se répète, à un degré supérieur, la manifestation du divin qui évolue graduellement en nous, et prépare les qualités destinées aux périodes ultérieures de notre évolution humaine.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA RÉINCARNATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Il est maintenant indispensable de reconnaitre que cette théorie est incomplète et imparfaite à moins que vous n'admettiez La Réincarnation, vérité fondamentale sans laquelle vous ne saurez vous rendre compte du développement de l'Esprit divin dans l'homme. Pour cela en effet, il vous faut compter avec le temps et avec l'ambiance qui rendent possible la succession de ces différentes périodes dans une évolution humaine.<br />En examinant l'humanité, nous voyons que bien des hommes disparurent étant encore à l'état sauvage, état dans lequel le stade [184] rudimentaire de la conscience est seul manifeste ; d'autres s'élevèrent au-dessus de cet état sauvage mais esclaves encore de leurs passions et de leurs émotions fortes et égoïstes ; d'autres, supérieurs à ces derniers, témoignèrent plus tard de qualités intellectuelles, le mental commençant à prédominer en eux. Si vous n'admettez pas un développement continu de la conscience individuelle, vous vous verrez entourés de difficultés nombreuses et ardues, lorsque vous tenterez d'expliquer l'évolution humaine. Si, en effet, vous suivez plus loin ces différentes consciences, avec la certitude qu'elles ne reviendront jamais à l'école de la vie pour y apprendre les leçons qu'elles n'ont pu apprendre dans la classe préparatoire qu'est la vie du sauvage, il vous faudra vous imaginer un ciel, ou plutôt des cieux dont l'un est rempli de ces âmes n'ayant traversé sur la terre que l'état sauvage, un autre rempli de ces âmes ayant atteint le stade émotionnel sans toutefois avoir développé la raison et qui, par conséquent, ne sont pas encore sorties de leur sauvagerie ; puis un troisième ciel pour les hommes doués d'une certaine intelligence, mais dépourvus de la volonté de vivre spéciale au sauvage et du côté émotif caractérisant l'homme [185] à demi cultivé. De la sorte, vous faites de l'au-delà un monde plus fantastique que rationnel et, de ce fait même, vous en arrivez à poser le principe d'une Évolution post mortem.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>ÉVOLUTION POST MORTEM</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Dès lors que vous admettez ce principe, vous adoptez forcément le principe de la réincarnation, même en plaçant cette évolution sur d'autres mondes que le nôtre 8. Certes, ici encore, surgissent de nouvelles difficultés, mais je ne m'y attarderai pas, n'ayant pas l'intention de m'étendre en ce moment sur la réincarnation. Mais supposez que vous l'acceptiez : tout vous devient alors compréhensible ; vous vous représentez désormais, très bien, une intelligence spirituelle évoluant par degrés successifs, chacun d'eux ayant été préparé par celui qui le précédait.<br />Appliquant ce processus à l'évolution de [186] l'humanité, vous distinguerez nettement les périodes de l'enfance, de l'adolescence et de l'adulte ; arrivés là, vous attendez celle du développement de l'homme spirituel. Si vous préférez appliquer ce même processus aux vastes époques du passé, vous vous trouverez en présence de "l'homme-animal", de l'homme esclave de la passion, puis de l'homme intellectuel ; et vous ne vous arrêterez pas là. Vous ne pourrez vous retenir de penser qu'un quatrième état, celui de l'homme spirituel, doit suivre. Tels sont les quatre stades qu'il vous est possible de retrouver en vous aidant du principe de déduction que je préconisais tout à l'heure. En l'appliquant, nous voyons la vie divine nous conduire loin en avant, vers un stade que nul n'a encore atteint, sauf quelques glorieux êtres humains.<br />Or, lorsque dans les limites de votre propre champ visuel, vous aurez personnellement constaté la présence complète des trois premiers stades, auxquels s'ajoute un quatrième, naissant et encore caché en vous, – (ce sont là les quatre stades visibles à notre degré actuel d'évolution) – ; quand, dans l'existence entière d'une individualité en réincarnation, vous aurez constaté la présence de ces mêmes trois [187] stades et l'apparition imminente du suivant ; quand, pour l'évolution, en général, vous aurez fait semblable constatation, vous ne serez pas surpris d'en arriver finalement aux races, telles que la Théosophie les indique. Il vous sera, en outre, aisé de distinguer, dans l'humanité primitive, la première de ces races à laquelle on puisse ajouter le qualificatif d'humaine, – les précédentes ne se rapportant qu'à l'homme semi-animal, et vous assisterez à la naissance de l'humanité telle que vous la connaissez aujourd'hui. Nous appelons Lémurienne la première de ces races. Il est intéressant de noter que Haeckel parle du continent perdu de la Lémurie comme ayant été le berceau de l'Humanité ; la science moderne en arrive donc peu à peu à corroborer ces antiques enseignements. Dans la race lémurienne se manifeste fortement la volonté de vivre. La race atlantéenne lui succéda : ce fut celle qui vécut sur ce vaste continent de l'Atlantide dont l'existence se trouve être admise de plus en plus par la science, nécessité logique dont elle ne peut se passer pour expliquer certains faits, géologiques et archéologiques, la plus grande partie du continent ayant été engloutie sous l'Océan Atlantique. Les recherches [188] archéologiques nous prouvent, malgré tout, l'identité de caractéristiques raciales en des lieux séparés maintenant par l'Atlantique.</p> <p style="text-align: center;"><em>8 Ce principe de la réincarnation est admis, dans ce sens, par de nombreux spiritualistes qui ne croient pas au retour de l'homme sur la terre. Pour leur prouver la nécessité de la réincarnation, telle que nous la comprenons, d'autres arguments qua ceux que nous employons ici, devraient être présentés. (Note de l'Auteur.)</em></p> <p style="text-align: center;"><br />L'archéologie, en effet, nous montre que les tableaux, les symboles, et les reproductions de quelques types humains de l'Égypte ancienne correspondent exactement avec les symboles, les types humains, la philosophie et la religion qu'on retrouve au Mexique méridional, dans une civilisation depuis longtemps disparue, chassée par les Aztèques qui étaient eux-mêmes corrompus et voués à la décadence, lorsque les Espagnols s'emparèrent de Mexico. Dans ces deux grandes et lointaines parties de la croute terrestre séparées par l'Atlantique, nous retrouvons chez l'une ce que nous avons découvert chez l'autre. Je pourrais vous en donner, de nombreux exemples, mais, jugeant qu'il est inutile de m'étendre davantage sur ce sujet, je vous rappellerai seulement les similitudes entre la faune et la flore et les frappantes ressemblances architecturales en des contrées que les mers séparent aujourd'hui. Toutes ces observations conduisirent les hommes de science à admettre l'existence du grand continent de l'Atlantide.<br />Si les Lémuriens, sous des formes grotesques, [189] ne manifestèrent que la volonté de vivre, les Atlantes, eux, manifestèrent la passion, l'appétit sensuel, le désir. Toute leur civilisation fut imprégnée d'une nature passionnelle. Nous ne faisons d'ailleurs que retrouver là, en fait, ce que nous avons découvert théoriquement tout à l'heure.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LES FORMES INFÉRIEURES DU PSYCHISME</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ce qui se produit invariablement pour le type humain passionnel et dépourvu d'intelligence, se produisit aussi pour la race atlantéenne, ce qui revient à dire que celle-ci développa Les formes inférieures du Psychisme.<br />Nous appliquons ce terme lorsque nous voyons se préciser les facultés rudimentaires concernant la vision de l'invisible, l'audition de l'inaudible, etc… Nous les rencontrons chez quelques espèces du règne animal ; elles sont largement répandues dans beaucoup de tribus sauvages ; elles se rencontrent encore parfois chez les montagnards et dans les lieux où l'air est pur, où la nature se trouve avoir encore sa primitive virginité. Ces facultés ne sont ni indépendantes ni précises ; elles ne sont pas sous le contrôle de la volonté et paraissent au [190] contraire s'éveiller sous l'impulsion des passions, des émotions et très rarement, pour ne pas dire jamais, sous l'influence du mental.<br />Or, en examinant ce grand peuple des Atlantes, nous y voyons les individus manifester ces mêmes formes de psychisme que nous trouvons dans l'animalité supérieure et au degré inférieur de l'évolution humaine, avant que le mental ne soit entré en jeu, avant que le système nerveux cérébrospinal (caractéristique de l'homme moderne) n'ait dominé le système sympathique, prépondérant chez l'animal.<br />Nous arrivons ensuite à une période où nous pouvons voir comment nait une nouvelle race, ce qui nous aidera beaucoup pour l'étude de la nouvelle race de demain.<br />En jetant nos regards sur ce lointain passé de l'histoire du monde, nous découvrons qu'une sélection s'opéra parmi les Atlantes ; et nous remarquons que cette sélection ne s'opéra nullement parmi ceux qui contribuèrent à mener le type atlantéen à son plus haut point de perfection, mais au contraire dans une subdivision de cette race, ce que nous appelons une sous-race. Les qualités qui avaient amené les Atlantes à l'apogée, étaient absentes dans cette sous-race ; en revanche celle-ci possédait des [191] germes que ne possédaient pas les types atlantéens les plus parfaits, c'est-à-dire les germes du développement mental.<br />Certains parmi vous ont probablement entendu parler de la race Toltèque : c'est dans cette race, ou, plutôt, dans cette sous-race, que la civilisation atlantéenne atteignit son apogée. Ce n'est pas elle qui fournit les premiers éléments de la race aryenne ; ce fut la sous-race qui lui succéda et dans laquelle, je le répète, certaines qualités mentales commencèrent à poindre, entrainant avec elles un résultat inévitable : la disparition des facultés psychiques qui, graduellement, se retirèrent à l'arrière-plan et disparurent.<br />Regardez autour de vous ! Vous vous rendrez compte combien cela reste vrai, de nos jours, pour les individus de peu d'intellectualité, pour les psychiques non entrainés. Combien leur mental est peu développé ! Un faible pouvoir de pensée accompagne toujours cette forme inférieure de psychisme. C'est pourquoi ceux qui devaient être les germes de notre propre grande race, ne furent pas choisis parmi les types les plus avancés et les plus admirés de la civilisation atlantéenne mais, bien plutôt, chez ceux qui ne possédaient pas ces facultés [192] que l'on considérait alors comme les plus dignes d'attention. Ceux qui se trouvaient être inférieurs aux Toltèques triomphants furent au contraire choisis ; c'est dans ce petit peuple de peu d'apparence que se trouvaient pourtant renfermées les promesses de l'avenir. On rassembla les individus, on les isola du reste du monde civilisé d'alors, on en fit des types déterminés. Tous les archétypes de l'espèce humaine existent dans le Mental du Logos avant d'être manifestés dans la matière de notre globe terrestre. L'idée précède toujours la manifestation. Les sept grands types humains destinés à évoluer sur notre planète dans le cycle actuel, existèrent d'abord comme idées, ce mot étant pris dans le sens que lui donnait Platon. Ce furent donc les types vers lesquels les grands Êtres dirigèrent l'évolution de l'humanité et, au moment où la quatrième race atteignait son Zénith, naquit la cinquième.<br />Les mêmes grandes lois, à un degré bien inférieur, sont employées par les horticulteurs ou les éleveurs de bestiaux lorsqu'ils s'efforcent de créer une nouvelle espèce qu'ils conçoivent d'abord mentalement. Ne l'oubliez pas, les pétales d'une fleur nouvelle, ou la chair et le sang d'un nouvel animal, ne peuvent être [193] obtenus, par l'horticulteur ou l'éleveur, que grâce à ces lois qui, pour de plus hauts et plus grandioses desseins, furent utilisées par le grand législateur de la nouvelle race, afin de constituer le type idéal de ce que nous connaissons maintenant sous le nom de type Aryen.<br />Si vous comparez un homme du Cachemire, dans l'Inde septentrionale, avec votre meilleur type caucasien, vous trouverez entre eux une étrange ressemblance, une copie l'un de l'autre. Je choisis intentionnellement l'homme du Cachemire qui possède la peau délicate des races blanches ; étant donnés le climat tempéré dans lequel il vit, et son isolement, – privé qu'il est de toute communication avec les autres contrées ; – étant donnée encore la difficulté qu'il a de se joindre à ses semblables, ce type d'homme est ainsi plus pur là, que partout ailleurs sur terre. Peau délicate, yeux bleus ou violets, cheveux bruns aux ombres variées, les traits nettement accusés, les lèvres minces, le nez fin et bien formé, vous avez là l'un des plus beaux types de la beauté humaine que vous puissiez trouver ici-bas. Vous le trouvez reproduit partout, avec différentes modifications à mesure que les sous-races évoluent, niais le type primitif est partout reconnaissable. La [194] forme de la tête, le front largement découvert, – ce qui permet au cerveau de manifester toutes les facultés intellectuelles, – ce type est bien celui enfin d'une mentalité supérieure et s'adapte parfaitement à la race, dont le rôle sera de conduire l'intellect humain à ses plus hautes possibilités.<br />Revenant un peu en arrière et en envisageant les sous-races, vous remarquerez que ce qui vous frappait à propos de l'Atlante psychique et de la sous-race très peu psychique qui donna naissance à la nôtre, vous frappe encore ici. Comparez le pur type romain, séduisant, bien pris, cultivé, avec le Goth qui donna naissance à la sous-race teutonique, là encore vous constatez le même fait : le contraste frappant entre le type prédominant et celui, apparemment inférieur, qui, lui, possède la possibilité de s'élever beaucoup plus haut que son prédécesseur.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LES GERMES DE LA RACE DE DEMAIN</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />En procédant par analogie et en suivant ce principe, nous verrons immédiatement, aujourd'hui, que le type de la race de demain ne sera pas celui de ceux qui triomphent et sont à présent les plus beaux spécimens de la race, mais bien celui des individus chez qui les grandes caractéristiques actuelles sont, il est vrai, moins développées, mais possèdent le germe de ce qui [195] est appelé à se développer plus glorieusement, plus divinement dans l'avenir. Ainsi donc, lorsque nous cherchons<br />Les germes de la race de demain, ne cherchons pas parmi les Aryens d'aujourd'hui qui présentent les plus hautes facultés mentales, la plus grande intelligence, la plus grande puissance de pensée : le rôle de ceux-là est d'amener la civilisation actuelle à son zénith. Qui donc, sinon eux, peut remplir ce rôle ? Ils ont développé le mental, la grande caractéristique de cette cinquième sous-race teutonne ; à eux la mission, à eux le privilège de guider cette sous-race à son plus haut degré de perfection. Ceux-là seulement dont l'intelligence est puissamment manifeste, sauront conduire la civilisation présente à la gloire qui l'attend, et ce sont eux les leadeurs du type humain le plus accompli qui soit aujourd'hui ; ce sont eux que la race considère comme devant amener l'intelligence à sa plus splendide expression. Nous ne chercherons donc pas là les germes de la race de demain qui doit être et sera, car, en utilisant notre loi des correspondances, nous nous rendons compte que la [196] connaissance de l'homme spirituel doit suivre celle de l'homme intellectuel. Ce qui est au-dessus de l'intellect, ce qui est supérieur à l'esprit scientifique, les qualités des grands instructeurs religieux du passé, les vertus qui caractérisent un Bouddha, un Christ, telles sont les qualités spirituelles qui se distinguent de celles du mental, et c'est leur germination qui marquera le début de la race à venir.<br />Nous pouvons voir dès à présent, dans la race actuelle, des signes de ces changements dans l'évolution, signes qui indiquent peu à peu le type de conscience qui préparera graduellement les corps à une manifestation plus complète des qualités appelées à se développer. Quel est en effet ce qui caractérise le plus ces types spirituels de l'humanité, quelle qualité brille avec le plus d'éclat partout où elle apparait sur terre ? C'est celle que nous nommons aujourd'hui :<br /><span style="font-size: 18pt;">Fraternité !</span></p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>FRATERNITÉ</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est la reconnaissance de l'unité de vie d'où résultent une infinie compassion et le perpétuel sacrifice de soi-même. C'est là ce que nous rencontrons chez les grands Êtres de notre [197] race, Eux qui ont atteint la nature spirituelle, Eux qui rayonnent la gloire de l'Esprit divin. C'est un fait remarquable qu'en chacun des grands Fondateurs dans le passé, cette qualité est celle dont l'éclat fait pâlir toutes les autres ; elle est celle qui permet de les reconnaitre entre tous ceux parmi lesquels ils sont nés.<br />L'amour de l'infortuné et du faible, leurs efforts pour encourager les vaincus de la vie et les opprimés, pour partager tout ce qu'ils possèdent, pour élever l'idéal, en un mot pour rendre heureux, pour sauver, telle est la grande caractéristique spirituelle de tous les Sauveurs du monde. Et c'est pourquoi ceux qui, de nos jours, partagent leur croyance et pratiquent la Fraternité universelle, s'attachent dès lors avec ardeur à leur perfectionnement moral, pour former les bases de la race de demain. Ils peuvent être d'une intelligence moyenne, peu importe, ce n'est pas là ce qui leur est demandé pour le moment : ils peuvent ne pas contribuer aux victoires triomphantes de l'intelligence, peu importe, ces victoires ne leur sont pas nécessaires pour constituer le noyau de la nouvelle race. Ce sont les qualités supérieures de l'esprit que le Guide de la race recherche, pour qu'Il puisse graduellement préparer le moule [198] du type humain qu'il a conçu et faire de ces possibilités, de ces germes, L'homme de demain.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'HOMME DE DEMAIN</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Arrêtons-nous un instant pour considérer maintenant quelles doivent être les caractéristiques spéciales à la conscience et au corps.<br />Pour la conscience, c'est évidemment la conception de l'Unité, chose essentielle, car là où l'intelligence divise, l'Esprit rassemble, tendant sans cesse à l'unité. Voir la même vie dans chaque être plutôt que des formes séparées, voir le même "Moi" chez tous plutôt que des "Moi" séparés et matérialisés en des corps, telle sera la grande caractéristique de la conscience, tel sera son développement partout où cette Unité sera reconnue ; c'est là un des signes distinctifs de la race de demain.<br />Parallèlement à ce développement, – résultat inévitable, – un souffle de libéralité et de tolérance animera ceux chez qui le sentiment d'unité sera éveillé. Tout ce qui est étroit et exclusif, tout ce qui tend à séparer, qui provoque des différences au lieu d'unifier, est contraire à la conscience qui reconnait l'Un chez tous, la Divinité partout. Grâce à cet [199] épanouissement de la conscience s'édifiera un corps spécialement organisé dont nous voyons parmi nous aujourd'hui les premières caractéristiques.<br />Lorsqu'un changement doit survenir et qu'un nouveau type doit commencer à évoluer, il est à remarquer que ceux qui doivent contribuer à ce changement sont, selon l'expression accoutumée, instables. L'instabilité est un signe de progrès ou de dégénérescence ; il existe une instabilité résultant de la santé comme il y a celle de la maladie et, avec la transformation du système nerveux, vous trouverez cette instabilité sous ses deux formes. Quel est en effet aujourd'hui ce qui nous frappe le plus en ce qui concerne les corps des races les plus avancées sur terre ? Ce sont Les troubles nerveux,<br />troubles de toutes sortes que l'on rencontre notamment chez les êtres les plus développés. Il est inutile d'attirer votre attention sur ce point que nul d'entre vous n'ignore.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LES TROUBLES NERVEUX</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Une trop grande tension du système nerveux se manifeste de bien des manières ; la plus triste est l'accroissement des cas de folie dans [200] les nations les plus civilisées du monde. Les asiles d'aliénés se multiplient, à peine l'un est-il achevé qu'il devient nécessaire d'en construire un autre. C'est là le pénible spectacle auquel nous assistons lorsque nous cherchons, autour de nous, les signes précurseurs de la nouvelle race. Les divisions, les compétitions, les luttes, la concurrence effrénée, – commerciale et individuelle, – de la race actuelle, qui d'ailleurs s'est elle-même imposé ses conditions présentes d'existence, sont autant de choses funestes au système nerveux de l'homme.<br />L'ambiance est intolérable, toutes les choses qui nous entourent sont désastreuses pour le développement d'une organisation nerveuse, plus délicate, plus sensible, plus vibrante ; pourtant la force irrésistible de la nature pousse la race humaine en avant, et il est impossible de s'opposer au courant de l'évolution sans courir le risque d'une complète destruction. Puisse cela nous servir de leçon et contribuer à nous guider dans la vie ordinaire !<br />Nous vivons dans une ambiance qui est contraire à l'évolution supérieure ; un grand danger nous menace si nous persistons à, ne pas nous inquiéter de cette évolution au moment où la prochaine race doit naitre. [201]<br />Si nous voulons progresser, nous aurons à nous adapter à de nouvelles conditions ; cette adaptation est de la plus grande importance actuellement. Déjà naissent des enfants dont l'organisme nerveux est d'un type supérieur ; ils ne sont pas pour cela maladifs ; la plupart au contraire sont le plus souvent en excellente santé, mais leur organisme est si délicatement constitué qu'il est fréquemment sujet à des troubles. Plus d'un parmi vous, en tant que parents, savent par expérience que des enfants naissent maintenant avec un système nerveux d'une sensitivité telle, que ces jeunes créatures sont facilement désorientées ; lorsqu'ils souffrent, ils souffrent d'une manière anormale. Il est donc absolument nécessaire, pour les parents, de ne pas oublier que les enfants qu'ils ont sous leur protection, qu'ils éduquent et aident, possèdent des organismes tels, que les petits êtres éprouvent la peine ou la joie d'une façon beaucoup plus intense que ceux dont les corps ne sont pas aussi merveilleusement constitués et équilibrés. Un tel enfant éprouve de la peine là où un autre, d'une nature moins élevée, sera insensible, ne se rendant pas même compte de ce qui peut causer cette peine. D'un autre côté, une joie intense, chez un tel être, [202] est toujours suivie d'une période de dépression extrême. Ces enfants devraient être, autant que possible, préservés de tout ce qui peut leur nuire et les troubler. Il est inutile de chercher à les acclimater à un milieu dont vos systèmes nerveux, à vous, ne souffrent pas. Bien au contraire, le devoir des parents est de chercher à les placer dans une ambiance douce et harmonieuse, sans laquelle leurs délicats instruments seront gravement atteints, désaccordés, et, par suite, incapables d'exprimer les ravissantes mélodies qu'ils auraient pu nous faire entendre, car ces instruments ne tardent pas à se briser et sont voués dès lors à la mort.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LONDRES EST DEVENU PRESQUE INTOLÉRABLE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Pensez un instant aux conditions actuelles d'existence dans Londres. Durant ces dix dernières années Londres est devenu presque intolérable,<br />avec son vacarme assourdissant, sa perpétuelle agitation, les hurlements et les crissements de ses rues, les trépidations du sol lui-même sous les lourds véhicules qui le parcourent. Londres est tel que, pour vivre dans le calme, il faudrait du coton dans les oreilles, des lunettes noires sur les yeux et aussi un [203] mouchoir sur le nez, afin de ne pas respirer ces odeurs infectes dont les rues sont empestées.<br />En réalité le remède suivant s'impose : tous les gens les plus délicats et les plus évolués déserteront ces énormes capitales pour les abandonner à ceux qui les aiment, et ces derniers ne manquent pas ; quantité de gens recherchent le bruit, le tumulte, le vacarme des rues de Londres ; la vue de cette ville transporte les paysans de joie et d'admiration. Par contre, si vous envoyez un Londonien à la campagne, il ne cessera de vous dire combien celle-ci est profondément ennuyeuse et triste.<br />Pourquoi ne pas laisser ces énormes capitales à ceux qui s'y plaisent et qui peuvent y évoluer ? L'intelligence, celle qui est préjudiciable à un système nerveux délicat, est au contraire le stimulant nécessaire à l'évolution d'un système nerveux d'un type inférieur et grossier. Je ne désire pas le moins du monde la disparition de ces grandes capitales, mais je dis à tous ceux qui souffrent de leur vacarme, de leur cohue et de leur fièvre : "Votre place n'est plus ici, et, par-dessus tout, vos enfants ne peuvent en retirer aucun bien." Plus le système nerveux du père et de la mère sera délicat, plus délicate aussi sera [204] l'organisation nerveuse de l'enfant ; si celui-ci souffre de la grande ville, emmenez-le loin de Londres à la campagne ; c'est là un devoir pour les parents ; qu'ils songent à se placer, eux et leurs enfants, dans une ambiance meilleure et plus calme.<br />Non seulement la vie, telle qu'on la mène dans ces grandes villes, enlaidit et avilit l'Angleterre, tout en créant un milieu impropre à la race de demain, mais le régime d'alimentation devra, lui aussi, être changé, de façon à ce que vous puissiez vous adapter aux nouvelles conditions d'existence. Le régime carné, habituel à la plupart, est absolument contraire au développement du système nerveux ; vous devez d'ailleurs remarquer que les sensitifs s'en écartent instinctivement. Il arrive souvent que certains enfants, en apprenant que la viande provient d'animaux qu'on a tués, s'en détournent avec répugnance et refusent d'y toucher. Cet instinctif dégout est un sentiment qui se répand de jour en jour davantage chez les enfants, et ils se révolteront de plus en plus contre l'usage du régime carné. Vous ne devez pas seulement constater ce fait, il vous faut,<br />vous aussi, éviter pareil système d'alimentation si vous désirez préparer vos corps pour la race future. [205]<br />Du jour où la conscience supérieure se sera manifestée, tout corps que la chair animale et l'alcool, sous ses formes diverses, auront nourri, sera un corps voué à une inévitable destruction. Les troubles nerveux proviennent fréquemment de ce que la conscience supérieure s'efforce de s'exprimer en des corps viciés par l'alimentation carnée et intoxiqués par l'alcool.<br />Laissez-moi vous indiquer un point extrêmement important se rattachant de près à ce que nous venons d'envisager.<br />En même temps que les corps supérieurs se développent, le système nerveux devient plus parfait et le corps astral s'organise d'année en année plus complètement. L'organisation de ce corps immédiatement supérieur à notre corps physique, et composé d'une matière moins dense, s'effectue très rapidement en ce moment sous l'influence de la pensée que toute personne instruite et cultivée emploie dans une certaine mesure. Ce corps devenant plus parfait, les sens qui lui sont inhérents sont mis en activité et nous avons alors ce que nous appelons Le véritable psychisme.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE VÉRITABLE PSYCHISME</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Celui-ci n'est plus produit par l'intermédiaire [206] d'un corps astral mal organisé vibrant sous le choc d'une émotion quelconque ; il est dû, au contraire, à la haute organisation d'un corps dont les sens sont développés et cherchent à s'exprimer dans le corps grossier du plan physique ; or, il existe dans le cerveau un organe, celui de notre sixième sens, organe par l'intermédiaire duquel les expériences et les émotions du plan astral pourront être transmises dans la conscience à l'état de veille. Cet organe, qui a si souvent et si fort troublé plus d'un médecin et plus d'un homme de science, est Le corps pituitaire.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE CORPS PITUITAIRE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ce n'est pas là simplement, ainsi que beaucoup de docteurs en médecine le prétendent avec raison, le vestige d'un organe ayant fonctionné dans le passé ; c'est en outre celui à l'aide duquel, par une subtile différenciation interne, se construit un sens pour le libre exercice des pouvoirs psychiques supérieurs de la race future. C'est un fait bien connu de l'étudiant en occultisme qui s'aperçoit que ce phénomène s'opère en lui, bien connu aussi de tous ceux qui s'intéressent aux mêmes questions. De plus, à mesure que les expériences du corps astral se [207] transmettent davantage au cerveau, il constate l'activité du corps pituitaire, et il peut alors se rendre compte des transformations qui, en lui, se succèdent les unes aux autres. Ce corps, d'après les récentes découvertes de la science, est très rapidement affecté par les vapeurs d'alcool ; c'est, parmi toutes les glandes du corps humain, celle qui s'intoxique le plus rapidement et la plus petite quantité d'alcool entrave son évolution supérieure. Si donc, vous désirez faciliter celle-ci ; si vous désirez activer votre évolution en infligeant une légère contrainte à vos corps de la cinquième race, le seul bon conseil qu'on puisse vous donner est celui-ci : N'absorbez jamais d'alcool sous quelque forme qu'il se présente. Les vibrations qu'il provoque interceptent tout moyen de communication entre le corps astral et physique, entravent les progrès de ces corps, alors que leur développement vers de plus hauts sommets doit être l'une des principales caractéristiques de la race de demain appelée à voir le monde astral devenir perceptible à la conscience physique. Tel est le conseil que vous donnera toute personne ayant l'expérience de ces choses. N'abandonnez pas seulement le régime carné, mais renoncez aussi d'une façon [208] absolue à toute espèce d'alcool. Ce sont là des lois de nature que vous ne pouvez transgresser. Si vous ne vous sentez pas disposés à renoncer au régime d'alimentation de la cinquième race, résignez-vous alors à demeurer dans la cinquième race sans espoir de progrès. Nul ne peut vous obliger à avancer plus loin que vous ne le désirez, mais sachez que les conditions d'avancement sont absolues, que plus vous en serez convaincus, mieux vous vous en trouverez. Par-dessus tout, et j'insiste sur ce point, ne forcez pas les enfants à suivre votre exemple en leur faisant absorber des aliments qui causeraient un énorme préjudice à leur système nerveux en voie de développement, paralyseraient dans le cerveau cet organe qui leur servira à transmettre les expériences du plan astral dans la vie ordinaire.<br />Permettez-moi de vous donner quelques indications au sujet de cette transmission.<br />Supposons que vous ayez le désir de hâter la naissance de la race future : supposons que vous ne soyez pas disposés à suivre le lent processus de la nature, lequel peut durer des milliers et des milliers d'années ; supposons que vous vous décidiez au contraire à coopérer avec elle, – ce que nous devrions tous faire [209] aujourd'hui, ayant désormais atteint un degré d'évolution où l'intelligence humaine permet d'activer le processus de la nature, – pratiquez alors, et sans tarder,<br />La Méditation, chose essentielle et indispensable à votre vie journalière.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA MÉDITATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />La méditation comporte trois degrés :<br />1. Le contrôle du mental, la caractéristique de celui-ci étant une extrême activité, sans compter l'habitude qu'il a d'effleurer successivement quantité de sujets sans les approfondir.<br />2. La concentration du mental ainsi contrôlé sur un seul sujet.<br />3. La contemplation de cet objet, pour que celui-ci se reproduise en vous.<br />Grâce à ce genre de méditation, l'évolution de la conscience sera stimulée d'une façon définie, et il n'y a pas pour cela de moyen plus efficace et plus sûr. Le fait de fixer chaque jour votre mental sur un idéal quelconque ou sur la vertu que vous désirez acquérir, développe la conscience supérieure et vous fait envisager le monde sous un tout autre aspect. [210]<br />Laissez-moi prendre un exemple.<br />Il peut vous arriver de vous trouver en présence d'un homme de mauvaise foi ; celui-ci réussira, pendant un certain temps, à vous induire en erreur ; vous faites alors appel à votre intelligence, jusqu'au moment où des preuves établissent enfin la mauvaise foi de l'individu. C'est là un processus très lent, mais c'est celui qu'on se voit cependant obligé d'adopter à notre stade présent d'évolution.<br />Quel sera le processus pour confondre l'individu de mauvaise foi, lorsque la nature spirituelle, grâce à la méditation, se sera développée ?<br />Tout d'abord, vous aurez chaque jour médité sur la vérité ; ce faisant, vous mettez en vibration votre corps subtil qui, peu à peu, devient éminemment sensible à la vérité ; ainsi lorsque vous vous trouverez en présence d'un homme de mauvaise foi, il ne vous sera plus indispensable de raisonner ou de chercher des preuves ; par intuition, vous saurez qu'un tel individu ment, car vous serez immédiatement choqués, autant que votre oreille peut l'être à l'audition d'une fausse note, en musique. Plus de discussion, plus de preuves à accumuler, plus de raisonnements à soutenir, vous sentirez et verrez que l'individu est réellement un [211] menteur ; l'intuition se substitue alors aux raisonnements.<br />J'ai vu, aux Indes, un exemple de ce fait, et j'ai tout lieu de supposer que vous n'imiterez pas mon ami indou, car il s'agit d'un homme qui, depuis son enfance, et durant quarante ans, a médité chaque jour sur la vérité. C'est là une période de temps qu'un Occidental trouverait passablement longue. Cet homme est aujourd'hui juge de paix, et cette situation lui a permis de constater l'effet suivant, résultat de sa longue méditation : il est si parfaitement sensible à la vérité que nul ne peut le tromper, si plausibles que soient les excuses qu'on lui fournit ; il reconnait un menteur par le malaise qu'il éprouve devant le mensonge.<br />Je ne mentionne ce fait que comme un cas spécial, pour vous indiquer comment la méditation peut développer les pouvoirs internes, remplacer ainsi les lents procédés auxquels nous sommes accoutumés en vous permettant de connaitre immédiatement, par l'intuition, le caractère de la personne qui se trouve être en votre présence.<br />Je pourrais de la sorte considérer successivement toutes les autres vertus ; le principe reste le même pour toutes. [212]<br />Outre la méditation, il vous faut encore adopter une méthode spéciale d'entrainement en vous exerçant tous les jours à montrer la sympathie la plus grande que vous puissiez témoigner ; exercez-vous, volontairement, délibérément à éprouver de la sympathie pour tout homme que vous rencontrez ; efforcez-vous d'éprouver ce qu'il éprouve, de vous mettre à son diapason. Habituez-vous surtout à cela avec ceux qui sont d'un degré d'évolution inférieur au vôtre ; l'amitié que vous provoquerez en eux sera un grand bien, et l'habitude de se placer à leur niveau vous rendra capables de mieux les aider, de les amener peu à peu, et plus facilement, à votre propre niveau.<br />Il est nécessaire aussi, dans votre vie de chaque jour, de vous exercer à combattre en vous-mêmes Le sentiment de la séparativité.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE SENTIMENT DE LA SÉPARATIVITÉ</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est la chose la plus difficile qu'il nous soit donné de faire, pour nous qui appartenons à cette sous-race teutonne. Le sentiment que nous avons de notre personnalité est si grand, que pour toutes choses nous disons : "mon", "le mien", "ma propriété", "mes livres", [213] "mon chez-moi", "mes amis", utilisant en tout le pronom possessif. Il faut vous débarrasser de cette habitude, vous devez combattre ce sentiment qui vous incite, instinctivement, à établir une ligne de démarcation entre ce que vous appelez votre bien et ce que les autres possèdent. Je le répète, la tâche est des plus ardues et les premières tentatives sont des plus désagréables car elles heurtent vivement l'esprit de notre cinquième sous-race. Mais essayez malgré tout de supprimer en vous ce sentiment personnel de la possession pour les choses qui vous appartiennent. Que de fois n'entendez-vous pas un homme s'écrier dans un faux accès de générosité : "Oh ! je lui aurais volontiers donné cet objet, mais il ne me l'a pas demandé et, s'il avait accepté, je n'en aurais pas été très satisfait." D'où vient cette façon de parler ? Du sentiment de séparativité, de tous ces "moi", "lui", "le mien", "le sien".<br />Cette caractéristique ne sera pas aussi sensible dans la race future ; et si vous désirez prendre part à l'édification de cette race, le plus tôt vous vous débarrasserez de ce sentiment, mieux cela vaudra pour vous. Apprenez à ne plus vous préoccuper de ce que l'on peut vous demander ou vous prendre. Voilà, je le [214] sais, qui sonne étrangement à vos oreilles, peu accoutumés que vous êtes à entendre un pareil langage ; mais la chose est communément admise aux Indes.<br />Les premiers amis que j'eus là-bas s'étonnaient beaucoup lorsque je leur disais : "Voulez-vous me permettre d'utiliser telle ou telle chose ?" – "Certainement ; puisque vous le désirez, pourquoi le demander ?", me répondait-on invariablement. J'en arrivai enfin à me dire que c'était là une très noble attitude, plus noble certes que l'affirmation de la possession.<br />Aux Indes encore, si vous avez un jardin, quiconque le désire, peut y entrer, s'assoir sous vos arbres, allumer du feu et préparer son repas si le coeur lui en dit. Un jour, au début de mon séjour là-bas, et avant que je ne me fusse rendu compte de ces choses, je demandai : "Vous est-il indifférent qu'on pénètre ainsi dans votre jardin sans votre autorisation ?" – "À quoi donc servirait un jardin si ce n'était pour y entrer ?" me fut-il répondu.<br />Tel est là-bas le sentiment des Indous ; il résulte de cette vie où toutes choses sont communes, vie qui remonte à des millions d'années en arrière. [215]<br />On pense autant à l'usage qu'on peut faire d'un objet qu'à celui qui peut l'employer ; cette pensée suffit pour laisser à chacun la liberté d'en user. Nous voici loin des coutumes de notre cinquième sous-race en ce qui concerne la propriété.<br />Pratiquons cette vertu afin de supprimer entièrement le sentiment exagéré de la séparativité qu'on trouve si fréquemment dans la vie sociale de notre époque. Cette habitude du sacrifice de soi-même, de ne pas tenir compte de vos caprices, de vos désirs, de vos besoins, dans le but de rendre la vie plus facile autour de vous, ce sera là une des caractéristiques de la race de demain. À mesure qu'elle vous deviendra plus familière, vous finirez par vous apercevoir que vous devenez en même temps moins susceptibles, que le plaisir de rendre quelqu'un heureux vous sera bien plus agréable que de posséder pour vous-mêmes, vous vous apercevrez que les paroles du Christ : "Mieux vaut donner que recevoir" sont vraies. Que ce ne soit pas là un devoir à remplir ; semez le bonheur autour de vous, attirez les bénédictions, que la joie de partager emporte et dissipe au loin tout sentiment de séparativité !<br />Nous vivrons tout cela dans la race future. [216]<br />Envisagez les résultats que peuvent avoir sur notre vie actuelle les caractéristiques de cette race à venir Ceux qui veulent se préparer à ces prochaines transformations dans l'humanité, doivent commencer par se construire un caractère, contrôler leurs émotions et leurs pensées avec le secours de la méditation journalière, développer leur conscience en s'entrainant à vivre un idéal élevé.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>UNE RELIGION UNIVERSELLE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Cette race future est de plus destinée à édifier<br />Une religion universelle,<br />religion d'après laquelle le rôle d'un missionnaire sera de partager avec son frère ce que chacun possède de vérités. Cette race apportera une civilisation dont la Fraternité sera là, note dominante, dans laquelle le bienêtre de tout homme sera proportionnel à ce qu'il aura fait pour autrui, dans laquelle l'autorité et la puissance d'un individu ne dépasseront pas la somme de responsabilités qu'il sera capable de supporter.<br />Tels sont les grands changements qui surviendront ; et vous, si vous le désirez, pouvez y contribuer ; vous tous, même au cours de la présente civilisation, pouvez prétendre à un [217] plus grand idéal, et tenter de le faire accepter à vos semblables.<br />Mais notre espoir se fonde plutôt sur les jeunes, sur ceux dont le caractère n'a pas encore été aigri par la concurrence sociale et commerciale de notre époque. Sur les jeunes gens et, les jeunes filles, malléables encore, susceptibles encore de s'enthousiasmer pour de grandes idées, sur ces enfants au système nerveux beaucoup plus sensible que le nôtre, au coeur chaud, et que les expériences de la vie n'ont pas eu le temps d'endurcir, c'est sur ces enfants, dis-je, que nous fondons le plus d'espoir pour l'avenir. Ils forgeront des idéaux, ils les forgeront d'abord dans le inonde mental, puis du domaine de la pensée les répandront dans le monde de la matière ; ils prépareront pour les races futures une civilisation, où tous seront heureux, glorieux, beaux et libres, où l'on verra aussi la Liberté se joindre à l'Esprit de Sacrifice.</p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>LA RACE DE DEMAIN</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ceux qui parmi vous ont assisté à cette série de conférences, ont pu observer, qu'en parlant des nouvelles portes ouvertes sur la Religion, la Science et l'Art, je ne me suis que très sommairement étendue sur les changements destinés à survenir dans l'organisme humain et sur l'évolution de la conscience. Je promis alors de revenir à cette question lorsque j'arriverais à traiter de "La Race de demain".<br />La nature, le caractère de cette évolution de la conscience, les changements que celle-ci apporte dans le corps humain et qui permettront aux pouvoirs de la conscience de se manifester dans notre monde physique, telles sont les questions se rattachant spécialement, et logiquement, au sujet qui fera l'objet de ma conférence, soit : "La Race de demain". Les grandes transformations du type humain formeront donc aujourd'hui mon principal thème. [171]</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Afin de vous y préparer et de vous y amener progressivement, sans efforts et sans une trop grande surprise de votre part, je vous inviterai à vouloir bien, pendant quelques instants, porter avec moi votre attention sur certaines grandes méthodes d'étude que nous trouvons continuellement employées par les mystiques du passé, et adoptées, de nos jours, presque couramment, par la science moderne.<br />La raison pour laquelle cette dernière les adopta, est la même raison qui incita les mystiques à les préconiser. La science de notre époque s'est trouvée en présence d'une période de croissance si importante et si vaste, que l'homme de science se trouve dans l'impossibilité d'observer ; il est obligé de chercher un principe général à l'aide duquel, après avoir observé ce qui lui tombe sous les sens, il peut, par induction, se rendre compte de l'enchainement des causes et des résultats. Telle est la raison qui fit adopter cette méthode appelée encore :<br />Principe des correspondances.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>PRINCIPE DES CORRESPONDANCES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Les mystiques de toutes les écoles du passé [172] ont, je le répète, utilisé ce principe. Le célèbre mystique Swendenborg, en Suède, basa en grande partie ses théories sur ce système des correspondances ; il essaya de prévoir l'avenir en étudiant ce qu'il avait à sa portée, quelque insignifiant que pût paraitre l'objet de cette étude, comparativement aux importantes déductions qu'il en tirait. De nos jours, la science emploie les mêmes moyens, et j'attire tout d'abord votre attention sur ce point, pour vous bien persuader qu'en utilisant, nous aussi, cette même méthode, nous demeurons sur un domaine ferme, stable, admis et reconnu. C'est la méthode que l'on emploie journellement dans les recherches s'appliquant particulièrement aux successions d'évènements, aux lois sérielles.<br />La science a surtout fait bon emploi de ce système des correspondances dans les deux branches suivantes : celle de l'évolutionnisme, aidée en cela par l'étude de l'embryologie ; puis celle de l'évolution de la conscience dans l'humanité en général, aidée cette fois par l'observation et l'étude de la conscience humaine dans l'enfance, l'adolescence et la maturité.<br />Si nous nous arrêtons un peu sur les grandes séries évolutives du passé, nous nous [173] verrons, dès l'abord, obligés de convenir que l'observation ne peut s'appliquer que dans une faible mesure. Il est vrai certes, que, grâce à la géologie, de nombreux squelettes du passé ont pu être exhumés, examinés, ce qui éclaira d'une vive lumière les différentes classes auxquelles appartenaient les animaux des périodes préhistoriques. Les fossiles peuvent encore, dans une large mesure, nous aider à reconstituer l'histoire et l'évolution de notre globe, mais, – et tous ceux qui se sont intéressés à la classification géologique ne l'ignorent point, – cette classification présente souvent des lacunes. La géologie est à cet égard très imparfaite, nullement satisfaisante, et cependant l'on est bien obligé de se contenter des quelques aperçus qu'elle donne pour retracer l'évolution, trouver dans les fossiles le principe de vie qui s'est graduellement développé sur terre. Étant données ces difficultés dans la reconstitution du passé, les évolutionnistes se sont tournés vers l'étude du présent, vers la croissance de l'individu tel qu'il se présente à leurs yeux, vers les stades successifs traversés par l'organisme, – spécialement durant la période prénatale, – et c'est en grande partie l'embryologie qui permit d'éclairer les vérités contenues dans les [174] théories évolutionnistes. On a effectivement observé, en examinant la croissance prénatale du corps humain d'un individu, que celle-ci passe par une série de stades nettement déterminés. L'une de ces périodes présente les caractéristiques du poisson, période des plus intéressantes en ce qui concerne l'anatomie de certains nerfs ; on trouve ensuite la période du reptile, puis celle du mammifère et ainsi de suite, jusqu'au plus haut spécimen des mammifères : l'homme.<br />Au point de vue de l'observation pure et simple voilà une constatation de peu d'importance, si l'on n'applique pas le raisonnement à cette invariable succession de périodes déterminées. Mais si l'homme ne se contente pas d'observer cette série de phénomènes, s'il utilise la puissance de la raison pour chercher le pourquoi de ces phénomènes invariables dans leur succession, il s'aperçoit que, dans le corps d'un seul et même individu, se retrace et se répète toute l'évolution de la nature ; il s'aperçoit que, dans le plus haut produit actuel de la nature, – la forme humaine, – se retrouve, nettement indiquée, toute l'histoire de l'évolution des formes du passé. Quoique, certainement, les détails n'en soient pas observables, [175] la succession de phénomènes n'en est pas moins là ; cette série se répète invariablement dans la forme la plus haute et la plus noble. Travaillant dès lors par régression, à la lumière de ce fait, la science put reconnaitre, très clairement, les périodes d'évolution dont les fossiles fournirent à la géologie d'imparfaites annales ; elle retrouve là la grande période des poissons dans laquelle aucune autre classe supérieure de vertébrés n'existe ; elle retrouve la période des reptiles, celle des mammifères et finalement celle de l'homme.<br />Reconstituant ainsi le passé en se basant sur l'observation de certains phénomènes actuels, la science reconnait donc la vérité de cet antique principe des correspondances qui sert de clef pour les domaines hors de notre portée, là où l'observation nous est impossible ; il nous rend susceptibles, en utilisant la loi d'analogie, de tracer notre chemin dans ces labyrinthes du passé.<br />Ce n'est pas seulement pour l'étude de l'évolution éonienne des êtres et l'embryologie que la science adopta ce, Principe des correspondances.<br />Elle s'aperçut aussi qu'il s'appliquait à [176] l'intellect aussi bien qu'au corps physique et que, là encore, il permet de ne pas s'égarer dans les méandres du passé. Elle reconnut que les stades de la conscience humaine peuvent être suivis à partir de son point de départ, au moment où s'affirme la volonté de vivre, passant ensuite au développement de la conscience chez l'enfant pour arriver à l'époque des passions juvéniles, jusqu'au moment enfin où la mentalité domine, c'est-à-dire à l'âge mûr. Et elle poursuit dans cette voie avec force détails, nous montrant comment l'enfant nous représente, à un moment déterminé, la conscience du sauvage ; comment, un peu plus tard, la conscience monte d'un degré tout en demeurant au stade passionnel et grossier, pour pénétrer ensuite dans le domaine de l'émotion où l'art et la beauté commencent à intéresser la nature humaine, et arriver, plus tard encore, à cette merveilleuse intelligence qu'elle considère comme le couronnement de la conscience humaine.<br />Cette méthode, familière aux plus réfléchis et aux plus instruits parmi vous, a conduit la science à faire de nouvelles découvertes, à mettre à jour beaucoup des choses cachées de la nature. [177]</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>PRÉVOIR L'AVENIR</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Si cela est incontestable, il y a cependant un point que la science se refuse continuellement à dépasser. Elle utilise les correspondances pour dévoiler le passé, mais il ne lui vient pas à l'idée de s'en servir pour<br />Prévoir l'avenir.<br />Cela n'a rien qui puisse nous étonner puisque, d'après la science, il est pratiquement impossible de prévoir l'avenir. La science procède par induction, non par déduction ; elle rassemble quantité de faits, les arrange, les classifie, les compare ; cela accompli, elle, s'efforce, par une induction logique, de trouver le grand principe qui les régit et les explique ; c'est ainsi qu'on découvre une nouvelle loi. Mais l'induction ne nous conduit pas plus loin ; elle ne peut nous entrainer au-delà des faits observables. Il n'est rien dans les faits observés qui puisse nous faire prévoir ce qui surviendra par la suite ; il faut, pour cela, utiliser l'autre méthode qui est tout aussi logique, non pas celle de l'induction que la science préconise, mais celle de la déduction que nous retrouvons dans toutes les grandes philosophies de l'antiquité, dans la seule science parfaite : les [178] mathématiques, dans la méthode de Platon contre celle d'Aristote. C'est seulement grâce à elle, que nous pourrons, non seulement expliquer le passé, mais prédire Ce que sera l'avenir.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>CE QUE SERA L'AVENIR</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ce n'est qu'en employant ce processus logique et plus noble, que la science occulte a toujours été en mesure de prévoir le futur en considérant les principes qu'elle trouve dans l'univers et la graduelle évolution de celui-ci.<br />Je désire maintenant, si je le puis, vous montrer comment cette méthode peut s'appliquer ; comment, connaissant la nature de l'homme, il nous est possible d'indiquer non seulement l'histoire de son passé, passé grâce auquel nous nous sommes élevés loin au-dessus de ce que nous voyons de plus haut dans l'histoire, mais d'éclairer aussi la route que l'homme doit parcourir dans l'avenir, de désigner les sommets qu'il est appelé à gravir en manifestant les pouvoirs qu'il ne possède actuellement qu'à l'état latent, son évolution n'étant pas encore terminée.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA LOI DE RÉFLEXION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Il existe encore une autre chose susceptible de nous servir de clef, tout aussi bien que le [179] principe des correspondances, et qui, je le crois du moins, n'a pas encore été adoptée par la science ; si je n'en suis pas absolument certaine, c'est que la science progresse si rapidement de nos jours qu'il n'est pas possible de se tenir au courant de toutes les découvertes récentes avec tous leurs détails.<br />Cette autre chose, cet autre grand principe c'est La Loi de Réflexion.<br />Vous pouvez voir une montagne se refléter dans un lac ; toutes ses particularités, ses contours, sa végétation, se reproduisent dans la nappe liquide et tranquille qui baigne ses pieds, en sorte que la cime se trouve<br />réfléchie dans l'eau au point le plus bas, que toute la partie intermédiaire a son image renversée, le point supérieur devenant le point inférieur, et ainsi de suite. Vous arrivez enfin au point de jonction, à la ligne qui sépare l'eau de la montagne ; là, ce qui sera le plus près de nous sur la montagne sera aussi le plus près de nous sur l'eau. De même, notre étude de l'homme sera-t-elle facilitée si nous considérons celui-ci comme une réflexion du divin, manifestation du triple aspect de la vie divine dans l'homme. [180]<br />Vous voici en droit de me demander ce que j'entends exactement par réflexion.<br />C'est la reproduction des caractéristiques divines dans une forme de matière plus dense et plus grossière. Voilà ce que j'entends par réflexion. Comme la montagne, baignant dans l'atmosphère, se reflète sur l'eau plus dense que l'air, les attributs spirituels se réfléchissent sur la matière grossière. En d'autres termes, la même qualité, ou plutôt une qualité analogue, s'incorpore dans une matière plus grossière, où elle se trouve naturellement plus limitée dans ses pouvoirs, avec des facultés par conséquent moins puissantes.<br />Tel est l'usage que nous faisons du mot réflexion dans notre littérature théosophique. Les caractéristiques sont les mêmes, mais la matière plus dense limite et, dans un certain sens, obscurcit leur manifestation.<br />Ainsi, la volonté suprême qui amène l'univers à l'existence, se reflète, dans l'homme, comme La volonté de vivre.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA VOLONTÉ DE VIVRE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"> </p> <p style="text-align: center;">Celle-ci étant d'un côté la plus haute manifestation de la divinité, elle apparait au stade [181] le plus inférieur de l'évolution lorsqu'elle est reflétée dans l'homme ; c'est alors la caractéristique principale de la conscience humaine naissante. Cette volonté de vivre est, chez le nouveau-né, le seul véritable signe de conscience ; elle se traduit par des mouvements, indiquant qu'elle s'efforce de prendre contact avec le monde extérieur et de se rendre compte de ce qui l'entoure.<br />Apparait ensuite le second grand aspect de la divinité : "Sagesse-Amour", que nous retrouvons chez les chrétiens dans la seconde personne de la Trinité. Il se reflète dans la nature humaine sous forme d'émotions pures, nobles, désintéressées qui constituent le second grand stade de la conscience humaine, laquelle abandonne ainsi les degrés inférieurs de la passion, pour s'élever graduellement et sans interruption jusqu'à la plus glorieuse manifestation de l'émotion.<br />Suit enfin le troisième aspect, "l'Activité créatrice" qui, dans le Christianisme, est l'Esprit créateur ; il se manifeste chez l'homme comme le seul pouvoir créateur, le pouvoir de la pensée, dont l'une des expressions, l'imagination, possède le don de créer avec le concours de la force intellectuelle inhérente à l'homme. [182]<br />La correspondance est donc parfaite, ainsi que vous pouvez le constater. Mais combien limitée est cette manifestation comparativement à la manifestation sur les plans de la divinité ! De là il résulte cette reproduction imparfaite que nous appelons : Loi de Réflexion.<br />Nous la rencontrons souvent avec la Loi des correspondances, ce qui nous donne une clef de plus pour nous guider au travers des difficultés et des obscurités, là où la vision directe nous fait défaut.<br />Revenons maintenant à l'être humain. Procédant ainsi par déduction, et considérant l'homme comme l'image du Suprême, rien ne peut interrompre notre étude, constatation faite de ces trois grands points :<br />La volonté de vivre, se traduisant par l'activité ;<br />Le stade de la passion et de l'émotion ;<br />Le stade de l'intelligence.<br />En effet, nous pouvons voir qu'au-delà de ces stades, ces mêmes attributs de la divinité se présentent sous une forme plus noble, plus subtile, dans ce que nous appelons l'âme humaine. Cette âme, cet Esprit humain, en reproduisant les trois grands aspects, peut donc nous [183] indiquer l'avenir, comme les réflexions inférieures nous indiquent le passé.<br />C'est ainsi que nous pouvons, non seulement suivre l'évolution de la conscience dans les grandes périodes du passé, ainsi que le fait la science, mais nous pouvons regarder en avant, dans le futur, où se répète, à un degré supérieur, la manifestation du divin qui évolue graduellement en nous, et prépare les qualités destinées aux périodes ultérieures de notre évolution humaine.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA RÉINCARNATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Il est maintenant indispensable de reconnaitre que cette théorie est incomplète et imparfaite à moins que vous n'admettiez La Réincarnation, vérité fondamentale sans laquelle vous ne saurez vous rendre compte du développement de l'Esprit divin dans l'homme. Pour cela en effet, il vous faut compter avec le temps et avec l'ambiance qui rendent possible la succession de ces différentes périodes dans une évolution humaine.<br />En examinant l'humanité, nous voyons que bien des hommes disparurent étant encore à l'état sauvage, état dans lequel le stade [184] rudimentaire de la conscience est seul manifeste ; d'autres s'élevèrent au-dessus de cet état sauvage mais esclaves encore de leurs passions et de leurs émotions fortes et égoïstes ; d'autres, supérieurs à ces derniers, témoignèrent plus tard de qualités intellectuelles, le mental commençant à prédominer en eux. Si vous n'admettez pas un développement continu de la conscience individuelle, vous vous verrez entourés de difficultés nombreuses et ardues, lorsque vous tenterez d'expliquer l'évolution humaine. Si, en effet, vous suivez plus loin ces différentes consciences, avec la certitude qu'elles ne reviendront jamais à l'école de la vie pour y apprendre les leçons qu'elles n'ont pu apprendre dans la classe préparatoire qu'est la vie du sauvage, il vous faudra vous imaginer un ciel, ou plutôt des cieux dont l'un est rempli de ces âmes n'ayant traversé sur la terre que l'état sauvage, un autre rempli de ces âmes ayant atteint le stade émotionnel sans toutefois avoir développé la raison et qui, par conséquent, ne sont pas encore sorties de leur sauvagerie ; puis un troisième ciel pour les hommes doués d'une certaine intelligence, mais dépourvus de la volonté de vivre spéciale au sauvage et du côté émotif caractérisant l'homme [185] à demi cultivé. De la sorte, vous faites de l'au-delà un monde plus fantastique que rationnel et, de ce fait même, vous en arrivez à poser le principe d'une Évolution post mortem.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>ÉVOLUTION POST MORTEM</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Dès lors que vous admettez ce principe, vous adoptez forcément le principe de la réincarnation, même en plaçant cette évolution sur d'autres mondes que le nôtre 8. Certes, ici encore, surgissent de nouvelles difficultés, mais je ne m'y attarderai pas, n'ayant pas l'intention de m'étendre en ce moment sur la réincarnation. Mais supposez que vous l'acceptiez : tout vous devient alors compréhensible ; vous vous représentez désormais, très bien, une intelligence spirituelle évoluant par degrés successifs, chacun d'eux ayant été préparé par celui qui le précédait.<br />Appliquant ce processus à l'évolution de [186] l'humanité, vous distinguerez nettement les périodes de l'enfance, de l'adolescence et de l'adulte ; arrivés là, vous attendez celle du développement de l'homme spirituel. Si vous préférez appliquer ce même processus aux vastes époques du passé, vous vous trouverez en présence de "l'homme-animal", de l'homme esclave de la passion, puis de l'homme intellectuel ; et vous ne vous arrêterez pas là. Vous ne pourrez vous retenir de penser qu'un quatrième état, celui de l'homme spirituel, doit suivre. Tels sont les quatre stades qu'il vous est possible de retrouver en vous aidant du principe de déduction que je préconisais tout à l'heure. En l'appliquant, nous voyons la vie divine nous conduire loin en avant, vers un stade que nul n'a encore atteint, sauf quelques glorieux êtres humains.<br />Or, lorsque dans les limites de votre propre champ visuel, vous aurez personnellement constaté la présence complète des trois premiers stades, auxquels s'ajoute un quatrième, naissant et encore caché en vous, – (ce sont là les quatre stades visibles à notre degré actuel d'évolution) – ; quand, dans l'existence entière d'une individualité en réincarnation, vous aurez constaté la présence de ces mêmes trois [187] stades et l'apparition imminente du suivant ; quand, pour l'évolution, en général, vous aurez fait semblable constatation, vous ne serez pas surpris d'en arriver finalement aux races, telles que la Théosophie les indique. Il vous sera, en outre, aisé de distinguer, dans l'humanité primitive, la première de ces races à laquelle on puisse ajouter le qualificatif d'humaine, – les précédentes ne se rapportant qu'à l'homme semi-animal, et vous assisterez à la naissance de l'humanité telle que vous la connaissez aujourd'hui. Nous appelons Lémurienne la première de ces races. Il est intéressant de noter que Haeckel parle du continent perdu de la Lémurie comme ayant été le berceau de l'Humanité ; la science moderne en arrive donc peu à peu à corroborer ces antiques enseignements. Dans la race lémurienne se manifeste fortement la volonté de vivre. La race atlantéenne lui succéda : ce fut celle qui vécut sur ce vaste continent de l'Atlantide dont l'existence se trouve être admise de plus en plus par la science, nécessité logique dont elle ne peut se passer pour expliquer certains faits, géologiques et archéologiques, la plus grande partie du continent ayant été engloutie sous l'Océan Atlantique. Les recherches [188] archéologiques nous prouvent, malgré tout, l'identité de caractéristiques raciales en des lieux séparés maintenant par l'Atlantique.</p> <p style="text-align: center;"><em>8 Ce principe de la réincarnation est admis, dans ce sens, par de nombreux spiritualistes qui ne croient pas au retour de l'homme sur la terre. Pour leur prouver la nécessité de la réincarnation, telle que nous la comprenons, d'autres arguments qua ceux que nous employons ici, devraient être présentés. (Note de l'Auteur.)</em></p> <p style="text-align: center;"><br />L'archéologie, en effet, nous montre que les tableaux, les symboles, et les reproductions de quelques types humains de l'Égypte ancienne correspondent exactement avec les symboles, les types humains, la philosophie et la religion qu'on retrouve au Mexique méridional, dans une civilisation depuis longtemps disparue, chassée par les Aztèques qui étaient eux-mêmes corrompus et voués à la décadence, lorsque les Espagnols s'emparèrent de Mexico. Dans ces deux grandes et lointaines parties de la croute terrestre séparées par l'Atlantique, nous retrouvons chez l'une ce que nous avons découvert chez l'autre. Je pourrais vous en donner, de nombreux exemples, mais, jugeant qu'il est inutile de m'étendre davantage sur ce sujet, je vous rappellerai seulement les similitudes entre la faune et la flore et les frappantes ressemblances architecturales en des contrées que les mers séparent aujourd'hui. Toutes ces observations conduisirent les hommes de science à admettre l'existence du grand continent de l'Atlantide.<br />Si les Lémuriens, sous des formes grotesques, [189] ne manifestèrent que la volonté de vivre, les Atlantes, eux, manifestèrent la passion, l'appétit sensuel, le désir. Toute leur civilisation fut imprégnée d'une nature passionnelle. Nous ne faisons d'ailleurs que retrouver là, en fait, ce que nous avons découvert théoriquement tout à l'heure.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LES FORMES INFÉRIEURES DU PSYCHISME</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ce qui se produit invariablement pour le type humain passionnel et dépourvu d'intelligence, se produisit aussi pour la race atlantéenne, ce qui revient à dire que celle-ci développa Les formes inférieures du Psychisme.<br />Nous appliquons ce terme lorsque nous voyons se préciser les facultés rudimentaires concernant la vision de l'invisible, l'audition de l'inaudible, etc… Nous les rencontrons chez quelques espèces du règne animal ; elles sont largement répandues dans beaucoup de tribus sauvages ; elles se rencontrent encore parfois chez les montagnards et dans les lieux où l'air est pur, où la nature se trouve avoir encore sa primitive virginité. Ces facultés ne sont ni indépendantes ni précises ; elles ne sont pas sous le contrôle de la volonté et paraissent au [190] contraire s'éveiller sous l'impulsion des passions, des émotions et très rarement, pour ne pas dire jamais, sous l'influence du mental.<br />Or, en examinant ce grand peuple des Atlantes, nous y voyons les individus manifester ces mêmes formes de psychisme que nous trouvons dans l'animalité supérieure et au degré inférieur de l'évolution humaine, avant que le mental ne soit entré en jeu, avant que le système nerveux cérébrospinal (caractéristique de l'homme moderne) n'ait dominé le système sympathique, prépondérant chez l'animal.<br />Nous arrivons ensuite à une période où nous pouvons voir comment nait une nouvelle race, ce qui nous aidera beaucoup pour l'étude de la nouvelle race de demain.<br />En jetant nos regards sur ce lointain passé de l'histoire du monde, nous découvrons qu'une sélection s'opéra parmi les Atlantes ; et nous remarquons que cette sélection ne s'opéra nullement parmi ceux qui contribuèrent à mener le type atlantéen à son plus haut point de perfection, mais au contraire dans une subdivision de cette race, ce que nous appelons une sous-race. Les qualités qui avaient amené les Atlantes à l'apogée, étaient absentes dans cette sous-race ; en revanche celle-ci possédait des [191] germes que ne possédaient pas les types atlantéens les plus parfaits, c'est-à-dire les germes du développement mental.<br />Certains parmi vous ont probablement entendu parler de la race Toltèque : c'est dans cette race, ou, plutôt, dans cette sous-race, que la civilisation atlantéenne atteignit son apogée. Ce n'est pas elle qui fournit les premiers éléments de la race aryenne ; ce fut la sous-race qui lui succéda et dans laquelle, je le répète, certaines qualités mentales commencèrent à poindre, entrainant avec elles un résultat inévitable : la disparition des facultés psychiques qui, graduellement, se retirèrent à l'arrière-plan et disparurent.<br />Regardez autour de vous ! Vous vous rendrez compte combien cela reste vrai, de nos jours, pour les individus de peu d'intellectualité, pour les psychiques non entrainés. Combien leur mental est peu développé ! Un faible pouvoir de pensée accompagne toujours cette forme inférieure de psychisme. C'est pourquoi ceux qui devaient être les germes de notre propre grande race, ne furent pas choisis parmi les types les plus avancés et les plus admirés de la civilisation atlantéenne mais, bien plutôt, chez ceux qui ne possédaient pas ces facultés [192] que l'on considérait alors comme les plus dignes d'attention. Ceux qui se trouvaient être inférieurs aux Toltèques triomphants furent au contraire choisis ; c'est dans ce petit peuple de peu d'apparence que se trouvaient pourtant renfermées les promesses de l'avenir. On rassembla les individus, on les isola du reste du monde civilisé d'alors, on en fit des types déterminés. Tous les archétypes de l'espèce humaine existent dans le Mental du Logos avant d'être manifestés dans la matière de notre globe terrestre. L'idée précède toujours la manifestation. Les sept grands types humains destinés à évoluer sur notre planète dans le cycle actuel, existèrent d'abord comme idées, ce mot étant pris dans le sens que lui donnait Platon. Ce furent donc les types vers lesquels les grands Êtres dirigèrent l'évolution de l'humanité et, au moment où la quatrième race atteignait son Zénith, naquit la cinquième.<br />Les mêmes grandes lois, à un degré bien inférieur, sont employées par les horticulteurs ou les éleveurs de bestiaux lorsqu'ils s'efforcent de créer une nouvelle espèce qu'ils conçoivent d'abord mentalement. Ne l'oubliez pas, les pétales d'une fleur nouvelle, ou la chair et le sang d'un nouvel animal, ne peuvent être [193] obtenus, par l'horticulteur ou l'éleveur, que grâce à ces lois qui, pour de plus hauts et plus grandioses desseins, furent utilisées par le grand législateur de la nouvelle race, afin de constituer le type idéal de ce que nous connaissons maintenant sous le nom de type Aryen.<br />Si vous comparez un homme du Cachemire, dans l'Inde septentrionale, avec votre meilleur type caucasien, vous trouverez entre eux une étrange ressemblance, une copie l'un de l'autre. Je choisis intentionnellement l'homme du Cachemire qui possède la peau délicate des races blanches ; étant donnés le climat tempéré dans lequel il vit, et son isolement, – privé qu'il est de toute communication avec les autres contrées ; – étant donnée encore la difficulté qu'il a de se joindre à ses semblables, ce type d'homme est ainsi plus pur là, que partout ailleurs sur terre. Peau délicate, yeux bleus ou violets, cheveux bruns aux ombres variées, les traits nettement accusés, les lèvres minces, le nez fin et bien formé, vous avez là l'un des plus beaux types de la beauté humaine que vous puissiez trouver ici-bas. Vous le trouvez reproduit partout, avec différentes modifications à mesure que les sous-races évoluent, niais le type primitif est partout reconnaissable. La [194] forme de la tête, le front largement découvert, – ce qui permet au cerveau de manifester toutes les facultés intellectuelles, – ce type est bien celui enfin d'une mentalité supérieure et s'adapte parfaitement à la race, dont le rôle sera de conduire l'intellect humain à ses plus hautes possibilités.<br />Revenant un peu en arrière et en envisageant les sous-races, vous remarquerez que ce qui vous frappait à propos de l'Atlante psychique et de la sous-race très peu psychique qui donna naissance à la nôtre, vous frappe encore ici. Comparez le pur type romain, séduisant, bien pris, cultivé, avec le Goth qui donna naissance à la sous-race teutonique, là encore vous constatez le même fait : le contraste frappant entre le type prédominant et celui, apparemment inférieur, qui, lui, possède la possibilité de s'élever beaucoup plus haut que son prédécesseur.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LES GERMES DE LA RACE DE DEMAIN</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />En procédant par analogie et en suivant ce principe, nous verrons immédiatement, aujourd'hui, que le type de la race de demain ne sera pas celui de ceux qui triomphent et sont à présent les plus beaux spécimens de la race, mais bien celui des individus chez qui les grandes caractéristiques actuelles sont, il est vrai, moins développées, mais possèdent le germe de ce qui [195] est appelé à se développer plus glorieusement, plus divinement dans l'avenir. Ainsi donc, lorsque nous cherchons<br />Les germes de la race de demain, ne cherchons pas parmi les Aryens d'aujourd'hui qui présentent les plus hautes facultés mentales, la plus grande intelligence, la plus grande puissance de pensée : le rôle de ceux-là est d'amener la civilisation actuelle à son zénith. Qui donc, sinon eux, peut remplir ce rôle ? Ils ont développé le mental, la grande caractéristique de cette cinquième sous-race teutonne ; à eux la mission, à eux le privilège de guider cette sous-race à son plus haut degré de perfection. Ceux-là seulement dont l'intelligence est puissamment manifeste, sauront conduire la civilisation présente à la gloire qui l'attend, et ce sont eux les leadeurs du type humain le plus accompli qui soit aujourd'hui ; ce sont eux que la race considère comme devant amener l'intelligence à sa plus splendide expression. Nous ne chercherons donc pas là les germes de la race de demain qui doit être et sera, car, en utilisant notre loi des correspondances, nous nous rendons compte que la [196] connaissance de l'homme spirituel doit suivre celle de l'homme intellectuel. Ce qui est au-dessus de l'intellect, ce qui est supérieur à l'esprit scientifique, les qualités des grands instructeurs religieux du passé, les vertus qui caractérisent un Bouddha, un Christ, telles sont les qualités spirituelles qui se distinguent de celles du mental, et c'est leur germination qui marquera le début de la race à venir.<br />Nous pouvons voir dès à présent, dans la race actuelle, des signes de ces changements dans l'évolution, signes qui indiquent peu à peu le type de conscience qui préparera graduellement les corps à une manifestation plus complète des qualités appelées à se développer. Quel est en effet ce qui caractérise le plus ces types spirituels de l'humanité, quelle qualité brille avec le plus d'éclat partout où elle apparait sur terre ? C'est celle que nous nommons aujourd'hui :<br /><span style="font-size: 18pt;">Fraternité !</span></p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>FRATERNITÉ</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est la reconnaissance de l'unité de vie d'où résultent une infinie compassion et le perpétuel sacrifice de soi-même. C'est là ce que nous rencontrons chez les grands Êtres de notre [197] race, Eux qui ont atteint la nature spirituelle, Eux qui rayonnent la gloire de l'Esprit divin. C'est un fait remarquable qu'en chacun des grands Fondateurs dans le passé, cette qualité est celle dont l'éclat fait pâlir toutes les autres ; elle est celle qui permet de les reconnaitre entre tous ceux parmi lesquels ils sont nés.<br />L'amour de l'infortuné et du faible, leurs efforts pour encourager les vaincus de la vie et les opprimés, pour partager tout ce qu'ils possèdent, pour élever l'idéal, en un mot pour rendre heureux, pour sauver, telle est la grande caractéristique spirituelle de tous les Sauveurs du monde. Et c'est pourquoi ceux qui, de nos jours, partagent leur croyance et pratiquent la Fraternité universelle, s'attachent dès lors avec ardeur à leur perfectionnement moral, pour former les bases de la race de demain. Ils peuvent être d'une intelligence moyenne, peu importe, ce n'est pas là ce qui leur est demandé pour le moment : ils peuvent ne pas contribuer aux victoires triomphantes de l'intelligence, peu importe, ces victoires ne leur sont pas nécessaires pour constituer le noyau de la nouvelle race. Ce sont les qualités supérieures de l'esprit que le Guide de la race recherche, pour qu'Il puisse graduellement préparer le moule [198] du type humain qu'il a conçu et faire de ces possibilités, de ces germes, L'homme de demain.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'HOMME DE DEMAIN</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Arrêtons-nous un instant pour considérer maintenant quelles doivent être les caractéristiques spéciales à la conscience et au corps.<br />Pour la conscience, c'est évidemment la conception de l'Unité, chose essentielle, car là où l'intelligence divise, l'Esprit rassemble, tendant sans cesse à l'unité. Voir la même vie dans chaque être plutôt que des formes séparées, voir le même "Moi" chez tous plutôt que des "Moi" séparés et matérialisés en des corps, telle sera la grande caractéristique de la conscience, tel sera son développement partout où cette Unité sera reconnue ; c'est là un des signes distinctifs de la race de demain.<br />Parallèlement à ce développement, – résultat inévitable, – un souffle de libéralité et de tolérance animera ceux chez qui le sentiment d'unité sera éveillé. Tout ce qui est étroit et exclusif, tout ce qui tend à séparer, qui provoque des différences au lieu d'unifier, est contraire à la conscience qui reconnait l'Un chez tous, la Divinité partout. Grâce à cet [199] épanouissement de la conscience s'édifiera un corps spécialement organisé dont nous voyons parmi nous aujourd'hui les premières caractéristiques.<br />Lorsqu'un changement doit survenir et qu'un nouveau type doit commencer à évoluer, il est à remarquer que ceux qui doivent contribuer à ce changement sont, selon l'expression accoutumée, instables. L'instabilité est un signe de progrès ou de dégénérescence ; il existe une instabilité résultant de la santé comme il y a celle de la maladie et, avec la transformation du système nerveux, vous trouverez cette instabilité sous ses deux formes. Quel est en effet aujourd'hui ce qui nous frappe le plus en ce qui concerne les corps des races les plus avancées sur terre ? Ce sont Les troubles nerveux,<br />troubles de toutes sortes que l'on rencontre notamment chez les êtres les plus développés. Il est inutile d'attirer votre attention sur ce point que nul d'entre vous n'ignore.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LES TROUBLES NERVEUX</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Une trop grande tension du système nerveux se manifeste de bien des manières ; la plus triste est l'accroissement des cas de folie dans [200] les nations les plus civilisées du monde. Les asiles d'aliénés se multiplient, à peine l'un est-il achevé qu'il devient nécessaire d'en construire un autre. C'est là le pénible spectacle auquel nous assistons lorsque nous cherchons, autour de nous, les signes précurseurs de la nouvelle race. Les divisions, les compétitions, les luttes, la concurrence effrénée, – commerciale et individuelle, – de la race actuelle, qui d'ailleurs s'est elle-même imposé ses conditions présentes d'existence, sont autant de choses funestes au système nerveux de l'homme.<br />L'ambiance est intolérable, toutes les choses qui nous entourent sont désastreuses pour le développement d'une organisation nerveuse, plus délicate, plus sensible, plus vibrante ; pourtant la force irrésistible de la nature pousse la race humaine en avant, et il est impossible de s'opposer au courant de l'évolution sans courir le risque d'une complète destruction. Puisse cela nous servir de leçon et contribuer à nous guider dans la vie ordinaire !<br />Nous vivons dans une ambiance qui est contraire à l'évolution supérieure ; un grand danger nous menace si nous persistons à, ne pas nous inquiéter de cette évolution au moment où la prochaine race doit naitre. [201]<br />Si nous voulons progresser, nous aurons à nous adapter à de nouvelles conditions ; cette adaptation est de la plus grande importance actuellement. Déjà naissent des enfants dont l'organisme nerveux est d'un type supérieur ; ils ne sont pas pour cela maladifs ; la plupart au contraire sont le plus souvent en excellente santé, mais leur organisme est si délicatement constitué qu'il est fréquemment sujet à des troubles. Plus d'un parmi vous, en tant que parents, savent par expérience que des enfants naissent maintenant avec un système nerveux d'une sensitivité telle, que ces jeunes créatures sont facilement désorientées ; lorsqu'ils souffrent, ils souffrent d'une manière anormale. Il est donc absolument nécessaire, pour les parents, de ne pas oublier que les enfants qu'ils ont sous leur protection, qu'ils éduquent et aident, possèdent des organismes tels, que les petits êtres éprouvent la peine ou la joie d'une façon beaucoup plus intense que ceux dont les corps ne sont pas aussi merveilleusement constitués et équilibrés. Un tel enfant éprouve de la peine là où un autre, d'une nature moins élevée, sera insensible, ne se rendant pas même compte de ce qui peut causer cette peine. D'un autre côté, une joie intense, chez un tel être, [202] est toujours suivie d'une période de dépression extrême. Ces enfants devraient être, autant que possible, préservés de tout ce qui peut leur nuire et les troubler. Il est inutile de chercher à les acclimater à un milieu dont vos systèmes nerveux, à vous, ne souffrent pas. Bien au contraire, le devoir des parents est de chercher à les placer dans une ambiance douce et harmonieuse, sans laquelle leurs délicats instruments seront gravement atteints, désaccordés, et, par suite, incapables d'exprimer les ravissantes mélodies qu'ils auraient pu nous faire entendre, car ces instruments ne tardent pas à se briser et sont voués dès lors à la mort.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LONDRES EST DEVENU PRESQUE INTOLÉRABLE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Pensez un instant aux conditions actuelles d'existence dans Londres. Durant ces dix dernières années Londres est devenu presque intolérable,<br />avec son vacarme assourdissant, sa perpétuelle agitation, les hurlements et les crissements de ses rues, les trépidations du sol lui-même sous les lourds véhicules qui le parcourent. Londres est tel que, pour vivre dans le calme, il faudrait du coton dans les oreilles, des lunettes noires sur les yeux et aussi un [203] mouchoir sur le nez, afin de ne pas respirer ces odeurs infectes dont les rues sont empestées.<br />En réalité le remède suivant s'impose : tous les gens les plus délicats et les plus évolués déserteront ces énormes capitales pour les abandonner à ceux qui les aiment, et ces derniers ne manquent pas ; quantité de gens recherchent le bruit, le tumulte, le vacarme des rues de Londres ; la vue de cette ville transporte les paysans de joie et d'admiration. Par contre, si vous envoyez un Londonien à la campagne, il ne cessera de vous dire combien celle-ci est profondément ennuyeuse et triste.<br />Pourquoi ne pas laisser ces énormes capitales à ceux qui s'y plaisent et qui peuvent y évoluer ? L'intelligence, celle qui est préjudiciable à un système nerveux délicat, est au contraire le stimulant nécessaire à l'évolution d'un système nerveux d'un type inférieur et grossier. Je ne désire pas le moins du monde la disparition de ces grandes capitales, mais je dis à tous ceux qui souffrent de leur vacarme, de leur cohue et de leur fièvre : "Votre place n'est plus ici, et, par-dessus tout, vos enfants ne peuvent en retirer aucun bien." Plus le système nerveux du père et de la mère sera délicat, plus délicate aussi sera [204] l'organisation nerveuse de l'enfant ; si celui-ci souffre de la grande ville, emmenez-le loin de Londres à la campagne ; c'est là un devoir pour les parents ; qu'ils songent à se placer, eux et leurs enfants, dans une ambiance meilleure et plus calme.<br />Non seulement la vie, telle qu'on la mène dans ces grandes villes, enlaidit et avilit l'Angleterre, tout en créant un milieu impropre à la race de demain, mais le régime d'alimentation devra, lui aussi, être changé, de façon à ce que vous puissiez vous adapter aux nouvelles conditions d'existence. Le régime carné, habituel à la plupart, est absolument contraire au développement du système nerveux ; vous devez d'ailleurs remarquer que les sensitifs s'en écartent instinctivement. Il arrive souvent que certains enfants, en apprenant que la viande provient d'animaux qu'on a tués, s'en détournent avec répugnance et refusent d'y toucher. Cet instinctif dégout est un sentiment qui se répand de jour en jour davantage chez les enfants, et ils se révolteront de plus en plus contre l'usage du régime carné. Vous ne devez pas seulement constater ce fait, il vous faut,<br />vous aussi, éviter pareil système d'alimentation si vous désirez préparer vos corps pour la race future. [205]<br />Du jour où la conscience supérieure se sera manifestée, tout corps que la chair animale et l'alcool, sous ses formes diverses, auront nourri, sera un corps voué à une inévitable destruction. Les troubles nerveux proviennent fréquemment de ce que la conscience supérieure s'efforce de s'exprimer en des corps viciés par l'alimentation carnée et intoxiqués par l'alcool.<br />Laissez-moi vous indiquer un point extrêmement important se rattachant de près à ce que nous venons d'envisager.<br />En même temps que les corps supérieurs se développent, le système nerveux devient plus parfait et le corps astral s'organise d'année en année plus complètement. L'organisation de ce corps immédiatement supérieur à notre corps physique, et composé d'une matière moins dense, s'effectue très rapidement en ce moment sous l'influence de la pensée que toute personne instruite et cultivée emploie dans une certaine mesure. Ce corps devenant plus parfait, les sens qui lui sont inhérents sont mis en activité et nous avons alors ce que nous appelons Le véritable psychisme.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE VÉRITABLE PSYCHISME</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Celui-ci n'est plus produit par l'intermédiaire [206] d'un corps astral mal organisé vibrant sous le choc d'une émotion quelconque ; il est dû, au contraire, à la haute organisation d'un corps dont les sens sont développés et cherchent à s'exprimer dans le corps grossier du plan physique ; or, il existe dans le cerveau un organe, celui de notre sixième sens, organe par l'intermédiaire duquel les expériences et les émotions du plan astral pourront être transmises dans la conscience à l'état de veille. Cet organe, qui a si souvent et si fort troublé plus d'un médecin et plus d'un homme de science, est Le corps pituitaire.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE CORPS PITUITAIRE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Ce n'est pas là simplement, ainsi que beaucoup de docteurs en médecine le prétendent avec raison, le vestige d'un organe ayant fonctionné dans le passé ; c'est en outre celui à l'aide duquel, par une subtile différenciation interne, se construit un sens pour le libre exercice des pouvoirs psychiques supérieurs de la race future. C'est un fait bien connu de l'étudiant en occultisme qui s'aperçoit que ce phénomène s'opère en lui, bien connu aussi de tous ceux qui s'intéressent aux mêmes questions. De plus, à mesure que les expériences du corps astral se [207] transmettent davantage au cerveau, il constate l'activité du corps pituitaire, et il peut alors se rendre compte des transformations qui, en lui, se succèdent les unes aux autres. Ce corps, d'après les récentes découvertes de la science, est très rapidement affecté par les vapeurs d'alcool ; c'est, parmi toutes les glandes du corps humain, celle qui s'intoxique le plus rapidement et la plus petite quantité d'alcool entrave son évolution supérieure. Si donc, vous désirez faciliter celle-ci ; si vous désirez activer votre évolution en infligeant une légère contrainte à vos corps de la cinquième race, le seul bon conseil qu'on puisse vous donner est celui-ci : N'absorbez jamais d'alcool sous quelque forme qu'il se présente. Les vibrations qu'il provoque interceptent tout moyen de communication entre le corps astral et physique, entravent les progrès de ces corps, alors que leur développement vers de plus hauts sommets doit être l'une des principales caractéristiques de la race de demain appelée à voir le monde astral devenir perceptible à la conscience physique. Tel est le conseil que vous donnera toute personne ayant l'expérience de ces choses. N'abandonnez pas seulement le régime carné, mais renoncez aussi d'une façon [208] absolue à toute espèce d'alcool. Ce sont là des lois de nature que vous ne pouvez transgresser. Si vous ne vous sentez pas disposés à renoncer au régime d'alimentation de la cinquième race, résignez-vous alors à demeurer dans la cinquième race sans espoir de progrès. Nul ne peut vous obliger à avancer plus loin que vous ne le désirez, mais sachez que les conditions d'avancement sont absolues, que plus vous en serez convaincus, mieux vous vous en trouverez. Par-dessus tout, et j'insiste sur ce point, ne forcez pas les enfants à suivre votre exemple en leur faisant absorber des aliments qui causeraient un énorme préjudice à leur système nerveux en voie de développement, paralyseraient dans le cerveau cet organe qui leur servira à transmettre les expériences du plan astral dans la vie ordinaire.<br />Permettez-moi de vous donner quelques indications au sujet de cette transmission.<br />Supposons que vous ayez le désir de hâter la naissance de la race future : supposons que vous ne soyez pas disposés à suivre le lent processus de la nature, lequel peut durer des milliers et des milliers d'années ; supposons que vous vous décidiez au contraire à coopérer avec elle, – ce que nous devrions tous faire [209] aujourd'hui, ayant désormais atteint un degré d'évolution où l'intelligence humaine permet d'activer le processus de la nature, – pratiquez alors, et sans tarder,<br />La Méditation, chose essentielle et indispensable à votre vie journalière.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA MÉDITATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />La méditation comporte trois degrés :<br />1. Le contrôle du mental, la caractéristique de celui-ci étant une extrême activité, sans compter l'habitude qu'il a d'effleurer successivement quantité de sujets sans les approfondir.<br />2. La concentration du mental ainsi contrôlé sur un seul sujet.<br />3. La contemplation de cet objet, pour que celui-ci se reproduise en vous.<br />Grâce à ce genre de méditation, l'évolution de la conscience sera stimulée d'une façon définie, et il n'y a pas pour cela de moyen plus efficace et plus sûr. Le fait de fixer chaque jour votre mental sur un idéal quelconque ou sur la vertu que vous désirez acquérir, développe la conscience supérieure et vous fait envisager le monde sous un tout autre aspect. [210]<br />Laissez-moi prendre un exemple.<br />Il peut vous arriver de vous trouver en présence d'un homme de mauvaise foi ; celui-ci réussira, pendant un certain temps, à vous induire en erreur ; vous faites alors appel à votre intelligence, jusqu'au moment où des preuves établissent enfin la mauvaise foi de l'individu. C'est là un processus très lent, mais c'est celui qu'on se voit cependant obligé d'adopter à notre stade présent d'évolution.<br />Quel sera le processus pour confondre l'individu de mauvaise foi, lorsque la nature spirituelle, grâce à la méditation, se sera développée ?<br />Tout d'abord, vous aurez chaque jour médité sur la vérité ; ce faisant, vous mettez en vibration votre corps subtil qui, peu à peu, devient éminemment sensible à la vérité ; ainsi lorsque vous vous trouverez en présence d'un homme de mauvaise foi, il ne vous sera plus indispensable de raisonner ou de chercher des preuves ; par intuition, vous saurez qu'un tel individu ment, car vous serez immédiatement choqués, autant que votre oreille peut l'être à l'audition d'une fausse note, en musique. Plus de discussion, plus de preuves à accumuler, plus de raisonnements à soutenir, vous sentirez et verrez que l'individu est réellement un [211] menteur ; l'intuition se substitue alors aux raisonnements.<br />J'ai vu, aux Indes, un exemple de ce fait, et j'ai tout lieu de supposer que vous n'imiterez pas mon ami indou, car il s'agit d'un homme qui, depuis son enfance, et durant quarante ans, a médité chaque jour sur la vérité. C'est là une période de temps qu'un Occidental trouverait passablement longue. Cet homme est aujourd'hui juge de paix, et cette situation lui a permis de constater l'effet suivant, résultat de sa longue méditation : il est si parfaitement sensible à la vérité que nul ne peut le tromper, si plausibles que soient les excuses qu'on lui fournit ; il reconnait un menteur par le malaise qu'il éprouve devant le mensonge.<br />Je ne mentionne ce fait que comme un cas spécial, pour vous indiquer comment la méditation peut développer les pouvoirs internes, remplacer ainsi les lents procédés auxquels nous sommes accoutumés en vous permettant de connaitre immédiatement, par l'intuition, le caractère de la personne qui se trouve être en votre présence.<br />Je pourrais de la sorte considérer successivement toutes les autres vertus ; le principe reste le même pour toutes. [212]<br />Outre la méditation, il vous faut encore adopter une méthode spéciale d'entrainement en vous exerçant tous les jours à montrer la sympathie la plus grande que vous puissiez témoigner ; exercez-vous, volontairement, délibérément à éprouver de la sympathie pour tout homme que vous rencontrez ; efforcez-vous d'éprouver ce qu'il éprouve, de vous mettre à son diapason. Habituez-vous surtout à cela avec ceux qui sont d'un degré d'évolution inférieur au vôtre ; l'amitié que vous provoquerez en eux sera un grand bien, et l'habitude de se placer à leur niveau vous rendra capables de mieux les aider, de les amener peu à peu, et plus facilement, à votre propre niveau.<br />Il est nécessaire aussi, dans votre vie de chaque jour, de vous exercer à combattre en vous-mêmes Le sentiment de la séparativité.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE SENTIMENT DE LA SÉPARATIVITÉ</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est la chose la plus difficile qu'il nous soit donné de faire, pour nous qui appartenons à cette sous-race teutonne. Le sentiment que nous avons de notre personnalité est si grand, que pour toutes choses nous disons : "mon", "le mien", "ma propriété", "mes livres", [213] "mon chez-moi", "mes amis", utilisant en tout le pronom possessif. Il faut vous débarrasser de cette habitude, vous devez combattre ce sentiment qui vous incite, instinctivement, à établir une ligne de démarcation entre ce que vous appelez votre bien et ce que les autres possèdent. Je le répète, la tâche est des plus ardues et les premières tentatives sont des plus désagréables car elles heurtent vivement l'esprit de notre cinquième sous-race. Mais essayez malgré tout de supprimer en vous ce sentiment personnel de la possession pour les choses qui vous appartiennent. Que de fois n'entendez-vous pas un homme s'écrier dans un faux accès de générosité : "Oh ! je lui aurais volontiers donné cet objet, mais il ne me l'a pas demandé et, s'il avait accepté, je n'en aurais pas été très satisfait." D'où vient cette façon de parler ? Du sentiment de séparativité, de tous ces "moi", "lui", "le mien", "le sien".<br />Cette caractéristique ne sera pas aussi sensible dans la race future ; et si vous désirez prendre part à l'édification de cette race, le plus tôt vous vous débarrasserez de ce sentiment, mieux cela vaudra pour vous. Apprenez à ne plus vous préoccuper de ce que l'on peut vous demander ou vous prendre. Voilà, je le [214] sais, qui sonne étrangement à vos oreilles, peu accoutumés que vous êtes à entendre un pareil langage ; mais la chose est communément admise aux Indes.<br />Les premiers amis que j'eus là-bas s'étonnaient beaucoup lorsque je leur disais : "Voulez-vous me permettre d'utiliser telle ou telle chose ?" – "Certainement ; puisque vous le désirez, pourquoi le demander ?", me répondait-on invariablement. J'en arrivai enfin à me dire que c'était là une très noble attitude, plus noble certes que l'affirmation de la possession.<br />Aux Indes encore, si vous avez un jardin, quiconque le désire, peut y entrer, s'assoir sous vos arbres, allumer du feu et préparer son repas si le coeur lui en dit. Un jour, au début de mon séjour là-bas, et avant que je ne me fusse rendu compte de ces choses, je demandai : "Vous est-il indifférent qu'on pénètre ainsi dans votre jardin sans votre autorisation ?" – "À quoi donc servirait un jardin si ce n'était pour y entrer ?" me fut-il répondu.<br />Tel est là-bas le sentiment des Indous ; il résulte de cette vie où toutes choses sont communes, vie qui remonte à des millions d'années en arrière. [215]<br />On pense autant à l'usage qu'on peut faire d'un objet qu'à celui qui peut l'employer ; cette pensée suffit pour laisser à chacun la liberté d'en user. Nous voici loin des coutumes de notre cinquième sous-race en ce qui concerne la propriété.<br />Pratiquons cette vertu afin de supprimer entièrement le sentiment exagéré de la séparativité qu'on trouve si fréquemment dans la vie sociale de notre époque. Cette habitude du sacrifice de soi-même, de ne pas tenir compte de vos caprices, de vos désirs, de vos besoins, dans le but de rendre la vie plus facile autour de vous, ce sera là une des caractéristiques de la race de demain. À mesure qu'elle vous deviendra plus familière, vous finirez par vous apercevoir que vous devenez en même temps moins susceptibles, que le plaisir de rendre quelqu'un heureux vous sera bien plus agréable que de posséder pour vous-mêmes, vous vous apercevrez que les paroles du Christ : "Mieux vaut donner que recevoir" sont vraies. Que ce ne soit pas là un devoir à remplir ; semez le bonheur autour de vous, attirez les bénédictions, que la joie de partager emporte et dissipe au loin tout sentiment de séparativité !<br />Nous vivrons tout cela dans la race future. [216]<br />Envisagez les résultats que peuvent avoir sur notre vie actuelle les caractéristiques de cette race à venir Ceux qui veulent se préparer à ces prochaines transformations dans l'humanité, doivent commencer par se construire un caractère, contrôler leurs émotions et leurs pensées avec le secours de la méditation journalière, développer leur conscience en s'entrainant à vivre un idéal élevé.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>UNE RELIGION UNIVERSELLE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Cette race future est de plus destinée à édifier<br />Une religion universelle,<br />religion d'après laquelle le rôle d'un missionnaire sera de partager avec son frère ce que chacun possède de vérités. Cette race apportera une civilisation dont la Fraternité sera là, note dominante, dans laquelle le bienêtre de tout homme sera proportionnel à ce qu'il aura fait pour autrui, dans laquelle l'autorité et la puissance d'un individu ne dépasseront pas la somme de responsabilités qu'il sera capable de supporter.<br />Tels sont les grands changements qui surviendront ; et vous, si vous le désirez, pouvez y contribuer ; vous tous, même au cours de la présente civilisation, pouvez prétendre à un [217] plus grand idéal, et tenter de le faire accepter à vos semblables.<br />Mais notre espoir se fonde plutôt sur les jeunes, sur ceux dont le caractère n'a pas encore été aigri par la concurrence sociale et commerciale de notre époque. Sur les jeunes gens et, les jeunes filles, malléables encore, susceptibles encore de s'enthousiasmer pour de grandes idées, sur ces enfants au système nerveux beaucoup plus sensible que le nôtre, au coeur chaud, et que les expériences de la vie n'ont pas eu le temps d'endurcir, c'est sur ces enfants, dis-je, que nous fondons le plus d'espoir pour l'avenir. Ils forgeront des idéaux, ils les forgeront d'abord dans le inonde mental, puis du domaine de la pensée les répandront dans le monde de la matière ; ils prépareront pour les races futures une civilisation, où tous seront heureux, glorieux, beaux et libres, où l'on verra aussi la Liberté se joindre à l'Esprit de Sacrifice.</p> LE CHRIST FUTUR 2019-07-05T06:37:43+00:00 2019-07-05T06:37:43+00:00 http://hierarchie.eu/le-monde-de-demain-par-annie-besant-1909/1283-le-christ-futur Super User bon.christo@free.fr <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>LE CHRIST FUTUR</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Si nous jetons un regard vers le passé, nous verrons émerger, au-dessus de la masse des êtres humains, quelques puissantes et grandioses figures : ce sont des hommes s'élevant bien haut au-dessus de leur génération, ce sont des géants, véritables géants au milieu des pygmées qui les entourent. Si loin que nous regardions en arrière, nous les distinguerons toujours, jusqu'au moment où des brumes viendront nous cacher ces grands visiteurs de l'Antiquité ; et pourtant, même au travers de la brume, nous pourrons encore apercevoir les silhouettes de ces êtres merveilleux, venus ici-bas pour enseigner et bénir l'Humanité.<br />Pour la plupart, ces instructeurs paraissent se ressembler étrangement. Ce n'est pas leur sagesse ni leur pouvoir qui les distinguent les uns des autres : ils sont si loin au-dessus des hommes de leur époque, si loin devant les plus avancés de l'humanité actuelle, qu'il parait [219] impossible de leur assigner quelque rang que ce soit, ou même de comprendre à quel degré de quel grand ordre ils peuvent appartenir, de comprendre les liens qui les y rattachent et de se rendre compte de la place qu'ils occupent dans la Hiérarchie surhumaine. Mais, lorsque l'étudiant en occultisme se tourne vers le passé, il y trouve certaines indications dont il peut se servir pour saisir le rôle immense de ces grands Êtres. Il entrevoit, dans le monde, de grands cycles dont la durée varie, et il se voit en mesure d'établir des rapports définis entre ces Êtres et les cycles, tout en tenant compte des époques auxquelles ces Instructeurs apparurent et se manifestèrent.<br />En étudiant ainsi le passé, aidé en cela par les méthodes occultes, on trouve de frappantes concordances se rapportant à ces périodes mondiales et à l'apparition de ces Instructeurs.<br />Il nous est possible de considérer ce passé sous quatre aspects différents, chacun d'eux représentant une période très déterminée, un stade dans l'évolution du monde.<br />Lorsqu'on parle de ces époques lointaines, on en parle souvent comme du temps de la mythologie, et cependant, ces époques se distinguent essentiellement les unes des autres [220] tout en divisant très nettement l'histoire du globe.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA SURHUMANITÉ</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Nous pouvons en outre constater qu'au début de chaque grande période, une grande figure apparait ; cette venue semble répondre à une nécessité pour le monde qui, en entrant dans une nouvelle phase de sa vie, parait avoir besoin d'une bénédiction spéciale et d'une nouvelle lumière pour le guider. Lorsque nous demandons quels sont ces grands Êtres qui marquent ces importantes transitions, on nous répond qu'Ils ont appartenu à des univers disparus, à des planètes autres que la nôtre, et à des mondes plus avancés dans leur manifestation que notre propre monde. On nous répond encore qu'en évoluant, Ils ont passé par toutes les luttes de la vie ; qu'Ils font partie d'une humanité disparue en d'autres régions de l'univers, et qu'Ils sont désormais trop avancés pour continuer, au milieu de nous, leur évolution. Ils ont atteint La Surhumanité en passant par la simple humanité, pour fondre finalement leur conscience avec la conscience du Logos qu'Ils partagent, avec la nature [221] de Dieu, sans perdre pour cela leur centre d'individualité, résultat de leur évolution depuis l'humanité jusqu'à la surhumanité. Ayant conservé ce centre dans la Vie Divine elle-même, il leur est possible de se circonscrire en un cercle dans lequel Ils peuvent se manifester sur n'importe quel monde et dans n'importe quelle race.<br />Partout où un semblable centre existe, peut exister aussi une circonférence, et, autour d'un tel centre divin, – Fils, un avec son Père, – un nouveau cycle de vie humaine peut être établi. Un tel Être, puissant dans Sa Divinité et voilé cependant par un corps humain, peut apparaitre pour éclairer et bénir le monde. Chez les Indous, que les Instructeurs ont fait avancer très loin en occultisme et dont les Écritures sacrées sont remplies d'indications occultes, un nom spécial d' "Avatar" est donné à ces glorieuses manifestations ; ce mot sanscrit vous est sans doute connu et signifie : "ceux qui descendent".<br />Je m'attache moins au mot lui-même qu'à sa signification.<br />Ces grands Êtres ont gravi l'échelle du progrès jusqu'à ce qu'Ils aient atteint l'unité en Dieu ; Ils descendent ensuite dans l'humanité [222] pour l'aider et la protéger. Telles sont ces grandioses figures qui apparaissent à<br />certains moments, au cours de la longue évolution d'un monde ou d'un globe.<br />L'Égypte avait pour ce mystère un nom spécial ; elle l'appelait : "la naissance d'Horus". Le Christianisme le nomma : "l'incarnation divine" ; aussi le chrétien vous dira-t-il, – avec juste raison quant au point de vue spirituel, mais s'égarant parfois en ce qui concerne la définition de la vie, – que la seconde Personne de la Trinité descend sur la terre, et il considère le Christ de Judée comme étant précisément une semblable manifestation du Seigneur. Une pareille incarnation divine dans le corps d'un homme est un fait d'une vérité spirituelle fondamentalement vraie. On ne devrait pas oublier, – et toutes les grandes religions l'ont dit, – que, de cet aspect du Logos, proviennent ces manifestations du ciel sur la terre.<br />Le Christianisme n'admet qu'une seule manifestation ; l'Indouisme en admet neuf et ajoute qu'une dixième aura lieu ; le Zoroastrisme s'exprime de même.<br />Les religions, les mortes comme les vivantes, ont toujours cherché à justifier cette suprême vérité, mais il ne faut jamais oublier que [223] l'Avatar, la plus haute des manifestations divines, fut autrefois, en un autre cycle de vie, un homme parmi les hommes et que, c'est grâce à ce passé et à l'expérience qu'il en a retirée, qu'il lui est possible de retourner, de temps à autre, à l'humanité.<br />Abandonnons pour l'instant cette question pour porter notre attention sur une autre de ces grandes physionomies dont l'éclatante splendeur rayonne sur toute la masse humaine environnante. Il n'y a pas de nom pour cet être auquel je fais allusion, sauf pourtant en Orient où il est appelé "l'Illuminé", "le Bouddha". En Occident, on fait constamment de ce dernier l'une des dernières grandes manifestations, et l'on appelle Bouddha ce grand Être venu au monde environ six cents ans avant l'ère chrétienne. Mais chez le peuple dont la religion est précisément celle que Bouddha donna au monde, on croit qu'avant lui, il y eut beaucoup d'autres Bouddhas, qu'après lui il y en aura plusieurs autres, qu'en réalité il est simplement détaché de la cohorte des Révélateurs du Divin. Pour l'Indou, un tel révélateur apparait dans chaque monde à la naissance d'une grande race-mère, si bien que, pour chaque monde, il y a sept de ces grands êtres, un par race-mère. [224]<br />Mais, sa mission terminée, il disparait du monde terrestre et il a dès lors terminé l'évolution surhumaine elle-même ; il s'en va, comme ceux que je mentionnais tout à l'heure, en d'autres mondes, en d'autres temps : c'est le Fils allant rejoindre son Père ; c'est Lui encore qui, dans le monde qui succèdera au nôtre, pourra revenir, en tant qu'Avatar : "Celui qui descend." Notez pourtant que le Bouddha, puissant comme Il le fut, atteignit Sa grandeur en passant par l'humanité de notre globe, en gravissant, degré par degré, l'échelle de la vie humaine.<br />Peu à peu Il entra dans l'évolution de la vie suprahumaine et atteignit le dernier degré de l'échelle en naissant, dans l'Inde, sous le nom de Gautama il y a vingt-cinq siècles. Là, ayant terminé son rôle, il passa en ce que l'on nomme là-bas : le Nirvâna, la plus haute condition à laquelle puisse prétendre un être surhumain, celle qui consiste à s'unir au Divin, sans pour cela perdre ce centre d'individualité dont j'ai parlé au début de cette conférence.<br />Considérons maintenant ce que fut ce grand instructeur, avant d'être le Bouddha qui abandonna le monde terrestre lorsqu'il eut achevé son rôle d'instructeur.<br />Avant de passer la dernière grande initiation [225] sur le sentier qu'il suivait, il se manifesta plusieurs fois sur terre, au cours de la même grande race, la race aryenne, à laquelle nous appartenons tous ici avec tant d'autres. Avant de passer cette dernière initiation, il eut, pendant des milliers et des milliers d'années, une autre grande fonction à remplir.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LES ÊTRES BRILLANTS DE L'ORIENT</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Je ne tiens pas à vous troubler en employant des termes qui ne vous sont pas familiers, et pourtant il m'est difficile de les éviter car j'ai besoin d'un terme qui contienne, à lui seul, toutes les manifestations successives. Notre cinquième sous-race, la Teutonne, est apparue depuis si peu de temps sur terre, en Occident, qu'elle n'a pas encore créé ce terme général que nous emploierons pour désigner d'un mot toutes ces manifestations du passé. Ce terme, en Orient, lorsqu'on le traduit, signifie : "la Vérité et la Sagesse", Boddhisattva en sanscrit. Ce nom importe peu, pourvu toutefois que, pour l'instant, vous lui attribuiez son exacte signification : il désigne un office, une fonction particulière, et cet office est celui de l'Instructeur<br />suprême qui non seulement est l'Instructeur des hommes, mais aussi, comme on le dirait aux Indes, l'Instructeur des dieux. Vous pouvez substituer ici au mot : dieux, ceux [226] d'anges et d'archanges. Vous devez en effet vous souvenir que<br />Les Êtres brillants de l'Orient sont ce que vous appelez ici les anges et les archanges, mais ces mots n'ont pas tout à fait là-bas le sens que vous leur attribuez en Occident ; ils désignent simplement : "les êtres brillants" ; ici, on les traduit par : Dieu ; de là résulte une grande confusion de pensées en ce qui concerne les grandes croyances de l'Orient. Pourtant, tout comme le Christianisme, ces croyances proclament l'unité de Dieu, la vie universelle pénétrant et animant toutes choses, et ceux qu'ils appellent les êtres brillants, les Dévas, ne sont autres que les manifestations de cette Lumière centrale, anges et archanges du Christianisme ou de l'Islamisme.<br />Or, Lui, l'Instructeur suprême, instruit les archanges et les anges aussi bien que les hommes ; Il est Celui qui instruit tous les êtres. Dans son corps de chair, comme en dehors de ce corps, il n'y a pas, dans le ciel ou sur la terre, d'autre Instructeur, en dehors de l'Être tout-puissant qui remplit cet office. [227]<br />Un tel Être, le suprême Instructeur des mondes, se manifeste, comme homme, au début de chaque sous-race.<br />Je vous ai parlé déjà de races et de sous-races, et ces termes doivent vous être familiers à présent ; laissez-moi seulement vous rappeler que nous appartenons tous à une grande race-racine : la race aryenne, à laquelle se rattachent la première sous-race dans l'Inde ; la seconde qui, dans l'antiquité, peuplait le bassin de la Méditerranée ; la troisième dans la Perse d'autrefois ; la quatrième qui donna naissance aux Grecs et aux Romains de l'histoire et qui se répandit vers l'Ouest, à travers l'Espagne, la France, la Bretagne, jusqu'au Nord de l'Écosse puis en Irlande où se forma la puissante sous-race celtique, enfin la cinquième, la race Teutonne, qui peuple maintenant l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Amérique et leurs dépendances.<br />Si vous gardez présentes à l'esprit toutes ces grandes divisions d'une seule grande race-mère, vous vous sentirez alors capables de suivre les manifestations de l'Instructeur suprême.<br />Comme cela existe pour les plus grands cycles des manifestations de ces grands Êtres, à chaque sous-race correspond l'apparition de [228] ce puissant Instructeur comme homme : Il lui donne la Religion sous l'autorité de laquelle la civilisation doit se développer, Il lui donne la bénédiction qui marque le début de son évolution dans le monde.<br />Si nous tournons nos regards en arrière, vers les sous-races qui précédèrent la nôtre : la race teutonne, à laquelle appartiennent la plupart d'entre nous ici présents, il nous est possible de constater, pour chacune de ces sous-races, l'apparition de l'Instructeur suprême sous des noms chaque fois différents, mais c'est toujours la même Individualité immortelle sous le voile du nom qui La recouvre.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>HERMÈS LE TROIS FOIS GRAND</strong> </span></p> <p style="text-align: center;"><br />Un nom connu de vous tous, qui étudiez le passé, est le nom qu'Il prit quand Il conduisit du fond de l'Asie centrale la seconde des grandes émigrations qui passèrent vers l'Ouest, donnant à un grand nombre des peuples de l'Arabie, de l'Afrique septentrionale et du bassin de la Méditerranée, les caractères distinctifs de la race aryenne. Il portait alors le nom d'Hermès, nom familier à, tout étudiant de l'histoire ancienne, et spécialement aux étudiants de la pensée égyptienne, car ce fut en grande partie à cette civilisation que se rattacha cette [229] puissante manifestation. Puis vous rencontrez le nom d'Hermès le Trois fois Grand, dans ce que l'on appelle communément : la littérature hermétique. Ce nom fut porté déjà, en Lémurie, mais je m'occupe ici de l'Instructeur Suprême lors de Sa manifestation au début de la deuxième sous-race.<br />Arrêtons-nous pour éclaircir un point obscur qui, peut-être, a déjà surgi dans l'esprit de ceux d'entre vous qui s'occupent de l'histoire du passé. Vous voyez le même nom apparaitre d'époque en époque pour une seule et même tradition dont les enseignements se perpétuent et se propagent de siècle en siècle. Il en a toujours été ainsi dans le passé.<br />Le nom du grand Instructeur Lui-même a toujours été pris par ses successeurs qui rajeunissaient son enseignement et répandaient les traditions qu'Il laissait. C'est ainsi que dans les immenses intervalles qui s'écoulèrent après l'apparition d'Hermès Ier de la deuxième sous-race de la race-mère aryenne, d'autres Hermès continuèrent la tradition, répétèrent l'enseignement et, chaque fois, le même nom se retrouvait. [230]<br />C'est là la manière orientale. Aucun disciple ne pense à enseigner sous son propre nom ; c'est sous le nom de son Maitre qu'il répand la sagesse dans le monde. Il ne s'agit pas ici d'éviter toute responsabilité en se cachant sous un autre nom que le sien, mais c'est parce qu'il est d'usage que tout ce que le disciple peut répandre, c'est à son Maitre qu'il le doit ; et ainsi, en témoignage d'humilité, de vénération, de gratitude, envers le plus Saint, ceux qui succèdent au Maitre, écrivent sous le nom de Celui qu'ils vénèrent ; ils propagent Sa sagesse parfois jusque dans les générations qui surviennent longtemps après que le Maitre a quitté la scène du monde. Une grande confusion et de grosses difficultés surgissent lorsque la critique historique d'Occident s'exerce sur ces Écritures de l'antiquité, lorsqu'elle applique les formules d'interprétation de ces Écritures à des personnalités appartenant à des époques bien antérieures à ces formules elles-mêmes.<br />Ce qu'on appelle la critique historique 9 est compris en Orient d'une tout autre façon qu'en Occident.<br />Ici, la critique historique s'attache à une [231] suite de noms, de dates, de personnages, cela étant considéré comme les seules choses importantes. En Orient, au contraire, on voit le dieu évoluant dans les types les plus variés qui puissent apparaitre dans l'humanité, et l'on ne s'intéresse pas exclusivement au personnage spécial qui a écrit telle ou telle chose, mais bien à l'enseignement, à la tradition transmise d'âge en âge, marquée toujours du sceau de son premier Révélateur, faite toujours au nom de Celui qui, le premier, apporta la connaissance à l'homme.</p> <p style="text-align: center;"><em>9 "Historical sense" que nous traduisons par : critique historique par analogie avec : critique scientifique (NDT).</em></p> <p style="text-align: center;">Laquelle des deux méthodes est la meilleure ? Peu m'importe quant à présent ; je tiens surtout à vous exposer la différence entre les deux, pour que vous puissiez vous rendre compte que les similitudes de noms ne sont pas faites pour troubler les étudiants, mais bien pour indiquer la continuation de la tradition.<br />Or, au début de la seconde sous-race apparut Hermès. Les siècles s'ajoutèrent aux siècles. Puis vint le temps où la troisième sous-race allait naitre et où l'émigration devait fonder cette sous-race, vers l'Ouest, en Perse. Une fois de plus, "la Vérité et la Sagesse", le Boddhisattva, conduisit cette émigration, et cette fois ce fut le grand Être connu alors sous le nom de [232] Zarathoustra, plus souvent appelé, parmi nous, Zoroastre. On connait quatorze Zoroastre dans l'histoire ancienne de Perse, mais c'est le premier, l'ainé de tous, qui, seul, fut l'unique Instructeur suprême, descendu parmi ses disciples pour instituer le gouvernement de la Perse, et transmettre à ses successeurs la tradition qui naquit sous son nom. C'est ainsi que tout haut prêtre de cette religion, digne de porter le manteau du grand Être, est connu dans l'histoire sous le nom de Zoroastre. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il existe, dans les littératures, quatorze de ces prêtres.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>MYSTÈRES ORPHIQUES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Nous arrivons à la naissance de la quatrième sous-race, la race celtique ; le même grand Bien Être revient sous un autre nom, celui d'Orphée, familier aux étudiants de la Grèce antique.<br />Mystères Orphiques, tradition orphique, ce sont là des termes auxquels sont accoutumés tous ceux que l'histoire de la Grèce antique intéresse.<br />En général, les étudiants diront d'Orphée ce qui fut dit pour Hermès : que ce n'est pas là le nom d'un personnage, mais celui d'une succession de grands êtres. C'est vrai, car il y a en [233] réalité succession. L'erreur consiste à croire qu'une telle succession n'eût pas d'auteur originel. Le premier, et le plus grand des instructeurs auquel tout revient, n'est pas nécessairement un mythe sous le prétexte, trop simple, qu'il fut si grand.<br />Ceux qui propagèrent le mythe du soleil firent beaucoup de mal en recouvrant d'épais nuages l'histoire du passé. C'est seulement au fur et à mesure que les fouilles archéologiques faites par les savants actuels nous apportent les vestiges du passé, que nous nous apercevons enfin que ces soi-disant mythes solaires furent de puissants instructeurs et de puissants rois divins dans l'humanité-enfant. Et cela devient de plus en plus indéniable à mesure que les fouilles sont plus profondément poussées, qu'on découvre des civilisations remontant à une antiquité toujours plus éloignée, si bien que ceux dont on fit des mythes, finissent par prendre une apparence d'humanité, mais une humanité si grande, si divine qu'il semble pour ainsi dire impossible de croire que de tels Êtres puissent avoir vécu, comme hommes, sur la terre.<br />Vous pouvez suivre cette tradition orphique à travers tout ce qu'il y eut de plus grand et de plus beau en Grèce ; vous pouvez la suivre [234] dans les mystères que je mentionnais il y a un instant, dans les noms mêmes des génies grecs qui déclarèrent avoir puisé leur inspiration à cette tradition.<br />Nous arrivons enfin à la dernière des incarnations du grand Être au moment où il apparut comme Gautama, devint le Bouddha, et disparut, en tant qu'Instructeur des mondes.<br />J'ai parlé avec intention de ces Êtres puissants du passé : sans quoi, de semblables possibilités pour le présent seraient considérées comme des chimères.<br />Je vous ai indiqué les quatre dernières apparitions de Celui qui est Sagesse et Vérité ; je vous ai indiqué la dernière de ses quatre manifestations avant qu'Il ne fût Bouddha et ne quittât le monde pour devenir le Fils uni au Père, abandonnant désormais son rôle d'Instructeur, de Guide de notre humanité.<br />Il n'y a pas de solution de continuité dans sa succession ; dans cette grandiose série d'instructeurs religieux, la chaire de l'Instructeur ne reste jamais inoccupée ; il y a toujours un Sage pour s'en charger et c'est le plus Sage parmi les sages de la terre. Lorsque l'un d'eux abandonne son sceptre, symbole de sa loi, un autre est là encore, attendant sur les marches [235] de la chaire de Sagesse le moment de succéder au suprême Instructeur qui le précède et qui va abandonner le monde terrestre. L'humanité n'est jamais laissée sans instructeur, elle n'est jamais orpheline ; un Être puissant est toujours présent pour la guider et la sauver, et dès que l'un a terminé son rôle et s'en va, un autre prend sa place et continue l'enseignement.<br />Lorsque Celui qui devint le Bouddha – Gautama – se retira, un autre apparut que j'ai appelé Boddhisattva : "la Vérité et la Sagesse". Sa première manifestation sur terre coïncide avec la sous-race suivante. Comme vous pouvez vous en rendre compte, – et c'est pourquoi je vous indique les noms correspondant à chacune des sous-races, – il vous sera facile d'étudier les rapports entre la nouvelle ère de la vie humaine et la manifestation du divin Instructeur.<br />À la naissance de la cinquième sous-race, à une certaine période de la naissance des Teutons dans les forêts de la Germanie, lorsque les germes, les semences de cette nouvelle sous-race furent semés dans l'Europe septentrionale, alors se manifesta de nouveau l'Instructeur suprême ; une fois de plus, Il vint dans le monde fonder une nouvelle Religion et bénir, une fois encore, la civilisation naissante. [236]<br />Et la religion qu'Il fonda, la civilisation qu'Il bénit, lui donnèrent le nom grec de Christ.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>CHRIST</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Arrêtons-nous sur ce nom, celui encore d'une fonction.<br />Ce ne fut pas là le nom de Bouddha : ce ne fut pas non plus le nom d'un personnage.<br />Si nous considérons la pensée dominante de la Grèce au temps dont nous parlons, nous trouvons que cette pensée incarnait sa plus haute expression dans une certaine institution connue sous le terme de : "Mystères". Il y eut des mystères dans l'Égypte ancienne, en Perse, aux Indes et dans toutes les contrées de l'antiquité. Chez les Grecs, il y avait aussi des mystères : les mystères orphiques dont j'ai déjà parlé, et plusieurs autres encore connus des étudiants sous les nombreux noms que nous donnons aux dieux, aux déesses de la Grèce, et aux instructeurs du passé.<br />Il existait dans ces mystères un certain grade appelé Christos, réflexion sur notre terre et sur l'imparfait miroir de notre monde, des grandes initiations concernant la hiérarchie occulte qui guide les destinées religieuses des [237] hommes, pâle reflet de ces grandes initiations sur le miroir de notre petite humanité. C'est un peu ce qui eut lieu, selon les témoignages chrétiens, lorsqu'il est dit que Moïse, le grand guide des Juifs, fit toutes choses conformément aux modèles qui lui furent montrés sur le sommet de la montagne ; qui ne se rappelle :<br />Le Mont de l'Initiation ?<br />Ce fut là une indication pour ceux qui le suivirent comme législateur ; le temple dont il dressa le plan et qui, pendant un certain temps, fut imité dans le tabernacle qui accompagna les Juifs dans leurs pérégrinations, reçut son plus somptueux symbole dans le temple du roi Salomon, qui, lui-même, fut construit, dit-on, d'après les modèles des choses divines.<br />Ainsi le divin et le terrestre sont reliés l'un à l'autre puisqu'ils sont le reflet l'un de l'autre ; les grandes Initiations de la hiérarchie se reflétèrent, ici-bas, dans les mystères du passé. C'est par les épreuves nombreuses de ces mystères, leurs nombreuses et difficiles méthodes d'entrainement et disciplines, que les hommes les plus avancés dans les civilisations antiques furent guidés sur le sentier de la surhumanité. [238]<br />Or, en ces mystères existait le grade de Christos, "l'oint" ; c'était le grade de l'Initié qui avait triomphé de la souffrance, de l'Initié qui avait porté la croix dans des vies passées, de l'Initié maitre de la vie et de la mort, ce qui le désignait comme étant sur le seuil de la surhumanité, prêt à franchir ce stade supérieur de la vie manifestée. Il était par conséquent naturel, inévitable, qu'au moment où la Grèce avait un terme pour exprimer la condition la plus haute que puisse atteindre un homme sur terre, il était naturel, dis-je, que ce terme grec ait précisément été choisi pour désigner l'Être puissant qui se révélait comme Instructeur sur la terre. Et quel plus noble nom aurait-on pu choisir ? Quel titre plus significatif ? Quel symbole plus instructif que l'adaptation de ce mot Christ à l'Instructeur qui apparut et fut martyrisé sous ce nom ?<br />Aux premiers jours de la chrétienté, ainsi que plusieurs d'entre vous doivent le savoir, on faisait une différence, – (différence qu'on s'efforce de faire à nouveau comprendre de nos jours), – entre Jésus l'Hébreu et le Christ : l'Instructeur oint. Reportez-vous à toutes ces écoles de philosophes et de savants, au début de l'ère chrétienne, alors que [239] l'ignorance triomphait après la décadence de Rome et de Constantinople, reportez-vous à ces savants qui furent brulés comme hérétiques et qui n'étaient autres que ceux qu'on appelait gnostiques : "ceux qui savaient", dénomination significative. Et si vous parcourez Origène, l'un des plus grands savants de l'époque et de l'Église primitive, vous trouverez dans son exposition de la chrétienté maint passage où il dit qu'il est nécessaire que l'Église chrétienne ait dans son sein beaucoup de "gnostiques" qui puissent établir une base sur laquelle on pourrait construire des piliers qui soutiendraient l'édifice. Or, il se sert de ce mot comme désignant "ceux qui savent" et ne fait pas allusion ici aux nombreuses écoles que l'on rangeait sous cette appellation. Dans un passage célèbre, Origène déclare que, s'il est vrai que la chrétienté est faite pour les ignorants, qu'elle n'est qu'un remède pour les pécheurs, ce ne sont cependant ni ces ignorants, ni ces pécheurs qui contribueront à l'édification de l'Église chrétienne, et il ajoute :<br />"S'il est vrai qu'il y a un remède pour le pécheur, l'Église doit être soutenue par les gnostiques, par ceux qui savent et nullement par les ignorants et les pécheurs." [240]</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>MYSTÈRE DE JÉSUS</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Cela fut parfaitement prévu. En effet, dans les premiers siècles, le Christianisme eut ses mystères comme les religions qui l'avoisinaient. Consultez les oeuvres de ces premiers évêques et docteurs chrétiens de l'Église, celles de Clément d'Alexandrie, canonisé à cause de son savoir et de sa sainteté ; feuilletez au hasard ces premiers instructeurs chrétiens qui puisèrent leurs connaissances chez ceux qui avaient reçu l'enseignement des continuateurs du Christ lui-même, et vous verrez qu'il est à chaque instant question du : Mystère de Jésus.<br />Vous trouverez les règles auxquelles on devait se soumettre avant de pouvoir être admis à ces mystères. Vous pourrez lire, dans Clément d'Alexandrie, la proclamation de l'hiérophante auquel les candidats se présentaient, hiérophante qui possédait la clé du royaume des cieux. Vous verrez qu'au moment où ces candidats étaient devant lui, il leur disait que ceux-là seuls qui, pendant longtemps, étaient certains de n'avoir pas péché, pouvaient entrer et apprendre l'enseignement que Jésus donnait en secret à ses disciples. Tels étaient les mots [241] de passe avant que la porte du ciel ne fût ouverte ; des hommes et des femmes n'étaient admis aux mystères qu'à la condition de n'avoir pas transgressé les lois. Une fois reçus, ils étudiaient les enseignements secrets intérieurs, ceux mêmes qui sont indiqués dans l'Évangile où, vous le savez, on dit du Christ : "qu'Il ne leur parlait qu'en paraboles". Vous vous rappelez aussi ce qu'Il répondait à ses disciples lorsque ceux-ci l'interrogeaient : "Il vous est permis à vous, de connaitre les mystères du Royaume de Dieu ; aux autres, je ne parle qu'en paraboles." – Vous pouvez vous rappeler encore qu'au moment où il se trouvait avec ses disciples "dans la maison" Il leur disait des choses qu'Il se refusait à révéler à la multitude du dehors ; vous pouvez vous souvenir aussi de la promesse qu'il fit en voyant approcher la fin de sa carrière terrestre : "Il me reste encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne sauriez les entendre maintenant." La tradition chrétienne des mystères déclare que ces choses furent dites plus tard, lorsque les disciples furent prêts à les recevoir, quand les élèves furent devenus plus dignes de l'enseignement qui leur était destiné.<br />Origène nous apprend que tous ces [242] enseignements étaient gardés dans les mystères chrétiens et constituèrent les enseignements secrets de l'Église, donnés seulement à ceux qui en étaient dignes.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>JÉSUS ET LE CHRIST</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />À cette époque, alors que beaucoup savaient, que beaucoup comprenaient, une distinction était établie entre Jésus et le Christ. 10<br />J'ai déjà fait allusion à ce sujet au début de mes conférences et, si je l'ai fait si délibérément, sans préciser beaucoup, c'était avec l'intention d'y revenir, après avoir traité des questions intermédiaires, jusqu'au moment de cette conférence sur le Christ futur.</p> <p style="text-align: center;"><em>10 Lire La Nature Du Christ, par Annie Besant. (NDT)</em></p> <p style="text-align: center;">Vous ne pouvez définir la venue du Christ, la consécration de l'Instructeur suprême, si vous n'établissez pas de différence entre le corps humain du grand disciple Jésus, né à Bethléem, et le divin pouvoir qui illumina ce corps lors du Baptême, à propos duquel il est écrit "que l'Esprit de Dieu descendit sur Lui et L'habita". C'est là la venue du Christ, la consécration de l'Instructeur Suprême.<br />Vous trouverez cette distinction dans les [243] Épitres, bien que plus loin, dans les Évangiles, l'attention ne soit pas spécialement attirée sur ce point, cette distinction suggestive et saisissante une fois faite. Mais, si pourtant vous prenez les Épitres de saint Paul, vous vous trouverez dans une atmosphère tout autre que celle de l'histoire du Christ telle que la contiennent les Évangiles : vous trouvez là le Christ avec un sens différent, un sens mystique du plus profond intérêt. Lorsque saint Paul déclare qu'il ne demande pas à Le connaitre dans la chair, c'est le Christ intérieur qu'il cherche ; vous le voyez parlant de ce Christ mystique qui doit naitre dans l'âme du croyant, déclaration qui, jamais, n'aurait pu s'appliquer au corps physique de Jésus. Vous l'entendez affirmer que cette naissance mystique du Christ dans les âmes humaines doit être suivie par l'évolution du Christ mystique chez le croyant, jusqu'à ce qu'enfin celui-ci ait atteint la stature et la plénitude du Christ. Cela revient à dire qu'il doit vivre la vie mystique chrétienne, que le Christ doit naitre dans son âme et développer ses divins pouvoirs, pouvoirs qui apparaissent à mesure que le chrétien croit en sagesse et en amour, à mesure qu'il se manifeste davantage et que sa vie humaine [244] s'approche de la vie divine, jusqu'à ce qu'enfin le Christ parfait apparaisse, jusqu'à ce qu'enfin le Fils de Dieu soit, de nouveau, manifesté sur terre.<br />Cependant, cette antique idée mystique disparut des préceptes de l'Église, demeura dans le Nouveau Testament, très nette, mais incomprise. Et c'est ainsi que Lui, l'influx spirituel, le suprême Instructeur, la vie animatrice de son Église, devint le Sauveur extérieur qui, par suite, d'un sacrifice physique, réconcilia, dit-on, l'homme avec Dieu. Mais vous n'avez là qu'une réconciliation arbitraire, une substitution au lieu d'une entière identité de nature, grâce à laquelle le Christ et le croyant sont un.<br />Telle fut la transformation qui apparut dans l'enseignement chrétien, durant ces longues périodes d'obscurité qui succédèrent à la disparition des mystères qui avaient alimenté et gardé la flamme de la connaissance, jusqu'à ce qu'il n'y eût plus de candidats désireux d'être instruits ; cette absence de candidats causa le retrait des instructions des Maitres.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA VENUE DU CHRIST</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />À l'heure actuelle, le fait de ressusciter l'enseignement mystique, de reconnaitre qu'il existe dans le Christianisme une vie nettement caractérisée par le plus saint des noms, le fait de voir les Églises chrétiennes revivifiées par [245] un nouvel afflux ne vie, de croire à nouveau, pour l'humanité, à une croissance possible vers le Divin, c'est là un des signes de la Venue du Christ.<br />C'est le présage de Sa prochaine manifestation sur la terre, car il n'eût vraiment pas été nécessaire de vous intéresser pendant une heure à l'histoire du passé, si cette histoire ne s'appliquait pas au temps présent et à l'avenir, à la répétition de cette antique et universelle histoire : la nouvelle manifestation de ce puissant fils de Dieu.<br />C'est pour cette raison que je vous ai parlé des manifestations antérieures (chacune d'elles correspondant à une sous-race), c'est afin aussi de rétrécir le gouffre qui sépare la pensée moderne de la pensée de l'occultiste. Si vous avez suivi la ligne que je vous ai tracée chaque dimanche, si vous avez saisi le point d'évolution auquel se trouve le monde à l'heure actuelle, si vous comprenez la période de transition dans laquelle nous nous trouvons, si vous voyez la période qui s'en va, la nouvelle ère qui apparait, tous les signes qui indiquent la fin de l'une et ceux qui indiquent la [246] naissance de l'autre, vous comprendrez alors, sans heurt et sans combat, cette manifestation de l'Instructeur, de l'Instructeur suprême des mondes qui, en dernier lieu, fut le Christ de la Palestine.<br />Voyons ce que ces dernières paroles peuvent signifier.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE DÉBUT D'UNE ÈRE NOUVELLE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />À moins que tout ce que je vous ai dit durant ces cinq dernières semaines ne soit un rêve, à moins que tous les faits sur lesquels j'ai porté votre attention n'aient aucune espèce de signification, vous devez avoir senti vous-mêmes le point où je désire vous amener maintenant :<br />Le début d'une ère nouvelle, et vous devez avoir pressenti l'apparition prochaine du grand Instructeur parmi les hommes.<br />Dire cela au premier venu ne peut que faire rêver.<br />Mais nous ! pourquoi cela nous étonnerait-il ?<br />C'est là une interrogation que les Juifs auraient pu se poser la dernière fois qu'Il vint. Qu'une chose si grande, si inaccoutumée, si hors de la pensée puisse se voir sur terre à certaines époques déterminées pendant [247] quelques petites années d'une vie humaine, voilà qui parait trop étrange, trop beau pour être vrai. Et pourtant, Il vint autrefois ! pourquoi ne reviendrait-Il pas ? Puisqu'Il apparut au début de la cinquième sous-race, pourquoi ne réapparait-Il pas à la naissance de la sixième ?<br />Certains d'entre nous seront ici-bas pour assister à cette manifestation ; une génération d'hommes et de femmes est appelée à naitre autour du Christ futur, et aucun de nous ne peut donner de raison valable, pour laisser croire que nous ne pouvons vivre à une pareille époque, que nous ne sommes pas appelés à devenir des canaux pour le nouvel épanchement de vie spirituelle.<br />Cela peut paraitre étrange, étant donnée la rareté du fait ; mais cela est, car dans l'histoire du monde la même chose se présente aux périodes de crises analogues à celles que nous traversons, et son étrangeté ne doit pas vous porter à nier le fait, alors que vous pouvez constater autour de vous les signes de l'ère nouvelle si vous avez des yeux pour distinguer leur réelle signification.<br />Partout, les hommes sont dans l'attente de la venue de quelque grand Instructeur ; ici et là, sur la terre, cette venue a son messager, [248] que dis-je ? elle a toujours eu un messager humain et un héraut pour la proclamer.<br />En Perse, un pareil messager est apparu sous le nom de Bab annonçant la venue du grand Être, suivi d'un autre plus grand encore, puis d'un troisième, l'Abbas Effendi des temps présents, grand Instructeur spirituel, après lequel un autre plus puissant viendra pour unir l'Orient à l'Occident.<br />Cette attente de la venue du Christ ne se constate pas seulement de ce côté, elle se constate aussi chez les peuples de l'Islam et sous une forme étrangement combattive, naturelle d'ailleurs, étant donné le tempérament guerrier de ces peuples, dont l'espérance et l'attente se traduisent par la certitude qu'ils ont de vaincre dans les combats qu'ils livrent ou livreront.<br />Vous pouvez constater aussi cette espérance chez le Mahdi, en Afrique, qui provoque tant de troubles aujourd'hui.<br />Je vous indique tout cela pour vous montrer que cette pensée s'est partout répandue, que [249] l'attente est partout, et que l'impatience du monde va croissant en attendant le grand Être qui doit se révéler sur terre.<br />Telle est la venue du Christ que le monde occulte attend. C'est le même grand Être qui apparut en Palestine car Il est toujours l'Instructeur suprême, c'est la même Individualité. Qui peut dire le nom qu'Il portera ?<br />Ce qui importe avant tout, c'est de nous demander si nous Le reconnaitrons quand Il viendra, ou si nous serons aussi aveugles, aussi durs de coeur, que le furent les Juifs au sein desquels sa dernière manifestation eut lieu ?<br />Il nous est facile, en regardant en arrière, à travers les siècles qui virent le grand Maitre chrétien à la tête du Christianisme, homme parfait auréolé de la gloire du Christ, – (car l'Église n'a fait aucune distinction entre les deux toutes ces dernières années), – il nous est si facile, dis-je, de jeter les regards sur les siècles passés en disant que nous L'aurions reconnu si nous avions été là.<br />Il ne fut pas toujours reconnu et n'est-ce pas le reproche qu'Il adressa à son peuple : "Vos pères égorgeaient les prophètes et vous leur creusez des sépulcres."<br />Il y a toujours beaucoup de gens prêts à [250] élever des tombes en l'honneur et au nom d'un prophète du passé, mais combien peu ont reconnu, depuis que le monde existe ; combien peu ont reconnu le prophète de leur époque ! Et cela n'est pas vrai seulement pour l'Instructeur suprême, mais pour tous ceux qui se trouvèrent dépasser un peu le niveau intellectuel et les pouvoirs de la masse ; Ils ont toujours été haïs ; la société Les a toujours chassés, torturés ou lapidés.<br />Qui nous porte à croire que nous serons plus sages de nos jours ? Pourquoi la cinquième grande race-mère, la plus combattive de toutes, la plus critique, la plus sceptique, la moins prête à reconnaitre ce qui lui est supérieur, la plus orgueilleuse, aurait-elle des yeux capables de voir une splendeur qui ne fut jamais reconnue dans le passé ?<br />C'est là un problème qui doit nous inquiéter assez pour que nous tendions de développer en nous les qualités grâce auxquelles nous pourrions Le reconnaitre s'Il venait de notre vivant, car dans la nature existe cette grande loi : "Nous ne pouvons comprendre que ce qui éveille en nous un écho." Elle est vraie en toutes choses, pour le côté extérieur comme pour le côté intérieur, et par conséquent aussi pour nos [251] yeux physiques. Nous nous voyons les uns les autres parce qu'il y a, dans la rétine de l'oeil, l'éther qui vibre en réponse aux vibrations des rayons lumineux de l'extérieur ; par analogie, au point de vue moral et, par-dessus tout, au point de vue spirituel, nous ne percevons que proportionnellement à nos facultés d'entendement, d'assimilation. Si nous sommes ouverts à la spiritualité, si nous possédons un peu des qualités qu'Il nous montre si glorieusement, si nous avons en nous un peu de cette nature qui, en Lui, a grandi jusqu'à la Divinité, oh ! Alors quelque chose en nous vibrera à son approche quand Il viendra, caché, ainsi qu'Il le fut toujours, sous le voile d'un corps humain.<br />Pour qu'il en soit ainsi, il nous faut dépasser la pensée moderne pour atteindre celle des temps futurs ; il nous faut abandonner la combattivité de la cinquième sous-race, pour que la compassion de la sixième puisse, à son tour, habiter nos coeurs.<br />Si l'on en juge d'après le passé, Il peut, lorsqu'Il viendra, être de nouveau méprisé et chassé, car l'idéal spirituel n'est pas un idéal auquel les coeurs de notre époque soient des plus sensibles. Vous pourrez reconnaitre cet [252] idéal dans les caractéristiques qui furent celles du Christ : quand Il était injurié, Il n'injuriait pas en retour ; quand Il souffrait, Il ne se révoltait pas. Voilà qui parmi vous ne prouverait que de la faiblesse d'esprit. Ne pas répondre aux injures prouve, d'après la pensée moderne, que les injures sont justifiées. C'est là l'esprit de l'époque. Si vous êtes calomnié, diffamé, trompé, il vous faut aller au tribunal et y trainer le coupable, sans quoi c'est vous avouer coupable vous-même. C'est là l'opinion moderne. Il arrive que celui qui suit l'exemple du Christ et qui, devant ses accusateurs, ne répond rien, est condamné par l'opinion publique de notre temps. Oui, je le sais, il répondrait s'il le pouvait, car on répond toujours lorsqu'on le peut, mais la stature du Christ n'est pas la stature de ceux qui portent son nom dans cette civilisation querelleuse. C'est pourquoi, lorsqu'Il reviendra, calomnié et diffamé, comme Il le sera certainement s'Il dépasse de beaucoup notre savoir et notre entendement, le verdict ne sera encore pas en sa faveur, tout comme autrefois. Nous n'assassinerons pas, ce moyen étant, de nos jours, trop dégradant pour nous ; nous préfèrerons garder, vivante, la victime pour la torturer, plutôt que de la [253] vouer à une mort prompte qui la délivrerait. Ainsi, à en juger par le monde actuel, rien ne nous invite à croire qu'Il sera le bienvenu lorsqu'il viendra. Tout comme autrefois, un petit nombre d'individus Le reconnaitra, et il peut se faire (comme les caractéristiques de la race qui vient seront celles de la spiritualité) que ce petit nombre se trouvera quelque peu augmenté pour Lui souhaiter la bienvenue car, je le répète, la vie spirituelle tend chaque jour à se déverser davantage dans le monde, et tous ceux qui auront pénétré dans le domaine de l'Esprit connaitront ses lois.<br />Je voudrais ce soir, avant de me séparer de vous, vous persuader que tout cela est absolument vrai, qu'avant peu le suprême Instructeur sera de nouveau incarné sur terre, de nouveau manifesté comme Instructeur, qu'une fois de plus Il ira et vivra parmi nous, comme Il vécut jadis en Palestine.<br />Si beau que soit l'Esprit, si, grandes que puissent paraitre nos aspirations, il n'est rien de trop glorieux à quoi l'Esprit évoluant sans cesse puisse prétendre. Aussi, notre espoir aujourd'hui consiste-t-il à souhaiter, en dépit des caractéristiques de l'époque, que les hommes deviennent plus impartiaux, plus tolérants, [254] plus enclins à reconnaitre ce qui est juste et bien. Il peut, de la sorte, arriver que nous atteignions un degré d'évolution tel, que le niveau actuel de la masse se trouvera dépassé par un grand nombre d'individus spiritualisés ; en ce cas, lorsqu'Il viendra, Il sera en mesure de pouvoir rester parmi nous, plus de trois années, temps qu'Il demeura sur terre, lors de Sa dernière apparition.<br />C'est sur ces derniers mots que je désire prendre congé de vous ce soir, éveillant en vos esprits le désir de développer en vous l'Esprit du Christ, pour qu'à son retour vous puissiez reconnaitre Sa grandeur !<br />Soyez compatissants, tendres : voyez le bien chez autrui plutôt que le mal, apprenez à être bons avec les faibles, sachez respecter et révérer Ceux qui vous sont supérieurs. Si vous savez acquérir ces qualités, le Christ alors pourra vous compter parmi Ses disciples et le souhait de bienvenue que la terre Lui adressera, ne se traduira plus par une crucifixion.</p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>LE CHRIST FUTUR</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Si nous jetons un regard vers le passé, nous verrons émerger, au-dessus de la masse des êtres humains, quelques puissantes et grandioses figures : ce sont des hommes s'élevant bien haut au-dessus de leur génération, ce sont des géants, véritables géants au milieu des pygmées qui les entourent. Si loin que nous regardions en arrière, nous les distinguerons toujours, jusqu'au moment où des brumes viendront nous cacher ces grands visiteurs de l'Antiquité ; et pourtant, même au travers de la brume, nous pourrons encore apercevoir les silhouettes de ces êtres merveilleux, venus ici-bas pour enseigner et bénir l'Humanité.<br />Pour la plupart, ces instructeurs paraissent se ressembler étrangement. Ce n'est pas leur sagesse ni leur pouvoir qui les distinguent les uns des autres : ils sont si loin au-dessus des hommes de leur époque, si loin devant les plus avancés de l'humanité actuelle, qu'il parait [219] impossible de leur assigner quelque rang que ce soit, ou même de comprendre à quel degré de quel grand ordre ils peuvent appartenir, de comprendre les liens qui les y rattachent et de se rendre compte de la place qu'ils occupent dans la Hiérarchie surhumaine. Mais, lorsque l'étudiant en occultisme se tourne vers le passé, il y trouve certaines indications dont il peut se servir pour saisir le rôle immense de ces grands Êtres. Il entrevoit, dans le monde, de grands cycles dont la durée varie, et il se voit en mesure d'établir des rapports définis entre ces Êtres et les cycles, tout en tenant compte des époques auxquelles ces Instructeurs apparurent et se manifestèrent.<br />En étudiant ainsi le passé, aidé en cela par les méthodes occultes, on trouve de frappantes concordances se rapportant à ces périodes mondiales et à l'apparition de ces Instructeurs.<br />Il nous est possible de considérer ce passé sous quatre aspects différents, chacun d'eux représentant une période très déterminée, un stade dans l'évolution du monde.<br />Lorsqu'on parle de ces époques lointaines, on en parle souvent comme du temps de la mythologie, et cependant, ces époques se distinguent essentiellement les unes des autres [220] tout en divisant très nettement l'histoire du globe.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA SURHUMANITÉ</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Nous pouvons en outre constater qu'au début de chaque grande période, une grande figure apparait ; cette venue semble répondre à une nécessité pour le monde qui, en entrant dans une nouvelle phase de sa vie, parait avoir besoin d'une bénédiction spéciale et d'une nouvelle lumière pour le guider. Lorsque nous demandons quels sont ces grands Êtres qui marquent ces importantes transitions, on nous répond qu'Ils ont appartenu à des univers disparus, à des planètes autres que la nôtre, et à des mondes plus avancés dans leur manifestation que notre propre monde. On nous répond encore qu'en évoluant, Ils ont passé par toutes les luttes de la vie ; qu'Ils font partie d'une humanité disparue en d'autres régions de l'univers, et qu'Ils sont désormais trop avancés pour continuer, au milieu de nous, leur évolution. Ils ont atteint La Surhumanité en passant par la simple humanité, pour fondre finalement leur conscience avec la conscience du Logos qu'Ils partagent, avec la nature [221] de Dieu, sans perdre pour cela leur centre d'individualité, résultat de leur évolution depuis l'humanité jusqu'à la surhumanité. Ayant conservé ce centre dans la Vie Divine elle-même, il leur est possible de se circonscrire en un cercle dans lequel Ils peuvent se manifester sur n'importe quel monde et dans n'importe quelle race.<br />Partout où un semblable centre existe, peut exister aussi une circonférence, et, autour d'un tel centre divin, – Fils, un avec son Père, – un nouveau cycle de vie humaine peut être établi. Un tel Être, puissant dans Sa Divinité et voilé cependant par un corps humain, peut apparaitre pour éclairer et bénir le monde. Chez les Indous, que les Instructeurs ont fait avancer très loin en occultisme et dont les Écritures sacrées sont remplies d'indications occultes, un nom spécial d' "Avatar" est donné à ces glorieuses manifestations ; ce mot sanscrit vous est sans doute connu et signifie : "ceux qui descendent".<br />Je m'attache moins au mot lui-même qu'à sa signification.<br />Ces grands Êtres ont gravi l'échelle du progrès jusqu'à ce qu'Ils aient atteint l'unité en Dieu ; Ils descendent ensuite dans l'humanité [222] pour l'aider et la protéger. Telles sont ces grandioses figures qui apparaissent à<br />certains moments, au cours de la longue évolution d'un monde ou d'un globe.<br />L'Égypte avait pour ce mystère un nom spécial ; elle l'appelait : "la naissance d'Horus". Le Christianisme le nomma : "l'incarnation divine" ; aussi le chrétien vous dira-t-il, – avec juste raison quant au point de vue spirituel, mais s'égarant parfois en ce qui concerne la définition de la vie, – que la seconde Personne de la Trinité descend sur la terre, et il considère le Christ de Judée comme étant précisément une semblable manifestation du Seigneur. Une pareille incarnation divine dans le corps d'un homme est un fait d'une vérité spirituelle fondamentalement vraie. On ne devrait pas oublier, – et toutes les grandes religions l'ont dit, – que, de cet aspect du Logos, proviennent ces manifestations du ciel sur la terre.<br />Le Christianisme n'admet qu'une seule manifestation ; l'Indouisme en admet neuf et ajoute qu'une dixième aura lieu ; le Zoroastrisme s'exprime de même.<br />Les religions, les mortes comme les vivantes, ont toujours cherché à justifier cette suprême vérité, mais il ne faut jamais oublier que [223] l'Avatar, la plus haute des manifestations divines, fut autrefois, en un autre cycle de vie, un homme parmi les hommes et que, c'est grâce à ce passé et à l'expérience qu'il en a retirée, qu'il lui est possible de retourner, de temps à autre, à l'humanité.<br />Abandonnons pour l'instant cette question pour porter notre attention sur une autre de ces grandes physionomies dont l'éclatante splendeur rayonne sur toute la masse humaine environnante. Il n'y a pas de nom pour cet être auquel je fais allusion, sauf pourtant en Orient où il est appelé "l'Illuminé", "le Bouddha". En Occident, on fait constamment de ce dernier l'une des dernières grandes manifestations, et l'on appelle Bouddha ce grand Être venu au monde environ six cents ans avant l'ère chrétienne. Mais chez le peuple dont la religion est précisément celle que Bouddha donna au monde, on croit qu'avant lui, il y eut beaucoup d'autres Bouddhas, qu'après lui il y en aura plusieurs autres, qu'en réalité il est simplement détaché de la cohorte des Révélateurs du Divin. Pour l'Indou, un tel révélateur apparait dans chaque monde à la naissance d'une grande race-mère, si bien que, pour chaque monde, il y a sept de ces grands êtres, un par race-mère. [224]<br />Mais, sa mission terminée, il disparait du monde terrestre et il a dès lors terminé l'évolution surhumaine elle-même ; il s'en va, comme ceux que je mentionnais tout à l'heure, en d'autres mondes, en d'autres temps : c'est le Fils allant rejoindre son Père ; c'est Lui encore qui, dans le monde qui succèdera au nôtre, pourra revenir, en tant qu'Avatar : "Celui qui descend." Notez pourtant que le Bouddha, puissant comme Il le fut, atteignit Sa grandeur en passant par l'humanité de notre globe, en gravissant, degré par degré, l'échelle de la vie humaine.<br />Peu à peu Il entra dans l'évolution de la vie suprahumaine et atteignit le dernier degré de l'échelle en naissant, dans l'Inde, sous le nom de Gautama il y a vingt-cinq siècles. Là, ayant terminé son rôle, il passa en ce que l'on nomme là-bas : le Nirvâna, la plus haute condition à laquelle puisse prétendre un être surhumain, celle qui consiste à s'unir au Divin, sans pour cela perdre ce centre d'individualité dont j'ai parlé au début de cette conférence.<br />Considérons maintenant ce que fut ce grand instructeur, avant d'être le Bouddha qui abandonna le monde terrestre lorsqu'il eut achevé son rôle d'instructeur.<br />Avant de passer la dernière grande initiation [225] sur le sentier qu'il suivait, il se manifesta plusieurs fois sur terre, au cours de la même grande race, la race aryenne, à laquelle nous appartenons tous ici avec tant d'autres. Avant de passer cette dernière initiation, il eut, pendant des milliers et des milliers d'années, une autre grande fonction à remplir.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LES ÊTRES BRILLANTS DE L'ORIENT</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Je ne tiens pas à vous troubler en employant des termes qui ne vous sont pas familiers, et pourtant il m'est difficile de les éviter car j'ai besoin d'un terme qui contienne, à lui seul, toutes les manifestations successives. Notre cinquième sous-race, la Teutonne, est apparue depuis si peu de temps sur terre, en Occident, qu'elle n'a pas encore créé ce terme général que nous emploierons pour désigner d'un mot toutes ces manifestations du passé. Ce terme, en Orient, lorsqu'on le traduit, signifie : "la Vérité et la Sagesse", Boddhisattva en sanscrit. Ce nom importe peu, pourvu toutefois que, pour l'instant, vous lui attribuiez son exacte signification : il désigne un office, une fonction particulière, et cet office est celui de l'Instructeur<br />suprême qui non seulement est l'Instructeur des hommes, mais aussi, comme on le dirait aux Indes, l'Instructeur des dieux. Vous pouvez substituer ici au mot : dieux, ceux [226] d'anges et d'archanges. Vous devez en effet vous souvenir que<br />Les Êtres brillants de l'Orient sont ce que vous appelez ici les anges et les archanges, mais ces mots n'ont pas tout à fait là-bas le sens que vous leur attribuez en Occident ; ils désignent simplement : "les êtres brillants" ; ici, on les traduit par : Dieu ; de là résulte une grande confusion de pensées en ce qui concerne les grandes croyances de l'Orient. Pourtant, tout comme le Christianisme, ces croyances proclament l'unité de Dieu, la vie universelle pénétrant et animant toutes choses, et ceux qu'ils appellent les êtres brillants, les Dévas, ne sont autres que les manifestations de cette Lumière centrale, anges et archanges du Christianisme ou de l'Islamisme.<br />Or, Lui, l'Instructeur suprême, instruit les archanges et les anges aussi bien que les hommes ; Il est Celui qui instruit tous les êtres. Dans son corps de chair, comme en dehors de ce corps, il n'y a pas, dans le ciel ou sur la terre, d'autre Instructeur, en dehors de l'Être tout-puissant qui remplit cet office. [227]<br />Un tel Être, le suprême Instructeur des mondes, se manifeste, comme homme, au début de chaque sous-race.<br />Je vous ai parlé déjà de races et de sous-races, et ces termes doivent vous être familiers à présent ; laissez-moi seulement vous rappeler que nous appartenons tous à une grande race-racine : la race aryenne, à laquelle se rattachent la première sous-race dans l'Inde ; la seconde qui, dans l'antiquité, peuplait le bassin de la Méditerranée ; la troisième dans la Perse d'autrefois ; la quatrième qui donna naissance aux Grecs et aux Romains de l'histoire et qui se répandit vers l'Ouest, à travers l'Espagne, la France, la Bretagne, jusqu'au Nord de l'Écosse puis en Irlande où se forma la puissante sous-race celtique, enfin la cinquième, la race Teutonne, qui peuple maintenant l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Amérique et leurs dépendances.<br />Si vous gardez présentes à l'esprit toutes ces grandes divisions d'une seule grande race-mère, vous vous sentirez alors capables de suivre les manifestations de l'Instructeur suprême.<br />Comme cela existe pour les plus grands cycles des manifestations de ces grands Êtres, à chaque sous-race correspond l'apparition de [228] ce puissant Instructeur comme homme : Il lui donne la Religion sous l'autorité de laquelle la civilisation doit se développer, Il lui donne la bénédiction qui marque le début de son évolution dans le monde.<br />Si nous tournons nos regards en arrière, vers les sous-races qui précédèrent la nôtre : la race teutonne, à laquelle appartiennent la plupart d'entre nous ici présents, il nous est possible de constater, pour chacune de ces sous-races, l'apparition de l'Instructeur suprême sous des noms chaque fois différents, mais c'est toujours la même Individualité immortelle sous le voile du nom qui La recouvre.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>HERMÈS LE TROIS FOIS GRAND</strong> </span></p> <p style="text-align: center;"><br />Un nom connu de vous tous, qui étudiez le passé, est le nom qu'Il prit quand Il conduisit du fond de l'Asie centrale la seconde des grandes émigrations qui passèrent vers l'Ouest, donnant à un grand nombre des peuples de l'Arabie, de l'Afrique septentrionale et du bassin de la Méditerranée, les caractères distinctifs de la race aryenne. Il portait alors le nom d'Hermès, nom familier à, tout étudiant de l'histoire ancienne, et spécialement aux étudiants de la pensée égyptienne, car ce fut en grande partie à cette civilisation que se rattacha cette [229] puissante manifestation. Puis vous rencontrez le nom d'Hermès le Trois fois Grand, dans ce que l'on appelle communément : la littérature hermétique. Ce nom fut porté déjà, en Lémurie, mais je m'occupe ici de l'Instructeur Suprême lors de Sa manifestation au début de la deuxième sous-race.<br />Arrêtons-nous pour éclaircir un point obscur qui, peut-être, a déjà surgi dans l'esprit de ceux d'entre vous qui s'occupent de l'histoire du passé. Vous voyez le même nom apparaitre d'époque en époque pour une seule et même tradition dont les enseignements se perpétuent et se propagent de siècle en siècle. Il en a toujours été ainsi dans le passé.<br />Le nom du grand Instructeur Lui-même a toujours été pris par ses successeurs qui rajeunissaient son enseignement et répandaient les traditions qu'Il laissait. C'est ainsi que dans les immenses intervalles qui s'écoulèrent après l'apparition d'Hermès Ier de la deuxième sous-race de la race-mère aryenne, d'autres Hermès continuèrent la tradition, répétèrent l'enseignement et, chaque fois, le même nom se retrouvait. [230]<br />C'est là la manière orientale. Aucun disciple ne pense à enseigner sous son propre nom ; c'est sous le nom de son Maitre qu'il répand la sagesse dans le monde. Il ne s'agit pas ici d'éviter toute responsabilité en se cachant sous un autre nom que le sien, mais c'est parce qu'il est d'usage que tout ce que le disciple peut répandre, c'est à son Maitre qu'il le doit ; et ainsi, en témoignage d'humilité, de vénération, de gratitude, envers le plus Saint, ceux qui succèdent au Maitre, écrivent sous le nom de Celui qu'ils vénèrent ; ils propagent Sa sagesse parfois jusque dans les générations qui surviennent longtemps après que le Maitre a quitté la scène du monde. Une grande confusion et de grosses difficultés surgissent lorsque la critique historique d'Occident s'exerce sur ces Écritures de l'antiquité, lorsqu'elle applique les formules d'interprétation de ces Écritures à des personnalités appartenant à des époques bien antérieures à ces formules elles-mêmes.<br />Ce qu'on appelle la critique historique 9 est compris en Orient d'une tout autre façon qu'en Occident.<br />Ici, la critique historique s'attache à une [231] suite de noms, de dates, de personnages, cela étant considéré comme les seules choses importantes. En Orient, au contraire, on voit le dieu évoluant dans les types les plus variés qui puissent apparaitre dans l'humanité, et l'on ne s'intéresse pas exclusivement au personnage spécial qui a écrit telle ou telle chose, mais bien à l'enseignement, à la tradition transmise d'âge en âge, marquée toujours du sceau de son premier Révélateur, faite toujours au nom de Celui qui, le premier, apporta la connaissance à l'homme.</p> <p style="text-align: center;"><em>9 "Historical sense" que nous traduisons par : critique historique par analogie avec : critique scientifique (NDT).</em></p> <p style="text-align: center;">Laquelle des deux méthodes est la meilleure ? Peu m'importe quant à présent ; je tiens surtout à vous exposer la différence entre les deux, pour que vous puissiez vous rendre compte que les similitudes de noms ne sont pas faites pour troubler les étudiants, mais bien pour indiquer la continuation de la tradition.<br />Or, au début de la seconde sous-race apparut Hermès. Les siècles s'ajoutèrent aux siècles. Puis vint le temps où la troisième sous-race allait naitre et où l'émigration devait fonder cette sous-race, vers l'Ouest, en Perse. Une fois de plus, "la Vérité et la Sagesse", le Boddhisattva, conduisit cette émigration, et cette fois ce fut le grand Être connu alors sous le nom de [232] Zarathoustra, plus souvent appelé, parmi nous, Zoroastre. On connait quatorze Zoroastre dans l'histoire ancienne de Perse, mais c'est le premier, l'ainé de tous, qui, seul, fut l'unique Instructeur suprême, descendu parmi ses disciples pour instituer le gouvernement de la Perse, et transmettre à ses successeurs la tradition qui naquit sous son nom. C'est ainsi que tout haut prêtre de cette religion, digne de porter le manteau du grand Être, est connu dans l'histoire sous le nom de Zoroastre. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il existe, dans les littératures, quatorze de ces prêtres.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>MYSTÈRES ORPHIQUES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Nous arrivons à la naissance de la quatrième sous-race, la race celtique ; le même grand Bien Être revient sous un autre nom, celui d'Orphée, familier aux étudiants de la Grèce antique.<br />Mystères Orphiques, tradition orphique, ce sont là des termes auxquels sont accoutumés tous ceux que l'histoire de la Grèce antique intéresse.<br />En général, les étudiants diront d'Orphée ce qui fut dit pour Hermès : que ce n'est pas là le nom d'un personnage, mais celui d'une succession de grands êtres. C'est vrai, car il y a en [233] réalité succession. L'erreur consiste à croire qu'une telle succession n'eût pas d'auteur originel. Le premier, et le plus grand des instructeurs auquel tout revient, n'est pas nécessairement un mythe sous le prétexte, trop simple, qu'il fut si grand.<br />Ceux qui propagèrent le mythe du soleil firent beaucoup de mal en recouvrant d'épais nuages l'histoire du passé. C'est seulement au fur et à mesure que les fouilles archéologiques faites par les savants actuels nous apportent les vestiges du passé, que nous nous apercevons enfin que ces soi-disant mythes solaires furent de puissants instructeurs et de puissants rois divins dans l'humanité-enfant. Et cela devient de plus en plus indéniable à mesure que les fouilles sont plus profondément poussées, qu'on découvre des civilisations remontant à une antiquité toujours plus éloignée, si bien que ceux dont on fit des mythes, finissent par prendre une apparence d'humanité, mais une humanité si grande, si divine qu'il semble pour ainsi dire impossible de croire que de tels Êtres puissent avoir vécu, comme hommes, sur la terre.<br />Vous pouvez suivre cette tradition orphique à travers tout ce qu'il y eut de plus grand et de plus beau en Grèce ; vous pouvez la suivre [234] dans les mystères que je mentionnais il y a un instant, dans les noms mêmes des génies grecs qui déclarèrent avoir puisé leur inspiration à cette tradition.<br />Nous arrivons enfin à la dernière des incarnations du grand Être au moment où il apparut comme Gautama, devint le Bouddha, et disparut, en tant qu'Instructeur des mondes.<br />J'ai parlé avec intention de ces Êtres puissants du passé : sans quoi, de semblables possibilités pour le présent seraient considérées comme des chimères.<br />Je vous ai indiqué les quatre dernières apparitions de Celui qui est Sagesse et Vérité ; je vous ai indiqué la dernière de ses quatre manifestations avant qu'Il ne fût Bouddha et ne quittât le monde pour devenir le Fils uni au Père, abandonnant désormais son rôle d'Instructeur, de Guide de notre humanité.<br />Il n'y a pas de solution de continuité dans sa succession ; dans cette grandiose série d'instructeurs religieux, la chaire de l'Instructeur ne reste jamais inoccupée ; il y a toujours un Sage pour s'en charger et c'est le plus Sage parmi les sages de la terre. Lorsque l'un d'eux abandonne son sceptre, symbole de sa loi, un autre est là encore, attendant sur les marches [235] de la chaire de Sagesse le moment de succéder au suprême Instructeur qui le précède et qui va abandonner le monde terrestre. L'humanité n'est jamais laissée sans instructeur, elle n'est jamais orpheline ; un Être puissant est toujours présent pour la guider et la sauver, et dès que l'un a terminé son rôle et s'en va, un autre prend sa place et continue l'enseignement.<br />Lorsque Celui qui devint le Bouddha – Gautama – se retira, un autre apparut que j'ai appelé Boddhisattva : "la Vérité et la Sagesse". Sa première manifestation sur terre coïncide avec la sous-race suivante. Comme vous pouvez vous en rendre compte, – et c'est pourquoi je vous indique les noms correspondant à chacune des sous-races, – il vous sera facile d'étudier les rapports entre la nouvelle ère de la vie humaine et la manifestation du divin Instructeur.<br />À la naissance de la cinquième sous-race, à une certaine période de la naissance des Teutons dans les forêts de la Germanie, lorsque les germes, les semences de cette nouvelle sous-race furent semés dans l'Europe septentrionale, alors se manifesta de nouveau l'Instructeur suprême ; une fois de plus, Il vint dans le monde fonder une nouvelle Religion et bénir, une fois encore, la civilisation naissante. [236]<br />Et la religion qu'Il fonda, la civilisation qu'Il bénit, lui donnèrent le nom grec de Christ.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>CHRIST</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Arrêtons-nous sur ce nom, celui encore d'une fonction.<br />Ce ne fut pas là le nom de Bouddha : ce ne fut pas non plus le nom d'un personnage.<br />Si nous considérons la pensée dominante de la Grèce au temps dont nous parlons, nous trouvons que cette pensée incarnait sa plus haute expression dans une certaine institution connue sous le terme de : "Mystères". Il y eut des mystères dans l'Égypte ancienne, en Perse, aux Indes et dans toutes les contrées de l'antiquité. Chez les Grecs, il y avait aussi des mystères : les mystères orphiques dont j'ai déjà parlé, et plusieurs autres encore connus des étudiants sous les nombreux noms que nous donnons aux dieux, aux déesses de la Grèce, et aux instructeurs du passé.<br />Il existait dans ces mystères un certain grade appelé Christos, réflexion sur notre terre et sur l'imparfait miroir de notre monde, des grandes initiations concernant la hiérarchie occulte qui guide les destinées religieuses des [237] hommes, pâle reflet de ces grandes initiations sur le miroir de notre petite humanité. C'est un peu ce qui eut lieu, selon les témoignages chrétiens, lorsqu'il est dit que Moïse, le grand guide des Juifs, fit toutes choses conformément aux modèles qui lui furent montrés sur le sommet de la montagne ; qui ne se rappelle :<br />Le Mont de l'Initiation ?<br />Ce fut là une indication pour ceux qui le suivirent comme législateur ; le temple dont il dressa le plan et qui, pendant un certain temps, fut imité dans le tabernacle qui accompagna les Juifs dans leurs pérégrinations, reçut son plus somptueux symbole dans le temple du roi Salomon, qui, lui-même, fut construit, dit-on, d'après les modèles des choses divines.<br />Ainsi le divin et le terrestre sont reliés l'un à l'autre puisqu'ils sont le reflet l'un de l'autre ; les grandes Initiations de la hiérarchie se reflétèrent, ici-bas, dans les mystères du passé. C'est par les épreuves nombreuses de ces mystères, leurs nombreuses et difficiles méthodes d'entrainement et disciplines, que les hommes les plus avancés dans les civilisations antiques furent guidés sur le sentier de la surhumanité. [238]<br />Or, en ces mystères existait le grade de Christos, "l'oint" ; c'était le grade de l'Initié qui avait triomphé de la souffrance, de l'Initié qui avait porté la croix dans des vies passées, de l'Initié maitre de la vie et de la mort, ce qui le désignait comme étant sur le seuil de la surhumanité, prêt à franchir ce stade supérieur de la vie manifestée. Il était par conséquent naturel, inévitable, qu'au moment où la Grèce avait un terme pour exprimer la condition la plus haute que puisse atteindre un homme sur terre, il était naturel, dis-je, que ce terme grec ait précisément été choisi pour désigner l'Être puissant qui se révélait comme Instructeur sur la terre. Et quel plus noble nom aurait-on pu choisir ? Quel titre plus significatif ? Quel symbole plus instructif que l'adaptation de ce mot Christ à l'Instructeur qui apparut et fut martyrisé sous ce nom ?<br />Aux premiers jours de la chrétienté, ainsi que plusieurs d'entre vous doivent le savoir, on faisait une différence, – (différence qu'on s'efforce de faire à nouveau comprendre de nos jours), – entre Jésus l'Hébreu et le Christ : l'Instructeur oint. Reportez-vous à toutes ces écoles de philosophes et de savants, au début de l'ère chrétienne, alors que [239] l'ignorance triomphait après la décadence de Rome et de Constantinople, reportez-vous à ces savants qui furent brulés comme hérétiques et qui n'étaient autres que ceux qu'on appelait gnostiques : "ceux qui savaient", dénomination significative. Et si vous parcourez Origène, l'un des plus grands savants de l'époque et de l'Église primitive, vous trouverez dans son exposition de la chrétienté maint passage où il dit qu'il est nécessaire que l'Église chrétienne ait dans son sein beaucoup de "gnostiques" qui puissent établir une base sur laquelle on pourrait construire des piliers qui soutiendraient l'édifice. Or, il se sert de ce mot comme désignant "ceux qui savent" et ne fait pas allusion ici aux nombreuses écoles que l'on rangeait sous cette appellation. Dans un passage célèbre, Origène déclare que, s'il est vrai que la chrétienté est faite pour les ignorants, qu'elle n'est qu'un remède pour les pécheurs, ce ne sont cependant ni ces ignorants, ni ces pécheurs qui contribueront à l'édification de l'Église chrétienne, et il ajoute :<br />"S'il est vrai qu'il y a un remède pour le pécheur, l'Église doit être soutenue par les gnostiques, par ceux qui savent et nullement par les ignorants et les pécheurs." [240]</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>MYSTÈRE DE JÉSUS</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Cela fut parfaitement prévu. En effet, dans les premiers siècles, le Christianisme eut ses mystères comme les religions qui l'avoisinaient. Consultez les oeuvres de ces premiers évêques et docteurs chrétiens de l'Église, celles de Clément d'Alexandrie, canonisé à cause de son savoir et de sa sainteté ; feuilletez au hasard ces premiers instructeurs chrétiens qui puisèrent leurs connaissances chez ceux qui avaient reçu l'enseignement des continuateurs du Christ lui-même, et vous verrez qu'il est à chaque instant question du : Mystère de Jésus.<br />Vous trouverez les règles auxquelles on devait se soumettre avant de pouvoir être admis à ces mystères. Vous pourrez lire, dans Clément d'Alexandrie, la proclamation de l'hiérophante auquel les candidats se présentaient, hiérophante qui possédait la clé du royaume des cieux. Vous verrez qu'au moment où ces candidats étaient devant lui, il leur disait que ceux-là seuls qui, pendant longtemps, étaient certains de n'avoir pas péché, pouvaient entrer et apprendre l'enseignement que Jésus donnait en secret à ses disciples. Tels étaient les mots [241] de passe avant que la porte du ciel ne fût ouverte ; des hommes et des femmes n'étaient admis aux mystères qu'à la condition de n'avoir pas transgressé les lois. Une fois reçus, ils étudiaient les enseignements secrets intérieurs, ceux mêmes qui sont indiqués dans l'Évangile où, vous le savez, on dit du Christ : "qu'Il ne leur parlait qu'en paraboles". Vous vous rappelez aussi ce qu'Il répondait à ses disciples lorsque ceux-ci l'interrogeaient : "Il vous est permis à vous, de connaitre les mystères du Royaume de Dieu ; aux autres, je ne parle qu'en paraboles." – Vous pouvez vous rappeler encore qu'au moment où il se trouvait avec ses disciples "dans la maison" Il leur disait des choses qu'Il se refusait à révéler à la multitude du dehors ; vous pouvez vous souvenir aussi de la promesse qu'il fit en voyant approcher la fin de sa carrière terrestre : "Il me reste encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne sauriez les entendre maintenant." La tradition chrétienne des mystères déclare que ces choses furent dites plus tard, lorsque les disciples furent prêts à les recevoir, quand les élèves furent devenus plus dignes de l'enseignement qui leur était destiné.<br />Origène nous apprend que tous ces [242] enseignements étaient gardés dans les mystères chrétiens et constituèrent les enseignements secrets de l'Église, donnés seulement à ceux qui en étaient dignes.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>JÉSUS ET LE CHRIST</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />À cette époque, alors que beaucoup savaient, que beaucoup comprenaient, une distinction était établie entre Jésus et le Christ. 10<br />J'ai déjà fait allusion à ce sujet au début de mes conférences et, si je l'ai fait si délibérément, sans préciser beaucoup, c'était avec l'intention d'y revenir, après avoir traité des questions intermédiaires, jusqu'au moment de cette conférence sur le Christ futur.</p> <p style="text-align: center;"><em>10 Lire La Nature Du Christ, par Annie Besant. (NDT)</em></p> <p style="text-align: center;">Vous ne pouvez définir la venue du Christ, la consécration de l'Instructeur suprême, si vous n'établissez pas de différence entre le corps humain du grand disciple Jésus, né à Bethléem, et le divin pouvoir qui illumina ce corps lors du Baptême, à propos duquel il est écrit "que l'Esprit de Dieu descendit sur Lui et L'habita". C'est là la venue du Christ, la consécration de l'Instructeur Suprême.<br />Vous trouverez cette distinction dans les [243] Épitres, bien que plus loin, dans les Évangiles, l'attention ne soit pas spécialement attirée sur ce point, cette distinction suggestive et saisissante une fois faite. Mais, si pourtant vous prenez les Épitres de saint Paul, vous vous trouverez dans une atmosphère tout autre que celle de l'histoire du Christ telle que la contiennent les Évangiles : vous trouvez là le Christ avec un sens différent, un sens mystique du plus profond intérêt. Lorsque saint Paul déclare qu'il ne demande pas à Le connaitre dans la chair, c'est le Christ intérieur qu'il cherche ; vous le voyez parlant de ce Christ mystique qui doit naitre dans l'âme du croyant, déclaration qui, jamais, n'aurait pu s'appliquer au corps physique de Jésus. Vous l'entendez affirmer que cette naissance mystique du Christ dans les âmes humaines doit être suivie par l'évolution du Christ mystique chez le croyant, jusqu'à ce qu'enfin celui-ci ait atteint la stature et la plénitude du Christ. Cela revient à dire qu'il doit vivre la vie mystique chrétienne, que le Christ doit naitre dans son âme et développer ses divins pouvoirs, pouvoirs qui apparaissent à mesure que le chrétien croit en sagesse et en amour, à mesure qu'il se manifeste davantage et que sa vie humaine [244] s'approche de la vie divine, jusqu'à ce qu'enfin le Christ parfait apparaisse, jusqu'à ce qu'enfin le Fils de Dieu soit, de nouveau, manifesté sur terre.<br />Cependant, cette antique idée mystique disparut des préceptes de l'Église, demeura dans le Nouveau Testament, très nette, mais incomprise. Et c'est ainsi que Lui, l'influx spirituel, le suprême Instructeur, la vie animatrice de son Église, devint le Sauveur extérieur qui, par suite, d'un sacrifice physique, réconcilia, dit-on, l'homme avec Dieu. Mais vous n'avez là qu'une réconciliation arbitraire, une substitution au lieu d'une entière identité de nature, grâce à laquelle le Christ et le croyant sont un.<br />Telle fut la transformation qui apparut dans l'enseignement chrétien, durant ces longues périodes d'obscurité qui succédèrent à la disparition des mystères qui avaient alimenté et gardé la flamme de la connaissance, jusqu'à ce qu'il n'y eût plus de candidats désireux d'être instruits ; cette absence de candidats causa le retrait des instructions des Maitres.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA VENUE DU CHRIST</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />À l'heure actuelle, le fait de ressusciter l'enseignement mystique, de reconnaitre qu'il existe dans le Christianisme une vie nettement caractérisée par le plus saint des noms, le fait de voir les Églises chrétiennes revivifiées par [245] un nouvel afflux ne vie, de croire à nouveau, pour l'humanité, à une croissance possible vers le Divin, c'est là un des signes de la Venue du Christ.<br />C'est le présage de Sa prochaine manifestation sur la terre, car il n'eût vraiment pas été nécessaire de vous intéresser pendant une heure à l'histoire du passé, si cette histoire ne s'appliquait pas au temps présent et à l'avenir, à la répétition de cette antique et universelle histoire : la nouvelle manifestation de ce puissant fils de Dieu.<br />C'est pour cette raison que je vous ai parlé des manifestations antérieures (chacune d'elles correspondant à une sous-race), c'est afin aussi de rétrécir le gouffre qui sépare la pensée moderne de la pensée de l'occultiste. Si vous avez suivi la ligne que je vous ai tracée chaque dimanche, si vous avez saisi le point d'évolution auquel se trouve le monde à l'heure actuelle, si vous comprenez la période de transition dans laquelle nous nous trouvons, si vous voyez la période qui s'en va, la nouvelle ère qui apparait, tous les signes qui indiquent la fin de l'une et ceux qui indiquent la [246] naissance de l'autre, vous comprendrez alors, sans heurt et sans combat, cette manifestation de l'Instructeur, de l'Instructeur suprême des mondes qui, en dernier lieu, fut le Christ de la Palestine.<br />Voyons ce que ces dernières paroles peuvent signifier.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE DÉBUT D'UNE ÈRE NOUVELLE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />À moins que tout ce que je vous ai dit durant ces cinq dernières semaines ne soit un rêve, à moins que tous les faits sur lesquels j'ai porté votre attention n'aient aucune espèce de signification, vous devez avoir senti vous-mêmes le point où je désire vous amener maintenant :<br />Le début d'une ère nouvelle, et vous devez avoir pressenti l'apparition prochaine du grand Instructeur parmi les hommes.<br />Dire cela au premier venu ne peut que faire rêver.<br />Mais nous ! pourquoi cela nous étonnerait-il ?<br />C'est là une interrogation que les Juifs auraient pu se poser la dernière fois qu'Il vint. Qu'une chose si grande, si inaccoutumée, si hors de la pensée puisse se voir sur terre à certaines époques déterminées pendant [247] quelques petites années d'une vie humaine, voilà qui parait trop étrange, trop beau pour être vrai. Et pourtant, Il vint autrefois ! pourquoi ne reviendrait-Il pas ? Puisqu'Il apparut au début de la cinquième sous-race, pourquoi ne réapparait-Il pas à la naissance de la sixième ?<br />Certains d'entre nous seront ici-bas pour assister à cette manifestation ; une génération d'hommes et de femmes est appelée à naitre autour du Christ futur, et aucun de nous ne peut donner de raison valable, pour laisser croire que nous ne pouvons vivre à une pareille époque, que nous ne sommes pas appelés à devenir des canaux pour le nouvel épanchement de vie spirituelle.<br />Cela peut paraitre étrange, étant donnée la rareté du fait ; mais cela est, car dans l'histoire du monde la même chose se présente aux périodes de crises analogues à celles que nous traversons, et son étrangeté ne doit pas vous porter à nier le fait, alors que vous pouvez constater autour de vous les signes de l'ère nouvelle si vous avez des yeux pour distinguer leur réelle signification.<br />Partout, les hommes sont dans l'attente de la venue de quelque grand Instructeur ; ici et là, sur la terre, cette venue a son messager, [248] que dis-je ? elle a toujours eu un messager humain et un héraut pour la proclamer.<br />En Perse, un pareil messager est apparu sous le nom de Bab annonçant la venue du grand Être, suivi d'un autre plus grand encore, puis d'un troisième, l'Abbas Effendi des temps présents, grand Instructeur spirituel, après lequel un autre plus puissant viendra pour unir l'Orient à l'Occident.<br />Cette attente de la venue du Christ ne se constate pas seulement de ce côté, elle se constate aussi chez les peuples de l'Islam et sous une forme étrangement combattive, naturelle d'ailleurs, étant donné le tempérament guerrier de ces peuples, dont l'espérance et l'attente se traduisent par la certitude qu'ils ont de vaincre dans les combats qu'ils livrent ou livreront.<br />Vous pouvez constater aussi cette espérance chez le Mahdi, en Afrique, qui provoque tant de troubles aujourd'hui.<br />Je vous indique tout cela pour vous montrer que cette pensée s'est partout répandue, que [249] l'attente est partout, et que l'impatience du monde va croissant en attendant le grand Être qui doit se révéler sur terre.<br />Telle est la venue du Christ que le monde occulte attend. C'est le même grand Être qui apparut en Palestine car Il est toujours l'Instructeur suprême, c'est la même Individualité. Qui peut dire le nom qu'Il portera ?<br />Ce qui importe avant tout, c'est de nous demander si nous Le reconnaitrons quand Il viendra, ou si nous serons aussi aveugles, aussi durs de coeur, que le furent les Juifs au sein desquels sa dernière manifestation eut lieu ?<br />Il nous est facile, en regardant en arrière, à travers les siècles qui virent le grand Maitre chrétien à la tête du Christianisme, homme parfait auréolé de la gloire du Christ, – (car l'Église n'a fait aucune distinction entre les deux toutes ces dernières années), – il nous est si facile, dis-je, de jeter les regards sur les siècles passés en disant que nous L'aurions reconnu si nous avions été là.<br />Il ne fut pas toujours reconnu et n'est-ce pas le reproche qu'Il adressa à son peuple : "Vos pères égorgeaient les prophètes et vous leur creusez des sépulcres."<br />Il y a toujours beaucoup de gens prêts à [250] élever des tombes en l'honneur et au nom d'un prophète du passé, mais combien peu ont reconnu, depuis que le monde existe ; combien peu ont reconnu le prophète de leur époque ! Et cela n'est pas vrai seulement pour l'Instructeur suprême, mais pour tous ceux qui se trouvèrent dépasser un peu le niveau intellectuel et les pouvoirs de la masse ; Ils ont toujours été haïs ; la société Les a toujours chassés, torturés ou lapidés.<br />Qui nous porte à croire que nous serons plus sages de nos jours ? Pourquoi la cinquième grande race-mère, la plus combattive de toutes, la plus critique, la plus sceptique, la moins prête à reconnaitre ce qui lui est supérieur, la plus orgueilleuse, aurait-elle des yeux capables de voir une splendeur qui ne fut jamais reconnue dans le passé ?<br />C'est là un problème qui doit nous inquiéter assez pour que nous tendions de développer en nous les qualités grâce auxquelles nous pourrions Le reconnaitre s'Il venait de notre vivant, car dans la nature existe cette grande loi : "Nous ne pouvons comprendre que ce qui éveille en nous un écho." Elle est vraie en toutes choses, pour le côté extérieur comme pour le côté intérieur, et par conséquent aussi pour nos [251] yeux physiques. Nous nous voyons les uns les autres parce qu'il y a, dans la rétine de l'oeil, l'éther qui vibre en réponse aux vibrations des rayons lumineux de l'extérieur ; par analogie, au point de vue moral et, par-dessus tout, au point de vue spirituel, nous ne percevons que proportionnellement à nos facultés d'entendement, d'assimilation. Si nous sommes ouverts à la spiritualité, si nous possédons un peu des qualités qu'Il nous montre si glorieusement, si nous avons en nous un peu de cette nature qui, en Lui, a grandi jusqu'à la Divinité, oh ! Alors quelque chose en nous vibrera à son approche quand Il viendra, caché, ainsi qu'Il le fut toujours, sous le voile d'un corps humain.<br />Pour qu'il en soit ainsi, il nous faut dépasser la pensée moderne pour atteindre celle des temps futurs ; il nous faut abandonner la combattivité de la cinquième sous-race, pour que la compassion de la sixième puisse, à son tour, habiter nos coeurs.<br />Si l'on en juge d'après le passé, Il peut, lorsqu'Il viendra, être de nouveau méprisé et chassé, car l'idéal spirituel n'est pas un idéal auquel les coeurs de notre époque soient des plus sensibles. Vous pourrez reconnaitre cet [252] idéal dans les caractéristiques qui furent celles du Christ : quand Il était injurié, Il n'injuriait pas en retour ; quand Il souffrait, Il ne se révoltait pas. Voilà qui parmi vous ne prouverait que de la faiblesse d'esprit. Ne pas répondre aux injures prouve, d'après la pensée moderne, que les injures sont justifiées. C'est là l'esprit de l'époque. Si vous êtes calomnié, diffamé, trompé, il vous faut aller au tribunal et y trainer le coupable, sans quoi c'est vous avouer coupable vous-même. C'est là l'opinion moderne. Il arrive que celui qui suit l'exemple du Christ et qui, devant ses accusateurs, ne répond rien, est condamné par l'opinion publique de notre temps. Oui, je le sais, il répondrait s'il le pouvait, car on répond toujours lorsqu'on le peut, mais la stature du Christ n'est pas la stature de ceux qui portent son nom dans cette civilisation querelleuse. C'est pourquoi, lorsqu'Il reviendra, calomnié et diffamé, comme Il le sera certainement s'Il dépasse de beaucoup notre savoir et notre entendement, le verdict ne sera encore pas en sa faveur, tout comme autrefois. Nous n'assassinerons pas, ce moyen étant, de nos jours, trop dégradant pour nous ; nous préfèrerons garder, vivante, la victime pour la torturer, plutôt que de la [253] vouer à une mort prompte qui la délivrerait. Ainsi, à en juger par le monde actuel, rien ne nous invite à croire qu'Il sera le bienvenu lorsqu'il viendra. Tout comme autrefois, un petit nombre d'individus Le reconnaitra, et il peut se faire (comme les caractéristiques de la race qui vient seront celles de la spiritualité) que ce petit nombre se trouvera quelque peu augmenté pour Lui souhaiter la bienvenue car, je le répète, la vie spirituelle tend chaque jour à se déverser davantage dans le monde, et tous ceux qui auront pénétré dans le domaine de l'Esprit connaitront ses lois.<br />Je voudrais ce soir, avant de me séparer de vous, vous persuader que tout cela est absolument vrai, qu'avant peu le suprême Instructeur sera de nouveau incarné sur terre, de nouveau manifesté comme Instructeur, qu'une fois de plus Il ira et vivra parmi nous, comme Il vécut jadis en Palestine.<br />Si beau que soit l'Esprit, si, grandes que puissent paraitre nos aspirations, il n'est rien de trop glorieux à quoi l'Esprit évoluant sans cesse puisse prétendre. Aussi, notre espoir aujourd'hui consiste-t-il à souhaiter, en dépit des caractéristiques de l'époque, que les hommes deviennent plus impartiaux, plus tolérants, [254] plus enclins à reconnaitre ce qui est juste et bien. Il peut, de la sorte, arriver que nous atteignions un degré d'évolution tel, que le niveau actuel de la masse se trouvera dépassé par un grand nombre d'individus spiritualisés ; en ce cas, lorsqu'Il viendra, Il sera en mesure de pouvoir rester parmi nous, plus de trois années, temps qu'Il demeura sur terre, lors de Sa dernière apparition.<br />C'est sur ces derniers mots que je désire prendre congé de vous ce soir, éveillant en vos esprits le désir de développer en vous l'Esprit du Christ, pour qu'à son retour vous puissiez reconnaitre Sa grandeur !<br />Soyez compatissants, tendres : voyez le bien chez autrui plutôt que le mal, apprenez à être bons avec les faibles, sachez respecter et révérer Ceux qui vous sont supérieurs. Si vous savez acquérir ces qualités, le Christ alors pourra vous compter parmi Ses disciples et le souhait de bienvenue que la terre Lui adressera, ne se traduira plus par une crucifixion.</p> L'ÉPANOUISSEMENT DE LA CONSCIENCE ET SA VALEUR 2019-07-05T06:44:01+00:00 2019-07-05T06:44:01+00:00 http://hierarchie.eu/le-monde-de-demain-par-annie-besant-1909/1284-l-epanouissement-de-la-conscience-et-sa-valeur Super User bon.christo@free.fr <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>L'ÉPANOUISSEMENT DE LA CONSCIENCE ET SA VALEUR</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Au cours des conférences, que celle de ce soir terminera, j'ai parlé de l'existence, dans l'homme, d'une conscience plus haute que celle que nous connaissons actuellement sous le nom de conscience physique à l'état de veille. J'y ai fait allusion maintes et maintes fois, ne m'y arrêtant que quelques instants, ne pouvant interrompre le sujet que je traitais pour vous donner une description détaillée de l'épanouissement de cette conscience et de ses instruments : c'est-à-dire du corps ou plutôt des corps de l'homme.<br />Tout ce dont je vous ai parlé jusqu'à présent me paraitrait tant soit peu imparfait, si, avant de quitter les sujets traités ici, je n'essayais de vous soumettre quelques données sur l'épanouissement de cette conscience supérieure dans l'homme, conscience qui existe dans chacun de nous, fonctionnant d'une façon [256] intermittente, et qui est aujourd'hui en cours de développement dans l'humanité.<br />Simultanément avec le développement de la conscience se poursuit une évolution continuelle des corps à l'aide desquels cette conscience peut s'exprimer. C'est là le sujet que je vais aborder ce soir en essayant de vous exposer, aussi clairement que possible, la théorie étudiée par les théosophes relativement à cette question. Quelques-uns d'entre nous ont pu vérifier cette théorie par des investigations personnelles ; de plus, chose beaucoup plus importante, – elle est confirmée par les grandes Écritures des religions du monde, par les témoignages de voyants et de prophètes de l'ordre le plus élevé et le plus inspiré.<br />Nous sommes malheureusement trop souvent portés à accorder plus de crédit à l'évidence contemporaine qu'à celle qui nous vient des grandes Écritures du monde. Pour moi, cela équivaut à placer un écran devant ses yeux pour ne pas voir la lumière du soleil. Il est certain, si l'on veut bien y réfléchir, que les témoignages donnés présentement par des étudiants à demi développés ne peuvent avoir, de par la nature même des choses, une valeur aussi grande que celle des témoignages de [257] grands prophètes et voyants de l'humanité, témoignages contenus, bien que sous une forme mystique et allégorique, dans les grandes Bibles de l'humanité.<br />En fait, les attestations de l'investigateur moderne devraient être plutôt vérifiées et régies par ces révélations bien plus complètes et plus importantes. C'est toujours un sujet de satisfaction pour le voyant moderne, en partie développé, quand il peut constater que ses propres investigations peuvent jeter quelque lumière sur les enseignements donnés par les Écritures et les Bibles de l'humanité.<br />Je ne prétends donc nullement vous présenter rien qui soit comparable, en valeur, à ce que vous pouvez trouver vous-mêmes dans les grandes Bibles des religions si vous êtes spirituellement illuminés. Je crois seulement que les investigations actuelles peuvent nous aider à comprendre ces importantes révélations, nécessairement obscures pour nous par suite de l'immense différence de savoir entre ceux dont elles émanent et ceux qui les étudient. Aussi, quelque modeste que soit notre connaissance actuelle, elle peut cependant être suffisante pour déchiffrer ces fameux manuscrits du passé, pour nous aider à pénétrer plus [258] profondément le sens de ces vérités qui nous ont été léguées par l'antiquité et les Sauveurs du monde.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Tout d'abord, je crois devoir entrer dans quelques détails et définitions préliminaires qui pourront rendre plus accessible ce que j'ai à vous dire sur ce sujet. Si vous voulez étudier la constitution du corps humain, comparativement simple, vous devez d'abord vous rendre compte de la différence qui existe entre un os et un nerf, une artère et une veine, et comprendre la signification de tous les termes, plus ou moins familiers, et employés par le physiologiste, pour expliquer l'anatomie et la physiologie du corps. On ne peut avoir d'idées claires et définies sur un sujet qu'en étudiant la simple nomenclature de ce que l'on désire comprendre ; s'il est possible d'éviter les mots d'une autre langue, il est par contre impossible de ne pas demander un certain effort d'esprit à l'étudiant qui désire être autre chose qu'un simple auditeur superficiel ne possédant aucune notion des sujets qu'il prétend approfondir. [259]</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>CONSTITUTION DE L'HOMME</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Une des épitres de saint Paul donne de la Constitution de l'homme une très bonne et très simple description sous la forme d'une division triple, division parfaitement exacte qui, cependant, doit comporter des subdivisions. Mais pour l'instant, cette triple division, à laquelle nous ajouterons certaines subdivisions, sera suffisante pour vous donner une idée claire et définie de la conscience dans l'homme. Par votre propre expérience, vous pourrez juger ensuite dans quelle proportion votre conscience a pu s'épanouir et si les véhicules propres à l'expression de cette conscience, plus grande, n'ont pas été suffisamment développés pour lui permettre de se manifester dans les mondes en connexion avec le monde physique. Cette division de l'homme, que bien certainement vous connaissez tous, est la suivante :<br /><strong>L'Esprit ;</strong><br /><strong>L'Âme ;</strong><br /><strong>Le Corps.</strong></p> <p style="text-align: center;"><br />Je suis vraiment étonnée de constater combien la plupart des chrétiens sont ignorants sur le vrai sens des deux premiers termes : "Esprit [260] et Âme", qu'ils emploient indifféremment pour distinguer ces deux principes du corps physique. Vous entendez ainsi certaines personnes parler d'esprits se manifestant de différentes façons, ou disserter sur l'immortalité de "l'Âme". En réalité, elles ignorent le véritable sens de ces deux mots : Âme et Esprit.<br />Essayons donc de trouver une définition que tout le monde puisse comprendre. Nous ne serons sans doute pas tout à fait du même avis en ce qui concerne la triple division si vous possédez une autre division à laquelle vous êtes plus habitués, c'est pourquoi mon principal objet est-il de vous donner avant tout une claire définition des deux termes en question. Selon vos aptitudes ou vos tendances, vous la modifierez si bon vous semble, mais c'est naturellement sur elle que je m'appuierai ce soir pour tout ce dont je désire vous entretenir.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>QU'EST-CE QUE L'ESPRIT ?</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est un germe divin qui développe graduellement ses pouvoirs au cours de l'évolution humaine en s'enrobant de la matière à tous ses états, matière qu'il façonne, le temps aidant, [261] pour en faire un instrument propre à sa manifestation.<br />Nous pourrions dire, plus succinctement, que l'Esprit est un germe divin enrobé dans la matière.<br />Comme son divin Progéniteur, ce germe possède un triple aspect. Dieu, manifesté dans l'univers, est une Trinité dont les trois attributs se retrouvent dans l'Esprit de l'homme ; employant les termes chrétiens qui nous sont plus familiers, je dirai que l'Esprit Pur exprime à la fois :<br /><strong>La Puissance qui correspond au Père ;</strong><br /><strong>La Sagesse Fils ;</strong><br /><strong>L'Activité créatrice St-Esprit.</strong></p> <p style="text-align: center;"><br />Si vous acceptez ces termes familiers, si vous trouvez qu'ils vous aident à mieux comprendre et voulez bien les garder présents à l'esprit un instant, puis les traduire par le mot : Conscience, – (conscience limitée, les trois aspects n'étant pas encore pleinement développés chez l'homme ordinaire), – il vous sera dès lors facile de reconnaitre, chez l'homme de nature spirituelle, et mieux encore dans cette réflexion inférieure dont je vais parler, [262] il vous sera facile de reconnaitre la triple division de notre propre nature spirituelle et d'en obtenir une image nette.<br />Ce que dans la Divinité nous appelons : Puissance, volonté par laquelle les mondes existent, se retrouve dans la nature spirituelle de l'homme comme : Volonté.<br />L'aspect Sagesse qui maintient les mondes, se retrouve, dans l'Esprit humain, comme : Raison pure et la Compassion, celle-ci n'étant autre que la Sagesse, le Christ dans l'homme.<br />Enfin, le troisième aspect, l'Activité créatrice se retrouve dans l'Intelligence, forme la plus élevée, la plus noble de l'Activité créatrice de Dieu.<br />Si maintenant vous rapprochez les termes qui vous sont plus familiers de ceux qui vous le sont moins, vous arriverez à pouvoir me suivre plus facilement dans ce que je vais vous exposer.<br />Pensez, en premier lieu, que l'Esprit, le germe divin, doit se manifester en développant graduellement ses pouvoirs latents, c'est-à-dire les trois attributs suprêmes que vous reconnaissez dans la Divinité même.<br />Passant alors de ce principe le plus élevé de notre nature au principe que saint Paul [263] appelle l'âme, la question suivante se pose : Qu'est-ce que l'Âme par rapport à l'Esprit ?<br />C'est la réflexion temporaire de l'Esprit éternel dans une matière plus dense ; c'est l'image de ce qui est impérissable ; c'est la réflexion, dans le miroir du monde, de cette vie éternelle qui évolue en traversant les mondes, mais ne partage pas le caractère transitoire des univers en voie de perpétuelles transformations.<br />L'âme humaine n'est autre que l'Esprit à l'oeuvre dans la matière grossière. Il en résulte qu'en nous-mêmes, – et nous pénétrons là dans un domaine que la Psychologie étudie et s'efforce de comprendre pour le définir, – il en résulte, dis-je, qu'en notre conscience réside l'Âme, réflexion de l'Esprit dans la matière grossière.<br />En outre, l'Esprit se reflète comme intelligence pure avec toutes ses activités : imagination, jugement, raison, autant de pouvoirs de l'Esprit.<br />Nous arrivons ensuite à une partie de nous-mêmes que nous appelons nature émotionnelle, réflexion de la pure Sagesse. Cette Compassion, dont je parlais tout à l'heure, se manifeste [264] dans les mondes inférieurs, comme l'Amour le plus noble, le plus élevé, source de toutes les vertus. Le même principe d'unité que l'on désigne, pour le plan spirituel, sous le nom de Sagesse, s'exprime en effet, dans les mondes inférieurs, comme amour ; c'est lui qui rassemble ici-bas les vies séparées, dans un monde où la matière a vaincu l'Esprit, où celui-ci a été obscurci par la matière. L'unité que l'Esprit connait, l'Âme la recherche par l'Amour qui, comme on le sait, tend à l'union, à l'unité ; c'est cette exquise qualité de l'âme qui tend à élever celle-ci vers le monde spirituel.<br />Ce que nous appelons : Volonté dans les régions supérieures de l'Existence se reflète comme Désir dans les mondes inférieurs.<br />Une différence doit être établie entre la Volonté et le Désir.<br />La Volonté est un sentiment nettement déterminé dans l'être ; le Désir, au contraire, résulte de l'attirance qu'exerce, sur l'individu, la vue des objets extérieurs à la conscience.<br />Vous obéissez au Désir quand vous reculez devant une douleur, quand votre activité s'exerce selon l'attraction ou le sentiment de répulsion que vous éprouvez pour des objets extérieurs à vous. D'autre part, vous obéissez [265] à la Volonté, – attribut spirituel, – quand toute votre nature intérieure, concentrée sur un point nettement déterminé, vous dirige en toute liberté vers le but choisi, vous laissant indifférent devant la joie ou la peine, le gain ou la perte que vous pouvez éprouver dans le monde inférieur en poursuivant ce but.<br />La Volonté émane du "Moi spirituel", le Désir est provoqué et stimulé par les objets des régions inférieures.<br />Or, ce qui, dans l'Esprit, est Volonté, se manifeste donc comme Désir dans l'Âme. Vous pouvez, de la sorte, représenter l'Âme par la simple énumération de ses trois attributs :<br /><strong>Le Mental, avec tous ses pouvoirs,</strong><br /><strong>L'Émotion, racine de l'Amour,</strong><br /><strong>Le Désir, réflexion dans le monde inférieur, de la Volonté, principe déterminant.</strong></p> <p style="text-align: center;"><br />Considérant votre vie de chaque jour, il vous est désormais facile de conclure que ces trois attributs ne sont autres que la Conscience à l'état de veille, laquelle se manifeste dans la matière dense du cerveau. Vous pouvez, en outre, dans votre conscience à l'état de veille, vous rendre compte des rôles respectifs du mental, de l'émotion et du désir, et vous arriverez à voir que, si limitée, si conditionnée que [266] puisse être cette conscience inférieure que le cerveau de votre corps physique limite, elle n'est autre cependant que cette conscience, plus haute, qui, dans les mondes subtils, se traduit par le mot : Âme, et, dans le monde spirituel, par cet autre mot : Esprit.<br />Si vous saisissez bien ce schéma et ses subdivisions, vous serez amenés à admettre que la conscience est une et que ses différents aspects sont dus bien plus aux différences de la matière dans laquelle elle s'exprime, qu'à sa nature elle-même.<br />Que vous l'observiez dans le cerveau, dans le corps subtil ou dans la région de l'Esprit pur, la conscience est une ; elle manifeste partout ses trois modes, ses trois qualités, mais c'est une chose une, c'est nous-mêmes, ou plutôt, c'est ce qui, en nous, est seul réel.<br />Et maintenant,<br />Qu'est-ce que le Corps ?</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>QU'EST-CE QUE LE CORPS ?</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Car dans la définition de l'homme telle que la donne saint Paul, intervient un troisième facteur. Tout comme la conscience, le corps se trouve être naturellement soumis aux trois mêmes différenciations. [267]<br />De même que nous possédons un corps spirituel qui revêt l'Esprit dans les mondes supérieurs de la conscience, nous possédons également ce que saint Paul appelle un corps naturel. "Il y a, dit-il, un corps naturel et un corps spirituel."<br />Mais ce corps naturel se divise lui-même en deux corps :<br /><strong>Le corps subtil dans lequel l'âme travaille,</strong><br /><strong>Le corps dense dans lequel travaille la conscience à l'état de veille, réflexion, nous le savons, de la conscience plus haute.</strong></p> <p style="text-align: center;">Ces deux corps sont, bien entendu, inséparables et peuvent être considérés comme ne formant qu'un seul corps naturel, éphémère, appartenant aux trois mondes transitoires, soient : les mondes :<br /><strong>physique,</strong><br /><strong>astral,</strong><br /><strong>mental (ou céleste).</strong></p> <p style="text-align: center;">Il vit un certain temps dans ces trois régions de l'univers, puis les abandonne, restituant à chacune d'elles les éléments qu'il leur emprunta.<br />Le corps spirituel étant relativement permanent, subsistant durant toute l'existence d'un [268] individu, ne connaissant de par sa nature même ni la naissance ni la mort, phases qu'il traverse sans en être affecté, il s'ensuit que l'individualité, – l'homme spirituel, l'homme réel, – est éternelle et revêt une enveloppe permanente faite de matière empruntée au monde spirituel. Elle développe alors ses pouvoirs, façonne la matière sans varier dans son essence, sans que la conscience cesse de demeurer dans les régions où elle réside, sans même qu'il en résulte, pour la matière, un changement d'état, celle-ci s'organisant simplement et peu à peu, d'une manière plus définitive.<br />C'est dans le Corps spirituel que se conserve la mémoire de toutes les expériences faites au cours de vos nombreuses incarnations, c'est en lui que demeure votre réelle individualité que les lois de la naissance et de la mort n'atteignent pas. En ce corps que vous possédez encore actuellement, résident toutes vos expériences du passé ; une partie de ces expériences détermine, à chaque naissance, ce que seront les corps nouveaux que l'âme devra revêtir pour recueillir de nouvelles expériences et exercer de nouveaux pouvoirs.<br />Ainsi donc, l'Esprit, dans le corps spirituel, est la partie de vous-mêmes qui subsiste ; au [269] contraire, l'Âme, dans son corps temporaire, ou plutôt ses corps temporaires subtils et physiques, est soumise à des changements successifs.<br />Cette triple division de la nature de l'homme étant admise, il vous sera facile de distinguer la conscience supérieure de la conscience inférieure, la conscience épanouie de la conscience en voie d'épanouissement. Vous adopterez, comme point de départ, cette grandiose conception d'après laquelle l'Esprit vivant involue dans une matière de plus en plus dense pour s'en revêtir et l'approprier à ses desseins. En empruntant cette matière, l'Esprit s'enveloppe, temporairement, en un voile qui tout d'abord l'aveugle, mais c'est un voile qu'il ne tardera pas à transformer en un instrument, instrument par l'intermédiaire duquel il connaitra tous les mondes, par l'intermédiaire duquel il entrera en contact avec l'univers tout entier. C'est dans ce but qu'il rassemble autour, de lui de la matière de chaque monde ; c'est dans ce but qu'il s'enrobe de vêtements matériels. En exerçant son activité sur les matériaux dont il s'entoure ainsi, il approprie ceux-ci à ses desseins, les pétrit selon ce qu'il désire en faire, les arrange selon les résultats qu'il désire [270] obtenir, soit un contact toujours plus parfait avec la Matière, condition nécessaire pour devenir maitre des mondes. Et il poursuit ainsi, son oeuvre jusqu'à ce qu'il ait asservi la Matière jusqu'à ce qu'il s'en soit fait son instrument ; alors, mais alors seulement, tous les mondes s'ouvrent devant lui et il peut agir en toute liberté dans chacun d'eux, ce que l'Esprit Pur est incapable de faire. Et en effet, l'Esprit Pur ne peut agir que dans les mondes spirituels auxquels il appartient, hautes et merveilleuses régions où la Divinité elle-même demeure et se manifeste, sans être limitée par la matière dense dont nous subissons les liens. La Divinité émane ces formes grossières de matière pour que les germes divins puissent y être semés et y acquérir les expériences nécessaires à l'éclosion de leurs pouvoirs ; c'est ainsi que la Divinité se manifeste dans la matière, c'est ainsi que les germes divins, après s'être élevés haut au-dessus de la matière où ils auront été semés, devront être devenus maitres de cette matière comme l'est le Père de Lumière d'où ils émanent.<br />Considérant ainsi le développement de la conscience et l'organisation graduelle des corps, nous serons à même de déterminer le but de [271] ce long développement, lequel consiste à faire de l'Esprit un maitre de la matière, capable d'agir dans tous les mondes. Et si nous pouvons nous faire seulement un aperçu de ce projet grandiose, nous nous rendons compte de la perfection de ce projet comme de l'éclatant triomphe dont nous devons être les héros.<br />En premier lieu, si nous examinons les aspects inférieurs de la Conscience en nous-mêmes, nous remarquerons qu'il existe une certaine relation entre la Matière et l'Esprit qui, lui, avons-nous dit, subsiste, et qui, par conséquent, est sans cesse présent sur le sentier qui le conduit au monde spirituel supérieur. Les étudiants avancés dans leurs études théosophiques découvrent tous l'existence de cette relation, au fur et à mesure qu'ils pénètrent successivement dans ces mondes divers qu'ils arrivent finalement à dominer. Il s'agit là d'une sorte de communication ininterrompue entre la conscience et la forme, entre l'Esprit et la Matière ; en d'autres termes : chaque changement dans la conscience provoque une vibration correspondante dans la matière ; réciproquement, toute vibration dans la matière provoque un changement dans la conscience. Or, il est dit que cette relation est imposée par le [272] Logos Lui-même au moment où Il confère à la Matière de Son univers, les qualités qu'Il désire y voir ; Il donne aux atomes un mode vibratoire tel, que ceux-ci doivent répondre, avec un synchronisme parfait, au moindre changement dans Sa propre<br />conscience. De la sorte, cette correspondance est invariablement établie et sans cesse constatée dans son univers tout entier, grandiose royaume d'Esprit-Matière qu'Il régit et où, je le répète, tout changement de la conscience provoque dans la matière un mode vibratoire déterminé et vice-versa.<br />Cela étant, envisageons ce qu'une personne disposant de la clairvoyance verrait, dans la partie inférieure de l'aura d'un individu, soit par conséquent, dans la matière éthérique ou astrale de cette aura. Choisissons de préférence la partie astrale. La personne clairvoyante verrait un grand nombre de couleurs changeantes traverser l'aura. Ainsi que vos études vous l'ont enseigné, chacune de ces couleurs est une vibration déterminée de la matière, vibration d'une longueur d'onde définie ; or, en examinant ces changements de couleurs dans une aura, vous constaterez, – si vous êtes clairvoyants, – qu'ils sont dus à des états de [273] conscience ou qu'ils provoquent ces derniers.<br />Voyez une personne plongée dans un état dévotionnel dû par exemple à la prière, spectacle familier à tous ceux qui fréquentent les Églises chrétiennes ; en observant l'aura d'une telle personne, vous la verrez vibrer et prendre la couleur bleue ; le bleu prédominera, l'aura tout entière en sera colorée.<br />En outre, si vous observez le corps astral d'un indifférent, entré dans l'église sans éprouver de sentiment dévotionnel, vous remarquerez qu'il ne tardera pas à être affecté par les vibrations des corps astrals qui l'entourent ; ces vibrations qui lui sont imposées de l'extérieur provoquent en lui une disposition dévotionnelle.<br />En résumé, ou c'est l'état de conscience qui détermine des vibrations données dans les corps, ou c'est la vibration qui détermine l'état de conscience.<br />Étudions la question sous un autre aspect.<br />Lorsque vous vous sentez de joyeuse humeur, n'avez-vous jamais ressenti l'influence produite sur vous par la vue d'une personne en colère ? N'avez-vous pas remarqué que, peu à peu, vous vous irritez aussi, même si vous n'avez aucun sujet de vous irriter, mais simplement parce [274] que la mauvaise humeur du voisin réagit sur vous ?<br />Un rigoureux contrôle sur soi-même et sur le corps astral s'impose si l'on veut éviter de pernicieuses influences qu'exercent, sur une disposition d'esprit calme et pacifique, des vibrations particulières.<br />Si vous n'avez jamais observé ce fait, pensez-y pendant quelques jours et vous vous rendrez compte de votre tendance à reproduire en vous les sentiments qui animent les personnes de votre entourage.<br />En somme, que se produit-il ?<br />Le corps astral d'un homme irrité vibre selon l'émotion qu'il éprouve ; les vibrations de celle-ci provoquent dans votre corps astral des vibrations analogues, produisant ainsi, en nous, une disposition analogue à celle de celui qui vous approche. La chose est absolument mécanique, et la colère vous empoigne vous aussi. C'est pourquoi fut conseillé ce précepte de morale bien connu et enseigné par tous les grands instructeurs :<br />"Rends le Bien pour le Mal."<br />En réalité, il s'agit là, par un effort délibéré de la conscience, de se mettre dans une disposition d'esprit totalement opposée à celle du [275] voisin. Ce faisant, vous neutralisez les vibrations qui vous parviennent de l'extérieur, votre corps astral vibre sous l'influence de votre bonne émotion au lieu de vibrer sous l'influence des mauvais sentiments extérieurs. De plus, si vous êtes suffisamment exercés, vous pourrez modifier les vibrations néfastes du corps astral de la personne mal disposée, en les harmonisant avec les vôtres. De cette façon vous aurez produit chez votre voisin une émotion supérieure à celle qu'il éprouvait au lieu de vous être laissé influencer par une mauvaise.<br />Telle est la science des émotions que tout aspirant à la vraie vie devrait connaitre pour diriger sa conduite. Tout d'abord, on lui enseigne la théorie pour qu'il comprenne mieux ce qu'il doit faire ; il met ensuite cette théorie en pratique afin de vérifier, par lui-même, la loi que son instructeur lui a apprise.<br />Il arrive quelquefois qu'un moraliste se contente de prescrire des préceptes : "Aimez vos ennemis ; faites du bien à ceux qui vous haïssent." À cela, l'auditeur non spiritualisé vous dira : "Pourquoi répondrais-je à la haine par de l'amour ?" La Connaissance, le pourquoi des choses, peut seul vous aider à comprendre la sagesse d'un tel précepte dicté par tous les [276] grands Instructeurs du passé. S'exprimant à une époque où l'autorité possédait encore une certaine valeur, à une époque où le peuple était disposé à suivre les conseils de ceux qu'il jugeait supérieurs à lui, les instructeurs se contentèrent de proclamer la loi ; l'auditeur docile obéissait alors de son mieux. Par contre, en notre siècle de critique et de raisonnement, il devient indispensable de justifier la sagesse des préceptes de morale en expliquant, sans phrases les vérités scientifiques qu'ils contiennent.<br />L'étude de cette science des émotions est nécessaire si vous désirez obtenir une organisation plus parfaite de vos corps, et des états de conscience supérieurs. Ce travail peut être fait graduellement ; peut-être feriez-vous sagement de lire, à ce sujet, l'oeuvre d'un penseur théosophe 11 ; elle vous apprendrait à apprécier la science des émotions à sa juste valeur et vous deviendriez, pour le monde, une source de bonheur, de paix, de réconfortantes émotions, vous deviendriez un soutien pour les faibles que vous aideriez alors de vos connaissances et de votre force, hâtant ainsi leur acheminement vers le triomphe définitif. [277]<br />De ce fait, nous acquérons le pouvoir de dompter la matière et de la faire vibrer ainsi que nous voulons qu'elle vibre. Mieux encore, nous pouvons en faire des organes d'expression pour la conscience qui se développe en nous. Ces lois une fois comprises, nous nous rendons compte que, nos corps étant plus parfaitement organisés, nous puissions prendre plus réellement contact avec tous les mondes qui nous entourent.<br />Afin de rendre la chose plus claire, laissez-moi vous exposer à nouveau la méthode. Quand, au début, le germe spirituel descend et s'enrobe dans la matière qui lui est nécessaire pour son évolution, cette matière n'est pas organisée, elle est nuageuse, informe ; et elle garde encore cet état dans les régions supérieures où la matière n'a pas encore été travaillée par l'Esprit. Dans les trois mondes inférieurs, tout au moins en ce qui vous concerne presque tous, vous qui devez vous compter parmi les plus avancés dans les races actuelles, elle s'organise au point de devenir de véritables instruments pour la conscience.</p> <p style="text-align: center;"><em>11 Voir The Science of the Emotions, par Bhagavan Das, Theosophical Publishing Society.</em></p> <p style="text-align: center;">Si nous portons un instant notre attention sur Le corps physique, [278] vous pourrez saisir exactement le sens de ces mots : organisation du corps.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE CORPS PHYSIQUE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Le corps physique est maintenant pour vous un précieux instrument qui vous permet tout d'abord de connaitre le monde extérieur et d'agir ensuite sur ce monde en appliquant les connaissances que vous avez déjà acquises. Comme vous le savez, le corps possède un système nerveux qui se subdivise en deux parties :<br />Les nerfs sensitifs et les nerfs moteurs.<br />Grâce aux premiers vous apprenez à connaitre l'extérieur ; par l'intermédiaire des nerfs moteurs vous agissez sur ce monde extérieur, utilisant la connaissance que vous avez acquise pour amener les résultats que vous désirez obtenir. Le corps physique est parfaitement organisé pour ce travail.<br />Par l'évolution des sens, par la croissance graduelle de tout le système nerveux, par le développement de votre cerveau, vous êtes arrivés dans une large mesure à maitriser le monde physique avec lequel vous êtes en contact. Tout ce qu'il reste à acquérir ultérieurement n'est comparativement qu'une faible évolution, une évolution de moindre importance, car il ne s'agit pour l'instant que du [279] développement des deux autres sens et de la conquête du royaume de l'éther auquel la science arrive actuellement. Jusqu'ici donc, vous possédez un instrument, celui de votre conscience à l'état de veille. Grâce à lui, l'Esprit et l'âme travaillent parallèlement, car les pouvoirs de l'âme peuvent toujours s'exercer autant que la densité de la matière le permet. Involuer dans la matière grossière équivaut à placer une lumière derrière des plaques de verre de plus en plus épaisses. La lumière reste lumière, mais celle-ci devient plus ou moins perceptible selon l'épaisseur et l'opacité du verre à travers lequel vous la regardez.<br />Il en est de même pour la lumière de l'Esprit, brillant à travers l'âme et le corps.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE CORPS ASTRAL</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Le travail qu'il importe maintenant de faire est celui qui comporte l'organisation d'un corps de matière plus subtile :<br />Le corps astral.<br />Dans ce corps, agissent les émotions, les pensées. Dans une large mesure, les corps astral et mental, – le premier étant aussi appelé le corps émotionnel, sont dès maintenant constitués. Mais ici interviennent certaines [280] différenciations ; chez quelques-uns d'entre nous le corps astral est si bien constitué qu'il est susceptible de se séparer du corps physique pour agir dans le monde auquel il appartient, c'est-à-dire dans le monde astral ; chez d'autres, ce corps est plus suffisamment développé en ce qui concerne la conscience, mais pas assez cependant pour recevoir complètement les impressions du monde astral lui-même. En d'autres mots, votre conscience agira dans la matière subtile de ce monde, mais elle n'a pas encore suffisamment organisé le corps astral pour permettre à celui-ci de recevoir les impressions de l'extérieur.<br />Graduellement, au fur et à mesure que l'évolution s'avance, l'organisation du corps astral progressera en chacun de nous ; mais on peut, comme je vous l'ai dit il y a quelques semaines ; hâter cette évolution et faire du corps astral ce qu'il devrait être, c'est-à-dire un instrument qui soit aussi parfait pour le contact avec le monde astral, que l'est le corps physique pour le monde physique. C'est là ce qu'ont fait un grand nombre de personnes qui peuvent agir dans ou en dehors de leur corps physique. Nous reviendrons dans un instant sur ces deux cas.<br />Prenons d'abord la partie plus subtile du corps [281] mental. Chez la plupart d'entre vous, ce corps est complètement organisé mais il n'est organisé que pour agir en vous-mêmes et non pour recevoir du monde mental extérieur tout ce qu'il sera capable de recevoir pour l'utiliser ensuite. Mais bien peu nombreux sont ceux d'entre vous qui peuvent quitter les corps physique et astral pour vivre dans le monde mental, en pleine conscience, et y agir aussi délibérément que dans le monde physique.<br />Quels sont les signes par lesquels vous pourrez juger des progrès obtenus dans l'organisation des corps astral et mental, en supposant toutefois que vous cherchiez à hâter cette organisation ?<br />Prenons d'abord le travail effectué dans le corps physique. À mesure que les formes supérieures de la conscience commencent à se coordonner avec le corps physique et à lui transmettre plus parfaitement les impressions qu'elles reçoivent, le corps mental se perfectionne dans une grande proportion. Chez les hommes de science, prompts à saisir les principes scientifiques et doués d'un grand pouvoir d'observation, capables de tirer des déductions des observations qui ont été faites, chez de tels individus l'organisation du corps [282] mental fait de rapides progrès. Les savants modernes possèdent donc un corps mental très hautement développé, en ce qui concerne du moins l'utilisation de la conscience à l'état de veille, car ce corps mental est trop imparfait encore pour recevoir directement les impacts des plans supérieurs.<br />Le développement du corps astral se manifestera par l'amour de l'art et des émotions élevées, et si celles-ci atteignent plus facilement la conscience, c'est qu'alors votre corps astral s'organise d'une façon définitive.<br />Quand le corps mental, ce corps permanent qui atteint au corps spirituel, s'organise, le progrès se manifeste par des facultés de haute métaphysique, par une grande profondeur de pensée philosophique, par une attirance spéciale vers les conceptions les plus élevées de l'idéal artistique et vers les plus belles oeuvres de l'idéal littéraire.<br />Telles sont les facultés qui apparaissent au début de l'organisation du corps spirituel de l'homme qui s'élève au-dessus des choses transitoires, commençant à modeler l'instrument permanent de l'Esprit. Chez l'artiste, le véritable artiste, le corps mental est complètement organisé. Chez les plus grands génies, le [283] corps spirituel commence son organisation. Car le génie possède un corps spirituel organisé de telle façon qu'il rayonne, dans les corps inférieurs, un savoir qui ne peut être acquis que dans les hautes régions de l'Esprit. Chez les puissants génies de l'histoire qui ont survécu aux générations passées et qui brillent de l'éclat le plus pur dans le monde de la pensée, l'art et la littérature étaient illuminés par l'Esprit.<br />Quels sont les autres signes susceptibles de nous indiquer que ces corps à travers lesquels doit s'exercer la conscience, sont organisés ? En premier lieu il y a le génie, exception faite de Celui dont je vous ai parlé en tant que manifestation du Christ, Sagesse-Esprit dans un corps humain. Mais, en dehors de ces manifestations grandioses de l'épanouissement de la conscience, quels sont les signes autour de nous qui nous révèleront les degrés de perfection atteints par les corps supérieurs et dans cet épanouissement de la conscience ?<br />Bien des indices nous prouvent aujourd'hui que le corps astral est en voie de complète organisation ; comme l'on nie l'existence de ces indices lorsqu'il s'agit d'expliquer le génie, la néo-psychologie demeure impuissante et reste stationnaire. [284]<br />L'organisation du corps astral se manifeste par le pouvoir qu'on a de recevoir directement les impressions du plan astral et de les transmettre à la conscience à l'état de veille. Pour le corps physique, ces premiers indices se montrent dans l'exercice de La télépathie.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA TÉLÉPATHIE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Grâce à elle les individus sont susceptibles de communiquer les uns avec les autres sans le secours des moyens physiques ordinaires de communication. C'est là un cas assez fréquemment rencontré chez les grands penseurs de notre époque. Vous pouvez, si vous le désirez, développer ce pouvoir par une pratique régulière et définie, mais il arrive trop souvent qu'après avoir essayé pendant quelques semaines sans avoir obtenu de résultats probants, l'on abandonne les essais, oubliant qu'une patience inlassable est nécessaire pour arriver au but poursuivi.<br />La loi est immuable ; si vous concentrez votre esprit jusqu'à ce qu'une image y soit nettement représentée, cette image sera reproduite dans le monde astral ; par un effort de volonté vous pouvez transmettre cette image [285] à la personne que vous aurez désignée pour la réception du message. Si vous vous appliquez régulièrement à cette pratique jour après jour, mois après mois et même des années et des années durant, vous arriverez à pouvoir effectuer la transmission de pensée qui vous permettra de communiquer avec les absents aussi surement que sur le plan physique. Cet entrainement ne peut être que bienfaisant car il développe la volonté, il fortifie la concentration de pensée. Mais rappelez-vous que sans efforts persistants, il vous faudra un temps considérable avant d'obtenir des résultats tangibles dans le monde extérieur. Une personne qui ne peut fixer son esprit pendant une ou deux minutes sur un même sujet ou sur une pensée quelconque, ne sera jamais capable de transmettre ce qu'elle est incapable de créer pour elle-même.<br />La concentration intense est un des moyens d'organiser les corps astral et mental et d'en faire des instruments pour la conscience en voie d'épanouissement complet. Cette faculté est innée chez certaines personnes, chez celles qui, dans des existences antérieures, se sont attachées à la développer. La nature ne donne rien pour rien. D'un autre côté, la nature est une bonne créancière qui règle loyalement sans [286] rien retenir, tout ce que vous avez gagné ; si la concentration est chose aisée pour vous, c'est que vous l'avez pratiquée autrefois. Si, au contraire elle vous est difficile, c'est que vous commencez seulement maintenant à exercer cette faculté.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>DES RÊVES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Il est une autre forme sous laquelle le corps astral manifeste son développement, lorsqu'au moment du sommeil, il se sépare du corps physique ; il s'agit ici Des rêves.<br />Quelques rêves ne sont produits que par un travail cérébral, inconscient ; c'est précisément parce que l'on n'établit aucune distinction entre les différentes sortes de rêves que l'on n'attache d'importance à aucun d'eux. Il est parfaitement vrai que les rêves résultent le plus souvent de troubles physiques tels que mauvaise circulation du sang, pulsation artérielle dans le cerveau, etc. C'est là ce que nous appelons le rêve physique, c'est-à-dire le rêve incohérent, dénué de sens comme de toute inspiration. Le rêve qui, lui, nous montre la bonne organisation du corps astral, est au contraire celui qui transmet au cerveau physique les éléments de [287] connaissance que vous ne possédiez pas auparavant, ou qui vous permet de communiquer avec une personne décédée que vous pouvez rencontrer sur le plan astral lorsque vous avez vous-même quitté momentanément le corps physique. Ce sont là les rêves cohérents, rationnels et souvent inspirés.<br />Rappelez-vous les nombreux témoignages de personnes ayant eu des rêves qui leur ont appris des choses qu'elles ignoraient à l'état de veille, rêves qui leur ont donné la solution de problèmes incompris jusqu'alors. Le livre de Myers sur la Personnalité humaine renferme de nombreux exemples à ce sujet ; et si, par votre propre expérience, vous arrivez à constater que ces sortes de rêves deviennent de plus en plus fréquents, vous pouvez être surs que votre corps astral se transforme en un véhicule qui permettra à la conscience de s'exprimer librement, et d'une manière effective, sur le plan astral.<br />Dans certains rêves, il est vrai, et principalement dans les rêves prémonitoires, des idées peuvent vous être transmises de l'extérieur quand vous n'avez pu les découvrir par vous-mêmes. De tels avertissements peuvent vous être donnés par l'intermédiaire d'un ami, d'un [288] aide invisible, de quelqu'un que vous aimez et qui a quitté la vie terrestre ; vous exercerez là la vision astrale.<br />Dans tous les cas, ces phénomènes sont perçus d'abord par la conscience supérieure pour arriver ensuite à la conscience limitée, et, au fur et à mesure que le corps astral se perfectionne, les rêves lucides deviennent de plus en plus fréquents, le corps astral n'a plus besoin de quitter le véhicule physique pour exercer ses pouvoirs. Vous pourrez voir et entendre à l'aide de vos sens astraux alors même que les sens physiques sont actifs, que la conscience fonctionne normalement dans le cerveau ; par suite, les corps physique et astral arrivant lentement et graduellement à s'unifier, vous vivrez simultanément dans les deux mondes, fonctionnant indistinctement, et à votre gré, sur l'un et sur l'autre. Vous aurez ainsi développé la conscience supérieure par laquelle l'âme s'exprime dans le corps astral.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>MÉDITATION INTENSE ET RÉGULIÈRE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Pour les mondes supérieurs tels que le monde mental, l'évolution se poursuivra exactement de la même manière ; mais pour cela, une condition s'impose en ce qui concerne la conscience et son développement : [289]<br />C'est la méditation intense et régulière.<br />Il n'est pas d'autre moyen. Si l'on vient vous dire que l'on peut développer la conscience par des moyens physiques, vous pouvez répondre à de telles personnes qu'elles sont dans l'erreur. On peut, il est vrai, éveiller la conscience sur les plans inférieurs du monde astral en provoquant dans le corps physique, des vibrations qui affectent la matière astrale, d'où résulte une modification de la conscience dans la région la plus inférieure du monde astral ; mais vous ne pouvez aller plus loin.<br />J'ai vu employer, dans les Indes, certaines méthodes physiques très difficiles à suivre et dont aucun d'entre vous ne voudrait faire usage car elles vouent le corps humain à une rapide destruction. J'ai vu des hommes pouvant quitter leur corps physique et vivre pendant un certain temps dans le monde astral, mais ils demeurent inconscients dans leur enveloppe astrale ; ils ne peuvent ni se mettre en contact avec ce monde, ni à plus forte raison y faire fonctionner leur conscience supérieure. Ils n'ont fait que forcer l'entrée du monde astral où ils pénètrent avec un corps subtil [290] qui n'est pas suffisamment organisé pour recevoir les impressions de ce monde, leur conscience n'étant pas non plus suffisamment développée pour les comprendre. Par cette pratique, ils ne réussissent donc qu'à nuire à leur cerveau, ils ne rapportent aucun résultat utile dans le monde terrestre, perdant ainsi les deux mondes, au lieu de gagner la région supérieure qu'ils recherchent.<br />Ce ne sont par conséquent pas là des méthodes à répandre en Occident, bien qu'un grand nombre de livres soi-disant occultes et provenant d'Amérique enseignent ces pratiques par lesquelles, disent-ils, il sera possible d'influencer autrui dans les affaires commerciales, d'hypnotiser les gens pour un bénéfice personnel. Partout où cette méthode est employée dans un but semblable, soyez certains qu'il s'agit d'une forme de développement et d'évolution qui ne peut que nuire et non servir. Le pire qu'on puisse attendre de ces méthodes, c'est l'atrophie de certaines parties du cerveau qui, plus tard, seront nécessaires pour un travail effectif, lorsque la conscience supérieure sera en pleine activité et que le corps mental sera dument organisé. Par ces moyens vous nuisez au cerveau ; au lieu d'obtenir une [291] communication entre le monde physique et le monde astral, vous vous refusez toute espèce de pouvoir jusqu'au moment où vous revêtirez un nouveau corps, pour continuer le développement supérieur que vous vous proposez d'atteindre. Ce danger guette les gens qui voudront utiliser les fragments de l'antique science orientale, sans connaitre les moyens de protection dont s'entourent les Orientaux lorsqu'ils se livrent à cette science. L'on rencontre occasionnellement, en Orient, des gens dont la forme physique est déprimée et dont le corps astral n'est pas développé ; l'on peut se rendre compte combien ces méthodes sont plus dangereuses encore pour les Occidentaux dont l'hérédité physique est si différente, et qui ne remplissent aucune des conditions imposées aux Orientaux.<br />La méditation est donc le seul moyen sûr de développer la conscience et d'organiser ainsi le véhicule ; l'autre condition est la pureté de pensée, de désirs, pureté dans la vie physique ; tel est le côté matériel de l'entrainement. Sans les pensées pures, le corps mental sera impropre pour un développement supérieur, sans la pureté dans les désirs, le corps astral sera impropre au développement que vous [292] cherchez ; le corps physique enfin doit être pur pour recevoir les impressions des corps mental et astral et vibrer sous leur influence ; autrement l'hystérie se substituera au développement de la conscience supérieure, ce qui d'ailleurs est le but de vos efforts.<br />Telles sont, sommairement, les conditions obligatoires : la méditation pour la conscience, la pureté pour l'évolution de son instrument. Si vous êtes prêts à les accepter, la voie d'une évolution supérieure vous est ouverte et, de votre courage, de votre persévérance et de vos capacités dépend la rapidité avec laquelle vous avancerez. Votre but doit être de secourir autrui, d'obtenir ces pouvoirs afin d'être utiles et non pour vous élever au-dessus des autres.<br />Pour juger la pureté de vos motifs il n'y a qu'un seul critérium : Faites-vous usage des pouvoirs que vous possédez maintenant pour aider l'humanité ? Sinon, n'ayez alors aucun espoir pour l'obtention des pouvoirs supérieurs ; les efforts physiques seuls ne suffisent pas pour les acquérir.<br />J'ai rencontré de nombreuses personnes pressées de devenir des aides invisibles, – c'est-à-dire des travailleurs sur le plan astral, – alors qu'avec les pouvoirs dont ils disposent, [293] ils ne sont pas même des aides visibles sur le plan physique. Aussi je ne comprends pas bien pourquoi les gens sont si désireux de visiter les malheureux de l'astral alors que dans le monde physique, ils s'écartent systématiquement des infortunés qui sont à leur portée.<br />Vous avez le droit d'aller aussi loin que vos propres pouvoirs vous le permettent ; mais si vous demandez l'aide de Ceux qui sont plus hautement développés, – des grands Instructeurs de la race, – vous devez apporter la preuve, non pas la preuve en paroles mais une preuve vivante, que vous employez utilement vos facultés actuelles. Alors, seulement, vous méritez d'être aidés pour acquérir des facultés supérieures. Tel est le sens caché de ces étranges paroles attribuées au Christ : "Il sera donné à celui qui possède beaucoup." Ceux-là seuls qui font bon emploi des pouvoirs qu'ils ont, peuvent être aidés et obtenir davantage, car, par leur vie, ils montrent qu'ils ont fait le meilleur usage possible de leurs facultés, donnant ainsi l'espoir qu'ils agiront de même pour l'humanité, lorsque de plus grands pouvoirs leur auront été conférés.<br />Dans les règles imposées jadis à ceux qui aspiraient à l'état de disciple, il était dit que, [294] lorsque le candidat venait au Maitre, il devait apporter avec lui le combustible qui devait alimenter le feu, le feu du Sacrifice ; le combustible représentait tout ce que le futur disciple possédait en esprit, corps et biens ; il apportait tout cela au Maitre comme offrande, et alors seulement il était accepté par "Celui qui savait".<br />De même, à présent, cette évolution supérieure, hâtée par le pouvoir des grands Êtres, ne peut être ouverte qu'à ceux qui apportent le combustible destiné au feu du Sacrifie. Vous devez être prêts à abandonner tout ce qui vous appartient sans en rien retenir, biens matériels ou spirituels ; vous devez offrir tout ce que vous avez et toute votre vie, pour le service du Grand Être dont vous réclamez le don de Connaissance. Ce sacrifice accompli, le don n'est jamais refusé, la porte ne reste jamais fermée à quiconque se présente les mains pleines. Le chemin est étroit, c'est vrai ; maintenant, comme jadis, étroite est la porte, étroit est le chemin qui conduit à la vie, et peu nombreux sont ceux qui suivent le sentier.<br />Ce petit nombre ne dépend pas d'un maitre avare ; il provient seulement du peu de confiance de la part du disciple. Apportez tout ce [295] que vous avez et votre être tout entier aux pieds du Maitre de sagesse ! Il ouvrira la porte et vous guidera sur le sentier. Mais ne croyez pas que les paroles soient entendues dans ces régions élevées où le Maitre vit et respire ; seules les pensées élevées peuvent L'atteindre, seuls les actes généreux peuvent témoigner des bonnes pensées que vous avez conçues ; car là, auprès du Maitre, seuls sont entendus les échos d'une vie réellement vécue, d'une vie de sacrifice, la seule qui soit digne de recevoir la Connaissance des mains du Grand Être.</p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>L'ÉPANOUISSEMENT DE LA CONSCIENCE ET SA VALEUR</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Au cours des conférences, que celle de ce soir terminera, j'ai parlé de l'existence, dans l'homme, d'une conscience plus haute que celle que nous connaissons actuellement sous le nom de conscience physique à l'état de veille. J'y ai fait allusion maintes et maintes fois, ne m'y arrêtant que quelques instants, ne pouvant interrompre le sujet que je traitais pour vous donner une description détaillée de l'épanouissement de cette conscience et de ses instruments : c'est-à-dire du corps ou plutôt des corps de l'homme.<br />Tout ce dont je vous ai parlé jusqu'à présent me paraitrait tant soit peu imparfait, si, avant de quitter les sujets traités ici, je n'essayais de vous soumettre quelques données sur l'épanouissement de cette conscience supérieure dans l'homme, conscience qui existe dans chacun de nous, fonctionnant d'une façon [256] intermittente, et qui est aujourd'hui en cours de développement dans l'humanité.<br />Simultanément avec le développement de la conscience se poursuit une évolution continuelle des corps à l'aide desquels cette conscience peut s'exprimer. C'est là le sujet que je vais aborder ce soir en essayant de vous exposer, aussi clairement que possible, la théorie étudiée par les théosophes relativement à cette question. Quelques-uns d'entre nous ont pu vérifier cette théorie par des investigations personnelles ; de plus, chose beaucoup plus importante, – elle est confirmée par les grandes Écritures des religions du monde, par les témoignages de voyants et de prophètes de l'ordre le plus élevé et le plus inspiré.<br />Nous sommes malheureusement trop souvent portés à accorder plus de crédit à l'évidence contemporaine qu'à celle qui nous vient des grandes Écritures du monde. Pour moi, cela équivaut à placer un écran devant ses yeux pour ne pas voir la lumière du soleil. Il est certain, si l'on veut bien y réfléchir, que les témoignages donnés présentement par des étudiants à demi développés ne peuvent avoir, de par la nature même des choses, une valeur aussi grande que celle des témoignages de [257] grands prophètes et voyants de l'humanité, témoignages contenus, bien que sous une forme mystique et allégorique, dans les grandes Bibles de l'humanité.<br />En fait, les attestations de l'investigateur moderne devraient être plutôt vérifiées et régies par ces révélations bien plus complètes et plus importantes. C'est toujours un sujet de satisfaction pour le voyant moderne, en partie développé, quand il peut constater que ses propres investigations peuvent jeter quelque lumière sur les enseignements donnés par les Écritures et les Bibles de l'humanité.<br />Je ne prétends donc nullement vous présenter rien qui soit comparable, en valeur, à ce que vous pouvez trouver vous-mêmes dans les grandes Bibles des religions si vous êtes spirituellement illuminés. Je crois seulement que les investigations actuelles peuvent nous aider à comprendre ces importantes révélations, nécessairement obscures pour nous par suite de l'immense différence de savoir entre ceux dont elles émanent et ceux qui les étudient. Aussi, quelque modeste que soit notre connaissance actuelle, elle peut cependant être suffisante pour déchiffrer ces fameux manuscrits du passé, pour nous aider à pénétrer plus [258] profondément le sens de ces vérités qui nous ont été léguées par l'antiquité et les Sauveurs du monde.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Tout d'abord, je crois devoir entrer dans quelques détails et définitions préliminaires qui pourront rendre plus accessible ce que j'ai à vous dire sur ce sujet. Si vous voulez étudier la constitution du corps humain, comparativement simple, vous devez d'abord vous rendre compte de la différence qui existe entre un os et un nerf, une artère et une veine, et comprendre la signification de tous les termes, plus ou moins familiers, et employés par le physiologiste, pour expliquer l'anatomie et la physiologie du corps. On ne peut avoir d'idées claires et définies sur un sujet qu'en étudiant la simple nomenclature de ce que l'on désire comprendre ; s'il est possible d'éviter les mots d'une autre langue, il est par contre impossible de ne pas demander un certain effort d'esprit à l'étudiant qui désire être autre chose qu'un simple auditeur superficiel ne possédant aucune notion des sujets qu'il prétend approfondir. [259]</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>CONSTITUTION DE L'HOMME</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Une des épitres de saint Paul donne de la Constitution de l'homme une très bonne et très simple description sous la forme d'une division triple, division parfaitement exacte qui, cependant, doit comporter des subdivisions. Mais pour l'instant, cette triple division, à laquelle nous ajouterons certaines subdivisions, sera suffisante pour vous donner une idée claire et définie de la conscience dans l'homme. Par votre propre expérience, vous pourrez juger ensuite dans quelle proportion votre conscience a pu s'épanouir et si les véhicules propres à l'expression de cette conscience, plus grande, n'ont pas été suffisamment développés pour lui permettre de se manifester dans les mondes en connexion avec le monde physique. Cette division de l'homme, que bien certainement vous connaissez tous, est la suivante :<br /><strong>L'Esprit ;</strong><br /><strong>L'Âme ;</strong><br /><strong>Le Corps.</strong></p> <p style="text-align: center;"><br />Je suis vraiment étonnée de constater combien la plupart des chrétiens sont ignorants sur le vrai sens des deux premiers termes : "Esprit [260] et Âme", qu'ils emploient indifféremment pour distinguer ces deux principes du corps physique. Vous entendez ainsi certaines personnes parler d'esprits se manifestant de différentes façons, ou disserter sur l'immortalité de "l'Âme". En réalité, elles ignorent le véritable sens de ces deux mots : Âme et Esprit.<br />Essayons donc de trouver une définition que tout le monde puisse comprendre. Nous ne serons sans doute pas tout à fait du même avis en ce qui concerne la triple division si vous possédez une autre division à laquelle vous êtes plus habitués, c'est pourquoi mon principal objet est-il de vous donner avant tout une claire définition des deux termes en question. Selon vos aptitudes ou vos tendances, vous la modifierez si bon vous semble, mais c'est naturellement sur elle que je m'appuierai ce soir pour tout ce dont je désire vous entretenir.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>QU'EST-CE QUE L'ESPRIT ?</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />C'est un germe divin qui développe graduellement ses pouvoirs au cours de l'évolution humaine en s'enrobant de la matière à tous ses états, matière qu'il façonne, le temps aidant, [261] pour en faire un instrument propre à sa manifestation.<br />Nous pourrions dire, plus succinctement, que l'Esprit est un germe divin enrobé dans la matière.<br />Comme son divin Progéniteur, ce germe possède un triple aspect. Dieu, manifesté dans l'univers, est une Trinité dont les trois attributs se retrouvent dans l'Esprit de l'homme ; employant les termes chrétiens qui nous sont plus familiers, je dirai que l'Esprit Pur exprime à la fois :<br /><strong>La Puissance qui correspond au Père ;</strong><br /><strong>La Sagesse Fils ;</strong><br /><strong>L'Activité créatrice St-Esprit.</strong></p> <p style="text-align: center;"><br />Si vous acceptez ces termes familiers, si vous trouvez qu'ils vous aident à mieux comprendre et voulez bien les garder présents à l'esprit un instant, puis les traduire par le mot : Conscience, – (conscience limitée, les trois aspects n'étant pas encore pleinement développés chez l'homme ordinaire), – il vous sera dès lors facile de reconnaitre, chez l'homme de nature spirituelle, et mieux encore dans cette réflexion inférieure dont je vais parler, [262] il vous sera facile de reconnaitre la triple division de notre propre nature spirituelle et d'en obtenir une image nette.<br />Ce que dans la Divinité nous appelons : Puissance, volonté par laquelle les mondes existent, se retrouve dans la nature spirituelle de l'homme comme : Volonté.<br />L'aspect Sagesse qui maintient les mondes, se retrouve, dans l'Esprit humain, comme : Raison pure et la Compassion, celle-ci n'étant autre que la Sagesse, le Christ dans l'homme.<br />Enfin, le troisième aspect, l'Activité créatrice se retrouve dans l'Intelligence, forme la plus élevée, la plus noble de l'Activité créatrice de Dieu.<br />Si maintenant vous rapprochez les termes qui vous sont plus familiers de ceux qui vous le sont moins, vous arriverez à pouvoir me suivre plus facilement dans ce que je vais vous exposer.<br />Pensez, en premier lieu, que l'Esprit, le germe divin, doit se manifester en développant graduellement ses pouvoirs latents, c'est-à-dire les trois attributs suprêmes que vous reconnaissez dans la Divinité même.<br />Passant alors de ce principe le plus élevé de notre nature au principe que saint Paul [263] appelle l'âme, la question suivante se pose : Qu'est-ce que l'Âme par rapport à l'Esprit ?<br />C'est la réflexion temporaire de l'Esprit éternel dans une matière plus dense ; c'est l'image de ce qui est impérissable ; c'est la réflexion, dans le miroir du monde, de cette vie éternelle qui évolue en traversant les mondes, mais ne partage pas le caractère transitoire des univers en voie de perpétuelles transformations.<br />L'âme humaine n'est autre que l'Esprit à l'oeuvre dans la matière grossière. Il en résulte qu'en nous-mêmes, – et nous pénétrons là dans un domaine que la Psychologie étudie et s'efforce de comprendre pour le définir, – il en résulte, dis-je, qu'en notre conscience réside l'Âme, réflexion de l'Esprit dans la matière grossière.<br />En outre, l'Esprit se reflète comme intelligence pure avec toutes ses activités : imagination, jugement, raison, autant de pouvoirs de l'Esprit.<br />Nous arrivons ensuite à une partie de nous-mêmes que nous appelons nature émotionnelle, réflexion de la pure Sagesse. Cette Compassion, dont je parlais tout à l'heure, se manifeste [264] dans les mondes inférieurs, comme l'Amour le plus noble, le plus élevé, source de toutes les vertus. Le même principe d'unité que l'on désigne, pour le plan spirituel, sous le nom de Sagesse, s'exprime en effet, dans les mondes inférieurs, comme amour ; c'est lui qui rassemble ici-bas les vies séparées, dans un monde où la matière a vaincu l'Esprit, où celui-ci a été obscurci par la matière. L'unité que l'Esprit connait, l'Âme la recherche par l'Amour qui, comme on le sait, tend à l'union, à l'unité ; c'est cette exquise qualité de l'âme qui tend à élever celle-ci vers le monde spirituel.<br />Ce que nous appelons : Volonté dans les régions supérieures de l'Existence se reflète comme Désir dans les mondes inférieurs.<br />Une différence doit être établie entre la Volonté et le Désir.<br />La Volonté est un sentiment nettement déterminé dans l'être ; le Désir, au contraire, résulte de l'attirance qu'exerce, sur l'individu, la vue des objets extérieurs à la conscience.<br />Vous obéissez au Désir quand vous reculez devant une douleur, quand votre activité s'exerce selon l'attraction ou le sentiment de répulsion que vous éprouvez pour des objets extérieurs à vous. D'autre part, vous obéissez [265] à la Volonté, – attribut spirituel, – quand toute votre nature intérieure, concentrée sur un point nettement déterminé, vous dirige en toute liberté vers le but choisi, vous laissant indifférent devant la joie ou la peine, le gain ou la perte que vous pouvez éprouver dans le monde inférieur en poursuivant ce but.<br />La Volonté émane du "Moi spirituel", le Désir est provoqué et stimulé par les objets des régions inférieures.<br />Or, ce qui, dans l'Esprit, est Volonté, se manifeste donc comme Désir dans l'Âme. Vous pouvez, de la sorte, représenter l'Âme par la simple énumération de ses trois attributs :<br /><strong>Le Mental, avec tous ses pouvoirs,</strong><br /><strong>L'Émotion, racine de l'Amour,</strong><br /><strong>Le Désir, réflexion dans le monde inférieur, de la Volonté, principe déterminant.</strong></p> <p style="text-align: center;"><br />Considérant votre vie de chaque jour, il vous est désormais facile de conclure que ces trois attributs ne sont autres que la Conscience à l'état de veille, laquelle se manifeste dans la matière dense du cerveau. Vous pouvez, en outre, dans votre conscience à l'état de veille, vous rendre compte des rôles respectifs du mental, de l'émotion et du désir, et vous arriverez à voir que, si limitée, si conditionnée que [266] puisse être cette conscience inférieure que le cerveau de votre corps physique limite, elle n'est autre cependant que cette conscience, plus haute, qui, dans les mondes subtils, se traduit par le mot : Âme, et, dans le monde spirituel, par cet autre mot : Esprit.<br />Si vous saisissez bien ce schéma et ses subdivisions, vous serez amenés à admettre que la conscience est une et que ses différents aspects sont dus bien plus aux différences de la matière dans laquelle elle s'exprime, qu'à sa nature elle-même.<br />Que vous l'observiez dans le cerveau, dans le corps subtil ou dans la région de l'Esprit pur, la conscience est une ; elle manifeste partout ses trois modes, ses trois qualités, mais c'est une chose une, c'est nous-mêmes, ou plutôt, c'est ce qui, en nous, est seul réel.<br />Et maintenant,<br />Qu'est-ce que le Corps ?</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>QU'EST-CE QUE LE CORPS ?</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Car dans la définition de l'homme telle que la donne saint Paul, intervient un troisième facteur. Tout comme la conscience, le corps se trouve être naturellement soumis aux trois mêmes différenciations. [267]<br />De même que nous possédons un corps spirituel qui revêt l'Esprit dans les mondes supérieurs de la conscience, nous possédons également ce que saint Paul appelle un corps naturel. "Il y a, dit-il, un corps naturel et un corps spirituel."<br />Mais ce corps naturel se divise lui-même en deux corps :<br /><strong>Le corps subtil dans lequel l'âme travaille,</strong><br /><strong>Le corps dense dans lequel travaille la conscience à l'état de veille, réflexion, nous le savons, de la conscience plus haute.</strong></p> <p style="text-align: center;">Ces deux corps sont, bien entendu, inséparables et peuvent être considérés comme ne formant qu'un seul corps naturel, éphémère, appartenant aux trois mondes transitoires, soient : les mondes :<br /><strong>physique,</strong><br /><strong>astral,</strong><br /><strong>mental (ou céleste).</strong></p> <p style="text-align: center;">Il vit un certain temps dans ces trois régions de l'univers, puis les abandonne, restituant à chacune d'elles les éléments qu'il leur emprunta.<br />Le corps spirituel étant relativement permanent, subsistant durant toute l'existence d'un [268] individu, ne connaissant de par sa nature même ni la naissance ni la mort, phases qu'il traverse sans en être affecté, il s'ensuit que l'individualité, – l'homme spirituel, l'homme réel, – est éternelle et revêt une enveloppe permanente faite de matière empruntée au monde spirituel. Elle développe alors ses pouvoirs, façonne la matière sans varier dans son essence, sans que la conscience cesse de demeurer dans les régions où elle réside, sans même qu'il en résulte, pour la matière, un changement d'état, celle-ci s'organisant simplement et peu à peu, d'une manière plus définitive.<br />C'est dans le Corps spirituel que se conserve la mémoire de toutes les expériences faites au cours de vos nombreuses incarnations, c'est en lui que demeure votre réelle individualité que les lois de la naissance et de la mort n'atteignent pas. En ce corps que vous possédez encore actuellement, résident toutes vos expériences du passé ; une partie de ces expériences détermine, à chaque naissance, ce que seront les corps nouveaux que l'âme devra revêtir pour recueillir de nouvelles expériences et exercer de nouveaux pouvoirs.<br />Ainsi donc, l'Esprit, dans le corps spirituel, est la partie de vous-mêmes qui subsiste ; au [269] contraire, l'Âme, dans son corps temporaire, ou plutôt ses corps temporaires subtils et physiques, est soumise à des changements successifs.<br />Cette triple division de la nature de l'homme étant admise, il vous sera facile de distinguer la conscience supérieure de la conscience inférieure, la conscience épanouie de la conscience en voie d'épanouissement. Vous adopterez, comme point de départ, cette grandiose conception d'après laquelle l'Esprit vivant involue dans une matière de plus en plus dense pour s'en revêtir et l'approprier à ses desseins. En empruntant cette matière, l'Esprit s'enveloppe, temporairement, en un voile qui tout d'abord l'aveugle, mais c'est un voile qu'il ne tardera pas à transformer en un instrument, instrument par l'intermédiaire duquel il connaitra tous les mondes, par l'intermédiaire duquel il entrera en contact avec l'univers tout entier. C'est dans ce but qu'il rassemble autour, de lui de la matière de chaque monde ; c'est dans ce but qu'il s'enrobe de vêtements matériels. En exerçant son activité sur les matériaux dont il s'entoure ainsi, il approprie ceux-ci à ses desseins, les pétrit selon ce qu'il désire en faire, les arrange selon les résultats qu'il désire [270] obtenir, soit un contact toujours plus parfait avec la Matière, condition nécessaire pour devenir maitre des mondes. Et il poursuit ainsi, son oeuvre jusqu'à ce qu'il ait asservi la Matière jusqu'à ce qu'il s'en soit fait son instrument ; alors, mais alors seulement, tous les mondes s'ouvrent devant lui et il peut agir en toute liberté dans chacun d'eux, ce que l'Esprit Pur est incapable de faire. Et en effet, l'Esprit Pur ne peut agir que dans les mondes spirituels auxquels il appartient, hautes et merveilleuses régions où la Divinité elle-même demeure et se manifeste, sans être limitée par la matière dense dont nous subissons les liens. La Divinité émane ces formes grossières de matière pour que les germes divins puissent y être semés et y acquérir les expériences nécessaires à l'éclosion de leurs pouvoirs ; c'est ainsi que la Divinité se manifeste dans la matière, c'est ainsi que les germes divins, après s'être élevés haut au-dessus de la matière où ils auront été semés, devront être devenus maitres de cette matière comme l'est le Père de Lumière d'où ils émanent.<br />Considérant ainsi le développement de la conscience et l'organisation graduelle des corps, nous serons à même de déterminer le but de [271] ce long développement, lequel consiste à faire de l'Esprit un maitre de la matière, capable d'agir dans tous les mondes. Et si nous pouvons nous faire seulement un aperçu de ce projet grandiose, nous nous rendons compte de la perfection de ce projet comme de l'éclatant triomphe dont nous devons être les héros.<br />En premier lieu, si nous examinons les aspects inférieurs de la Conscience en nous-mêmes, nous remarquerons qu'il existe une certaine relation entre la Matière et l'Esprit qui, lui, avons-nous dit, subsiste, et qui, par conséquent, est sans cesse présent sur le sentier qui le conduit au monde spirituel supérieur. Les étudiants avancés dans leurs études théosophiques découvrent tous l'existence de cette relation, au fur et à mesure qu'ils pénètrent successivement dans ces mondes divers qu'ils arrivent finalement à dominer. Il s'agit là d'une sorte de communication ininterrompue entre la conscience et la forme, entre l'Esprit et la Matière ; en d'autres termes : chaque changement dans la conscience provoque une vibration correspondante dans la matière ; réciproquement, toute vibration dans la matière provoque un changement dans la conscience. Or, il est dit que cette relation est imposée par le [272] Logos Lui-même au moment où Il confère à la Matière de Son univers, les qualités qu'Il désire y voir ; Il donne aux atomes un mode vibratoire tel, que ceux-ci doivent répondre, avec un synchronisme parfait, au moindre changement dans Sa propre<br />conscience. De la sorte, cette correspondance est invariablement établie et sans cesse constatée dans son univers tout entier, grandiose royaume d'Esprit-Matière qu'Il régit et où, je le répète, tout changement de la conscience provoque dans la matière un mode vibratoire déterminé et vice-versa.<br />Cela étant, envisageons ce qu'une personne disposant de la clairvoyance verrait, dans la partie inférieure de l'aura d'un individu, soit par conséquent, dans la matière éthérique ou astrale de cette aura. Choisissons de préférence la partie astrale. La personne clairvoyante verrait un grand nombre de couleurs changeantes traverser l'aura. Ainsi que vos études vous l'ont enseigné, chacune de ces couleurs est une vibration déterminée de la matière, vibration d'une longueur d'onde définie ; or, en examinant ces changements de couleurs dans une aura, vous constaterez, – si vous êtes clairvoyants, – qu'ils sont dus à des états de [273] conscience ou qu'ils provoquent ces derniers.<br />Voyez une personne plongée dans un état dévotionnel dû par exemple à la prière, spectacle familier à tous ceux qui fréquentent les Églises chrétiennes ; en observant l'aura d'une telle personne, vous la verrez vibrer et prendre la couleur bleue ; le bleu prédominera, l'aura tout entière en sera colorée.<br />En outre, si vous observez le corps astral d'un indifférent, entré dans l'église sans éprouver de sentiment dévotionnel, vous remarquerez qu'il ne tardera pas à être affecté par les vibrations des corps astrals qui l'entourent ; ces vibrations qui lui sont imposées de l'extérieur provoquent en lui une disposition dévotionnelle.<br />En résumé, ou c'est l'état de conscience qui détermine des vibrations données dans les corps, ou c'est la vibration qui détermine l'état de conscience.<br />Étudions la question sous un autre aspect.<br />Lorsque vous vous sentez de joyeuse humeur, n'avez-vous jamais ressenti l'influence produite sur vous par la vue d'une personne en colère ? N'avez-vous pas remarqué que, peu à peu, vous vous irritez aussi, même si vous n'avez aucun sujet de vous irriter, mais simplement parce [274] que la mauvaise humeur du voisin réagit sur vous ?<br />Un rigoureux contrôle sur soi-même et sur le corps astral s'impose si l'on veut éviter de pernicieuses influences qu'exercent, sur une disposition d'esprit calme et pacifique, des vibrations particulières.<br />Si vous n'avez jamais observé ce fait, pensez-y pendant quelques jours et vous vous rendrez compte de votre tendance à reproduire en vous les sentiments qui animent les personnes de votre entourage.<br />En somme, que se produit-il ?<br />Le corps astral d'un homme irrité vibre selon l'émotion qu'il éprouve ; les vibrations de celle-ci provoquent dans votre corps astral des vibrations analogues, produisant ainsi, en nous, une disposition analogue à celle de celui qui vous approche. La chose est absolument mécanique, et la colère vous empoigne vous aussi. C'est pourquoi fut conseillé ce précepte de morale bien connu et enseigné par tous les grands instructeurs :<br />"Rends le Bien pour le Mal."<br />En réalité, il s'agit là, par un effort délibéré de la conscience, de se mettre dans une disposition d'esprit totalement opposée à celle du [275] voisin. Ce faisant, vous neutralisez les vibrations qui vous parviennent de l'extérieur, votre corps astral vibre sous l'influence de votre bonne émotion au lieu de vibrer sous l'influence des mauvais sentiments extérieurs. De plus, si vous êtes suffisamment exercés, vous pourrez modifier les vibrations néfastes du corps astral de la personne mal disposée, en les harmonisant avec les vôtres. De cette façon vous aurez produit chez votre voisin une émotion supérieure à celle qu'il éprouvait au lieu de vous être laissé influencer par une mauvaise.<br />Telle est la science des émotions que tout aspirant à la vraie vie devrait connaitre pour diriger sa conduite. Tout d'abord, on lui enseigne la théorie pour qu'il comprenne mieux ce qu'il doit faire ; il met ensuite cette théorie en pratique afin de vérifier, par lui-même, la loi que son instructeur lui a apprise.<br />Il arrive quelquefois qu'un moraliste se contente de prescrire des préceptes : "Aimez vos ennemis ; faites du bien à ceux qui vous haïssent." À cela, l'auditeur non spiritualisé vous dira : "Pourquoi répondrais-je à la haine par de l'amour ?" La Connaissance, le pourquoi des choses, peut seul vous aider à comprendre la sagesse d'un tel précepte dicté par tous les [276] grands Instructeurs du passé. S'exprimant à une époque où l'autorité possédait encore une certaine valeur, à une époque où le peuple était disposé à suivre les conseils de ceux qu'il jugeait supérieurs à lui, les instructeurs se contentèrent de proclamer la loi ; l'auditeur docile obéissait alors de son mieux. Par contre, en notre siècle de critique et de raisonnement, il devient indispensable de justifier la sagesse des préceptes de morale en expliquant, sans phrases les vérités scientifiques qu'ils contiennent.<br />L'étude de cette science des émotions est nécessaire si vous désirez obtenir une organisation plus parfaite de vos corps, et des états de conscience supérieurs. Ce travail peut être fait graduellement ; peut-être feriez-vous sagement de lire, à ce sujet, l'oeuvre d'un penseur théosophe 11 ; elle vous apprendrait à apprécier la science des émotions à sa juste valeur et vous deviendriez, pour le monde, une source de bonheur, de paix, de réconfortantes émotions, vous deviendriez un soutien pour les faibles que vous aideriez alors de vos connaissances et de votre force, hâtant ainsi leur acheminement vers le triomphe définitif. [277]<br />De ce fait, nous acquérons le pouvoir de dompter la matière et de la faire vibrer ainsi que nous voulons qu'elle vibre. Mieux encore, nous pouvons en faire des organes d'expression pour la conscience qui se développe en nous. Ces lois une fois comprises, nous nous rendons compte que, nos corps étant plus parfaitement organisés, nous puissions prendre plus réellement contact avec tous les mondes qui nous entourent.<br />Afin de rendre la chose plus claire, laissez-moi vous exposer à nouveau la méthode. Quand, au début, le germe spirituel descend et s'enrobe dans la matière qui lui est nécessaire pour son évolution, cette matière n'est pas organisée, elle est nuageuse, informe ; et elle garde encore cet état dans les régions supérieures où la matière n'a pas encore été travaillée par l'Esprit. Dans les trois mondes inférieurs, tout au moins en ce qui vous concerne presque tous, vous qui devez vous compter parmi les plus avancés dans les races actuelles, elle s'organise au point de devenir de véritables instruments pour la conscience.</p> <p style="text-align: center;"><em>11 Voir The Science of the Emotions, par Bhagavan Das, Theosophical Publishing Society.</em></p> <p style="text-align: center;">Si nous portons un instant notre attention sur Le corps physique, [278] vous pourrez saisir exactement le sens de ces mots : organisation du corps.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE CORPS PHYSIQUE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Le corps physique est maintenant pour vous un précieux instrument qui vous permet tout d'abord de connaitre le monde extérieur et d'agir ensuite sur ce monde en appliquant les connaissances que vous avez déjà acquises. Comme vous le savez, le corps possède un système nerveux qui se subdivise en deux parties :<br />Les nerfs sensitifs et les nerfs moteurs.<br />Grâce aux premiers vous apprenez à connaitre l'extérieur ; par l'intermédiaire des nerfs moteurs vous agissez sur ce monde extérieur, utilisant la connaissance que vous avez acquise pour amener les résultats que vous désirez obtenir. Le corps physique est parfaitement organisé pour ce travail.<br />Par l'évolution des sens, par la croissance graduelle de tout le système nerveux, par le développement de votre cerveau, vous êtes arrivés dans une large mesure à maitriser le monde physique avec lequel vous êtes en contact. Tout ce qu'il reste à acquérir ultérieurement n'est comparativement qu'une faible évolution, une évolution de moindre importance, car il ne s'agit pour l'instant que du [279] développement des deux autres sens et de la conquête du royaume de l'éther auquel la science arrive actuellement. Jusqu'ici donc, vous possédez un instrument, celui de votre conscience à l'état de veille. Grâce à lui, l'Esprit et l'âme travaillent parallèlement, car les pouvoirs de l'âme peuvent toujours s'exercer autant que la densité de la matière le permet. Involuer dans la matière grossière équivaut à placer une lumière derrière des plaques de verre de plus en plus épaisses. La lumière reste lumière, mais celle-ci devient plus ou moins perceptible selon l'épaisseur et l'opacité du verre à travers lequel vous la regardez.<br />Il en est de même pour la lumière de l'Esprit, brillant à travers l'âme et le corps.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE CORPS ASTRAL</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Le travail qu'il importe maintenant de faire est celui qui comporte l'organisation d'un corps de matière plus subtile :<br />Le corps astral.<br />Dans ce corps, agissent les émotions, les pensées. Dans une large mesure, les corps astral et mental, – le premier étant aussi appelé le corps émotionnel, sont dès maintenant constitués. Mais ici interviennent certaines [280] différenciations ; chez quelques-uns d'entre nous le corps astral est si bien constitué qu'il est susceptible de se séparer du corps physique pour agir dans le monde auquel il appartient, c'est-à-dire dans le monde astral ; chez d'autres, ce corps est plus suffisamment développé en ce qui concerne la conscience, mais pas assez cependant pour recevoir complètement les impressions du monde astral lui-même. En d'autres mots, votre conscience agira dans la matière subtile de ce monde, mais elle n'a pas encore suffisamment organisé le corps astral pour permettre à celui-ci de recevoir les impressions de l'extérieur.<br />Graduellement, au fur et à mesure que l'évolution s'avance, l'organisation du corps astral progressera en chacun de nous ; mais on peut, comme je vous l'ai dit il y a quelques semaines ; hâter cette évolution et faire du corps astral ce qu'il devrait être, c'est-à-dire un instrument qui soit aussi parfait pour le contact avec le monde astral, que l'est le corps physique pour le monde physique. C'est là ce qu'ont fait un grand nombre de personnes qui peuvent agir dans ou en dehors de leur corps physique. Nous reviendrons dans un instant sur ces deux cas.<br />Prenons d'abord la partie plus subtile du corps [281] mental. Chez la plupart d'entre vous, ce corps est complètement organisé mais il n'est organisé que pour agir en vous-mêmes et non pour recevoir du monde mental extérieur tout ce qu'il sera capable de recevoir pour l'utiliser ensuite. Mais bien peu nombreux sont ceux d'entre vous qui peuvent quitter les corps physique et astral pour vivre dans le monde mental, en pleine conscience, et y agir aussi délibérément que dans le monde physique.<br />Quels sont les signes par lesquels vous pourrez juger des progrès obtenus dans l'organisation des corps astral et mental, en supposant toutefois que vous cherchiez à hâter cette organisation ?<br />Prenons d'abord le travail effectué dans le corps physique. À mesure que les formes supérieures de la conscience commencent à se coordonner avec le corps physique et à lui transmettre plus parfaitement les impressions qu'elles reçoivent, le corps mental se perfectionne dans une grande proportion. Chez les hommes de science, prompts à saisir les principes scientifiques et doués d'un grand pouvoir d'observation, capables de tirer des déductions des observations qui ont été faites, chez de tels individus l'organisation du corps [282] mental fait de rapides progrès. Les savants modernes possèdent donc un corps mental très hautement développé, en ce qui concerne du moins l'utilisation de la conscience à l'état de veille, car ce corps mental est trop imparfait encore pour recevoir directement les impacts des plans supérieurs.<br />Le développement du corps astral se manifestera par l'amour de l'art et des émotions élevées, et si celles-ci atteignent plus facilement la conscience, c'est qu'alors votre corps astral s'organise d'une façon définitive.<br />Quand le corps mental, ce corps permanent qui atteint au corps spirituel, s'organise, le progrès se manifeste par des facultés de haute métaphysique, par une grande profondeur de pensée philosophique, par une attirance spéciale vers les conceptions les plus élevées de l'idéal artistique et vers les plus belles oeuvres de l'idéal littéraire.<br />Telles sont les facultés qui apparaissent au début de l'organisation du corps spirituel de l'homme qui s'élève au-dessus des choses transitoires, commençant à modeler l'instrument permanent de l'Esprit. Chez l'artiste, le véritable artiste, le corps mental est complètement organisé. Chez les plus grands génies, le [283] corps spirituel commence son organisation. Car le génie possède un corps spirituel organisé de telle façon qu'il rayonne, dans les corps inférieurs, un savoir qui ne peut être acquis que dans les hautes régions de l'Esprit. Chez les puissants génies de l'histoire qui ont survécu aux générations passées et qui brillent de l'éclat le plus pur dans le monde de la pensée, l'art et la littérature étaient illuminés par l'Esprit.<br />Quels sont les autres signes susceptibles de nous indiquer que ces corps à travers lesquels doit s'exercer la conscience, sont organisés ? En premier lieu il y a le génie, exception faite de Celui dont je vous ai parlé en tant que manifestation du Christ, Sagesse-Esprit dans un corps humain. Mais, en dehors de ces manifestations grandioses de l'épanouissement de la conscience, quels sont les signes autour de nous qui nous révèleront les degrés de perfection atteints par les corps supérieurs et dans cet épanouissement de la conscience ?<br />Bien des indices nous prouvent aujourd'hui que le corps astral est en voie de complète organisation ; comme l'on nie l'existence de ces indices lorsqu'il s'agit d'expliquer le génie, la néo-psychologie demeure impuissante et reste stationnaire. [284]<br />L'organisation du corps astral se manifeste par le pouvoir qu'on a de recevoir directement les impressions du plan astral et de les transmettre à la conscience à l'état de veille. Pour le corps physique, ces premiers indices se montrent dans l'exercice de La télépathie.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA TÉLÉPATHIE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Grâce à elle les individus sont susceptibles de communiquer les uns avec les autres sans le secours des moyens physiques ordinaires de communication. C'est là un cas assez fréquemment rencontré chez les grands penseurs de notre époque. Vous pouvez, si vous le désirez, développer ce pouvoir par une pratique régulière et définie, mais il arrive trop souvent qu'après avoir essayé pendant quelques semaines sans avoir obtenu de résultats probants, l'on abandonne les essais, oubliant qu'une patience inlassable est nécessaire pour arriver au but poursuivi.<br />La loi est immuable ; si vous concentrez votre esprit jusqu'à ce qu'une image y soit nettement représentée, cette image sera reproduite dans le monde astral ; par un effort de volonté vous pouvez transmettre cette image [285] à la personne que vous aurez désignée pour la réception du message. Si vous vous appliquez régulièrement à cette pratique jour après jour, mois après mois et même des années et des années durant, vous arriverez à pouvoir effectuer la transmission de pensée qui vous permettra de communiquer avec les absents aussi surement que sur le plan physique. Cet entrainement ne peut être que bienfaisant car il développe la volonté, il fortifie la concentration de pensée. Mais rappelez-vous que sans efforts persistants, il vous faudra un temps considérable avant d'obtenir des résultats tangibles dans le monde extérieur. Une personne qui ne peut fixer son esprit pendant une ou deux minutes sur un même sujet ou sur une pensée quelconque, ne sera jamais capable de transmettre ce qu'elle est incapable de créer pour elle-même.<br />La concentration intense est un des moyens d'organiser les corps astral et mental et d'en faire des instruments pour la conscience en voie d'épanouissement complet. Cette faculté est innée chez certaines personnes, chez celles qui, dans des existences antérieures, se sont attachées à la développer. La nature ne donne rien pour rien. D'un autre côté, la nature est une bonne créancière qui règle loyalement sans [286] rien retenir, tout ce que vous avez gagné ; si la concentration est chose aisée pour vous, c'est que vous l'avez pratiquée autrefois. Si, au contraire elle vous est difficile, c'est que vous commencez seulement maintenant à exercer cette faculté.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>DES RÊVES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Il est une autre forme sous laquelle le corps astral manifeste son développement, lorsqu'au moment du sommeil, il se sépare du corps physique ; il s'agit ici Des rêves.<br />Quelques rêves ne sont produits que par un travail cérébral, inconscient ; c'est précisément parce que l'on n'établit aucune distinction entre les différentes sortes de rêves que l'on n'attache d'importance à aucun d'eux. Il est parfaitement vrai que les rêves résultent le plus souvent de troubles physiques tels que mauvaise circulation du sang, pulsation artérielle dans le cerveau, etc. C'est là ce que nous appelons le rêve physique, c'est-à-dire le rêve incohérent, dénué de sens comme de toute inspiration. Le rêve qui, lui, nous montre la bonne organisation du corps astral, est au contraire celui qui transmet au cerveau physique les éléments de [287] connaissance que vous ne possédiez pas auparavant, ou qui vous permet de communiquer avec une personne décédée que vous pouvez rencontrer sur le plan astral lorsque vous avez vous-même quitté momentanément le corps physique. Ce sont là les rêves cohérents, rationnels et souvent inspirés.<br />Rappelez-vous les nombreux témoignages de personnes ayant eu des rêves qui leur ont appris des choses qu'elles ignoraient à l'état de veille, rêves qui leur ont donné la solution de problèmes incompris jusqu'alors. Le livre de Myers sur la Personnalité humaine renferme de nombreux exemples à ce sujet ; et si, par votre propre expérience, vous arrivez à constater que ces sortes de rêves deviennent de plus en plus fréquents, vous pouvez être surs que votre corps astral se transforme en un véhicule qui permettra à la conscience de s'exprimer librement, et d'une manière effective, sur le plan astral.<br />Dans certains rêves, il est vrai, et principalement dans les rêves prémonitoires, des idées peuvent vous être transmises de l'extérieur quand vous n'avez pu les découvrir par vous-mêmes. De tels avertissements peuvent vous être donnés par l'intermédiaire d'un ami, d'un [288] aide invisible, de quelqu'un que vous aimez et qui a quitté la vie terrestre ; vous exercerez là la vision astrale.<br />Dans tous les cas, ces phénomènes sont perçus d'abord par la conscience supérieure pour arriver ensuite à la conscience limitée, et, au fur et à mesure que le corps astral se perfectionne, les rêves lucides deviennent de plus en plus fréquents, le corps astral n'a plus besoin de quitter le véhicule physique pour exercer ses pouvoirs. Vous pourrez voir et entendre à l'aide de vos sens astraux alors même que les sens physiques sont actifs, que la conscience fonctionne normalement dans le cerveau ; par suite, les corps physique et astral arrivant lentement et graduellement à s'unifier, vous vivrez simultanément dans les deux mondes, fonctionnant indistinctement, et à votre gré, sur l'un et sur l'autre. Vous aurez ainsi développé la conscience supérieure par laquelle l'âme s'exprime dans le corps astral.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>MÉDITATION INTENSE ET RÉGULIÈRE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Pour les mondes supérieurs tels que le monde mental, l'évolution se poursuivra exactement de la même manière ; mais pour cela, une condition s'impose en ce qui concerne la conscience et son développement : [289]<br />C'est la méditation intense et régulière.<br />Il n'est pas d'autre moyen. Si l'on vient vous dire que l'on peut développer la conscience par des moyens physiques, vous pouvez répondre à de telles personnes qu'elles sont dans l'erreur. On peut, il est vrai, éveiller la conscience sur les plans inférieurs du monde astral en provoquant dans le corps physique, des vibrations qui affectent la matière astrale, d'où résulte une modification de la conscience dans la région la plus inférieure du monde astral ; mais vous ne pouvez aller plus loin.<br />J'ai vu employer, dans les Indes, certaines méthodes physiques très difficiles à suivre et dont aucun d'entre vous ne voudrait faire usage car elles vouent le corps humain à une rapide destruction. J'ai vu des hommes pouvant quitter leur corps physique et vivre pendant un certain temps dans le monde astral, mais ils demeurent inconscients dans leur enveloppe astrale ; ils ne peuvent ni se mettre en contact avec ce monde, ni à plus forte raison y faire fonctionner leur conscience supérieure. Ils n'ont fait que forcer l'entrée du monde astral où ils pénètrent avec un corps subtil [290] qui n'est pas suffisamment organisé pour recevoir les impressions de ce monde, leur conscience n'étant pas non plus suffisamment développée pour les comprendre. Par cette pratique, ils ne réussissent donc qu'à nuire à leur cerveau, ils ne rapportent aucun résultat utile dans le monde terrestre, perdant ainsi les deux mondes, au lieu de gagner la région supérieure qu'ils recherchent.<br />Ce ne sont par conséquent pas là des méthodes à répandre en Occident, bien qu'un grand nombre de livres soi-disant occultes et provenant d'Amérique enseignent ces pratiques par lesquelles, disent-ils, il sera possible d'influencer autrui dans les affaires commerciales, d'hypnotiser les gens pour un bénéfice personnel. Partout où cette méthode est employée dans un but semblable, soyez certains qu'il s'agit d'une forme de développement et d'évolution qui ne peut que nuire et non servir. Le pire qu'on puisse attendre de ces méthodes, c'est l'atrophie de certaines parties du cerveau qui, plus tard, seront nécessaires pour un travail effectif, lorsque la conscience supérieure sera en pleine activité et que le corps mental sera dument organisé. Par ces moyens vous nuisez au cerveau ; au lieu d'obtenir une [291] communication entre le monde physique et le monde astral, vous vous refusez toute espèce de pouvoir jusqu'au moment où vous revêtirez un nouveau corps, pour continuer le développement supérieur que vous vous proposez d'atteindre. Ce danger guette les gens qui voudront utiliser les fragments de l'antique science orientale, sans connaitre les moyens de protection dont s'entourent les Orientaux lorsqu'ils se livrent à cette science. L'on rencontre occasionnellement, en Orient, des gens dont la forme physique est déprimée et dont le corps astral n'est pas développé ; l'on peut se rendre compte combien ces méthodes sont plus dangereuses encore pour les Occidentaux dont l'hérédité physique est si différente, et qui ne remplissent aucune des conditions imposées aux Orientaux.<br />La méditation est donc le seul moyen sûr de développer la conscience et d'organiser ainsi le véhicule ; l'autre condition est la pureté de pensée, de désirs, pureté dans la vie physique ; tel est le côté matériel de l'entrainement. Sans les pensées pures, le corps mental sera impropre pour un développement supérieur, sans la pureté dans les désirs, le corps astral sera impropre au développement que vous [292] cherchez ; le corps physique enfin doit être pur pour recevoir les impressions des corps mental et astral et vibrer sous leur influence ; autrement l'hystérie se substituera au développement de la conscience supérieure, ce qui d'ailleurs est le but de vos efforts.<br />Telles sont, sommairement, les conditions obligatoires : la méditation pour la conscience, la pureté pour l'évolution de son instrument. Si vous êtes prêts à les accepter, la voie d'une évolution supérieure vous est ouverte et, de votre courage, de votre persévérance et de vos capacités dépend la rapidité avec laquelle vous avancerez. Votre but doit être de secourir autrui, d'obtenir ces pouvoirs afin d'être utiles et non pour vous élever au-dessus des autres.<br />Pour juger la pureté de vos motifs il n'y a qu'un seul critérium : Faites-vous usage des pouvoirs que vous possédez maintenant pour aider l'humanité ? Sinon, n'ayez alors aucun espoir pour l'obtention des pouvoirs supérieurs ; les efforts physiques seuls ne suffisent pas pour les acquérir.<br />J'ai rencontré de nombreuses personnes pressées de devenir des aides invisibles, – c'est-à-dire des travailleurs sur le plan astral, – alors qu'avec les pouvoirs dont ils disposent, [293] ils ne sont pas même des aides visibles sur le plan physique. Aussi je ne comprends pas bien pourquoi les gens sont si désireux de visiter les malheureux de l'astral alors que dans le monde physique, ils s'écartent systématiquement des infortunés qui sont à leur portée.<br />Vous avez le droit d'aller aussi loin que vos propres pouvoirs vous le permettent ; mais si vous demandez l'aide de Ceux qui sont plus hautement développés, – des grands Instructeurs de la race, – vous devez apporter la preuve, non pas la preuve en paroles mais une preuve vivante, que vous employez utilement vos facultés actuelles. Alors, seulement, vous méritez d'être aidés pour acquérir des facultés supérieures. Tel est le sens caché de ces étranges paroles attribuées au Christ : "Il sera donné à celui qui possède beaucoup." Ceux-là seuls qui font bon emploi des pouvoirs qu'ils ont, peuvent être aidés et obtenir davantage, car, par leur vie, ils montrent qu'ils ont fait le meilleur usage possible de leurs facultés, donnant ainsi l'espoir qu'ils agiront de même pour l'humanité, lorsque de plus grands pouvoirs leur auront été conférés.<br />Dans les règles imposées jadis à ceux qui aspiraient à l'état de disciple, il était dit que, [294] lorsque le candidat venait au Maitre, il devait apporter avec lui le combustible qui devait alimenter le feu, le feu du Sacrifice ; le combustible représentait tout ce que le futur disciple possédait en esprit, corps et biens ; il apportait tout cela au Maitre comme offrande, et alors seulement il était accepté par "Celui qui savait".<br />De même, à présent, cette évolution supérieure, hâtée par le pouvoir des grands Êtres, ne peut être ouverte qu'à ceux qui apportent le combustible destiné au feu du Sacrifie. Vous devez être prêts à abandonner tout ce qui vous appartient sans en rien retenir, biens matériels ou spirituels ; vous devez offrir tout ce que vous avez et toute votre vie, pour le service du Grand Être dont vous réclamez le don de Connaissance. Ce sacrifice accompli, le don n'est jamais refusé, la porte ne reste jamais fermée à quiconque se présente les mains pleines. Le chemin est étroit, c'est vrai ; maintenant, comme jadis, étroite est la porte, étroit est le chemin qui conduit à la vie, et peu nombreux sont ceux qui suivent le sentier.<br />Ce petit nombre ne dépend pas d'un maitre avare ; il provient seulement du peu de confiance de la part du disciple. Apportez tout ce [295] que vous avez et votre être tout entier aux pieds du Maitre de sagesse ! Il ouvrira la porte et vous guidera sur le sentier. Mais ne croyez pas que les paroles soient entendues dans ces régions élevées où le Maitre vit et respire ; seules les pensées élevées peuvent L'atteindre, seuls les actes généreux peuvent témoigner des bonnes pensées que vous avez conçues ; car là, auprès du Maitre, seuls sont entendus les échos d'une vie réellement vécue, d'une vie de sacrifice, la seule qui soit digne de recevoir la Connaissance des mains du Grand Être.</p> LE RÔLE DE LA THÉOSOPHIE DANS LA PROCHAINE CIVILISATION 2019-07-05T06:49:07+00:00 2019-07-05T06:49:07+00:00 http://hierarchie.eu/le-monde-de-demain-par-annie-besant-1909/1285-le-role-de-la-theosophie-dans-la-prochaine-civilisation Super User bon.christo@free.fr <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>LE RÔLE DE LA THÉOSOPHIE DANS LA PROCHAINE CIVILISATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Depuis longtemps déjà, je viens en Angleterre chaque année, ou tous les deux ans, pour répandre, en cette contrée, et dans la mesure du possible, les vérités de cette Sagesse antique que nous appelons aujourd'hui par son nom grec de : Théosophie. Cette fois, mon devoir consiste spécialement à semer, dans la capitale de notre royaume, quelques grands principes concernant les transformations en cours dans la civilisation moderne et à attirer en même temps l'attention des penseurs sur les signes qui, à l'horizon, nous entourent, et nous indiquent la fin d'un cycle comme le déclin d'une civilisation. J'avais cru ne pouvoir m'adresser qu'aux quelques milliers d'auditeurs venus pour m'entendre chaque dimanche dans une des salles de Londres, mais, grâce à la [297] généreuse amabilité du Christian Commonwealt 12, ces conférences ont été largement répandues.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Je choisirai un point déterminé, dans les sujets sur lesquels je me suis étendue assez longuement, avec l'intention de vous indiquer le rôle que la Théosophie est appelée à jouer dans la prochaine civilisation, de vous montrer les travaux auxquels elle se livre pour préparer la naissance de la race future. Bien des détails que j'ai expliqués dans mes autres conférences ne pourront être ici qu'effleurés, mais vous devez vous rappeler qu'en considérant l'évolution de l'homme, celui-ci se trouve, à des périodes déterminées, limité et dominé par certains et différents attributs de sa conscience ; c'est ainsi, par exemple, que nous voyons dominer dans l'enfance : l'émotion, dans l'âge adulte : l'intelligence, dans la vieillesse : la sagesse. De même, si nous embrassons d'un regard les [298] civilisations du passé et les races humaines, nous constatons les mêmes processus, la même succession de phénomènes. Cela peut être pour nous un indice de ce que sera l'avenir.</p> <p style="text-align: center;"><em>12 Important journal anglais, organe du progrès religieux et social qui publia, in extenso, toutes ces conférences. Nous en recommandons la lecture aux personnes qui connaissent l'anglais, 133, Salisbury Square-Londres, E. C. (NDT).</em></p> <p style="text-align: center;">Dans la grande race qui précéda la nôtre, la race celtique, qui existe encore, nous remarquons que l'émotion supérieure fut la note dominante, émotion qui se traduisit dans la poésie et les autres arts.<br />Dans la race teutonne, c'est l'intelligence qui, dans toutes les sphères de son activité, se révèle parmi les peuples rattachés à ce tronc dont notre propre race est une branche.<br />Cela étant pour le passé et le présent, il n'est pas irrationnel d'envisager le développement de l'humanité au point de vue de sa prochaine caractéristique, du prochain aspect de sa conscience, de l'évolution de la nature spirituelle dans l'homme, évolution qui succède à celle de l'intelligence aussi inévitablement que l'intelligence apparait après l'évolution de l'émotion. Il n'est pas irrationnel d'envisager, dis-je, ce développement au terme duquel se place la couronne de la sagesse et de l'amour universel sur le front de l'humanité. Celle-ci a désormais traversé les phases de l'enfance et de l'adolescence pour s'acheminer [299] définitivement vers la maturité de son évolution. C'est pourquoi nous attendons, pour la prochaine civilisation, l'avènement de la spiritualité dans la religion, la science, l'art et la société. Nous pouvons logiquement prévoir que cette spiritualité unifiera et colorera la civilisation de demain, qu'en religion l'unité s'affirmera de plus en plus, qu'en science nous aurons de nouveaux moyens d'investigation et de nouveaux pouvoirs ; qu'au point de vue moral nous jouirons d'idéaux plus nobles, d'une inspiration plus puissante ; que, dans la société, la spiritualité se révèlera par l'esprit de sacrifice comme base fondamentale de cette société comme par le contrôle de soi-même, la Fraternité, couronnant enfin l'édifice tout entier.<br />Tels seront, d'après nous, et très brièvement indiqués, les signes distinctifs de la civilisation de demain.<br />Quel sera le rôle de la Théosophie dans cette civilisation, quelle sera sa place, sa fonction, son devoir ? C'est ce à quoi je me propose de répondre ce soir,</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>QU'EST-CE QUE LA THÉOSOPHIE ?</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Pour ceux qui ne connaissent guère la Théosophie que de nom ou qui l'ont bien mal comprise, – à en juger par les allusions rencontrées dans la presse à son sujet, – il sera peut-être [300] utile de nous poser tout d'abord les questions suivantes :<br />Qu'est-ce que la Théosophie ?<br />D'où vient-elle ?<br />Avant de continuer, répondons rapidement à ces questions.<br />En fait, comme son nom l'indique, la Théosophie pose, en principe, que l'homme est de nature divine et peut par conséquent apprendre à connaitre Dieu directement. C'est la proclamation de la gnose ancienne contre l'agnosticisme tel que nous l'avons connu dans les dernières années du XIXe siècle.<br />De plus, c'est un corps de doctrines, doctrines communes à toutes les grandes religions du inonde et qui se trouvent plus ou moins expliquées dans chaque grande religion du passé et du présent. C'est un ensemble d'enseignements, spirituels dans leur essence, universels dans leur expansion, et tendant à conduire l'homme sur le chemin de la perfection à le guider dans la vie, à l'illuminer à l'heure de la mort. Elle ne s'occupe pas de rites, de cérémonies ou d'enseignements religieux qui ne soient pas universels et susceptibles d'être [301] rencontrés dans tous les cultes. Elle explique les particularités de chaque religion, montre le sens occulte que renferment souvent le cérémonial, les rites, les prières et les symboles de toutes les croyances. Non seulement elle les explique mais elle les illumine et en augmente la valeur.<br />Elle n'incite pas à l'abandon de sa propre religion pour une autre, elle conseille plutôt d'y rechercher les profondes vérités communes à toutes les fois religieuses. Loin donc de prêcher la guerre dans les questions religieuses, elle fait de celles-ci des éléments d'harmonie et non des éléments de discorde, élevant haut l'étendard de paix et non celui du combat. En cherchant les points essentiels de chaque religion, en les rassemblant et en les soumettant à la critique des hommes, elle justifie bien son nom de Sagesse Antique, source unique de toutes les grandes religions.<br />Telle est, très sommairement exposée, la définition de la Théosophie : une gnose en ce qui touche les rapports de l'homme avec Dieu, une déclaration de principes où elle affirme la communauté des vérités spirituelles fondamentales pour toutes les grandes religions du monde je parlerai de son [302] rôle dans la religion future, je mentionnerai successivement toutes ses doctrines et vous verrez qu'on les rencontre dans toutes les Écritures du monde, dans toutes les grandes religions, sans exception. J'ai voulu auparavant établir catégoriquement ce qu'est la Théosophie, afin de dissiper, si possible, les nuages que l'ignorance et les mauvaises intentions ont amoncelés sur elle.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;">Sachant que la prochaine civilisation sera spirituelle et que la Théosophie est appelée à y jouer un rôle défini, permettez-moi maintenant de vous tracer la nature de ses travaux, comment elle prépare cette race de demain et en hâte la venue. J'insiste sur le mot : préparer, car, effectivement, nous préparons le terrain, convaincus que nous sommes, qu'à chaque religion correspond une civilisation dont le caractère s'adapte à celui de cette religion ; nous préparons parce que nous croyons à la naissance de chaque nouvelle civilisation, un grand instructeur apparait dans le monde pour donner à cette civilisation la première impulsion, fonder la religion qui la vivifiera. Or, en attendant [303] la prochaine civilisation, nous attendons par conséquent aussi la manifestation d'un grand Être, d'une Instructeur divin.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>D'OÙ VIENT-ELLE ?</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />À la question : qu'est-ce que la Théosophie ? ai-je dit, on peut ajouter :<br />D'où vient-elle ?<br />La Théosophie est l'une des dernières impulsions, je ne dis pas la dernière, qui, les unes après les autres, ont contribué à fonder les grandes religions du monde. Ces impulsions viennent toujours d'une puissante<br />Fraternité d'Instructeurs ayant eux-mêmes fondé des religions sous la haute direction de l'Instructeur suprême qui les dirige, les guide, les inspire ; grandiose Fraternité d'Instructeurs qui, de temps à autre, apparaissent dans le monde pour donner une religion, préparer les bases d'une civilisation, Instructeurs qui se sont manifestés dans le passé et se manifestent encore dans le siècle présent.<br />Toujours et toujours les mêmes choses se répètent, et toute nouvelle civilisation est sans cesse précédée d'une nouvelle impulsion spirituelle.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA FRATERNITÉ DES RELIGIONS</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Cette fois cependant, cette impulsion diffère [304] des autres en ce sens qu'elle ne fonde pas de religion, n'élève aucune barrière, ne fait aucune distinction entre les croyants et les non-croyants, ne fait aucun prosélytisme, son seul but étant d'éclairer. Ainsi que je viens de le dire, la Théosophie s'adresse en messagère de Paix à toutes les religions, ne s'applique pas à écarter de leur foi ceux que la naissance a placés sous l'égide de telle ou telle religion. Aussi son premier travail, en vue de la venue de la prochaine civilisation, consiste-t-il à proclamer La Fraternité des Religions, sans en détruire aucune, sans diminuer la valeur d'aucune d'entre elles, mais en s'efforçant de les rapprocher, de faire cesser la rivalité qui les sépare pour que chaque religion puisse reconnaitre sa parenté avec les autres, toutes devenant ainsi une grande famille dont les membres ne combattront plus entre eux. En outre, elle apporte, à cette fin, la connaissance des faits dont on s'est servi contre la religion alors qu'on devrait s'en servir pour la défendre.<br />Ceux d'entre nous qui sont d'un certain âge peuvent se rappeler que dans les dernières [305] années du XIXe siècle apparut une nouvelle science : la Mythologie comparée. Vous devez vous rappeler comment cette science prit rapidement de l'importance. En fouillant le passé et le présent elle s'efforça de prouver que chaque religion naquit de l'ignorance et ne devint admissible, n'eut de valeur qu'au fur et à mesure qu'elle avança en âge et prit contact avec les peuples cultivés. Elle utilisa les découvertes archéologiques, celles des archéologues, des antiquaires et s'en fit des armes contre la religion dominante, le Christianisme, au moment même où la science était active et puissante. Elle s'empara successivement des doctrines chrétiennes, fit remarquer leurs concordances avec les doctrines d'autres époques, en d'autres civilisations, dans les religions du passé disparues ou non.<br />Elle recueillit les informations contenues dans les tombeaux mis à découvert en Égypte, rassembla les fragments des connaissances égyptiennes inscrites sur le papyrus, – cette feuille posée sur le corps des momies, – et, de tous ces fragments épars, elle composa l'ouvrage connu sous le nom de Livre des Morts. Elle fit de même pour la Chaldée, pour Ninive, pour les copies des temples égyptiens que [306] des fouilles mirent à découvert au fond du Mexique, temples de plusieurs millions d'années plus anciens que ceux des Aztèques qui en chassèrent les adorateurs et détruisirent ces antiques civilisations ; les Aztèques, eux aussi, existaient depuis des millions d'années lorsque Cortez, à la tête des Espagnols, les traita comme ils avaient traité leurs prédécesseurs.<br />La Mythologie comparée retrouve, dans ces temples, des enseignements et des idées analogues à ce qu'elle avait déjà recueilli d'autre part ; il en fut de même lorsqu'elle ouvrit les Écritures Chinoises renfermant d'immémoriales traditions ; de même encore en fut-il pour les Écritures de l'Inde, pour les fragments de la tradition de Zoroastre, pour les livres des nations Bouddhistes, Grecques et Romaines. Collationnant alors tous les témoignages ainsi recueillis, elle en fit donc la Mythologie comparée.<br />Ce fut l'arme la plus dangereuse qui fut jamais dirigée contre le christianisme dogmatique, car cette science était fondée sur des faits vérifiables que nul ne pouvait nier. C'est alors que la Théosophie, qui venait d'apparaitre, eut à intervenir pour témoigner de la vérité [307] des faits, en ajouter de nouveaux, mais, aussi pour faire comprendre qu'au lieu d'une mythologie comparée s'imposait une science des religions comparées, démontrant que tout ce qui a été universellement enseigné est vrai et non pas mensonger, est une réalité et non une illusion. Elle défendit chaque religion en proclamant L'Universalité des croyances religieuses, et fit observer qu'une vérité ne cesse pas d'être vraie sous prétexte qu'elle est ancienne, pas plus qu'une chose fausse ne cesse d'être fausse sous prétexte qu'elle était admise autrefois. Elle justifia la religion en employant les arguments qui servirent à la discréditer, en fit une branche de la Sagesse Antique au lieu d'en faire un produit de l'ignorance épuré par le temps. Elle apporta à cet effet de nombreux arguments sur lesquels je n'ai pas le temps de m'attarder mais que vous pouvez lire dans les livres qui ont été écrits à ce sujet.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'UNIVERSALITÉ DES CROYANCES RELIGIEUSES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Et maintenant, afin d'utiliser les théories de la Théosophie pour l'édification de la Fraternité des Religions, nous proclamons dans tous les pays, chez les peuples de toutes les [308] religions, l'héritage commun, la vérité spirituelle, les doctrines fondamentales que renferme chaque croyance.<br />Quelles sont ces doctrines ?<br />Elles ne sont pas nombreuses mais d'une haute portée. On pourrait les compter sur nos doigts tant le nombre en est peu élevé.<br />La première grande doctrine que toute religion enseigne c'est l'unité de Dieu ; la seconde enseigne que Dieu est triple dans sa manifestation.<br />On parle, en philosophie, de trois qualités, de trois attributs ; en religion on les personnifie et l'on pose une Trinité en trois aspects. Philosophiques, ou personnifiés par la pensée religieuse, vous avez toujours :<br /><strong>La Puissance ou Volonté ;</strong><br /><strong>La Sagesse ;</strong><br /><strong>L'Activité.</strong></p> <p style="text-align: center;">Vous retrouvez ces trois attributs dans la Trinité de toutes les nations, que vous considériez dans le Christianisme, le Père, c'est-à-dire l'incorporation de la puissance, de la volonté ; le Fils, la Sagesse éternelle ; l'Esprit, l'activité créatrice qui construisit l'univers, soit encore que vous considériez l'Indouisme dans lequel l'ordre est toutefois interverti. Vous y rencontrez alors : le Créateur, et son [309] activité ; le Préservateur, manifestation de la Sagesse ; le Régénérateur, manifestation de la Volonté. Je pourrais ainsi prendre toutes les religions, les unes après les autres, celles qui sont disparues comme celles qui existent encore, et je vous montrerais sans cesse cette Trinité. Ces vérités fondamentales sur Dieu sont universelles : Il est Un dans son essence et triple dans sa manifestation.<br />À ces deux vérités s'ajoute celle qui se rattache à cette vaste famille des Fils de Dieu, la grande hiérarchie des intelligences spirituelles ou Archanges, anges, êtres brillants, quels que soient les noms que vous leur donniez, c'est la grandiose cohorte des Fils de Dieu au sein de laquelle l'humanité trouve son propre champ d'évolution.<br />Nous arrivons à cette quatrième grande doctrine : il y a évolution continue de la conscience dans des corps devenant de plus en plus parfaits et permettant aux pouvoirs de la conscience de s'exprimer. Mais ce principe que la science appelle évolution, la religion lui a donné le nom de Réincarnation.<br />C'est grâce à celle-ci que le germe divin [310] devient l'homme divin lorsque l'évolution est complète.<br />Viennent ensuite les mondes dans lesquels cette évolution a lieu : le monde intermédiaire, le monde céleste et celui de la matière. L'homme appartient à tous les mondes et peut se mettre en contact avec tous.<br />Suit une autre grande doctrine, une loi universelle, loi s'appliquant au domaine de l'esprit comme à celui de la matière, et d'après laquelle le caractère se construit comme le monde qui lui est extérieur, loi inchangeable et inviolable que nous pouvons connaitre et utiliser pour nous élever à des idéaux toujours plus nobles.<br />Nous trouvons enfin, pour terminer l'énumération de ces doctrines communes à toutes les religions, cette croyance que des Instructeurs dirigent l'évolution de l'humanité, inspirent les religions et assurent le progrès spirituel de l'homme.<br />Telles sont les vérités universelles, ce sont là les enseignements que toutes les religions ont toujours eus et possèdent encore ; aussi trouvons-nous dans leur unité d'enseignement, la réalité de l'existence de cette Fraternité, réalité sur laquelle nous insistons à chaque [311] instant et partout. À quoi bon dès lors abandonner sa foi pour une autre puisque dans cette autre, vous rencontrez les mêmes vérités malgré les différences de cérémonies et de rites ? Cette Fraternité, plus qu'aucune autre religion, nous permet en outre d'apprécier toutes les religions à leur juste valeur.<br />La lumière solaire se décompose, vous le savez, en sept rayons colorés qui contribuent à la beauté de la nature ; ces rayons peuvent être réfractés d'une certaine manière et recomposer la lumière blanche ; ce phénomène, familier au physicien, peut s'appliquer aux religions :<br />Les grandes vérités, les grandes vertus sont Une, l'éclatante lumière blanche de la vérité est leur source. L'intelligence, en servant de prisme, disperse cette lumière en faisceaux, les religions apparaissent chacune avec leur couleur puis, recombinées en lumière blanche par le prisme de l'Esprit, elles sont ainsi ramenées à leur unité primitive.<br />Si vous examinez les religions, vous ne pouvez qu'aboutir aux mêmes conclusions. Chacune d'elles a sa note particulière et sa couleur qu'elle apporte pour la régénération du monde.<br />Reportez-vous à l'Égypte ancienne, vous [312] trouverez, comme caractéristique de sa religion : la Science. La religion de l'Égypte fut en effet le berceau de la science, science qui, par la suite, se répandit en Europe.<br />Prenez les Indes, dans l'Extrême-Orient, et vous constaterez que la caractéristique de l'Indouisme présente la nature comme étant divine en toutes choses et le sentiment du Devoir comme devant être la loi de tout individu.<br />Prenez la Perse du passé ! Sa note fut la Pureté, pureté de pensée, de parole, d'action.<br />Prenez la Grèce ! Vous la verrez frapper la note de la Beauté, beauté en architecture, en sculpture, en peinture, en philosophie, le Beau étant alors élevé au rang du Vrai et du Divin.<br />À Rome c'est la Loi, la Loi régissant toutes choses.<br />Pour le Christianisme enfin c'est la loi du Sacrifice qui contient les promesses de l'avenir.<br />Dans l'Islamisme c'est une nouvelle proclamation de l'unité divine.<br />Et toutes ces religions, chacune ayant sa propre note, sa propre couleur, réunies ensemble donneront la Lumière blanche de la Vérité ; frappées ensemble elles donneront un accord parfait.<br />Une seule ne vous eût pas permis un pareil [313] accord. La pensée humaine est trop étroite et le cerveau ne peut concevoir ce faisceau de plusieurs rayons colorés recomposés en lumière blanche ; c'est pourquoi chaque religion émit tout d'abord ses caractéristiques, comme s'il avait été nécessaire que la Divinité fût épelée mot à mot, par les religions, chacune d'elles donnant une seule lettre, toutes ces lettres ensemble formant le nom du Seigneur.<br />Si vous envisagez de cette manière la religion, vous devez pouvoir vous rendre compte de sa puissance, voir que sa force tend à l'unité et non à la division, voir que toute religion a quelque chose à apprendre des autres, à donner à chacune une partie des connaissances qui lui sont spéciales, sans penser à s'isoler comme étant la seule vraie. Elle ne rabaisse pas la religion voisine à un niveau inférieur mais la grandit, en en faisant une force d'attraction au lieu d'un élément de dispersion.<br />Le Christ est-Il amoindri sous prétexte qu'Il recommanda : "Aimez vos ennemis" ! précepte que Bouddha avait lui-même proclamé quelque six cents ans auparavant en disant : "La haine ne tue pas la haine ; seul l'amour tue la haine" ? N'est-il pas merveilleux au contraire [314] de voir Bouddha et le Christ annonciateurs de la Loi Une et éternelle, venant, à des époques et en des nations différentes, apporter la même vérité, enseigner la même doctrine ?<br />En s'attachant à tous ces points, – traités naturellement en détails lorsqu'ils font l'objet d'une étude particulière, – la Théosophie prépare cette religion spirituelle commune, cette sagesse divine Une, pour que toutes les religions en arrivent à se considérer comme les branches d'un seul et même arbre.<br />Voilà ce en quoi consistera l'oeuvre de la Théosophie dans la race de demain, c'est là sa mission, et c'est pourquoi il fut dit à ses débuts, qu'elle était destinée à devenir, dans l'humanité, la pierre angulaire de la religion de l'avenir. Cette religion sera cette Fraternité dont j'ai déjà parlé ; toutes les fois religieuses demeureront, car toutes ont leur utilité et leurs caractéristiques spéciales, mais toutes seront ne parce qu'elles enseignent, sous des formes différentes, les mêmes vérités.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA SCIENCE DANS LA CIVILISATION FUTURE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Envisageons maintenant quel sera le rôle de la Théosophie au point de vue de La science dans la civilisation future.<br />La science pénètrera dans les domaines [315] supérieurs ; c'est-à-dire qu'elle se trouvera en présence d'une matière plus subtile que celle dont elle s'est occupée jusqu'à présent. Elle connait la matière physique dans ses formes les plus denses ; elle gravira un échelon de plus. Ici git la difficulté, car toutes les méthodes et les appareils employés jusqu'ici pour l'étude de la matière grossière deviennent inutilisables pour l'étude des mondes supérieurs. Souvent je parle de la matière grossière, mais pensez à la délicatesse des instruments qui furent nécessaires pour l'observer. J'ai reçu tout dernièrement un journal scientifique dans lequel un article relatait la découverte d'un appareil capable de mesurer le quarante-millionième d'une inch 13 et cependant cela n'est qu'une mesure grossière comparativement à la subtilité de la matière des mondes supérieurs que la science de demain étudiera.<br />Quel est, à cet égard, l'apport de la Théosophie ?<br />Elle donne à l'homme actuel la possibilité de hâter son évolution, de connaitre et diriger ces lois de la nature qui n'agissent que très lentement lorsqu'elles ne sont pas guidées par [316] l'intelligence humaine. Elle apporte et proclame, dans le monde entier, un système d'entrainement par lequel l'homme peut rapidement développer les pouvoirs de sa conscience, développer les organes qui le mettent en contact avec cette matière plus subtile des mondes supérieurs où la science pénètrera bientôt et sur le seuil desquels elle se trouve déjà. Elle indique à tous, les moyens d'évoluer les sens subtils, leur montre la route que quelques-uns suivirent dans le passé et que des myriades d'individus suivront dans l'avenir, au prochain stade de l'évolution humaine, alors que l'on entreprendra définitivement l'organisation des corps supérieurs de l'homme.</p> <p style="text-align: center;"><em>13 Mesure anglaise équivalant à 2,5399 cm (NDT).</em></p> <p style="text-align: center;">Voilà ce qu'apporte la Théosophie pour que, par l'évolution des corps l'homme, les mondes subtils puissent devenir sensibles et observables avec autant de précision que les lois qui régissent nos corps physiques actuels nous permettent d'observer les choses qui nous entourent ici-bas.<br />Il y a une vision supérieure à la vision qui s'exerce avec le concours de ces organes évolués depuis la simple cellule pigmentaire.<br />Il y a des oreilles autrement délicates que celles que nous possédons aujourd'hui, si [317] merveilleuse que soit la délicatesse de leur mécanisme ; il y a enfin des organes des sens bien supérieurs à nos sens physiques.<br />Il existe dans le cerveau un organe qui évolue et servira d'intermédiaire entre ces sens subtils des corps supérieurs et le corps grossier qui nous revêt. C'est un organe que beaucoup d'hommes de sciences considèrent comme atrophié, ou s'atrophiant, sous prétexte qu'on le retrouve plus fréquemment, et plus développé, au début de l'évolution plutôt que chez l'homme d'un certain niveau intellectuel et moral. Mais, pour le cas présent, la question de grandeur importe peu ; ce qui importe, c'est la complexité de son organisation interne, et cet organe n'est pas ce que la science appelle : "un vestige du passé" ce qui est vrai dans un certain sens ; bien que rudimentaire actuellement, ce n'en est pas moins un organe de la plus haute importance pour l'avenir.<br />L'expérience nous a d'ailleurs prouvé qu'en soumettant cet organe à des courants vitaux et électriques, les sens supérieurs s'éveillent à la conscience physique, et nous établissons ainsi un pont reliant le monde de la matière physique à celui de la matière astrale. [318]<br />Ces expériences sont maintenant si familières à la plupart d'entre nous, qu'il nous est impossible de croire que cet organe ne sera d'aucune utilité dans l'avenir, alors que nous savons pouvoir le stimuler et contribuer à son organisation pour obtenir cette vision que quelques-uns d'entre nous développent aujourd'hui, et que beaucoup possèderont demain ! Et encore ! Ceux-ci n'auront-ils fait qu'un pas en avant ; d'autres, qui piétinent sur place, peuvent arriver à dépasser bientôt ce degré d'évolution, mais de nombreuses difficultés entrent ici en ligne de compte, surtout pour les nations occidentales, vouées, pour de soi-disant raisons climatériques ou autres, à un régime carné auquel se joint, dans une large mesure, l'absorption de l'alcool.<br />Ni la viande ni l'alcool ne sont des matériaux susceptibles de faire évoluer notre corps, qui, dans la vie ordinaire, doit devenir suffisamment responsif aux vibrations de cette matière Pus subtile dont nous parlions tout à l'heure. Des médecins viennent précisément de découvrir ce que Mme H.-P. Blavatsky écrivait il y a plusieurs années. Ils nous apprennent, en effet, que l'alcool réagit immédiatement sur le corps pituitaire, l'intoxique et y produit une [319] inflammation. Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi l'alcoolisme exagéré conduit à ce que l'on appelle : le délirium trémens, état dans lequel les ivrognes perçoivent des choses que ne voient pas ceux qui les entourent ? La raison en est simple : ils ont intoxiqué l'organe même qui reçoit les vibrations d'autres mondes. Bien que ce qu'ils voient paraisse absolument anormal et irrationnel, ce n'en est pas moins le résultat de l'alcool agissant sur les organes, qui, alors, vibrent sous l'influence du poison au lieu de vibrer sous l'influence de la pensée.<br />Ce que les médecins recommandent maintenant et publient en guise d'avertissement, a toujours été connu dans la science occulte, et a été l'une des conditions nécessaires à l'application de ses méthodes d'entrainement ; il fut toujours interdit de faire usage de l'alcool et cela pour la raison la plus simple. Tant que vous n'employez pas ces méthodes, il importe peu que votre corps soit intoxiqué ou non. On peut vivre longtemps avec un corps intoxiqué, mais dès l'instant où vous voulez contrôler ce corps, le rendre actif, l'imprégner de nouveaux courants de vie et d'énergie, cette vie et cette énergie provoquent alors une [320] inflammation d'une nature incurable, entrainant de cruelles souffrances et des troubles cérébraux. C'est pourquoi ces méthodes n'ont pas été données au public, mais seulement à ceux qui évitent l'alcool. Il est probable que beaucoup d'entre vous s'élèveront contre ces règles et ne seront guère tentés de les suivre. Nous ne vous disons pas : adoptez-les ; nous disons seulement que ces règles sont les conditions essentielles pour obtenir un organisme plus parfait. Les lois naturelles ne changent pas suivant les désirs et les caprices des hommes. Si l'on veut obtenir d'une machine des étincelles électriques, il faut se mettre dans les conditions requises, c'est-à-dire s'entourer d'air sec et non d'air humide. Vous aurez beau dire que l'air sec n'est pas aussi agréable à respirer que l'air humide, si vous ne vous soumettez pas aux lois de la nature, le résultat de vos expériences sera nul. Il en est de même pour toute expérience régie par des lois, et l'on reconnaitra que cela est vrai quand on voudra se livrer à des investigations dans le domaine des phénomènes psychiques, ce dont l'on n'est pas encore convaincu malheureusement.<br />On croit pouvoir établir des lois et obtenir [321] des résultats sans même se conformer à certaines lois. C'est ainsi que, lisant l'autre jour un rapport assez curieux sur des investigations dans la photographie spirite, et voyant que le résultat avait été nul, je ne pus m'empêcher de me demander ce qu'il eût été pour maintes photographies si l'on avait posé comme règle de ne pas mettre un voile noir sur l'appareil et, par-dessus tout de ne pas faire fonctionner cet appareil dans une chambre noire, sous prétexte d'écarter toute chance de supercherie et de fraude.<br />Nous devons admettre que la nature subtile a ses lois tout aussi bien que la nature grossière et que nous ne pouvons, dans ce domaine, obtenir de résultats sans se conformer aux lois qui le régissent, pas plus que vous ne pourrez obtenir une photographie si vos plaques sont exposées à la lumière. Cela étant bien compris, les progrès seront plus rapides.<br />Il s'ensuit donc que, là où ces règles sont posées pour l'organisation des corps subtils, une autre question intervient : il est inutile de développer les corps subtils si la conscience des mondes supérieurs ne se développe pas en même temps ; on n'y arrive que par la méditation intense et régulière. [322]</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA YOGA ORIENTALE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />La Théosophie apporte au monde occidental :<br />La Yoga orientale,<br />méthode par laquelle l'homme qui la pratique, peut arriver à diriger et affiner son cerveau sans se rendre malade. C'est là que git la difficulté pour les Occidentaux. Lorsqu'un grand influx, venant des mondes supérieurs, pénètre dans le corps d'un grand saint ou d'un grand génie, il s'ensuit parfois un trouble dans le cerveau ; c'est alors l'hystérie causée par le surmenage de l'instrument. Mais si vous voulez vous rendre propres à recevoir ces grands courants des mondes supérieurs, il faut accorder votre instrument de façon à le rendre responsif aux vibrations plus rapides venant de ces mondes. Vous pouvez faire cela sans aucun danger si vous n'exagérez rien. En consacrant journellement dix minutes ou un quart d'heure à une profonde et attentive concentration de la pensée, vous réussirez graduellement à rendre votre cerveau plus complexe et plus délicat, plus parfait qu'il ne l'est actuellement, car la pensée est vraiment la créatrice du cerveau. De même que par l'exercice, les muscles croissent [323] et se développent, de même le cerveau se perfectionne sous l'influence des hautes pensées. C'est une loi ; la pensée est la force qui rend l'organisme du cerveau plus complet. Le Yogi indou suit cette méthode, et, par une pratique continue, d'année en année, il parvient, en développant le cerveau de la race actuelle, à construire le cerveau de la race future. Il le rend plus sensible, plus subtil, plus vibrant, et cela sans compromettre la santé physique ; c'est une chose que tous, vous pouvez faire si vous agissez avec modération, si vous ne poussez pas la concentration jusqu'au point de sentir la fatigue et une certaine pesanteur dans le cerveau, car ce sont là des avertissements qui vous indiquent que votre travail est trop hâtif, et par conséquent nuisible à votre santé. Au contraire, la méditation et la concentration pratiquées avec modération ne peuvent qu'être bienfaisantes, ne peuvent que rendre le cerveau plus sensitif, tout en le gardant sain et équilibré ; vous ne verrez pas alors se produire ces symptômes hystériques qui ont tant diminué la valeur des enseignements donnés par le voyant et le saint.<br />C'est ainsi que la Théosophie travaille avec la science pour indiquer la voie propre au [324] développement de cette science dans la civilisation future.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE RÔLE DE LA THÉOSOPHIE DANS L'ART</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Quel sera dans cette civilisation<br />Le rôle de la Théosophie dans l'art ?<br />Regardez l'influence de votre civilisation actuelle sur la beauté du pays. Allez à Sheffield, ville construite dans ce qui fut l'une des plus charmantes vallées du Midlanshire. En l'approchant, remarquez la beauté de la campagne, les collines si joliment boisées, l'exquise beauté du ruisseau, de la forêt, de la prairie ; tout à coup, sorti de ce délicieux spectacle, vous plongez dans l'horrible laideur de la ville, saturée d'une atmosphère, noire d'épaisse fumée. Pas un arbre ne croit dans ses faubourgs, aucune fleur même n'égaye le seuil des maisons du pauvre. L'atmosphère enraye la végétation, et cela importe peu aux habitants de cette cité ! Et Sheffield n'est pas la seule ville de ce genre Allez à Glasgow, la seconde métropole de l'Écosse, et vous aurez le même spectacle, de même à Birmingham, à Manchester, ces grandes villes qui font la richesse de l'Angleterre. Il me semble, à moi, que la beauté importe plus que vos richesses, et que l'Angleterre [325] jouissait de plus de bonheur et d'une meilleure santé quand elle possédait Moins de millionnaires<br />et aussi moins de rachitiques et de gens difformes dans les bouges de ses grandes villes.<br />Regardez les visages de ces hommes, femmes ou enfants, appartenant aux villes que je viens de citer ; regardez, à Glasgow, les visages des ouvriers rentrant de leur travail. Ils n'ont rien de civilisé, rien d'humain, ils reflètent pour la plupart la bestialité.<br />Oh ! vous qui faites un luxe de la Beauté, voyez l'humanité engendrée par vos villes dont la caractéristique est une repoussante laideur, alors qu'elle devrait être la Beauté que vous avez dédaignée et méprisée.<br />Une fois pour toutes, comprenez enfin la valeur de la Beauté ! Comme la laideur elle façonne les corps à son image ; voilà pourquoi l'on ne rencontre, dans vos cités, qu'une hideuse humanité.<br />La restauration de l'art est une question de vie ou de mort, et non une question de luxe et de jouissance. Des beautés artistiques sont plus nécessaires dans vos villes que des tableaux [326] sur les murs de vos musées. Un petit nombre visite les musées, et des quantités d'hommes, de femmes et d'enfants, vivent dans les villes. Tant que vos cités ne seront pas belles, ainsi qu'elles l'étaient notamment en Grèce, la véritable caractéristique de l'homme civilisé fera défaut dans la civilisation future. La Théosophie recommande d'aimer le Beau, qu'il s'agisse de beauté naturelle ou de celle des doigts habiles et du cerveau imaginatif de l'homme ; la Théosophie veut que le corps humain soit davantage sauvegardé. Aucune nation n'a le droit d'engendrer les corps que nous voyons dans vos Asiles. Ce n'est pas assez de voir, dans les classes riches et élevées, des types d'hommes et de femmes sains, vigoureux et beaux, tous devraient participer aux conditions qui créent la Beauté. L'art ne remplira son devoir qu'autant qu'il fera connaitre à tous le pouvoir de la Beauté et son influence créatrice sur la civilisation ; l'art devrait toujours nous présenter l'idéal dans sa beauté, car c'est l'idéal qui crée le ciel. L'artiste devrait inspirer l'artisan ; tant que celui-ci n'aimera pas son travail, l'art a peu de chance de prospérer parmi vous. L'art n'est plus de l'art lorsqu'il ne représente que des choses laides et [327] vulgaires. Il arrive souvent de voir, sur les murs de vos musées, des tableaux représentant un fromage et un homard, une rangée d'ognons et quelques corps d'oiseaux jetés çà et là pour la beauté de leur plumage. Ce n'est pas là de l'art. L'art doit être beau ; c'est le dégrader que de peindre des objets tels que ceux-là, quelque parfaite qu'en soit la reproduction. "Oh ai-je entendu dire, comme ce fromage est bien fait : on pourrait le couper !" On peut couper du fromage partout, et il n'est pas nécessaire d'aller dans un musée, un soi-disant musée d'art, pour cela. Comparez ces tableaux à ceux des maitres anciens, et vous verrez ce qu'est l'art véritable comparativement à cette parodie actuelle de l'art.<br />Le devoir de la Théosophie est d'infuser dans l'artiste, l'idée de la splendeur de sa mission, la divinité de son pouvoir. Il peut voir ce que nous ne voyons pas, entendre ce que nous n'entendons pas ; qu'il nous fasse entrevoir ce que nous ne pouvons atteindre par nous-mêmes, qu'il soit pour les hommes le Prêtre du Beau. Dès lors la civilisation grandira en beauté, beauté humaine ou beauté des objets ; la Beauté prendra, dans notre civilisation, la place qu'elle occupait dans la Grèce antique. [328]</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Que fera la Théosophie pour la société dans la civilisation future, cette société qui, de nos jours, est un champ de bataille et non un ordre social, une anarchie et non un organisme ? On croit le plus souvent que des modifications seront apportées par des menaces de famine et la peur d'une révolution ; ce n'est pas ainsi que la Théosophie considère l'homme dans lequel elle voit la croissance d'une nature divine et spirituelle. Vous me traiterez de rêveuse peut-être, et cependant ce que je dis est vrai : vous n'édifierez pas la société future par la simple protection du pauvre, mais par l'exemple des classes élevées qui devront sacrifier de leur bienêtre. Je sais que ce n'est pas là l'idée du jour. Je sais que, même parmi ceux qui souffrent, un tel sentiment sera ridiculisé et méprisé, mais ce ne sont pas ceux-là qui pourront établir un système social sage et solide. Pour cela, il faut les meilleurs cerveaux, les meilleurs coeurs ; il faut des loisirs pour penser et élaborer des plans, comme il faut aussi de l'amour pour rendre ce travail effectif.<br />Vous pouvez soulever des émeutes, faire des [329] révolutions, affamer le peuple désespéré, mais rien n'est stable après une révolution. Vous ne devez rien prendre, vous devez donner. L'Esprit vit par le don et connait la joie du sacrifice. Croyez-vous que le sacrifice soit pénible, que le sacrifice implique tristesse ou mélancolie ? Je vous l'affirme ! Aucune joie sur terre n'est comparable à celle du sacrifice de la nature inférieure à la nature supérieure qui ne demande rien pour elle-même. Voilà comment s'effectuera la rédemption sociale si ceux-là mêmes qui sont disposés à le faire donnent et se sacrifient. Le don imposé par la loi ou la force n'est jamais accepté qu'avec ressentiment et violence. La contrainte extérieure n'est accueillie qu'avec répulsion, mais la contrainte intérieure, qui est celle de l'amour, celle que l'on accepte sans violence, se répand comme un fleuve de joie !<br />C'est sur cette base que s'édifiera l'avenir, la civilisation future, ce que je vous ai déjà dit sommairement au début de cette conférence.<br />Dans la classe riche, parmi ceux qui sont favorisés de tous les biens, de la terre, je découvre déjà un sentiment l'inquiétude non pour eux-mêmes, mais pour les autres, pour les pauvres. J'entends ces paroles : "Que pouvons-nous faire pour remédier à la misère ?" Ceux-là [330] souffrent par sympathie et non par contrainte et ce sont eux qui, par leurs efforts, amèneront la rédemption sociale.<br />Cela peut vous paraitre un rêve, rêve bien éloigné, mais l'homme progresse beaucoup plus vite qu'on ne serait tenté de le croire. Rien de trop noble, de trop beau, rien de trop divin que l'homme ne puisse exécuter, car l'homme est un dieu en évolution, quelque lente que soit cette évolution, et le germe de la divinité commence dès maintenant à fleurir dans le coeur de quelques-uns d'entre nous.<br />Là où des êtres comblés par le bonheur souffrent du malheur des autres, abandonnent les distractions du monde pour travailler au bienêtre de la nation ; là où des hommes ne peuvent être véritablement heureux qu'en étant compatissants avec les déshérités, là résident les promesses de l'avenir.<br />Il y a un siècle, de tels cerveaux, de tels coeurs, se rencontraient çà et là, isolés ; un peu plus tard, ils se firent moins rares ; aujourd'hui ils sont des plus nombreux, et on les trouve dans un milieu où l'on n'aurait jamais cru voir ceux qui aspirent à rénover et à modifier l'état social.<br />Seuls croissent en spiritualité ceux que le [331] malheur des autres attriste, ceux pour lesquels un bon repas reste amer tant qu'il y a des affamés, ceux pour qui le luxe est un fardeau tant qu'il existe des hommes qui ne possèdent rien. Oui ! ceux-là édifieront la nouvelle civilisation parce qu'ils sont prêts à sacrifier le bonheur dont ils jouissent pour répandre, autour d'eux, la joie de vivre et la sécurité.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Tel est l'avenir que nous attendons, tel est l'avenir pour lequel nous travaillons proclamant en tous lieux ces paroles :<br />La joie réside dans le fait de donner et non de prendre,<br />proclamant en tous lieux ce verset de l'Évangile :<br />Il est plus doux de donner que de recevoir,<br />proclamant une fois de plus cette antique vérité :<br />Là où la loi du Sacrifice est observée, Religion et Civilisation demeurent !… indestructibles…<br />FIN DU LIVRE</p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size: 24pt;"><strong>LE RÔLE DE LA THÉOSOPHIE DANS LA PROCHAINE CIVILISATION</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Depuis longtemps déjà, je viens en Angleterre chaque année, ou tous les deux ans, pour répandre, en cette contrée, et dans la mesure du possible, les vérités de cette Sagesse antique que nous appelons aujourd'hui par son nom grec de : Théosophie. Cette fois, mon devoir consiste spécialement à semer, dans la capitale de notre royaume, quelques grands principes concernant les transformations en cours dans la civilisation moderne et à attirer en même temps l'attention des penseurs sur les signes qui, à l'horizon, nous entourent, et nous indiquent la fin d'un cycle comme le déclin d'une civilisation. J'avais cru ne pouvoir m'adresser qu'aux quelques milliers d'auditeurs venus pour m'entendre chaque dimanche dans une des salles de Londres, mais, grâce à la [297] généreuse amabilité du Christian Commonwealt 12, ces conférences ont été largement répandues.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Je choisirai un point déterminé, dans les sujets sur lesquels je me suis étendue assez longuement, avec l'intention de vous indiquer le rôle que la Théosophie est appelée à jouer dans la prochaine civilisation, de vous montrer les travaux auxquels elle se livre pour préparer la naissance de la race future. Bien des détails que j'ai expliqués dans mes autres conférences ne pourront être ici qu'effleurés, mais vous devez vous rappeler qu'en considérant l'évolution de l'homme, celui-ci se trouve, à des périodes déterminées, limité et dominé par certains et différents attributs de sa conscience ; c'est ainsi, par exemple, que nous voyons dominer dans l'enfance : l'émotion, dans l'âge adulte : l'intelligence, dans la vieillesse : la sagesse. De même, si nous embrassons d'un regard les [298] civilisations du passé et les races humaines, nous constatons les mêmes processus, la même succession de phénomènes. Cela peut être pour nous un indice de ce que sera l'avenir.</p> <p style="text-align: center;"><em>12 Important journal anglais, organe du progrès religieux et social qui publia, in extenso, toutes ces conférences. Nous en recommandons la lecture aux personnes qui connaissent l'anglais, 133, Salisbury Square-Londres, E. C. (NDT).</em></p> <p style="text-align: center;">Dans la grande race qui précéda la nôtre, la race celtique, qui existe encore, nous remarquons que l'émotion supérieure fut la note dominante, émotion qui se traduisit dans la poésie et les autres arts.<br />Dans la race teutonne, c'est l'intelligence qui, dans toutes les sphères de son activité, se révèle parmi les peuples rattachés à ce tronc dont notre propre race est une branche.<br />Cela étant pour le passé et le présent, il n'est pas irrationnel d'envisager le développement de l'humanité au point de vue de sa prochaine caractéristique, du prochain aspect de sa conscience, de l'évolution de la nature spirituelle dans l'homme, évolution qui succède à celle de l'intelligence aussi inévitablement que l'intelligence apparait après l'évolution de l'émotion. Il n'est pas irrationnel d'envisager, dis-je, ce développement au terme duquel se place la couronne de la sagesse et de l'amour universel sur le front de l'humanité. Celle-ci a désormais traversé les phases de l'enfance et de l'adolescence pour s'acheminer [299] définitivement vers la maturité de son évolution. C'est pourquoi nous attendons, pour la prochaine civilisation, l'avènement de la spiritualité dans la religion, la science, l'art et la société. Nous pouvons logiquement prévoir que cette spiritualité unifiera et colorera la civilisation de demain, qu'en religion l'unité s'affirmera de plus en plus, qu'en science nous aurons de nouveaux moyens d'investigation et de nouveaux pouvoirs ; qu'au point de vue moral nous jouirons d'idéaux plus nobles, d'une inspiration plus puissante ; que, dans la société, la spiritualité se révèlera par l'esprit de sacrifice comme base fondamentale de cette société comme par le contrôle de soi-même, la Fraternité, couronnant enfin l'édifice tout entier.<br />Tels seront, d'après nous, et très brièvement indiqués, les signes distinctifs de la civilisation de demain.<br />Quel sera le rôle de la Théosophie dans cette civilisation, quelle sera sa place, sa fonction, son devoir ? C'est ce à quoi je me propose de répondre ce soir,</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>QU'EST-CE QUE LA THÉOSOPHIE ?</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Pour ceux qui ne connaissent guère la Théosophie que de nom ou qui l'ont bien mal comprise, – à en juger par les allusions rencontrées dans la presse à son sujet, – il sera peut-être [300] utile de nous poser tout d'abord les questions suivantes :<br />Qu'est-ce que la Théosophie ?<br />D'où vient-elle ?<br />Avant de continuer, répondons rapidement à ces questions.<br />En fait, comme son nom l'indique, la Théosophie pose, en principe, que l'homme est de nature divine et peut par conséquent apprendre à connaitre Dieu directement. C'est la proclamation de la gnose ancienne contre l'agnosticisme tel que nous l'avons connu dans les dernières années du XIXe siècle.<br />De plus, c'est un corps de doctrines, doctrines communes à toutes les grandes religions du inonde et qui se trouvent plus ou moins expliquées dans chaque grande religion du passé et du présent. C'est un ensemble d'enseignements, spirituels dans leur essence, universels dans leur expansion, et tendant à conduire l'homme sur le chemin de la perfection à le guider dans la vie, à l'illuminer à l'heure de la mort. Elle ne s'occupe pas de rites, de cérémonies ou d'enseignements religieux qui ne soient pas universels et susceptibles d'être [301] rencontrés dans tous les cultes. Elle explique les particularités de chaque religion, montre le sens occulte que renferment souvent le cérémonial, les rites, les prières et les symboles de toutes les croyances. Non seulement elle les explique mais elle les illumine et en augmente la valeur.<br />Elle n'incite pas à l'abandon de sa propre religion pour une autre, elle conseille plutôt d'y rechercher les profondes vérités communes à toutes les fois religieuses. Loin donc de prêcher la guerre dans les questions religieuses, elle fait de celles-ci des éléments d'harmonie et non des éléments de discorde, élevant haut l'étendard de paix et non celui du combat. En cherchant les points essentiels de chaque religion, en les rassemblant et en les soumettant à la critique des hommes, elle justifie bien son nom de Sagesse Antique, source unique de toutes les grandes religions.<br />Telle est, très sommairement exposée, la définition de la Théosophie : une gnose en ce qui touche les rapports de l'homme avec Dieu, une déclaration de principes où elle affirme la communauté des vérités spirituelles fondamentales pour toutes les grandes religions du monde je parlerai de son [302] rôle dans la religion future, je mentionnerai successivement toutes ses doctrines et vous verrez qu'on les rencontre dans toutes les Écritures du monde, dans toutes les grandes religions, sans exception. J'ai voulu auparavant établir catégoriquement ce qu'est la Théosophie, afin de dissiper, si possible, les nuages que l'ignorance et les mauvaises intentions ont amoncelés sur elle.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;">Sachant que la prochaine civilisation sera spirituelle et que la Théosophie est appelée à y jouer un rôle défini, permettez-moi maintenant de vous tracer la nature de ses travaux, comment elle prépare cette race de demain et en hâte la venue. J'insiste sur le mot : préparer, car, effectivement, nous préparons le terrain, convaincus que nous sommes, qu'à chaque religion correspond une civilisation dont le caractère s'adapte à celui de cette religion ; nous préparons parce que nous croyons à la naissance de chaque nouvelle civilisation, un grand instructeur apparait dans le monde pour donner à cette civilisation la première impulsion, fonder la religion qui la vivifiera. Or, en attendant [303] la prochaine civilisation, nous attendons par conséquent aussi la manifestation d'un grand Être, d'une Instructeur divin.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>D'OÙ VIENT-ELLE ?</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />À la question : qu'est-ce que la Théosophie ? ai-je dit, on peut ajouter :<br />D'où vient-elle ?<br />La Théosophie est l'une des dernières impulsions, je ne dis pas la dernière, qui, les unes après les autres, ont contribué à fonder les grandes religions du monde. Ces impulsions viennent toujours d'une puissante<br />Fraternité d'Instructeurs ayant eux-mêmes fondé des religions sous la haute direction de l'Instructeur suprême qui les dirige, les guide, les inspire ; grandiose Fraternité d'Instructeurs qui, de temps à autre, apparaissent dans le monde pour donner une religion, préparer les bases d'une civilisation, Instructeurs qui se sont manifestés dans le passé et se manifestent encore dans le siècle présent.<br />Toujours et toujours les mêmes choses se répètent, et toute nouvelle civilisation est sans cesse précédée d'une nouvelle impulsion spirituelle.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA FRATERNITÉ DES RELIGIONS</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Cette fois cependant, cette impulsion diffère [304] des autres en ce sens qu'elle ne fonde pas de religion, n'élève aucune barrière, ne fait aucune distinction entre les croyants et les non-croyants, ne fait aucun prosélytisme, son seul but étant d'éclairer. Ainsi que je viens de le dire, la Théosophie s'adresse en messagère de Paix à toutes les religions, ne s'applique pas à écarter de leur foi ceux que la naissance a placés sous l'égide de telle ou telle religion. Aussi son premier travail, en vue de la venue de la prochaine civilisation, consiste-t-il à proclamer La Fraternité des Religions, sans en détruire aucune, sans diminuer la valeur d'aucune d'entre elles, mais en s'efforçant de les rapprocher, de faire cesser la rivalité qui les sépare pour que chaque religion puisse reconnaitre sa parenté avec les autres, toutes devenant ainsi une grande famille dont les membres ne combattront plus entre eux. En outre, elle apporte, à cette fin, la connaissance des faits dont on s'est servi contre la religion alors qu'on devrait s'en servir pour la défendre.<br />Ceux d'entre nous qui sont d'un certain âge peuvent se rappeler que dans les dernières [305] années du XIXe siècle apparut une nouvelle science : la Mythologie comparée. Vous devez vous rappeler comment cette science prit rapidement de l'importance. En fouillant le passé et le présent elle s'efforça de prouver que chaque religion naquit de l'ignorance et ne devint admissible, n'eut de valeur qu'au fur et à mesure qu'elle avança en âge et prit contact avec les peuples cultivés. Elle utilisa les découvertes archéologiques, celles des archéologues, des antiquaires et s'en fit des armes contre la religion dominante, le Christianisme, au moment même où la science était active et puissante. Elle s'empara successivement des doctrines chrétiennes, fit remarquer leurs concordances avec les doctrines d'autres époques, en d'autres civilisations, dans les religions du passé disparues ou non.<br />Elle recueillit les informations contenues dans les tombeaux mis à découvert en Égypte, rassembla les fragments des connaissances égyptiennes inscrites sur le papyrus, – cette feuille posée sur le corps des momies, – et, de tous ces fragments épars, elle composa l'ouvrage connu sous le nom de Livre des Morts. Elle fit de même pour la Chaldée, pour Ninive, pour les copies des temples égyptiens que [306] des fouilles mirent à découvert au fond du Mexique, temples de plusieurs millions d'années plus anciens que ceux des Aztèques qui en chassèrent les adorateurs et détruisirent ces antiques civilisations ; les Aztèques, eux aussi, existaient depuis des millions d'années lorsque Cortez, à la tête des Espagnols, les traita comme ils avaient traité leurs prédécesseurs.<br />La Mythologie comparée retrouve, dans ces temples, des enseignements et des idées analogues à ce qu'elle avait déjà recueilli d'autre part ; il en fut de même lorsqu'elle ouvrit les Écritures Chinoises renfermant d'immémoriales traditions ; de même encore en fut-il pour les Écritures de l'Inde, pour les fragments de la tradition de Zoroastre, pour les livres des nations Bouddhistes, Grecques et Romaines. Collationnant alors tous les témoignages ainsi recueillis, elle en fit donc la Mythologie comparée.<br />Ce fut l'arme la plus dangereuse qui fut jamais dirigée contre le christianisme dogmatique, car cette science était fondée sur des faits vérifiables que nul ne pouvait nier. C'est alors que la Théosophie, qui venait d'apparaitre, eut à intervenir pour témoigner de la vérité [307] des faits, en ajouter de nouveaux, mais, aussi pour faire comprendre qu'au lieu d'une mythologie comparée s'imposait une science des religions comparées, démontrant que tout ce qui a été universellement enseigné est vrai et non pas mensonger, est une réalité et non une illusion. Elle défendit chaque religion en proclamant L'Universalité des croyances religieuses, et fit observer qu'une vérité ne cesse pas d'être vraie sous prétexte qu'elle est ancienne, pas plus qu'une chose fausse ne cesse d'être fausse sous prétexte qu'elle était admise autrefois. Elle justifia la religion en employant les arguments qui servirent à la discréditer, en fit une branche de la Sagesse Antique au lieu d'en faire un produit de l'ignorance épuré par le temps. Elle apporta à cet effet de nombreux arguments sur lesquels je n'ai pas le temps de m'attarder mais que vous pouvez lire dans les livres qui ont été écrits à ce sujet.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>L'UNIVERSALITÉ DES CROYANCES RELIGIEUSES</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Et maintenant, afin d'utiliser les théories de la Théosophie pour l'édification de la Fraternité des Religions, nous proclamons dans tous les pays, chez les peuples de toutes les [308] religions, l'héritage commun, la vérité spirituelle, les doctrines fondamentales que renferme chaque croyance.<br />Quelles sont ces doctrines ?<br />Elles ne sont pas nombreuses mais d'une haute portée. On pourrait les compter sur nos doigts tant le nombre en est peu élevé.<br />La première grande doctrine que toute religion enseigne c'est l'unité de Dieu ; la seconde enseigne que Dieu est triple dans sa manifestation.<br />On parle, en philosophie, de trois qualités, de trois attributs ; en religion on les personnifie et l'on pose une Trinité en trois aspects. Philosophiques, ou personnifiés par la pensée religieuse, vous avez toujours :<br /><strong>La Puissance ou Volonté ;</strong><br /><strong>La Sagesse ;</strong><br /><strong>L'Activité.</strong></p> <p style="text-align: center;">Vous retrouvez ces trois attributs dans la Trinité de toutes les nations, que vous considériez dans le Christianisme, le Père, c'est-à-dire l'incorporation de la puissance, de la volonté ; le Fils, la Sagesse éternelle ; l'Esprit, l'activité créatrice qui construisit l'univers, soit encore que vous considériez l'Indouisme dans lequel l'ordre est toutefois interverti. Vous y rencontrez alors : le Créateur, et son [309] activité ; le Préservateur, manifestation de la Sagesse ; le Régénérateur, manifestation de la Volonté. Je pourrais ainsi prendre toutes les religions, les unes après les autres, celles qui sont disparues comme celles qui existent encore, et je vous montrerais sans cesse cette Trinité. Ces vérités fondamentales sur Dieu sont universelles : Il est Un dans son essence et triple dans sa manifestation.<br />À ces deux vérités s'ajoute celle qui se rattache à cette vaste famille des Fils de Dieu, la grande hiérarchie des intelligences spirituelles ou Archanges, anges, êtres brillants, quels que soient les noms que vous leur donniez, c'est la grandiose cohorte des Fils de Dieu au sein de laquelle l'humanité trouve son propre champ d'évolution.<br />Nous arrivons à cette quatrième grande doctrine : il y a évolution continue de la conscience dans des corps devenant de plus en plus parfaits et permettant aux pouvoirs de la conscience de s'exprimer. Mais ce principe que la science appelle évolution, la religion lui a donné le nom de Réincarnation.<br />C'est grâce à celle-ci que le germe divin [310] devient l'homme divin lorsque l'évolution est complète.<br />Viennent ensuite les mondes dans lesquels cette évolution a lieu : le monde intermédiaire, le monde céleste et celui de la matière. L'homme appartient à tous les mondes et peut se mettre en contact avec tous.<br />Suit une autre grande doctrine, une loi universelle, loi s'appliquant au domaine de l'esprit comme à celui de la matière, et d'après laquelle le caractère se construit comme le monde qui lui est extérieur, loi inchangeable et inviolable que nous pouvons connaitre et utiliser pour nous élever à des idéaux toujours plus nobles.<br />Nous trouvons enfin, pour terminer l'énumération de ces doctrines communes à toutes les religions, cette croyance que des Instructeurs dirigent l'évolution de l'humanité, inspirent les religions et assurent le progrès spirituel de l'homme.<br />Telles sont les vérités universelles, ce sont là les enseignements que toutes les religions ont toujours eus et possèdent encore ; aussi trouvons-nous dans leur unité d'enseignement, la réalité de l'existence de cette Fraternité, réalité sur laquelle nous insistons à chaque [311] instant et partout. À quoi bon dès lors abandonner sa foi pour une autre puisque dans cette autre, vous rencontrez les mêmes vérités malgré les différences de cérémonies et de rites ? Cette Fraternité, plus qu'aucune autre religion, nous permet en outre d'apprécier toutes les religions à leur juste valeur.<br />La lumière solaire se décompose, vous le savez, en sept rayons colorés qui contribuent à la beauté de la nature ; ces rayons peuvent être réfractés d'une certaine manière et recomposer la lumière blanche ; ce phénomène, familier au physicien, peut s'appliquer aux religions :<br />Les grandes vérités, les grandes vertus sont Une, l'éclatante lumière blanche de la vérité est leur source. L'intelligence, en servant de prisme, disperse cette lumière en faisceaux, les religions apparaissent chacune avec leur couleur puis, recombinées en lumière blanche par le prisme de l'Esprit, elles sont ainsi ramenées à leur unité primitive.<br />Si vous examinez les religions, vous ne pouvez qu'aboutir aux mêmes conclusions. Chacune d'elles a sa note particulière et sa couleur qu'elle apporte pour la régénération du monde.<br />Reportez-vous à l'Égypte ancienne, vous [312] trouverez, comme caractéristique de sa religion : la Science. La religion de l'Égypte fut en effet le berceau de la science, science qui, par la suite, se répandit en Europe.<br />Prenez les Indes, dans l'Extrême-Orient, et vous constaterez que la caractéristique de l'Indouisme présente la nature comme étant divine en toutes choses et le sentiment du Devoir comme devant être la loi de tout individu.<br />Prenez la Perse du passé ! Sa note fut la Pureté, pureté de pensée, de parole, d'action.<br />Prenez la Grèce ! Vous la verrez frapper la note de la Beauté, beauté en architecture, en sculpture, en peinture, en philosophie, le Beau étant alors élevé au rang du Vrai et du Divin.<br />À Rome c'est la Loi, la Loi régissant toutes choses.<br />Pour le Christianisme enfin c'est la loi du Sacrifice qui contient les promesses de l'avenir.<br />Dans l'Islamisme c'est une nouvelle proclamation de l'unité divine.<br />Et toutes ces religions, chacune ayant sa propre note, sa propre couleur, réunies ensemble donneront la Lumière blanche de la Vérité ; frappées ensemble elles donneront un accord parfait.<br />Une seule ne vous eût pas permis un pareil [313] accord. La pensée humaine est trop étroite et le cerveau ne peut concevoir ce faisceau de plusieurs rayons colorés recomposés en lumière blanche ; c'est pourquoi chaque religion émit tout d'abord ses caractéristiques, comme s'il avait été nécessaire que la Divinité fût épelée mot à mot, par les religions, chacune d'elles donnant une seule lettre, toutes ces lettres ensemble formant le nom du Seigneur.<br />Si vous envisagez de cette manière la religion, vous devez pouvoir vous rendre compte de sa puissance, voir que sa force tend à l'unité et non à la division, voir que toute religion a quelque chose à apprendre des autres, à donner à chacune une partie des connaissances qui lui sont spéciales, sans penser à s'isoler comme étant la seule vraie. Elle ne rabaisse pas la religion voisine à un niveau inférieur mais la grandit, en en faisant une force d'attraction au lieu d'un élément de dispersion.<br />Le Christ est-Il amoindri sous prétexte qu'Il recommanda : "Aimez vos ennemis" ! précepte que Bouddha avait lui-même proclamé quelque six cents ans auparavant en disant : "La haine ne tue pas la haine ; seul l'amour tue la haine" ? N'est-il pas merveilleux au contraire [314] de voir Bouddha et le Christ annonciateurs de la Loi Une et éternelle, venant, à des époques et en des nations différentes, apporter la même vérité, enseigner la même doctrine ?<br />En s'attachant à tous ces points, – traités naturellement en détails lorsqu'ils font l'objet d'une étude particulière, – la Théosophie prépare cette religion spirituelle commune, cette sagesse divine Une, pour que toutes les religions en arrivent à se considérer comme les branches d'un seul et même arbre.<br />Voilà ce en quoi consistera l'oeuvre de la Théosophie dans la race de demain, c'est là sa mission, et c'est pourquoi il fut dit à ses débuts, qu'elle était destinée à devenir, dans l'humanité, la pierre angulaire de la religion de l'avenir. Cette religion sera cette Fraternité dont j'ai déjà parlé ; toutes les fois religieuses demeureront, car toutes ont leur utilité et leurs caractéristiques spéciales, mais toutes seront ne parce qu'elles enseignent, sous des formes différentes, les mêmes vérités.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA SCIENCE DANS LA CIVILISATION FUTURE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Envisageons maintenant quel sera le rôle de la Théosophie au point de vue de La science dans la civilisation future.<br />La science pénètrera dans les domaines [315] supérieurs ; c'est-à-dire qu'elle se trouvera en présence d'une matière plus subtile que celle dont elle s'est occupée jusqu'à présent. Elle connait la matière physique dans ses formes les plus denses ; elle gravira un échelon de plus. Ici git la difficulté, car toutes les méthodes et les appareils employés jusqu'ici pour l'étude de la matière grossière deviennent inutilisables pour l'étude des mondes supérieurs. Souvent je parle de la matière grossière, mais pensez à la délicatesse des instruments qui furent nécessaires pour l'observer. J'ai reçu tout dernièrement un journal scientifique dans lequel un article relatait la découverte d'un appareil capable de mesurer le quarante-millionième d'une inch 13 et cependant cela n'est qu'une mesure grossière comparativement à la subtilité de la matière des mondes supérieurs que la science de demain étudiera.<br />Quel est, à cet égard, l'apport de la Théosophie ?<br />Elle donne à l'homme actuel la possibilité de hâter son évolution, de connaitre et diriger ces lois de la nature qui n'agissent que très lentement lorsqu'elles ne sont pas guidées par [316] l'intelligence humaine. Elle apporte et proclame, dans le monde entier, un système d'entrainement par lequel l'homme peut rapidement développer les pouvoirs de sa conscience, développer les organes qui le mettent en contact avec cette matière plus subtile des mondes supérieurs où la science pénètrera bientôt et sur le seuil desquels elle se trouve déjà. Elle indique à tous, les moyens d'évoluer les sens subtils, leur montre la route que quelques-uns suivirent dans le passé et que des myriades d'individus suivront dans l'avenir, au prochain stade de l'évolution humaine, alors que l'on entreprendra définitivement l'organisation des corps supérieurs de l'homme.</p> <p style="text-align: center;"><em>13 Mesure anglaise équivalant à 2,5399 cm (NDT).</em></p> <p style="text-align: center;">Voilà ce qu'apporte la Théosophie pour que, par l'évolution des corps l'homme, les mondes subtils puissent devenir sensibles et observables avec autant de précision que les lois qui régissent nos corps physiques actuels nous permettent d'observer les choses qui nous entourent ici-bas.<br />Il y a une vision supérieure à la vision qui s'exerce avec le concours de ces organes évolués depuis la simple cellule pigmentaire.<br />Il y a des oreilles autrement délicates que celles que nous possédons aujourd'hui, si [317] merveilleuse que soit la délicatesse de leur mécanisme ; il y a enfin des organes des sens bien supérieurs à nos sens physiques.<br />Il existe dans le cerveau un organe qui évolue et servira d'intermédiaire entre ces sens subtils des corps supérieurs et le corps grossier qui nous revêt. C'est un organe que beaucoup d'hommes de sciences considèrent comme atrophié, ou s'atrophiant, sous prétexte qu'on le retrouve plus fréquemment, et plus développé, au début de l'évolution plutôt que chez l'homme d'un certain niveau intellectuel et moral. Mais, pour le cas présent, la question de grandeur importe peu ; ce qui importe, c'est la complexité de son organisation interne, et cet organe n'est pas ce que la science appelle : "un vestige du passé" ce qui est vrai dans un certain sens ; bien que rudimentaire actuellement, ce n'en est pas moins un organe de la plus haute importance pour l'avenir.<br />L'expérience nous a d'ailleurs prouvé qu'en soumettant cet organe à des courants vitaux et électriques, les sens supérieurs s'éveillent à la conscience physique, et nous établissons ainsi un pont reliant le monde de la matière physique à celui de la matière astrale. [318]<br />Ces expériences sont maintenant si familières à la plupart d'entre nous, qu'il nous est impossible de croire que cet organe ne sera d'aucune utilité dans l'avenir, alors que nous savons pouvoir le stimuler et contribuer à son organisation pour obtenir cette vision que quelques-uns d'entre nous développent aujourd'hui, et que beaucoup possèderont demain ! Et encore ! Ceux-ci n'auront-ils fait qu'un pas en avant ; d'autres, qui piétinent sur place, peuvent arriver à dépasser bientôt ce degré d'évolution, mais de nombreuses difficultés entrent ici en ligne de compte, surtout pour les nations occidentales, vouées, pour de soi-disant raisons climatériques ou autres, à un régime carné auquel se joint, dans une large mesure, l'absorption de l'alcool.<br />Ni la viande ni l'alcool ne sont des matériaux susceptibles de faire évoluer notre corps, qui, dans la vie ordinaire, doit devenir suffisamment responsif aux vibrations de cette matière Pus subtile dont nous parlions tout à l'heure. Des médecins viennent précisément de découvrir ce que Mme H.-P. Blavatsky écrivait il y a plusieurs années. Ils nous apprennent, en effet, que l'alcool réagit immédiatement sur le corps pituitaire, l'intoxique et y produit une [319] inflammation. Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi l'alcoolisme exagéré conduit à ce que l'on appelle : le délirium trémens, état dans lequel les ivrognes perçoivent des choses que ne voient pas ceux qui les entourent ? La raison en est simple : ils ont intoxiqué l'organe même qui reçoit les vibrations d'autres mondes. Bien que ce qu'ils voient paraisse absolument anormal et irrationnel, ce n'en est pas moins le résultat de l'alcool agissant sur les organes, qui, alors, vibrent sous l'influence du poison au lieu de vibrer sous l'influence de la pensée.<br />Ce que les médecins recommandent maintenant et publient en guise d'avertissement, a toujours été connu dans la science occulte, et a été l'une des conditions nécessaires à l'application de ses méthodes d'entrainement ; il fut toujours interdit de faire usage de l'alcool et cela pour la raison la plus simple. Tant que vous n'employez pas ces méthodes, il importe peu que votre corps soit intoxiqué ou non. On peut vivre longtemps avec un corps intoxiqué, mais dès l'instant où vous voulez contrôler ce corps, le rendre actif, l'imprégner de nouveaux courants de vie et d'énergie, cette vie et cette énergie provoquent alors une [320] inflammation d'une nature incurable, entrainant de cruelles souffrances et des troubles cérébraux. C'est pourquoi ces méthodes n'ont pas été données au public, mais seulement à ceux qui évitent l'alcool. Il est probable que beaucoup d'entre vous s'élèveront contre ces règles et ne seront guère tentés de les suivre. Nous ne vous disons pas : adoptez-les ; nous disons seulement que ces règles sont les conditions essentielles pour obtenir un organisme plus parfait. Les lois naturelles ne changent pas suivant les désirs et les caprices des hommes. Si l'on veut obtenir d'une machine des étincelles électriques, il faut se mettre dans les conditions requises, c'est-à-dire s'entourer d'air sec et non d'air humide. Vous aurez beau dire que l'air sec n'est pas aussi agréable à respirer que l'air humide, si vous ne vous soumettez pas aux lois de la nature, le résultat de vos expériences sera nul. Il en est de même pour toute expérience régie par des lois, et l'on reconnaitra que cela est vrai quand on voudra se livrer à des investigations dans le domaine des phénomènes psychiques, ce dont l'on n'est pas encore convaincu malheureusement.<br />On croit pouvoir établir des lois et obtenir [321] des résultats sans même se conformer à certaines lois. C'est ainsi que, lisant l'autre jour un rapport assez curieux sur des investigations dans la photographie spirite, et voyant que le résultat avait été nul, je ne pus m'empêcher de me demander ce qu'il eût été pour maintes photographies si l'on avait posé comme règle de ne pas mettre un voile noir sur l'appareil et, par-dessus tout de ne pas faire fonctionner cet appareil dans une chambre noire, sous prétexte d'écarter toute chance de supercherie et de fraude.<br />Nous devons admettre que la nature subtile a ses lois tout aussi bien que la nature grossière et que nous ne pouvons, dans ce domaine, obtenir de résultats sans se conformer aux lois qui le régissent, pas plus que vous ne pourrez obtenir une photographie si vos plaques sont exposées à la lumière. Cela étant bien compris, les progrès seront plus rapides.<br />Il s'ensuit donc que, là où ces règles sont posées pour l'organisation des corps subtils, une autre question intervient : il est inutile de développer les corps subtils si la conscience des mondes supérieurs ne se développe pas en même temps ; on n'y arrive que par la méditation intense et régulière. [322]</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LA YOGA ORIENTALE</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />La Théosophie apporte au monde occidental :<br />La Yoga orientale,<br />méthode par laquelle l'homme qui la pratique, peut arriver à diriger et affiner son cerveau sans se rendre malade. C'est là que git la difficulté pour les Occidentaux. Lorsqu'un grand influx, venant des mondes supérieurs, pénètre dans le corps d'un grand saint ou d'un grand génie, il s'ensuit parfois un trouble dans le cerveau ; c'est alors l'hystérie causée par le surmenage de l'instrument. Mais si vous voulez vous rendre propres à recevoir ces grands courants des mondes supérieurs, il faut accorder votre instrument de façon à le rendre responsif aux vibrations plus rapides venant de ces mondes. Vous pouvez faire cela sans aucun danger si vous n'exagérez rien. En consacrant journellement dix minutes ou un quart d'heure à une profonde et attentive concentration de la pensée, vous réussirez graduellement à rendre votre cerveau plus complexe et plus délicat, plus parfait qu'il ne l'est actuellement, car la pensée est vraiment la créatrice du cerveau. De même que par l'exercice, les muscles croissent [323] et se développent, de même le cerveau se perfectionne sous l'influence des hautes pensées. C'est une loi ; la pensée est la force qui rend l'organisme du cerveau plus complet. Le Yogi indou suit cette méthode, et, par une pratique continue, d'année en année, il parvient, en développant le cerveau de la race actuelle, à construire le cerveau de la race future. Il le rend plus sensible, plus subtil, plus vibrant, et cela sans compromettre la santé physique ; c'est une chose que tous, vous pouvez faire si vous agissez avec modération, si vous ne poussez pas la concentration jusqu'au point de sentir la fatigue et une certaine pesanteur dans le cerveau, car ce sont là des avertissements qui vous indiquent que votre travail est trop hâtif, et par conséquent nuisible à votre santé. Au contraire, la méditation et la concentration pratiquées avec modération ne peuvent qu'être bienfaisantes, ne peuvent que rendre le cerveau plus sensitif, tout en le gardant sain et équilibré ; vous ne verrez pas alors se produire ces symptômes hystériques qui ont tant diminué la valeur des enseignements donnés par le voyant et le saint.<br />C'est ainsi que la Théosophie travaille avec la science pour indiquer la voie propre au [324] développement de cette science dans la civilisation future.</p> <p style="text-align: center;"><br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>LE RÔLE DE LA THÉOSOPHIE DANS L'ART</strong></span></p> <p style="text-align: center;"><br />Quel sera dans cette civilisation<br />Le rôle de la Théosophie dans l'art ?<br />Regardez l'influence de votre civilisation actuelle sur la beauté du pays. Allez à Sheffield, ville construite dans ce qui fut l'une des plus charmantes vallées du Midlanshire. En l'approchant, remarquez la beauté de la campagne, les collines si joliment boisées, l'exquise beauté du ruisseau, de la forêt, de la prairie ; tout à coup, sorti de ce délicieux spectacle, vous plongez dans l'horrible laideur de la ville, saturée d'une atmosphère, noire d'épaisse fumée. Pas un arbre ne croit dans ses faubourgs, aucune fleur même n'égaye le seuil des maisons du pauvre. L'atmosphère enraye la végétation, et cela importe peu aux habitants de cette cité ! Et Sheffield n'est pas la seule ville de ce genre Allez à Glasgow, la seconde métropole de l'Écosse, et vous aurez le même spectacle, de même à Birmingham, à Manchester, ces grandes villes qui font la richesse de l'Angleterre. Il me semble, à moi, que la beauté importe plus que vos richesses, et que l'Angleterre [325] jouissait de plus de bonheur et d'une meilleure santé quand elle possédait Moins de millionnaires<br />et aussi moins de rachitiques et de gens difformes dans les bouges de ses grandes villes.<br />Regardez les visages de ces hommes, femmes ou enfants, appartenant aux villes que je viens de citer ; regardez, à Glasgow, les visages des ouvriers rentrant de leur travail. Ils n'ont rien de civilisé, rien d'humain, ils reflètent pour la plupart la bestialité.<br />Oh ! vous qui faites un luxe de la Beauté, voyez l'humanité engendrée par vos villes dont la caractéristique est une repoussante laideur, alors qu'elle devrait être la Beauté que vous avez dédaignée et méprisée.<br />Une fois pour toutes, comprenez enfin la valeur de la Beauté ! Comme la laideur elle façonne les corps à son image ; voilà pourquoi l'on ne rencontre, dans vos cités, qu'une hideuse humanité.<br />La restauration de l'art est une question de vie ou de mort, et non une question de luxe et de jouissance. Des beautés artistiques sont plus nécessaires dans vos villes que des tableaux [326] sur les murs de vos musées. Un petit nombre visite les musées, et des quantités d'hommes, de femmes et d'enfants, vivent dans les villes. Tant que vos cités ne seront pas belles, ainsi qu'elles l'étaient notamment en Grèce, la véritable caractéristique de l'homme civilisé fera défaut dans la civilisation future. La Théosophie recommande d'aimer le Beau, qu'il s'agisse de beauté naturelle ou de celle des doigts habiles et du cerveau imaginatif de l'homme ; la Théosophie veut que le corps humain soit davantage sauvegardé. Aucune nation n'a le droit d'engendrer les corps que nous voyons dans vos Asiles. Ce n'est pas assez de voir, dans les classes riches et élevées, des types d'hommes et de femmes sains, vigoureux et beaux, tous devraient participer aux conditions qui créent la Beauté. L'art ne remplira son devoir qu'autant qu'il fera connaitre à tous le pouvoir de la Beauté et son influence créatrice sur la civilisation ; l'art devrait toujours nous présenter l'idéal dans sa beauté, car c'est l'idéal qui crée le ciel. L'artiste devrait inspirer l'artisan ; tant que celui-ci n'aimera pas son travail, l'art a peu de chance de prospérer parmi vous. L'art n'est plus de l'art lorsqu'il ne représente que des choses laides et [327] vulgaires. Il arrive souvent de voir, sur les murs de vos musées, des tableaux représentant un fromage et un homard, une rangée d'ognons et quelques corps d'oiseaux jetés çà et là pour la beauté de leur plumage. Ce n'est pas là de l'art. L'art doit être beau ; c'est le dégrader que de peindre des objets tels que ceux-là, quelque parfaite qu'en soit la reproduction. "Oh ai-je entendu dire, comme ce fromage est bien fait : on pourrait le couper !" On peut couper du fromage partout, et il n'est pas nécessaire d'aller dans un musée, un soi-disant musée d'art, pour cela. Comparez ces tableaux à ceux des maitres anciens, et vous verrez ce qu'est l'art véritable comparativement à cette parodie actuelle de l'art.<br />Le devoir de la Théosophie est d'infuser dans l'artiste, l'idée de la splendeur de sa mission, la divinité de son pouvoir. Il peut voir ce que nous ne voyons pas, entendre ce que nous n'entendons pas ; qu'il nous fasse entrevoir ce que nous ne pouvons atteindre par nous-mêmes, qu'il soit pour les hommes le Prêtre du Beau. Dès lors la civilisation grandira en beauté, beauté humaine ou beauté des objets ; la Beauté prendra, dans notre civilisation, la place qu'elle occupait dans la Grèce antique. [328]</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Que fera la Théosophie pour la société dans la civilisation future, cette société qui, de nos jours, est un champ de bataille et non un ordre social, une anarchie et non un organisme ? On croit le plus souvent que des modifications seront apportées par des menaces de famine et la peur d'une révolution ; ce n'est pas ainsi que la Théosophie considère l'homme dans lequel elle voit la croissance d'une nature divine et spirituelle. Vous me traiterez de rêveuse peut-être, et cependant ce que je dis est vrai : vous n'édifierez pas la société future par la simple protection du pauvre, mais par l'exemple des classes élevées qui devront sacrifier de leur bienêtre. Je sais que ce n'est pas là l'idée du jour. Je sais que, même parmi ceux qui souffrent, un tel sentiment sera ridiculisé et méprisé, mais ce ne sont pas ceux-là qui pourront établir un système social sage et solide. Pour cela, il faut les meilleurs cerveaux, les meilleurs coeurs ; il faut des loisirs pour penser et élaborer des plans, comme il faut aussi de l'amour pour rendre ce travail effectif.<br />Vous pouvez soulever des émeutes, faire des [329] révolutions, affamer le peuple désespéré, mais rien n'est stable après une révolution. Vous ne devez rien prendre, vous devez donner. L'Esprit vit par le don et connait la joie du sacrifice. Croyez-vous que le sacrifice soit pénible, que le sacrifice implique tristesse ou mélancolie ? Je vous l'affirme ! Aucune joie sur terre n'est comparable à celle du sacrifice de la nature inférieure à la nature supérieure qui ne demande rien pour elle-même. Voilà comment s'effectuera la rédemption sociale si ceux-là mêmes qui sont disposés à le faire donnent et se sacrifient. Le don imposé par la loi ou la force n'est jamais accepté qu'avec ressentiment et violence. La contrainte extérieure n'est accueillie qu'avec répulsion, mais la contrainte intérieure, qui est celle de l'amour, celle que l'on accepte sans violence, se répand comme un fleuve de joie !<br />C'est sur cette base que s'édifiera l'avenir, la civilisation future, ce que je vous ai déjà dit sommairement au début de cette conférence.<br />Dans la classe riche, parmi ceux qui sont favorisés de tous les biens, de la terre, je découvre déjà un sentiment l'inquiétude non pour eux-mêmes, mais pour les autres, pour les pauvres. J'entends ces paroles : "Que pouvons-nous faire pour remédier à la misère ?" Ceux-là [330] souffrent par sympathie et non par contrainte et ce sont eux qui, par leurs efforts, amèneront la rédemption sociale.<br />Cela peut vous paraitre un rêve, rêve bien éloigné, mais l'homme progresse beaucoup plus vite qu'on ne serait tenté de le croire. Rien de trop noble, de trop beau, rien de trop divin que l'homme ne puisse exécuter, car l'homme est un dieu en évolution, quelque lente que soit cette évolution, et le germe de la divinité commence dès maintenant à fleurir dans le coeur de quelques-uns d'entre nous.<br />Là où des êtres comblés par le bonheur souffrent du malheur des autres, abandonnent les distractions du monde pour travailler au bienêtre de la nation ; là où des hommes ne peuvent être véritablement heureux qu'en étant compatissants avec les déshérités, là résident les promesses de l'avenir.<br />Il y a un siècle, de tels cerveaux, de tels coeurs, se rencontraient çà et là, isolés ; un peu plus tard, ils se firent moins rares ; aujourd'hui ils sont des plus nombreux, et on les trouve dans un milieu où l'on n'aurait jamais cru voir ceux qui aspirent à rénover et à modifier l'état social.<br />Seuls croissent en spiritualité ceux que le [331] malheur des autres attriste, ceux pour lesquels un bon repas reste amer tant qu'il y a des affamés, ceux pour qui le luxe est un fardeau tant qu'il existe des hommes qui ne possèdent rien. Oui ! ceux-là édifieront la nouvelle civilisation parce qu'ils sont prêts à sacrifier le bonheur dont ils jouissent pour répandre, autour d'eux, la joie de vivre et la sécurité.</p> <p style="text-align: center;"><br />* * *</p> <p style="text-align: center;"><br />Tel est l'avenir que nous attendons, tel est l'avenir pour lequel nous travaillons proclamant en tous lieux ces paroles :<br />La joie réside dans le fait de donner et non de prendre,<br />proclamant en tous lieux ce verset de l'Évangile :<br />Il est plus doux de donner que de recevoir,<br />proclamant une fois de plus cette antique vérité :<br />Là où la loi du Sacrifice est observée, Religion et Civilisation demeurent !… indestructibles…<br />FIN DU LIVRE</p>